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19/11/2014 | FRANCE | N°13-84610

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 novembre 2014, 13-84610


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Michel X..., - Mme Florence Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de ROUEN, chambre correctionnelle, en date du 30 mai 2013, qui les a condamnés, le premier, pour abus de confiance, exécution d'un travail dissimulé, banqueroute, à deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis, cinq ans d'interdiction de gérer, la seconde, pour recel, à six mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

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©bats en l'audience publique du 8 octobre 2014 où étaient présents dans la formati...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Michel X..., - Mme Florence Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de ROUEN, chambre correctionnelle, en date du 30 mai 2013, qui les a condamnés, le premier, pour abus de confiance, exécution d'un travail dissimulé, banqueroute, à deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis, cinq ans d'interdiction de gérer, la seconde, pour recel, à six mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 8 octobre 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Pichon, conseiller rapporteur, Mme Nocquet, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire PICHON, les observations de la société civile professionnelle POTIER DE LA VARDE et BUK-LAMENT, de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général SASSOUST ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires personnel et ampliatif en demande et le mémoire en défense produits et les observations complémentaires formulées par la demanderesse notamment après communication du sens des conclusions de l'avocat général ;
Sur la recevabilité du mémoire de Mme Y... ;
Attendu que ce mémoire, qui ne vise aucun texte de loi et n'offre à juger aucun moyen de droit, ne remplit pas les conditions exigées par l'article 590 du code de procédure pénale ; qu'il est, dès lors, irrecevable ;
Sur les moyens proposés par M. X... dans son mémoire personnel, pris de la violation des articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que les moyens ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Potier de la Varde-Buk Lament pour M. X... pris de la violation des articles 314-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable du délit d'abus de confiance ;
" aux motifs qu'il résulte bien de l'ensemble des éléments qui viennent d'être exposés que M. X... intervenait auprès de M. Bertrand Z...en qualité de courtier et non pas d'entrepreneur et qu'il devait servir d'intermédiaire entre le maître d'ouvrage et les artisans et n'avait donc pas à encaisser lui-même les chèques versés par son client ; qu'il devait les reverser intégralement aux entreprises intervenantes, sauf à facturer son intervention ; qu'en tout état de cause, si les versements affectés précisément aux travaux à effectuer devaient être encaissés par M. X... pour des raisons de comptabilité, ils ne pouvaient évidemment l'être que sur ses comptes professionnels et en aucun cas sur ses comptes personnels et encore moins sur ceux de sa concubine ; qu'or, il n'est pas contesté que M. Z...a bien versé la somme de près de 270 000 euros à M. X..., montant peut-être contestable mais pas contesté et en tout état de cause accepté ; qu'il résulte également de l'ensemble des investigations menées que les artisans requis par M. X..., n'ont, pour une grande part, pas été payés des travaux faits et que les fonds ont été versés, pour une grande part aussi, sur les comptes personnels des concubins et ont été utilisés pour leurs dépenses personnelles ; qu'ainsi la matérialité de l'infraction d'abus de confiance est-elle parfaitement constituée par le simple fait que l'argent versé pour payer des travaux a été détourné dans la mesure où ces travaux ont été effectués et n'ont pas été payés ou n'ont pas été effectués alors qu'ils étaient payés et que l'argent a été versé sur des comptes personnels et utilisé pour le paiement de dépenses privées ; qu'elle résulte encore du rapport d'expertise qui rapporte de façon très détaillée l'état des travaux faits et non faits ou mal fait alors qu'ils avaient été très largement payés ; que la mauvaise foi de M. X... résulte du versement de ces fonds sur des comptes personnels et a fortiori sur les comptes personnels de sa concubine sans explication recevable ; qu'en effet, la raison invoquée consistant à avoir voulu protéger ces fonds d'une éventuelle saisie fiscale au détriment de M. Z...n'a pas de sens dans la mesure ou, en aucun cas, le courtier en travaux qu'il était n'était chargé de cela ; qu'elle résulte encore de l'attitude générale de M. X... dans ce dossier puisqu'il n'a à aucun moment voulu entendre les doléances de son client ni, surtout, se préoccuper des opérations d'expertise en ne se rendant à aucun des rendez-vous qui lui avaient été fixés par l'expert ; qu'enfin, la gestion déplorable de l'affaire qu'il dirigeait, telle qu'elle résulte du dossier et notamment des autres infractions poursuivies, démontre là encore la mauvaise foi de M. X... dont le but était manifestement de gagner un maximum d'argent sans avoir à coeur de satisfaire son principal client ; qu'il convient, dans ces conditions, de constater que l'infraction d'abus de confiance reprochée à M. X... est parfaitement constituée et de confirmer le jugement déféré sur sa déclaration de culpabilité à cet égard ;
" 1°) alors que l'abus de confiance n'est constitué que si les fonds remis ont été détournés ou dissipés au préjudice des propriétaires, possesseurs ou détenteurs ; qu'en retenant, pour déclarer M. X..., entrepreneur, coupable d'abus de confiance à l'égard de M. Z..., maître de l'ouvrage, qui avait réglé les appels de fonds de l'entrepreneur, que les entreprises sous traitantes n'avaient pas été payées par ce dernier, ce qui n'était pas de nature à établir un détournement au préjudice du maître de l'ouvrage, seul visé par la prévention, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 2°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier sa décision ; qu'en retenant la mauvaise foi de M. X... sans avoir répondu au moyen de ses conclusions selon lequel le maître de l'ouvrage se rendait chaque semaine sur les chantiers pour constater leur avancée, ce qui était de nature à faire admettre que c'était en toute connaissance de cause que M. Z...avait procédé aux versements en faveur de l'entrepreneur et ainsi exclure la mauvaise foi de ce dernier, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision " ;

Sur le deuxième moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Potier de la Varde-Buk Lament pour M. X... pris de la violation des articles L. 8221-1, L. 8221-5, L. 8224-1 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable du délit de travail dissimulé ;
" aux motifs qu'il a donc été rappelé que M. Thibault A...avait indiqué lors de sa garde à vue, prise à la suite de violences commises par lui sur M. X..., à qui il était venu demander le paiement de salaires impayés, avoir travaillé pour lui du 28 juin au 7 août 2007 sur le chantier Z...de Saint-Étienne-du-Rouvray et n'avoir pour cela reçu aucune fiche de paye ni signé aucun contrat de travail ; que sa présence sur ce chantier, non contestée par M. X..., était d'ailleurs attestée par un autre salarié, M. Stéphane B...; que les investigations menées auprès de l'URSSAF ont confirmé que M. A...n'avait jamais été déclaré auprès de ses services en qualité de salarié ; qu'ainsi, l'infraction de travail dissimulé apparaît-elle parfaitement caractérisée à l'égard de M. X... et le jugement déféré sera confirmé sur sa déclaration de culpabilité sur ce point ;
" alors que le délit de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié suppose que soit caractérisé un contrat de travail, c'est à dire un lien de subordination, entre le prévenu et le salarié prétendument dissimulé ; qu'en se contentant de constater, pour juger que M. X... était coupable d'avoir dissimulé l'emploi de M. A..., que la présence de ce dernier sur le chantier de Saint-Etienne-du-Rouvray n'était pas contestée par le prévenu et était attestée par un autre salarié, ce qui ne permettait pas de caractériser l'existence d'un lien de subordination, et donc d'un contrat de travail, entre le prévenu et M. A..., et ce d'autant que de nombreuses entreprises sous-traitantes étaient intervenues sur ce chantier, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle, caractérisé en tous leurs éléments, tant matériel qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que les moyens, qui reviennent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Mais sur le troisième moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Potier de la Varde-Buk Lament pour M. X... pris de la violation des articles 132-19 et 132-24 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. X... à un emprisonnement de deux ans, dont un an assorti de sursis ;
" aux motifs que les faits reprochés à M. X... sont graves par l'ampleur du préjudice causé à la victime comme du fait de la mauvaise foi caractérisée dont il a fait preuve tout au long de l'information, des manquements à ses obligations fixées dans le cadre du contrôle judiciaire comme le cautionnement ou la prise d'une hypothèque qui lui étaient demandés et qu'il a toujours refusés ; qu'il sera également tenu compte de la multiplicité des faits poursuivis comme de la durée de commission de ces infractions qui se sont étalées sur près de deux ans et de la nécessité de prévenir le renouvellement d'agissements du même type ; qu'il sera également tenu compte à décharge du fait que M. X... n'avait, jusque là, jamais été condamné et qu'il ne l'a été depuis qu'à une peine d'amende pour fraude à l'obtention de prestations de chômage ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour infirmera le jugement du tribunal correctionnel de Rouen et condamnera M. X... à la peine de deux ans d'emprisonnement dont un an assorti du sursis ;
" alors qu'en matière correctionnelle, en dehors des condamnations en récidive légale prononcées en application de l'article 132-19-1, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate, la peine d'emprisonnement devant, dans ce cas, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle, faire l'objet d'une des mesures d'aménagement prévues aux articles 132-25 à 132-28 du code pénal ; qu'en se bornant à relever, pour condamner M. X... à deux ans d'emprisonnement, dont un an sans sursis, la gravité et la multiplicité des faits, la durée de la commission des infractions et la mauvaise foi du prévenu pendant l'instruction, sans indiquer ni les raisons pour lesquelles toute autre sanction était manifestement inadéquate, ni en quoi la personnalité du prévenu rendait la peine nécessaire ou caractériser l'impossibilité d'un aménagement ab initio de la peine, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision " ;
Vu l'article 132-24 du code pénal, dans sa rédaction alors en vigueur ;
Attendu qu'il résulte de ce texte qu'en matière correctionnelle, en dehors des condamnations en récidive prononcées en application de l'article 132-19-1 du code pénal, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours, si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; que, lorsqu'elle n'est pas supérieure à deux ans, elle doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle, faire l'objet d'une des mesures d'aménagement prévues aux articles 132-25 à 132-28 dudit code ;
Attendu que, pour condamner le prévenu à la peine de deux ans d'emprisonnement, dont un an avec sursis, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui ne s'est pas expliquée sur le caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction et n'a pas prononcé sur l'aménagement de la peine d'emprisonnement sans sursis, a méconnu le texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle sera limitée à la peine, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure ;
Par ces motifs :
I-Sur le pourvoi de Mme Y... :
Le REJETTE ;
II-Sur le pourvoi de M. X... :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de ROUEN, en date du 30 mai 2013, mais en ses seules dispositions relatives aux peines prononcées à l'encontre de M. X..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, conformément à la loi et, le cas échéant, à l'article 132-19 du code pénal dans sa rédaction applicable à partir du 1er octobre 2014,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de ROUEN autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
FIXE à 2 500 euros la somme que Mme Y... devra payer à M. Z...au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rouen et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-neuf novembre deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 13-84610
Date de la décision : 19/11/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 30 mai 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 19 nov. 2014, pourvoi n°13-84610


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.84610
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