LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme Augustine X..., épouse Y..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de NOUMÉA, chambre correctionnelle, en date du 13 novembre 2012, qui, dans la procédure suivie contre M. Glen Z... du chef de destruction par incendie, s'est déclarée incompétente pour prononcer sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 15 octobre 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Carbonaro, conseiller rapporteur, M. Foulquié, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CARBONARO, les observations de la société civile professionnelle MEIER-BOURDEAU et LÉCUYER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LE BAUT ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 2, 3, 381, 385-2, 591 et 593 du code de procédure pénale, L. 562-3 du code de l'organisation judiciaire, des articles 7, 9, 19 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré la juridiction pénale incompétente pour statuer sur les demandes indemnitaires présentées par Mme X..., veuve Y... ;
"aux motifs que ainsi que l'a retenu le premier juge, aux termes des dispositions de l'article 2, alinéa 1, du code de procédure pénale « l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction » ; que Mme X..., veuve Y..., ayant subi un dommage directement lié à l'infraction commise par M. Z... sa constitution de partie civile est recevable (¿) ; qu'il est constant que Mme X... veuve Y... a renoncé à son statut coutumier, ce qu'a constaté le tribunal civil de Nouméa, par jugement du 08 juin 2012 ; qu'elle était donc de statut de droit commun au moment où la juridiction pénale a statué ; que toutefois, elle était encore de statut coutumier au moment de la commission des faits, tout comme M. Z... ; qu'ainsi, se prévalant de son appartenance au statut de droit commun, au jour où la juridiction statuait, elle considère devoir bénéficier des dispositions de l'article 3 du code de procédure pénale aux termes desquelles « l'action civile peut-être exercée en même temps que l'action publique et devant la même juridiction. Elle sera recevable pour tous chefs de dommages, aussi bien matériels que corporels ou moraux, qui découleront des faits objets de la poursuite », en contestant l'applicabilité au cas d'espèce des dispositions de l'article 7 de la loi organique du 19 mars 1999 qui précise que « les personnes de statut civil coutumier kanak sont régies, pour l'ensemble du droit civil, par leur coutume » (Cour de cassation avis n °05/11 du 16 décembre 2005) ; que, pour contester la compétence de la formation juridictionnelle avec assesseurs coutumiers visée à l'article 19 de la loi organique du 19 mars 1999, Mme X... veuve Y... soutient qu'à la date où les faits sont jugés, et sa demande de réparation examinée, la seule loi civile applicable est la règle de droit commun et non la règle coutumière ; qu'il convient, d'abord de rappeler au regard de la jurisprudence locale, et nonobstant le droit, pour toute personne de statut civil coutumier kanak, d'abandonner son statut naissance au profit du statut de droit commun que le changement de statut personnel postérieurement à la formation du contrat n'a pas pour effet de soumettre le litige à une loi différente de celle qui a régi les rapports juridiques noués avant ledit changement de statut ; qu'ainsi, en matière contractuelle c'est la loi, sous l'empire de laquelle a été contractée l'obligation, qui régit toujours les rapports juridiques des parties en dépit des modifications statutaires postérieures comme l'illustre en matière de « dissolution de l'union coutumière » le rappel que la règle applicable est celle qui régit la formation de l'union quand bien même l'un des époux aurait entre-temps changé de statut personnel (CA Nouméa, 27 août 1990. arrêt n° 189, Hmeun el Rokuad) ; que, de même, en matière de responsabilité extra-contractuelle, la règle applicable au litige, laquelle est déterminée dans une certaine mesure par le statut personnel des parties, à savoir la règle qui régit la créance de réparation dont se prévaut la victime du dommage, ne varie pas au gré des changements de statut personnel, mais est déterminée par le statut personnel des parties à la date à laquelle a pris naissance le droit à réparation de la victime ; qu'il s'agit donc de déterminer à quelle date a pris naissance le droit à réparation de la victime pour déterminer la règle de droit applicable ; qu'il s'agit, en d'autres termes, de déterminer si le jugement qui alloue la réparation a un effet déclaratif ou un effet constitutif ; que la jurisprudence considère en faveur du caractère purement déclaratif du jugement de condamnation, que c'est le fait de la réalisation du dommage qui constitue la victime créancière d'un droit à réparation, même si la créance n'est pas encore liquide (¿) ; qu'ainsi se trouve confirmé le principe de l'effet déclaratif du jugement qui alloue la réparation ; (¿) qu'ainsi, l'effet déclaratif du jugement allouant la réparation, affirmé par la jurisprudence de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, conduit à soumettre la réparation du dommage à la règle de droit applicable au moment de la commission du fait générateur du dommage, et non à la date où la créance de réparation est liquidée ; qu'en l'espèce, étant rappelé qu'à l'époque où a pris naissance le droit à réparation de la victime (à la date de commission de l'infraction), la victime comme l'auteur des faits étaient, tous deux, de statut coutumier kanak, c'est au regard des règles du droit coutumier, qui appellent la compétence de la formation juridictionnelle avec assesseurs coutumiers qu'il devait être statué sur la demande en réparation de son préjudice présentée par Mme X..., veuve Y... ; qu'au surplus, cette solution est cohérente avec le fait que la déclaration d'abandon du statut de droit coutumier au profit du statut de droit commun ne rétroagit pas, et ne produit effet que pour l'avenir ; qu'à défaut, la solution inverse engendrerait une situation d'insécurité juridique pour les tiers en soumettant à la seule volonté unilatérale du déclarant la possibilité de modifier le fondement juridique des relations nouées avec les tiers antérieurement à la déclaration de renonciation au statut coutumier ;
"alors que la renonciation au statut civil coutumier au profit du statut civil de droit commun prend effet immédiatement ; qu'il s'ensuit que la juridiction civile de droit commun complétée par des assesseurs coutumiers, seule compétente pour connaître des litiges dans lesquels toutes les parties sont de statut civil coutumier kanak, cesse d'être exclusivement compétente pour connaître de la demande d'indemnisation formée par la victime d'une infraction contre son auteur quand bien même l'une et l'autre relèveraient du statut coutumier au jour des faits poursuivis, dès lors que l'un d'entre eux a renoncé à son statut coutumier kanak au jour du jugement ; qu'aussi, en s'estimant incompétente aux motifs que, au jour des faits poursuivis, la partie civile relevait, comme le prévenu, du statut personnel de droit coutumier kanak, cependant qu'elle constatait que celle-ci avait obtenu un jugement le 8 juin 2012 constatant sa renonciation au statut coutumier avant que le premier juge n'ait statué le 11 juillet suivant, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. Z..., de statut civil coutumier kanak, a été poursuivi devant le tribunal correctionnel de Nouméa pour destruction par incendie commise au préjudice de Mme Augustine Y..., de même statut au moment des faits, mais de statut civil de droit commun depuis un jugement de la juridiction civile de Nouméa du 8 juin 2012 ; que le tribunal correctionnel, qui a déclaré le prévenu coupable des faits reprochés et qui a reçu la victime en sa constitution de partie civile, s'est déclaré incompétent pour réparer le préjudice au profit de la juridiction civile complétée d'assesseurs coutumiers, au motif que la partie civile relevait du statut civil coutumier à la date des faits ; que cette décision a été frappée d'appel par la seule partie civile qui a fait valoir que le tribunal répressif était compétent pour connaître de sa demande ;
Attendu que l'arrêt attaqué retient qu'il résulte de l'article 19 de la loi organique du 19 mars 1999 que la juridiction civile de droit commun, complétée par des assesseurs coutumiers est seule compétente pour connaître des litiges dans lesquels toutes les parties sont de statut civil coutumier kanak ; que les juges ajoutent que le changement de statut personnel de la victime postérieurement aux faits mais antérieurement au jugement du tribunal correctionnel est sans incidence à cet égard puisque la règle qui régit la créance de réparation est déterminée par le statut personnel des parties, à la date à laquelle a pris naissance le droit à réparation de la victime ;
Attendu que, par ces seuls motifs, la cour d'appel a fait une juste application de l'article 19 de la loi organique du 19 mars 1999 alors en vigueur dès lors que la créance de réparation était née à une date antérieure au changement de statut personnel de la victime, soit au jour des faits objet des poursuites ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-six novembre deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;