LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles Lp. 122-6 et Lp. 122-7 du code du travail de Nouvelle-Calédonie, ensemble l'article 76 bis de l'accord interprofessionnel territorial maladies prolongées ou invalidité du 27 juillet 1994 (AIT) ;
Attendu qu'en vertu du premier de ces textes, l'employeur énonce le ou les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement mentionnée à l'article Lp. 122-5 ; que, selon le second, la suspension du contrat de travail n'autorise pas l'employeur à rompre le contrat sauf s'il justifie, soit d'une faute grave du salarié, soit de l'impossibilité où il se trouve, pour un motif extérieur à la cause de la suspension, de maintenir le contrat, soit en cas de maladie excédant une durée fixée par la réglementation ou par voie conventionnelle, de la nécessité qui lui est faite de remplacer le salarié absent ; qu'aux termes de l'alinéa 1er de l'article 76 bis de l'AIT du 27 juillet 1994, la prolongation de l'indisponibilité au-delà d'une période de six mois, due soit à une maladie soit à une invalidité non liée à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, peut entraîner un licenciement du salarié si l'intérêt de l'entreprise le justifie, en particulier lorsque le remplacement du salarié absent est devenu nécessaire en raison de la perturbation apportée à la bonne marche de l'entreprise ; qu'il en résulte que la lettre de licenciement doit énoncer expressément la perturbation dans le fonctionnement de l'entreprise et la nécessité de pourvoir au remplacement du salarié absent, dont le caractère définitif doit être vérifié par les juges du fond ;
Attendu que Mme X..., engagée en février 2002 par la société Maestria Pacifique Coloral devenue la société Maestria Pacifique, en qualité de comptable, a été placée en arrêt de travail à compter du 18 mai 2005 ; qu'à la suite d'une visite médicale effectuée le 31 juillet 2008 par le médecin du service médical interentreprises du travail à la demande de l'employeur, elle a été déclarée inapte temporaire avec une reprise impossible dans les trois mois à venir ; qu'elle a été déclarée invalide catégorie II par la caisse de protection sociale de Nouvelle-Calédonie à compter du 1er novembre 2008 et a été licenciée le 8 octobre 2009 ;
Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts, l'arrêt retient que les conséquences d'une maladie prolongée ou d'absences répétées peuvent être un motif non fautif de licenciement, que la salariée a été successivement mise en arrêt de travail, puis en invalidité, catégorie II, dans un groupe II correspondant aux invalides incapables d'exercer une activité rémunérée, et qu'elle perçoit une pension d'invalidité au taux de 100 %, que les dispositions qu'elle invoque sur la nécessité d'une consultation de la médecine du travail préalablement au licenciement d'un salarié déclaré invalide ne revêtent pas un caractère impératif, qu'aucune reprise du travail n'étant envisageable, le contrat de travail devait nécessairement être rompu, puisque l'on ne saurait exiger d'un employeur qu'il garde dans ses effectifs un salarié dont on sait avec certitude qu'il ne reprendra jamais son travail, ni qu'il justifie de la nécessité de remplacer la salariée, après un arrêt de travail de celle-ci de plus de quatre années ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la lettre de licenciement ne faisait pas état de perturbations apportées au fonctionnement de l'entreprise non plus que de la nécessité de procéder au remplacement définitif de la salariée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et déboute la salariée de sa demande de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 5 juillet 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi de ce chef ;
DIT que le licenciement de Mme X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Renvoie les parties devant la cour d'appel de Nouméa, autrement composée, pour qu'il soit statué sur les conséquences indemnitaires du licenciement ;
Condamne la société Maestria Pacifique aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à Mme X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme Y... épouse X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir dit que le licenciement de Madame Laetitia X... était fondé sur une cause réelle et sérieuse et de l'avoir déboutée en conséquence de sa demande à titre de dommages et intérêts sur ce fondement,
Aux motifs que la lettre de licenciement fixe les limites du litige et doit énoncer de manière suffisamment précise les motifs invoqués par l'employeur ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement en date du 8 octobre 2009 est ainsi libellée : « Suite à l'entretien préalable du 30 septembre 2009, nous vous confirmons la résiliation de votre contrat de travail du fait de votre arrêt de travail en date du 18 mai 2005 et de votre mise en invalidité par la CAFAT à compter du 1er novembre 2008, comme indiqué par le document CAFAT réf. 189.2009-YK du 3 février 2009 que vous nous avez fourni » ; qu'aucun salarié ne peut être sanctionné en raison de son état de santé ; que toutefois, les conséquences d'une maladie prolongée ou d'absences répétées peut sic être un motif non fautif de licenciement ; qu'ainsi, l'article 76 bis de l'AIT dispose, « la prolongation de l'indisponibilité au-delà d'une période de six mois, due soit à une maladie soit à une invalidité non liée à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, peut entraîner un licenciement du salarié si l'intérêt de l'entreprise le justifie en particulier lorsque le remplacement du salarié absent est devenu nécessaire en raison de la perturbation apportée à la bonne marche de l'entreprise » ; qu'en l'occurrence Madame X... était en arrêt de travail depuis le 18 mai 2005 et a été mise en invalidité, catégorie II, par la CAFAT à compter du 1er novembre 2008 ; que le groupe II correspond aux « invalides incapables d'exercer une activité rémunérée » ; qu'il résulte d'ailleurs des éléments du dossier que Madame X... perçoit une pension d'invalidité au taux de 100 % ; que les dispositions invoquées par Madame X... sur la nécessité d'une consultation de la médecine du travail préalablement au licenciement d'un salarié déclaré invalide ne revêtent pas un caractère impératif ; qu'en définitive, aucune reprise du travail n'étant envisageable, le contrat de travail devait nécessairement être rompu, puisqu'on ne saurait exiger d'un employeur qu'il garde dans ses effectifs un salarié dont on sait avec certitude qu'il ne reprendra jamais son travail ; que l'on ne peut pas non plus exiger, dans cette hypothèse, de l'employeur qu'il justifie de la nécessité de remplacer la salariée, après un arrêt de travail de celle-ci de plus de 4 années (52 mois) ; qu'en conséquence, il y a lieu de dire que le licenciement dont a fait l'objet Madame X... repose sur une cause réelle et sérieuse et de débouter Madame X... de sa demande de dommages et intérêts ;
Alors, d'une part, qu'il résulte de l'article L. 1132-1 du Code du travail combiné aux articles Lp. 122-7 du Code du travail de Nouvelle-Calédonie et 76 bis de l'Accord Interprofessionnel Territorial que l'interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap ne s'oppose pas au licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée du salarié ; qu'à cet égard la lettre de licenciement doit énoncer expressément la perturbation dans le fonctionnement de l'entreprise et la nécessité de pourvoir au remplacement du salarié absent, dont le caractère définitif doit être vérifié par les juges du fond ; que pour débouter Madame X... de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que « les conséquences d'une maladie prolongée ou d'absences répétées peu vent être un motif non fautif de licenciement » et « qu'on ne saurait exiger d'un employeur qu'il garde dans ses effectifs un salarié dont on sait avec certitude qu'il ne reprendra jamais son travail », affirmant en outre « que l'on ne peut pas non plus exiger, dans cette hypothèse, de l'employeur qu'il justifie de la nécessité de remplacer la salariée, après un arrêt de travail de celle-ci de plus de 4 années (52 mois) » ; Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la lettre de licenciement visait l'arrêt de travail de la salariée et sa mise en invalidité par la CAFAT, ce dont il résultait que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Alors, d'autre part, en tout état de cause, qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 1132-1, L. 1226-2 et R. 4624-22 du Code du travail qu'est entaché de nullité le licenciement fondé sur la mise en invalidité du salarié sans constatation préalable de son inaptitude par le médecin du travail conformément aux dispositions légales ; qu'en retenant, pour décider que le licenciement de Madame X... était fondé sur une cause réelle et sérieuse, que cette dernière avait « été mise en invalidité, catégorie II, par la CAFAT à compter du 1er novembre 2008, que le groupe II correspond aux invalides incapables d'exercer une activité rémunérée », et que « les dispositions, invoquées par Mme X..., sur la nécessité d'une consultation de la médecine du travail préalablement au licenciement d'un salarié déclaré invalide, ne revêtent pas un caractère impératif », alors qu'il se déduisait de ses propres constatations qu'en l'absence de visite du médecin du travail, le licenciement de la salariée était entaché de nullité, la Cour d'appel a méconnu par refus d'application les dispositions des articles susvisés ;
Alors, enfin, qu'aux termes de l'article L. 1226-2 du Code du travail, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités ; qu'il résulte de ce texte que l'avis d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur de rechercher les possibilités de reclassement par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail au sein de l'entreprise et le cas échéant du groupe auquel elle appartient ; que partant, en retenant « qu'en définitive, aucune reprise du travail n'étant envisageable, le contrat de travail devait nécessairement être rompu, puisque l'on ne saurait exiger d'un employeur qu'il garde dans ses effectifs un salarié dont on sait avec certitude qu'il ne reprendra jamais son travail », alors qu'une recherche de reclassement en tout état de cause s'imposait à l'employeur, la Cour d'appel a statué par des motifs inopérants et privant sa décision de base légale de l'article L. 1226-2 du Code du travail.