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26/11/2014 | FRANCE | N°13-20348

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 novembre 2014, 13-20348


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 avril 2013), que M. X..., engagé par la société B21 Automotive, aux droits de laquelle vient la société Alten, le 9 octobre 2000 en qualité d'ingénieur, a été licencié pour faute grave le 2 mai 2007 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en nullité de son licenciement et en paiement de dommages-intérêts alors, selon le moyen :
1°/ que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne

peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 avril 2013), que M. X..., engagé par la société B21 Automotive, aux droits de laquelle vient la société Alten, le 9 octobre 2000 en qualité d'ingénieur, a été licencié pour faute grave le 2 mai 2007 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en nullité de son licenciement et en paiement de dommages-intérêts alors, selon le moyen :
1°/ que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis ; que la cour d'appel a rejeté la demande de M. X... tendant à voir juger que son licenciement était nul aux motifs que les faits relatés par le salarié dans son courriel du 28 mars 2007 n'étaient pas établis et « qu'en reprochant à son employeur des propos insultants qu'il n'était pas en mesure de justifier et en les diffusant dans la société, Paul X... a émis des critiques excédant l'exercice normal de la liberté d'expression et a commis une faute » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que dans son courriel du 28 mars 2007, le salarié avait relaté des agissements de harcèlement moral qu'il avait subis et que la lettre de licenciement lui en faisait grief, ce dont il résultait que le licenciement était entaché de nullité, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1, L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail (anciennement L. 122-49) ;
2°/ que le salarié avait expressément fait valoir dans ses conclusions que son licenciement était nul car intervenu pour avoir relaté, dans son mail du 28 mars 2007, des agissements de harcèlement moral ; que la cour d'appel ne s'est pas prononcée sur ce point ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans rechercher si le licenciement du salarié était entaché de nullité car intervenu pour avoir relaté, dans son mail du 28 mars 2007, des agissement de harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1, L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail (anciennement L. 122-49) ;
3°/ que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce ; que la cour d'appel a rejeté la demande de M. X... tendant à voir juger que son licenciement était nul aux motifs que les faits relatés par le salarié dans son courriel du 28 mars 2007 n'étaient pas établis ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans caractériser la mauvaise foi laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1, L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail (anciennement L 122-49) ;
4°/ que le salarié a soutenu que le courriel du 28 mars 2007 s'inscrivait dans le cadre de l'exercice de son droit d'expression et d'alerte compte tenu des atteintes aux droits et à la dignité qu'il subissait et des fonctions dont sont investis les délégués du personnel, en se prévalant des dispositions garantissant le droit d'expression, la prohibition du harcèlement, le droit d'alerte et les missions des délégués du personnel ; que la cour d'appel a rejeté ses prétentions aux motifs qu'il « ne démontre pas que son employeur a apporté à ses droits et libertés individuelles des restrictions non justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché » ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans tenir compte du fait que le courriel en cause s'inscrivait dans le cadre de l'exercice de son droit d'expression et d'alerte du salarié compte tenu des atteintes aux droits et à la dignité qu'il subissait et des fonctions dont sont investis les délégués du personnel, la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1, L. 1152-2, L. 2313-2, L. 2281-3 du code du travail, ensemble les articles 4, 5 et 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, les articles 5 et 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
5°/ que le salarié s'était prévalu de son état de santé et du comportement discriminatoire de l'employeur ; que la cour d'appel a rejeté ses demandes aux motifs qu'il « n'a pas davantage apporté la preuve qu'il a été l'objet d'une discrimination dont il n'a d'ailleurs pas précisé la nature » ; qu'en statuant comme elle l'a fait alors d'une part que le salarié s'était prévalu de son état de santé et d'autre part que la charge de la preuve de la discrimination n'incombait pas au salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1132-3, L. 1132-4 et L. 1134-1 du code du travail ;
6°/ que le salarié ne peut être été licencié pour avoir relaté des faits de discrimination ; qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que dans son courriel du 28 mars 2007, le salarié avait relaté des agissements de discrimination qu'il avait subis et que la lettre de licenciement lui en faisait grief, ce dont il résultait que le licenciement était entaché de nullité, la cour d'appel a violé les articles L. 1132- 2 et L. 1132-4 du code du travail ;
Mais attendu que c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel, qui a constaté que la lettre de licenciement reprochait au salarié, non pas une dénonciation par lui d'agissements de harcèlement moral, mais d'avoir adressé au président directeur général de la société le 28 mars 2007 et diffusé à l'ensemble du service des ressources humaines et aux délégués du personnel un courrier électronique excédant un exercice normal de la liberté d'expression, d'avoir porté à son encontre des accusations de racisme et manifesté à plusieurs reprises son intention de refuser les missions de validation, a, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, retenu que si ces deux derniers griefs n'étaient pas établis, le licenciement du salarié était néanmoins justifié par les propos insultants prêtés au dirigeant et relatés par le salarié dans le courrier électronique du 28 mars 2007 diffusé dans l'entreprise ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter de ses demandes indemnitaires alors, selon le moyen :
1°/ que lorsque l'employeur fonde le licenciement sur une faute grave, la charge de la preuve lui incombe exclusivement et le salarié n'a rien à démontrer ; que la cour d'appel a considéré que le salarié avait commis une faute dans la mesure où il avait reproché à l'employeur des propos insultants qu'il n'était pas en mesure de justifier ; qu'en statuant comme elle l'a fait alors que le licenciement avait été prononcé pour faute grave et que le salarié n'avait rien à démontrer, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
2°/ que les salariés jouissent, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de leur liberté d'expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ; que dans son courriel du 28 mars 2007, le salarié a légitimement réagi aux agressions dont il était l'objet en limitant la diffusion de son courrier aux personnes assurant la gestion de son contrat de travail et aux délégués du personnel dans le cadre de leur mission d'alerte ; qu'en considérant néanmoins que le salarié avait commis une faute, la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1 et L. 1235-1 du code du travail ;
3°/ que l'employeur ne peut se prévaloir de sa propre turpitude et ne peut reprocher au salarié un comportement qu'il a lui même provoqué en manquant à ses propres obligations ; que le salarié a soutenu que l'employeur avait manqué à ses obligations en matière de protection de sa santé et avait provoqué la réaction du salarié, malade, dépressif et fragilisé en le soumettant à deux entretiens éprouvants sans qu'il puisse bénéficier de la moindre assistance ; qu'en statuant sans se prononcer sur les contestations du salarié qui soutenait que l'employeur avait failli à ses obligations et avait provoqué la réaction du salarié fragilisé par la dégradation de son état de santé, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 4121-1, L. 4121-2, L. 1221-1 et L. 1235-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'effectuant la recherche prétendument omise, et sans inverser la charge de la preuve, la cour d'appel a, par motifs propres et adoptés, relevé que dans un courrier électronique adressé à son employeur et diffusé dans l'entreprise, le salarié avait prêté à ce dernier des propos insultants dont il n'est pas justifié qu'ils avaient été tenus ; qu'elle a pu en déduire que le salarié avait ainsi abusé de sa liberté d'expression et, exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, a décidé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les demandes de Monsieur Paul X... tendant à voir juger que son licenciement était nul et obtenir le paiement de la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QU'il ressort des entretiens annuels d'évaluation en 2003, 2004, et 2006 ainsi que des attestations versées au dossier que Paul X... était considéré depuis son engagement comme un bon ingénieur, apprécié par ses collègues et par les clients de la société B2I ; néanmoins, dès 2003, il a émis le souhait que son employeur lui confie moins de missions de validation au profit de missions plus créatives ; par la suite, il a sollicité sa mutation pour un poste qui serait basé dans la région de TOULOUSE et a fait état de l'insuffisance de sa rémunération ; des difficultés sont apparues de septembre à décembre 2006 à l'occasion d'une mission chez le fournisseur automobile BOSCH au cours de laquelle une mésentente est apparue avec son collègue Thierry Y... ; dans le même temps, il n'a pas fourni une réponse satisfaisante à la direction de la société B2I qui l'interrogeait sur les motifs du dépassement du budget de la formation qu'il avait été autorisé à suivre dans la limite de 960 € HT ; enfin, son état de santé ayant conduit le médecin du travail à émettre sur son aptitude une réserve limitant son temps de transport du domicile à son lieu de travail, il a accepté, le 1er février 2007, sans alerter son employeur, une mission au sein de la SAGEM dans le Val-d'Oise qui exigeait des déplacements excédant les recommandations du médecin du travail ; il s'est plaint, par ailleurs, de ce que son employeur ne prenait pas en considération son état de santé lors de l'attribution de missions comportant des déplacements importants ; c'est dans ces circonstances qu'il a été reçu le 13 mars, puis le 27 mars 2007 par Michel Z..., président-directeur général de la société ; le 28 mars 2007, il a adressé à ce dernier un long courriel mentionnant en objet : « Récapitulatif de l'entretien du mardi 13 mars 2007, à 16h30 » qu'il a envoyé en copie aux " RH " et aux " Délégués " comportant notamment les remarques suivantes : « (vu le peu d'intérêt de l'entretien du 27 mars hormis celui de me détruire un peu plus et de chercher à m'intimider par les injures et le blasphème), je vous invite à réitérer cet entretien... - Vous m'avez rétorqué avec condescendance qu'il n'y a que des gens comme vous (moi) pour s'adresser à des centres comme ceux-là qui prennent B2i pour une "petite société d'artisants de peintres en bâtiment ", en mimant avec moquerie et mépris un faut et fort accent étranger d'un responsable de ce type d'entreprise - Vous m'avez crié que vous trouviez " scandaleux " " l'arrangement " de mes temps de transport par le médecin du travail " suffisamment con "pour s'être occupé de moi, en déclarant que pour aller voir un médecin du travail de son plein grès, c'est évidemment dans le but de se retourner contre son entreprise. Je vous ai rappelé que je suis tombé malade dans un contexte professionnel, - Vous avez répondu qu'il était scandaleux de tomber malade, en me traitant de "petit malin et profiteur des moindres ficelles du système ". - Vous m'avez aussi accusé d'avoir "déblatéré sur la société " auprès de mes collègues de bureau, ce que j'ai pu contesté fermement. - Vous avez exprimé, " scandalisé ", votre colère sur mon état de service à B2i, en m'affirmant que vous étiez " très mécontent de moi " - Je vous ai alors demandé ce que vous pensiez d'un " licenciement à l'amiable ".- Vous m'avez répondu que " le licenciement à l'amiable n'existe pas. Il n'y a que licenciement pour faute ". En ce qui concerne l'entretien précipité et musclé du mardi 27 mars 2007 : - Vous m'avez fait convoquer par Cécile A... et Rémi B.... Cécile aura pu assister à ce monologue d'injures à mon égard. - Vous m'informez que vous décidez de " m'isoler " dans le bureau à l'étage, pour être surveillé plus facilement, comme un " truand " (terme que vous me crachez délibérément au visage), et pour m'éloigner de mes collègues de bureau. - Vous m'avez traité de " menteur ", de "petit malin " et " d'escroc ", emporté dans une violence verbale furieuse. - Devant cette agression verbale et provocatrice, que toutes les personnes de l'étage ont pu entendre sans difficulté, j'ai eu beau protester et dénoncer vos insultes devant Cécile A..., votre désir d'humiliation et de brimade a continué pendant plusieurs minutes. - Vous m'avez à nouveau accusé d'avoir bafoué l'image de B2i devant les stagiaires Julien et Maria, du même bureau que moi, en affirmant avoir "enregistré" la conversation et en avoir des preuves. - Vous affirmez m'avoir entendu dire que "B2i est une boîte de cons et je ferai tout pour les faire chier jusqu 'à ce qu'ils me virent ", ce que je conteste autant que vous me laissez peu m'exprimer et me défendre, me traitant à nouveau de "menteur ", "d'escroc "...Apparemment, vous cherchez à m'accabler le plus possible pour me décourager d'intenter quoi que ce soit et accepter vos conditions de licenciement. Tant que voaus adopterez cette attitude, cela bloquera toute négociation » ; aux termes de sa lettre de licenciement pour faute grave du 30 avril 2007, la société B2I reproche à Paul X... le courrier électronique excédant un exercice norml de la liberté d'expression qu'il a adressé au président directeur général le 28 mars 2007 et diffusé à l'ensemble du service des ressources humaines et aux délégués du personnel, ses intentions malveillantes manifestées par les accusations de racisme qu'il a portées à son encontre et les propos injurieux qu'il lui prête à l'égard du médecin du travail, ainsi que son intention manifestée à plusieurs reprises de ne plus accepter des missions de validation ; ce dernier grief n'est pas justifié par les pièces versées au dossier ; en effet, si Paul X... a répété, notamment dans un courriel 1er février 2007 et lors de l'entretien annuel d'évaluation du 29 mars 2007, qu'il était " dégoûté " de l'activité de validation en industrie et aspirait à travailler dans le domaine de la conception et du développement IHM, il n'est pas établi qu'il a annoncé son intention de refuser les missions de validation ; par ailleurs, s'il a fait état dans son courriel du 28 mars 2007 de la moquerie et du mépris du PDG de la société à l'égard des artisans peintres en bâtiment, il ne l'a pas accusé de racisme ; cependant pour le surplus, les propos qu'il a relatés dans ce courriel, qu'il a prêtés au dirigeant, qu'il a diffusés dans l'entreprise ne sont pas justifiés ; aucun salarié ne les a confirmés, et Cécile A..., directrice des ressources humaines, présente lors de l'entretien du 27 mars 2007, a attesté qu'à cette date, le PDG n'avait proféré aucune insulte et que ses paroles étaient restées d'ordre strictement professionnel ; l'appelant ne démontre pas que son employeur a apporté à ses droits et libertés individuelles des restrictions non justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; il n'a pas davantage apporté la preuve qu'il a été l'objet d'une discrimination dont il n'a d'ailleurs pas précisé la nature ; en reprochant à son employeur des propos insultants qu'il n'était pas en mesure de justifier et en les diffusant dans la société, Paul X... a émis des critiques excédant l'exercice normal de la liberté d'expression et a commis une faute rendant impossible, sans préjudice pour l'entreprise, la poursuite de la relation de travail, et autorisant l'employeur à prononcer son licenciement ; toutefois, en considération de l'ancienneté du salarié et de l'absence de sanctions ou d'observations à son égard tout au long de son parcours au sein de l'entreprise, il apparaît que la faute commise ne revêtait pas une gravité justifiant la rupture immédiate du contrat de travail, sans préavis ni indemnité de licenciement ; c'est donc à raison que le conseil de prud'hommes a considéré que le licenciement reposait, non sur une cause grave, mais sur une cause réelle et sérieuse ;
Et AUX MOTIFS partiellement adoptés QU'en droit : il incombe à chaque partie de prouver, conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention (art 9 du NCPC) ; la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis (Cas. Sociales des 26/02/1991 et 07/03/1991) ; par ailleurs l'employeur qui invoque la faute grave doit en apporter la preuve (Cas. Sociale du 08/01/1998) ; enfin, pour être réelle, la cause du licenciement doit être établie et exacte ; son caractère sérieux s'apprécie au regard de la pertinence et de la gravité des griefs articulés pour justifier le licenciement ; les articles L.2281 1 - L.2281-2 et L.2281-3 du Code du Travail précisent « Les salariés bénéficient d'un droit à l'expression directe et collective sur le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation de leur travail. L'expression directe et collective des salariés a pour objet de définir les actions à mettre en oeuvre pour améliorer leurs conditions de travail, l'organisation de l'activité et la qualité de la production dans l'unité de travail à laquelle ils appartiennent et dans l'entreprise. Les opinions que les salariés, quelle que soit leur place dans la hiérarchie professionnelle, émettent dans l'exercice du droit d'expression ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement » ; en l'espèce : il en résulte du débat contradictoire et des pièces versées aux dossiers : durant un peu plus de 5 ans les relations de travail entre les parties semblent s'être déroulées normalement ; le désintérêt du travail pour M. X... semble être apparu à partir du mois de février 2006, période d'inter contrats, où ce dernier s'est vu attribuer de petits projets de programmation au Bureau d'Etudes ; la mission BOSCH (de septembre à Décembre 2006) a été écourtée, celle-ci s'étant mal passée à cause d'une altercation entre le demandeur et le Chef de l'équipe de B2i opérant chez BOSCH ; il semblerait que les problèmes de santé de M. X... remontent à cette période ; le ler/02/2007 M. X... adressait à l'ensemble des Commerciaux, au Président, au Responsable des Ressources Humaines ainsi qu'à des Chefs de Services Techniques de la société l'Email suivant « (...) Cette dermère mission a fini par me dégoûter de l'activité de validation en industrie que je trouve valorisante ni pour l'ingénieur prestataire que je suis (aucune réconnaissance ou évolution de travail, ni du salaire, malgré le sacrifice énorme de compétence et de savoir qui s'égrainent indéniablement en restant trop longtemps en validation - ni pour l'image d'une société d'ingénierie qui peut finir pour passer, selon moi, de façon trop réductrice, commue une société spécialisée en validation. J'envisage donc de suivre une formation dans l'infographie ou webmaster afin d'étendre le plus possible mes connaissances dans ce domaine dont l'aspect si créatif m'attire tant et à travers lequel je peux enfin trouver un équilibre prospère (...) » - le même jour le demandeur était reçu à sa demande par la Médecine du Travail qui émettait l'avis suivant : « Apte à la reprise avec aménagement de poste pendant 3 mois : limiter le temps de transport Domicile/Travail à 30 minutes ¿ A revoir dans 3 mois » ; l'employeur qui n'avait pas encore eu connaissance de cette information lui confiait une mission chez SAGEM correspondant à ses aspirations ; ce dernier l'a acceptée sans réserve, pourtant il n'ignorait pas qu'elle était en contradiction avec la restriction émise par le médecin ; dès que la société a eu connaissance de l'avis médical le 2/02/2007 à 13 h elle mettait fin à sa mission et le faisait ramener en voiture au siège par le Chef de Projet ; le 19/02/2007, son Chef de Service M. B... faisait avec lui le bilan de son activité ; il lui reprochait de ne plus s'investir sérieusement ; il estimait que ce comportement constaté depuis quelques mois expliquait les mauvais résultats obtenus sur les dernières missions qui lui étaient confiées ; il lui demandait enfin de faire un choix de métier chez B2I qui tienne compte de la réalité puisqu'il exprimait son dégoût pour l'activité « validation » ; c'est dans ce contexte que les entretiens des 13 et 27 mars se sont tenus à la demande de M. Z..., le Dirigeant de l'Entreprise ; entretiens qui s'inscrivaient dans le cadre normal du fonctionnement de l'entreprise (et en aucun cas dans le cadre d'entretiens préalables àsanction) ; l'émail du 28/03/2007 de M. X..., intitulé « Récapitulatif de l'entretien du 13 mars 2007 à 16 h30 » adressé au Président de la société, et qui relate également l'entretien du 27/03/2007, contient des propos démesurés, malveillants et inacceptables d'autant que ce document a également été adressé à la RH et à l'ensemble des délégués du Personnel ; Mme A... la RH, qui a assisté à l'entretien musclé du 27/03/2007, atteste « (...) Si au cours de cet entretien plusieurs points importants de désaccord ont été évoqués, les termes employés par M. Michel Z... sont restés d'un ordre strictement professionnel. J'atteste formellement qu'aucune insulte n'a été proférée à l'encontre de M. Paul X... » ; en conséquence, le Conseil estime : - que l'intention manifestée par M. X... à plusieurs reprises de « dégoût de l'activité de validation qu'il ne trouve pas valorisante » est provocatrice s'agissant de l'activité essentielle de la société ; - que les propos contenus dans l'Email de M. X... du 28/03/2007, adressé au Président de la société, à la DRH et à l'ensemble des délégués du Personnel, ne s'inscrivent pas dans le cadre du droit d'expression des salariés tel que prévu par la loi ; d'ailleurs, les Délégués du Personnel n'ont pas réagi dans cette affaire, estimant vraisemblablement que les faits relatés n'entraient pas dans le cadre de leur mission ; - qu'en admettant même que les entretiens des 13 et 27 mars 2007 aient pu déstabiliser le salarié qui se trouvait déjà fragilisé du fait de son état, il s'agit de propos malveillants et non nuancés d'un ingénieur à son employeur qui ne pouvaient que provoquer la rupture du contrat de travail ; compte tenu des éléments relatés ci-dessus, le Conseil se prononce pour un licenciement ayant une cause réelle et sérieuse ;
ALORS QUE le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis ; que la cour d'appel a rejeté la demande de Monsieur Paul X... tendant à voir juger que son licenciement était nul aux motifs que les faits relatés par le salarié dans son courriel du 28 mars 2007 n'étaient pas établis et « qu'en reprochant à son employeur des propos insultants qu'il n'était pas en mesure de justifier et en les diffusant dans la société, Paul X... a émis des critiques excédant l'exercice normal de la liberté d'expression et a commis une faute » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que dans son courriel du 28 mars 2007, le salarié avait relaté des agissements de harcèlement moral qu'il avait subis et que la lettre de licenciement lui en faisait grief, ce dont il résultait que le licenciement était entaché de nullité, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1, L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail (anciennement L. 122-49);
ALORS subsidiairement QUE le salarié avait expressément fait valoir dans ses conclusions que son licenciement était nul car intervenu pour avoir relaté, dans son mail du 28 mars 2007, des agissements de harcèlement moral ; que la cour d'appel ne s'est pas prononcée sur ce point ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans rechercher si le licenciement du salarié était entaché de nullité car intervenu pour avoir relaté, dans son mail du 28 mars 2007, des agissement de harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1152-1, L 1152-2 et L 1152-3 du code du travail (anciennement L 122-49);
Et ALORS QUE le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce ; que la cour d'appel a rejeté la demande de Monsieur Paul X... tendant à voir juger que son licenciement était nul aux motifs que les faits relatés par le salarié dans son courriel du mars 2007 n'étaient pas établis ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans caractériser la mauvaise foi laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce, la cour d'appel a violé les articles L 1152-1, L 1152-2 et L 1152-3 du code du travail (anciennement L 122-49) ;
ALORS, en outre, QUE le salarié a soutenu que le courriel du 28 mars 2007 s'inscrivait dans le cadre de l'exercice de son droit d'expression et d'alerte compte tenu des atteintes aux droits et à la dignité qu'il subissait et des fonctions dont sont investis les délégués du personnel, en se prévalant des dispositions garantissant le droit d'expression, la prohibition du harcèlement, le droit d'alerte et les missions des délégués du personnel ; que la cour d'appel a rejeté ses prétentions aux motifs qu'il « ne démontre pas que son employeur a apporté à ses droits et libertés individuelles des restrictions non justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché » ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans tenir compte du fait que le courriel en cause s'inscrivait dans le cadre de l'exercice de son droit d'expression et d'alerte du salarié compte tenu des atteintes aux droits et à la dignité qu'il subissait et des fonctions dont sont investis les délégués du personnel, la cour d'appel a violé les articles L 1121-1, L 1152-2, L 2313-2, L 2281-3 du code du travail, ensemble les articles 4, 5 et 10 de la Déclaration des Droits de l'homme et du Citoyen de 1789, les articles 5 et 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Et ALORS QUE le salarié s'était prévalu de son état de santé et du comportement discriminatoire de l'employeur ; que la cour d'appel a rejeté ses demandes aux motifs qu'il « n'a pas davantage apporté la preuve qu'il a été l'objet d'une discrimination dont il n'a d'ailleurs pas précisé la nature » ; qu'en statuant comme elle l'a fait alors d'une part que le salarié s'était prévalu de son état de santé et d'autre part que la charge de la preuve de la discrimination n'incombait pas au salarié, la cour d'appel a violé les articles L 1132-1, L 1132-3, L 1132-4 et L 1134-1 du code du travail ;
ALORS enfin QUE le salarié ne peut être été licencié pour avoir relaté des faits de discrimination ; qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que dans son courriel du 28 mars 2007, le salarié avait relaté des agissements de discrimination qu'il avait subis et que la lettre de licenciement lui en faisait grief, ce dont il résultait que le licenciement était entaché de nullité, la cour d'appel a violé les articles L 1132- 2 et L 1132-4 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les demandes de Monsieur Paul X... tendant à voir juger que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement de la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS propres et adoptés visés dans le premier moyen ;
ALORS QUE lorsque l'employeur fonde le licenciement sur une faute grave, la charge de la preuve lui incombe exclusivement et le salarié n'a rien à démontrer ; que la cour d'appel a considéré que le salarié avait commis une faute dans la mesure où il avait reproché à l'employeur des propos insultants qu'il n'était pas en mesure de justifier ; qu'en statuant comme elle l'a fait alors que le licenciement avait été prononcé pour faute grave et que le salarié n'avait rien à démontrer, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
Et ALORS QUE les salariés jouissent, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de leur liberté d'expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ; que dans son courriel du 28 mars 2007, le salarié a légitimement réagi aux agressions dont il était l'objet en limitant la diffusion de son courrier aux personnes assurant la gestion de son contrat de travail et aux délégués du personnel dans le cadre de leur mission d'alerte ; qu'en considérant néanmons que le salarié avait commis une faute, la cour d'appel a violé les articles L 1121-1 et L 1235-1 du code du travail ;
Et ALORS enfin QUE l'employeur ne peut se prévaloir de sa propre turpitude et ne peut reprocher au salarié un comportement qu'il a lui même provoqué en manquant à ses propres obligations ; que le salarié a soutenu que l'employeur avait manqué à ses obligations en matière de protection de sa santé et avait provoqué la réaction du salarié, malade, dépressif et fragilisé en le soumettant à deux entretiens éprouvants sans qu'il puisse bénéficier de la moindre assistance ; qu'en statuant sans se prononcer sur les contestations du salarié qui soutenait que l'employeur avait failli à ses obligations et avait provoqué la réaction du salarié fragilisé par la dégradation de son état de santé, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L 4121-1, L 4121-2, L 1221-1 et L 1235-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-20348
Date de la décision : 26/11/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 25 avril 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 nov. 2014, pourvoi n°13-20348


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.20348
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