La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/12/2014 | FRANCE | N°13-19478

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 décembre 2014, 13-19478


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 2 janvier 1995 en qualité d'employée administrative par la société CRA Maurice Poulet ayant pour activité le commerce et la réparation de véhicules automobiles ; que cette société sous traitait ses travaux de carrosserie à la société SG3, laquelle lui confiait ses travaux de mécanique ; qu'en janvier 2009, les relations commerciales entre les deux

sociétés ont été rompues à la suite d'un litige relatif à des factures imp...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 2 janvier 1995 en qualité d'employée administrative par la société CRA Maurice Poulet ayant pour activité le commerce et la réparation de véhicules automobiles ; que cette société sous traitait ses travaux de carrosserie à la société SG3, laquelle lui confiait ses travaux de mécanique ; qu'en janvier 2009, les relations commerciales entre les deux sociétés ont été rompues à la suite d'un litige relatif à des factures impayées aboutissant à la saisine du tribunal de commerce ; que par lettre du 7 janvier 2010, la salariée a été licenciée pour faute grave ;
Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la salariée a orienté, en dépit des consignes qui lui avaient été données, certains clients vers une société avec laquelle l'employeur avait cessé toute relation commerciale à la suite d'un litige ayant donné lieu à une instance judiciaire plutôt que vers les sociétés du groupe auquel l'entreprise appartenait, sans qu'il soit possible d'évaluer sérieusement dans quelle mesure cela avait été fait et que la faute ainsi commise n'était pas d'une importance telle que le maintien de la salariée dans l'entreprise était immédiatement impossible ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le fait de détourner la clientèle au profit d'une société concurrente avec laquelle l'employeur était en litige constitue un manquement à l'obligation de loyauté rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 avril 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société CRA Maurice Poulet
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de Mme X... ne reposait pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse, et d'avoir en conséquence condamné la société Cra Maurice Poulet à lui payer les sommes de 2 394 et 239, 40 euros à titre de salaire pour la mise à pied et congés payés afférents, 921, 30 et 92, 13 euros au titre du 13e mois et congés payés afférents, 3 685, 40 et 968, 54 euros à titre de préavis et congés payés afférents, ainsi que la somme de 6 868, 91 euros à titre d'indemnité de licenciement ;
AUX MOTIFS QU'il résulte des dispositions combinées des articles L. 1232-1, L. 1232-6, L. 1234-1 et L. 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis ; QU'après avoir pris la direction générale du groupe, Gérard Z... dit avoir constaté un important dysfonctionnement dans la sous-traitance à la société SG3, caractérisé par ;- un courant d'ordres de réparation trop important en direction de SG3 alors que la carrosserie de La Verpilière n'était pas surchargée,- des incohérences dans les montants facturés en direction des assurances par rapport aux frais de sous-traitance qui, eux, ne concernaient que la main d'oeuvre,- une facturation main d'oeuvre de SG3 supérieure de 42 % aux pratiques normales de la profession,- une validation systématique des travaux et factures SG3 par le personnel CRA,- des relations de " copinage " entre certains personnels de CRA et de SG3, ayant servi à détourner des travaux de CRC vers SG3,- une facturation à perte en direction des assurances, après déduction des frais SG3 et des prix des services, QUE Gérard Z... a acquis la conviction de l'existence d'une " taupe " dans la société ; QUE selon ses dires, Jennifer A..., assistante d'accueil engagée en juin 2009, lui a révélé le 30 novembre 2009 que Valérie X... appelait souvent les dirigeants de la société SG3 pour des devis qu'elle transmettait ensuite aux clients ; QUE Jennifer A... trouvait anormal que sa collègue puisse encore conseiller aux clients de s'adresser à la société SG3 pour les travaux de carrosserie ; QUE l'examen du journal des transmissions du télécopieur a fait apparaître que plusieurs documents avaient été envoyés à cette société ; QUE Jennifer A..., dont les relations avec Valérie X... étaient notoirement mauvaises, n'a pas confirmé par attestation les propos qu'elle avait tenus, selon Adeline B..., dans le cadre de l'entretien préalable à son licenciement ; QU'il n'est pas démontré que seule l'intimée avait accès au télécopieur aux dates et heures des envois ; QUE l'absence de transmission à la société SG3 pendant les congés payés pris par la salariée du 2 au 21 août 2009 n'est pas déterminante, aucune télécopie n'ayant été adressée à cette société du 20 octobre au 2 novembre, période au cours de laquelle la salariée n'a pris qu'un jour de congé, le 30 octobre 2009 ; QUE le silence de Jennifer A... est d'autant plus regrettable que, selon Rocco C..., mécanicien auto, elle aurait été en mesure de confirmer que Valérie X... envoyait à la société SG3 les documents concernant son employeur (avis d'huissier, courriers, etc.) ; OUE l'explication que donne la salariée de l'origine de la relation de sous-traitance a savoir les liens personnels du gérant de la société SG3 et de Didier D..., chef d'atelier de la société CRA Maurice Poulet, est contredite non seulement par ce dernier, mais aussi par Adeline B..., chargée de l'encadrement du personnel administratif ; QUE selon ces deux salariés, la solution consistant à confier à la société SG3 des travaux de carrosserie en sous-traitance avait été proposée par Valérie X... et entérinée par le gérant de l'époque ; QUE le rôle joué alors par la salariée éclaire son comportement de l'année 2009 ; QU'il ressort en effet des attestations communiquées que l'intimée n'a pas tenu compte de la décision que le directeur général avait prise de mettre fin aux relations commerciales qu'entretenaient les deux sociétés ; QUE Rocco C..., salarié de la société Cra Maurice Poulet, certifie qu'il a constaté en début d'année 2009, que Valérie X... continuait de conduire les véhicules chez SG3 et de les ramener ; QUE selon le témoin, ces navettes avaient continué après le retour du chef d'atelier Didier D..., en congé de maladie jusqu'en mars 2009, et ce malgré les remarques de ce dernier ; QUE Rocco C... conclut son attestation en ces termes : " elle était toujours chez SG3, elle déjeunait très souvent le midi avec M, Y... " (gérant de la société SG3) " ; QUE Didier D... continue que Valérie X... cherchait souvent l'occasion de se rendre au garage SG3, ce qui l'avait conduit à lui dire que si elle désirait, elle pouvait se faire embaucher chez eux et éviter ainsi les déplacements ; QUE l'exemple de la réparation du véhicule Peugeot 406 de Luigi C..., père de Rocco C..., est caractéristique du détournement de clientèle auquel Valérie X... s'est livrée ; QU'en effet, Rocco C... ayant demandé à celle-ci comment il fallait procéder pour la réparation, la salariée lui avait répondu qu'on ne l'envoyait pas à La Verpillière (CRC) qui était en surcharge et qu'elle pouvait s'en occuper avec SG3, QU'effectivement, selon Rocco C..., Valérie X... avait conduit la Peugeot 406 au garage SG3 et l'avait ramenée une semaine après ; QUE Valérie X... communique elle-même une facture n° 9 418 établie le 27 juillet 2009 par le garage SG3 pour les travaux de tôlerie et peinture effectués sur le véhicule de Luigi C... ; QUE la production de celle pièce par l'intimée souligne les liens particuliers qu'elle entretenait avec la société SG3 et confirme les dires de Rocco C... quant aux conditions dans lesquelles la voiture a été réparée, QU'il est étrange que Valérie X... y voie la preuve de la poursuite des relations entre la société CRA Maurice Poulet et la société SG3 bien après la date de leur cessation officielle, alors que ces relations se sont poursuivies du fait de la salariée et contre la volonté de Gérard Z... ; QUE pour ce qui concerne les autres griefs visés dans la lettre de licenciement, la société CRA Maurice Poulet ne communique aucune pièce de nature à remettre en cause l'analyse du jugement entrepris dont la cour adopte les motifs ; QU'il résulte des pièces et des débats que dans une mesure qu'il est impossible d'évaluer sérieusement, Valérie X... a orienté certains clients vers la société SG3 plutôt que vers les sociétés du groupe GSM, et ce malgré l'interruption des relations des sociétés CRA Maurice Poulet et SG3 qu'un contentieux opposait devant le tribunal de commerce ; QU'à la thèse de l'appelante selon laquelle l'augmentation importante et durable du chiffre d'affaires après la mise à pied conservatoire de Valérie X... ne peut s'expliquer que par l'arrêt du détournement de clientèle vers SG3, il est possible d'opposer que le chiffre d'affaires de la Sarl SG3 a augmenté de 2, 80 % entre le 31 décembre 2009 et le 31 décembre 2010 malgré la fin de l'apport de clientèle de Valérie X... ; QUE si la faute commise par celle-ci constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement, elle n'avait pas une importance telle que le maintien de l'intéressée dans l'entreprise en était rendu immédiatement impossible ; QUE la faute grave retenue contre Valérie X... sera donc écartée ;
ALORS QUE le manquement d'un salarié à l'obligation de loyauté dont il est tenu envers son employeur constitue une faute grave, rendant impossible le maintien du contrat de travail même pendant la durée du préavis, indépendamment de tout préjudice ; que la cour d'appel, qui a constaté que Mme X... avait « orienté certains clients vers la société SG3 plutôt que vers les sociétés du groupe GSM, et ce malgré l'interruption des relations des sociétés CRA Maurice Poulet et SG3 qu'un contentieux opposait devant le tribunal de commerce », ce qui constituait un manquement de la salariée à son obligation de loyauté, tout en jugeant que le licenciement n'était pas fondé sur une faute grave, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-19478
Date de la décision : 03/12/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 10 avril 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 déc. 2014, pourvoi n°13-19478


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.19478
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award