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02/12/2014 | FRANCE | N°13-11615

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 02 décembre 2014, 13-11615


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 31 octobre 2012), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 11 mai 2010, pourvoi n° 09-66.552), qu'au début de l'année 1990, la société Eta et Co a pris le contrôle de la société Protechnic, avec le concours financier de la caisse de Crédit agricole Alsace-Vosges (la caisse), dépositaire des comptes des deux sociétés ; qu'à la suite de ce rachat, la société Protechnic a consenti à la sociétÃ

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 31 octobre 2012), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 11 mai 2010, pourvoi n° 09-66.552), qu'au début de l'année 1990, la société Eta et Co a pris le contrôle de la société Protechnic, avec le concours financier de la caisse de Crédit agricole Alsace-Vosges (la caisse), dépositaire des comptes des deux sociétés ; qu'à la suite de ce rachat, la société Protechnic a consenti à la société Eta et Co, par virements, plusieurs avances de fonds, en exécution d'une convention de trésorerie ; qu'après que la société Uniexpansion Alsace, filiale de la caisse, eût souscrit, début 1991, pour 4 000 000 francs (609 796,07 euros), à une augmentation du capital de la société Eta et Co dont le déficit cumulé s'élevait au 31 janvier 1990 à 33 452 861 francs (5 099 855,78 euros), trois virements de fonds ont été débités du compte de la société Protechnic en août et novembre 1991 puis en janvier 1992 au profit de la société Eta et Co ; que celle-ci ayant été mise en liquidation judiciaire le 23 novembre 1992, la société Protechnic a déclaré une créance représentant le montant de ses avances et assigné la caisse en responsabilité, lui reprochant d'avoir manqué à son devoir de vigilance ;
Attendu que la société Protechnic fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que n'engage pas sa responsabilité le banquier qui, en l'absence d'anomalies apparentes devant attirer l'attention d'un professionnel normalement vigilant, se borne à exécuter les ordres de virement de son client ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la caisse ne s'était pas bornée à exécuter les ordres de virements litigieux entre les sociétés Protechnic et Eta et Co, la prise de contrôle de Protechnic permettant les virements ayant été réalisée grâce au financement initial quasi exclusif de la caisse ; que la cour d'appel a également constaté que la banque était entrée au capital de la société Eta et Co, via sa filiale Uniexpansion-Alsace, en disposant ainsi de « renseignements sur le situation des sociétés » et en bénéficiant même au moins indirectement du résultat des virements litigieux opérés au détriment de Protechnic ; qu'en déboutant dès lors la société Protechnic de ses demandes, en dépit d'une telle immixtion de la caisse rendant nécessairement apparentes les anomalies en cause, au motif inopérant et erroné que la banque se serait bornée à exécuter les ordres de virement litigieux, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1147 et 1937 du code civil ;
2°/ que la cour d'appel a constaté que la caisse avait la qualité de prêteur des fonds ayant permis la prise de contrôle de la société Protechnic par Eta et Co et s'était s'immiscée dans la gestion de ces sociétés par l'intermédiaire d'une filiale, entrant au capital de la société Eta et Co, maison-mère de Protechnic, destinataire et bénéficiaire des fonds litigieux transférés ; qu'en retenant cependant, pour exclure toute faute de la banque et débouter la société Protechnic de ses demandes, que la caisse « était tenu à un devoir de non-immixtion dans la gestion des sociétés Protechnic et ETA », en postulant ainsi une non-immixtion de la banque, avant de conclure qu'elle n'aurait eu ainsi « aucune raison de s'opposer à l'exécution de ces ordres de virement dont elle n'avait pas à juger de l'opportunité », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquence légales de ses constatations et a violé les articles 1147 et 1937 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève, s'appuyant sur les constatations de l'expert, d'abord, qu'à la date du 6 août 1991, à laquelle le premier virement litigieux a été effectué, la société Protechnic disposait d'un portefeuille de valeurs mobilières de placement acquis en remploi momentané des excédents de trésorerie, le compte étant largement couvert par ces excédents, de sorte que la provision existait, ensuite, que ceux opérés les 7 novembre 1991 et 10 janvier 1992 étaient réguliers, le compte de la société étant suffisamment approvisionné, enfin que les ordres émanaient de personnes habilitées et qu'aucune anomalie apparente n'a été relevée ; qu'il relève que les agissements frauduleux du dirigeant commun aux sociétés Protechnic et Eta et Co ont été révélés par le commissaire aux comptes postérieurement à l'exécution du dernier virement, lequel n'avait auparavant émis aucune observation sur leur fonctionnement ; qu'il retient encore qu'il n'est pas établi que la caisse, même si elle disposait de renseignements sur la situation de ces sociétés, par l'intermédiaire de sa filiale Uniexpansion qui détenait une participation minoritaire dans le capital de la société Eta et Co, en avait eu conscience au moment de l' exécution de ces virements ; que de ces constatations et appréciations, dont résulte l'absence d'anomalies apparentes des virements litigieux pour un professionnel normalement vigilant, la cour d'appel, sans se contredire, a pu déduire que la caisse n'avait pas commis de faute ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Protechnic aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Alsace-Vosges et rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Protechnic.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société Protechnic de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE la société Protechnic fait tout d'abord valoir que le virement réalisé le 6 août 1991 a été effectué à partir d'un compte insuffisamment approvisionné et prétend que la banque a commis une faute en présence d'une anomalie apparente dans le fonctionnement de ce compte ; qu'il ressort cependant du rapport de Monsieur X... que la société Protechnic disposait alors d'un portefeuille de valeurs mobilières de placement acquis en remploi momentané des excédents de trésorerie, de sorte que la provision existait et que le compte courant était largement couvert par ces excédents de trésorerie ; qu'il ajoute sans être contredit que le compte était ainsi de nouveau créditeur dès le 22 août 1991 ; que pareillement les virements opérés le 7 novembre 1991 et le 10 janvier 1992 étaient réguliers, puisque le compte de la société Protechnic était suffisamment approvisionné, que l'ordre de virement émanait d'une personne régulièrement habilitée pour y procéder et qu'aucune anomalie apparente n'a été relevée ; que n'engage pas sa responsabilité le banquier qui, en l'absence d'anomalies apparentes devant attirer l'attention d'un professionnel normalement vigilant, se borne à exécuter les ordres de virement de son client ; que la société Protechnic prétend que la Caisse de Crédit Agricole a manqué à son devoir de vigilance en acceptant d'exécuter les virements litigieux alors que les possibilités de remboursement de la société Eta étaient inexistantes et qu'un préjudice important en résulterait pour la société Protechnic ; qu'elle estime que la banque a donné à Monsieur Y... les moyens de poursuivre ses détournements et en tout cas ne les a pas empêchés ; que les agissements de Monsieur Y... n'ont été mis en évidence qu'à la suite de l'intervention du commissaire aux comptes le 22 juillet 1992 auprès du Parquet et de l'enquête pénale qui s'en est suivie; que, jusqu'à cette date, les rapports du commissaire aux comptes n'avaient émis aucune observation au sujet du fonctionnement des sociétés ; qu'en tout cas il n'est pas démontré que la Caisse de Crédit Agricole a fourni en connaissance de cause à Monsieur Y... les moyens de réaliser les faits délictueux qui ont entraîné sa condamnation ou n'a pas empêché la réalisation du dommage qu'il savait en résulter pour la société Protechnic ; que le fait que la société Uni expansion, filiale de la Caisse de Crédit Agricole, ait été actionnaire minoritaire de la société ETA et disposait de renseignements sur la situation des sociétés ne permet pas de conclure que la banque devait avoir conscience d'un caractère anormal des ordres de virement qui lui étaient transmis ; qu'en effet les ordres de virement ont été signés par la société Protechnic en connaissance de cause de leurs conséquences sur la situation de cette société ; que la Caisse de Crédit Agricole, qui était tenue à un devoir de non-immixtion dans la gestion des sociétés Protechnic et ETA, n'avait alors aucune raison de s'opposer à l'exécution de ces ordres de virement dont elle n'avait pas à juger de l'opportunité ; que la réalité d'une anomalie apparente au jour où ont été exécutés les ordres de virement n'est pas démontrée ; qu'il suit qu'il n'est pas prouvé que la Cuisse de Crédit Agricole ait manqué à son devoir de vigilance ; que le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a mis à la charge de la Caisse de Crédit Agricole une indemnité de 564,061,36 euros ;
1°) ALORS QUE n'engage pas sa responsabilité le banquier qui, en l'absence d'anomalies apparentes devant attirer l'attention d'un professionnel normalement vigilant, se borne à exécuter les ordres de virement de son client ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le Crédit Agricole ne s'était pas borné à exécuter les ordres de virements litigieux entre les sociétés Protechnic et Eta et Co, la prise de contrôle de Protechnic permettant les virements ayant été réalisée grâce au financement initial quasi exclusif du Crédit Agricole ; que la cour d'appel a également constaté que la banque était entrée au capital de la société Eta et Co, via sa filiale Uniexpansion-Alsace, en disposant ainsi de « renseignements sur le situation des sociétés » (arrêt, p.10, §.6) et en bénéficiant même au moins indirectement du résultat des virements litigieux opérés au détriment de Protechnic ; qu'en déboutant dès lors la société Protechnic de ses demandes, en dépit d'une telle immixtion du Crédit Agricole rendant nécessairement apparentes les anomalies en cause, au motif inopérant et erroné que la banque se serait bornée à exécuter les ordres de virement litigieux, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1147 et 1937 du code civil ;
2°) ALORS QUE la cour d'appel a constaté que le Crédit Agricole avait la qualité de prêteur des fonds ayant permis la prise de contrôle de la société Protechnic par Eta et Co et s'était s'immiscé dans la gestion de ces sociétés par l'intermédiaire d'une filiale, entrant au capital de la société Eta et Co, maison mère de Protechnic, destinataire et bénéficiaire des fonds litigieux transférés (cf. notamment arrêt, p.10, §.6) ; qu'en retenant cependant, pour exclure toute faute de la banque et débouter la société Protechnic de ses demandes, que le Crédit Agricole « était tenu à un devoir de non-immixtion dans la gestion des sociétés Protechnic et ETA », en postulant ainsi une non-immixtion de la banque, avant de conclure qu'elle n'aurait eu ainsi « aucune raison de s'opposer à l'exécution de ces ordres de virement dont elle n'avait pas à juger de l'opportunité » (arrêt, p.10, §.7), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquence légales de ses constatations et a violé les articles 1147 et 1937 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-11615
Date de la décision : 02/12/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 31 octobre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 02 déc. 2014, pourvoi n°13-11615


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.11615
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