LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 29 mars 2013), que M. X..., engagé le 3 novembre 1986 en qualité d'employé de guichet par la Caisse fédérale du crédit mutuel Nord Europe, exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur de la caisse de Lambersart ; qu'il a été licencié pour faute grave le 25 août 2008 ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle ni sérieuse et de le condamner à verser au salairié diverses sommes au titre de la rupture et à rembourser aux organismes concernés les allocations de chômage dans la limite de trois mois, alors, selon le moyen :
1°/ que l'article 11-4 de la convention collective du Crédit mutuel du Nord dispose qu'« hormis les cas où les faits reprochés sont de nature à entraîner un dépôt de plainte par l'employeur, tout salarié susceptible de faire l'objet d'une rétrogradation ou d'un licenciement pourra saisir le conseil de discipline (...) » ; qu'ainsi, le texte conventionnel institue une saisine du conseil de discipline facultative, à la seule initiative du salarié, et n'impose pas à l'employeur d'informer le salarié de sa possibilité de saisir ledit conseil ; qu'en retenant, pour considérer le licenciement privé de cause réelle et sérieuse, que l'employeur aurait été tenu de procéder à cette information, la cour d'appel a violé l'article 11-4 de la convention collective du Crédit mutuel du Nord, ensemble les articles L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail ;
2°/ que l'article 11-4 de la convention collective du Crédit mutuel du Nord dispose qu'« hormis les cas où les faits reprochés sont de nature à entraîner un dépôt de plainte par l'employeur, tout salarié susceptible de faire l'objet d'une rétrogradation ou d'un licenciement pourra saisir le conseil de discipline (...) » ; qu'ainsi, le texte conventionnel ne permet pas la saisine du conseil de discipline lorsque les fautes à l'origine de la rupture du contrat « sont de nature à entraîner un dépôt de plainte » ; qu'en déduisant de ces dispositions qu'elles imposaient à l'employeur, avant de procéder au licenciement, soit de déposer une plainte, soit d'aviser le salarié que les faits reprochés pouvaient conduire à un dépôt de plainte, la cour d'appel, qui a ajouté à l'article 11-4 une condition qu'il ne prévoyait pas, a violé ledit article, ensemble les articles L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail ;
3°/ qu'en s'abstenant de rechercher si les faits reprochés n'étaient pas de nature à entraîner un dépôt de plainte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 11-4 de la convention collective du Crédit mutuel du Nord, ensemble les articles L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail ;
Mais attendu d'abord qu'aux termes de l'article 11-4 de la convention collective de la Caisse fédérale de Crédit mutuel, hormis le cas où les faits reprochés sont de nature à justifier un dépôt de plainte par l'employeur, tout salarié susceptible de faire l'objet d'une rétrogradation ou d'un licenciement pourra saisir le conseil de discipline par courrier recommandé avec avis de réception ou remis contre récépissé au responsable des Relations Humaines et Sociales dans les deux jours ouvrés suivant l'entretien préalable, que le conseil de discipline devra alors se réunir dans les dix jours ouvrés de cette saisine et qu'en cas de saisine du conseil de discipline la sanction ne sera signifiée qu'après avis du conseil de discipline, qu'il en résulte que ce texte prévoit une procédure protectrice dont tout salarié doit pouvoir bénéficier ;
Attendu ensuite que la consultation d'un organisme chargé, en vertu d'une disposition conventionnelle, de donner son avis sur la mesure disciplinaire envisagée par l'employeur constitue pour le salarié une garantie de fond et que le licenciement, prononcé sans que le salarié ait été avisé qu'il pouvait saisir cet organisme, ne peut avoir de cause réelle et sérieuse ;
Et attendu qu'ayant constaté que le salarié se trouvait sous le coup d'un licenciement disciplinaire et relevé qu'il n'avait pas été avisé qu'il pouvait saisir le conseil de discipline pour qu'il donne son avis sur la mesure envisagée par l'employeur, la cour d'appel en a exactement déduit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Caisse fédérale du crédit mutuel Nord Europe aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Caisse fédérale du crédit mutuel Nord Europe
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le licenciement de Monsieur X... sans cause réelle ni sérieuse, d'AVOIR condamné l'exposante à lui verser les sommes de 3066,70 euros au titre du salaire pendant la mise à pied, de 206,67 euros au titre des congés payés afférents, de 14015,70 à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 1401,57 euros au titre des congés payés afférents, de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts, de 43591 à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, d'AVOIR ordonné le remboursement par l'employeur à POLE EMPLOI des allocations de chômage dans la limite de 3 mois, d'AVOIR condamné l'exposante aux dépens ainsi qu'au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « La convention collective du Crédit mutuel du Nord, du 15 décembre 1995 prévoit, en son article 11-4: "Hormis le cas où les faits reprochés sont de nature à justifier un dépôt de plainte par l'employeur, tout salarié susceptible de faire l'objet d'une rétrogradation ou d'un licenciement pourra saisir le conseil de discipline (...) En cas de saisine du conseil de discipline, la sanction ne sera signifiée qu'après avis du conseil de discipline." En l'espèce M. X... a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement le 7 août 2008. Ce courrier mentionne la mise à pied conservatoire de l'intéressé "compte tenu de la gravité des faits". Il a été licencié pour faute grave le 25 août 2008. Le courrier énonce "de nombreuses irrégularités dans l'exercice de vos activités de directeur de caisse (...)" et précise: "entrée en relation avec un client non autorisé, accords de crédit outrepassant vos délégations (...) Vous êtes entré en relation commerciale avec un client, Monsieur 14.1., pourtant inscrit dans la base interne alerte escroquerie (...) ; Vous avez ainsi outrepassé vos délégations en transgressant les règles d'octroi des crédits. Nous vous reprochons également de nombreuses irrégularités dans les montages et déblocages de financements travaux que vous avez accordés au profit de plusieurs SCI détenues en totalité ou en partie par Monsieur M.L (...) Vous avez enfin participé aux détournements de l'affectation de fonds destinés à des travaux vers d'autres SCI (et ceci afin de renflouer leurs comptes débiteurs) (...) le montant des fonds prêtés à l'environnement de ce client s'élève à 2,706 millions d'euros dont 860 KE pour des travaux dont la réalisation apparaît en grande partie fictive. Par ailleurs depuis l'arrêt des financements à fin juin 2008, les premiers impayés s'élèvent déjà au 18/08/2008 à 22 652 6. Enfin, votre expérience bancaire, vos précédentes alertes en matière de déontologie (courriers de 2004 et 2005) le montant des opérations et les alertes des collaborateurs surpris des nombreux virements effectués suite à des remises de chèques (l'un d'eux vous ayant même averti d'un risque de cavalerie concernant l'ensemble des SCI), nous amènent à considérer que ces manquements au règlement intérieur, règles de déontologie et d'octroi de crédits, ne relèvent pas de négligences comme vous l'avez soutenu lors de l'entretien, mais bien de fautes et de manquements graves à vos obligations contractuelles." L'employeur considère que le salarié est mal venu à lui reprocher de ne pas l'avoir avisé de la possibilité que lui réservait la convention collective dans la mesure où : - Ce texte ne prévoit pas une telle obligation à la charge de l'employeur; - Ce point ne constituerait pas en toute hypothèse une garantie de fond dans la mesure où le conseil de discipline n'a qu'un rôle consultatif; - M. X... est une partie "compétente et avertie"; - Le texte conventionnel n'impose pas à l'employeur de déposer plainte et, au demeurant, une plainte a été déposée en l'espèce. Toutefois la faculté offerte au salarié de saisir le conseil de discipline afin qu'il donne son avis sur la sanction envisagée constitue une garantie de fond dont la méconnaissance prive le licenciement de cause réelle et sérieuse. Il importe peu à cet égard que le conseil n'ait qu'un rôle consultatif ou que le texte conventionnel n'impose pas cette obligation d'information à la charge de l'employeur dès lors que ce dernier, qui n'a pas à juger du degré d'information de l'intéressé, doit le mettre en mesure d'exercer son droit. La convention collective écarte la possibilité de saisir le conseil de discipline lorsque "les faits reprochés sont de nature à justifier un dépôt de plainte par l'employeur." En l'espèce une plainte pénale a été déposée le 14 mai 2009 alors que le licenciement avait été prononcé le 25 août 2008, après convocation du 7 et que M. X... avait saisi la juridiction prud'homale le 3 novembre 2008, l'affaire ayant été renvoyée devant le bureau de jugement du 24 avril 2009. La convention collective n'impose pas à l'employeur de déposer une plainte pénale avant le licenciement puisqu'elle ne vise que des faits reprochés "de nature à justifier un dépôt de plainte". Toutefois pour que la disposition protectrice conserve son effectivité l'employeur doit, avant de procéder au licenciement, soit avoir déposé la plainte qu'il estime fondée, soit avoir avisé le salarié de ce que les faits en cause sont de nature à justifier une telle initiative. Or en l'espèce l'employeur n'a pas fait connaître une telle position et l'analyse tant de la lettre de convocation à l'entretien préalable que de la lettre de licenciement ne révèle en rien qu'il envisage un dépôt de plainte ou qu'il estime que les griefs motivant le licenciement sont de nature à priver le salarié de la garantie conventionnelle. Dès lors le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Sur les conséquences du licenciement ainsi qualifié : M. X... a perçu au cours des 6 derniers mois d'activité, 28 031,36 € (soit une moyenne mensuelle de 4671,90 €) au titre de sa rémunération, primes d'ancienneté et de 13 mois incluses. Il était âgé de 44 ans au jour du licenciement et avait une ancienneté de près de 22 ans. Au vu de l'ensemble des éléments du dossier, il convient de lui allouer 30 000 € à titre de dommages et intérêts. Il a également droit au paiement du salaire pendant la période de mise à pied, soit 3066,70 € plus 306,67 € pour les congés, conformément aux mentions figurant sur le bulletin du mois d'août 2008 ainsi qu'à une indemnité compensatrice de préavis de 14 015,70 plus 1401,57 euros pour les congés et à une indemnité conventionnelle de licenciement qui n'est critiquée qu'en son principe, à hauteur de 43591 euros » ;
1. ALORS QUE l'article 11-4 de la convention collective du Crédit mutuel du Nord dispose qu'« hormis les cas où les faits reprochés sont de nature à entraîner un dépôt de plainte par l'employeur, tout salarié susceptible de faire l'objet d'une rétrogradation ou d'un licenciement pourra saisir le Conseil de discipline (...) » ; qu'ainsi, le texte conventionnel institue une saisine du conseil de discipline facultative, à la seule initiative du salarié, et n'impose pas à l'employeur d'informer le salarié de sa possibilité de saisir ledit conseil ; qu'en retenant, pour considérer le licenciement privé de cause réelle et sérieuse, que l'employeur aurait été tenu de procéder à cette information, la Cour d'appel a violé l'article 11-4 de la convention collective du Crédit mutuel du Nord, ensemble les articles L. 1235-1 et L. 1235-3 du Code du travail ;
2. ET ALORS QUE l'article 11-4 de la convention collective du Crédit mutuel du Nord dispose qu'« hormis les cas où les faits reprochés sont de nature à entraîner un dépôt de plainte par l'employeur, tout salarié susceptible de faire l'objet d'une rétrogradation ou d'un licenciement pourra saisir le Conseil de discipline (...) » ; qu'ainsi, le texte conventionnel ne permet pas la saisine du conseil de discipline lorsque les fautes à l'origine de la rupture du contrat « sont de nature à entraîner un dépôt de plainte » ; qu'en déduisant de ces dispositions qu'elles imposaient à l'employeur, avant de procéder au licenciement, soit de déposer une plainte, soit d'aviser le salarié que les faits reprochés pouvaient conduire à un dépôt de plainte, la Cour d'appel, qui a ajouté à l'article 11-4 une condition qu'il ne prévoyait pas, a violé ledit article, ensemble les articles L. 1235-1 et L. 1235-3 du Code du travail ;
3. ET ALORS QU'en s'abstenant de rechercher si les faits reprochés n'étaient pas de nature à entraîner un dépôt de plainte, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 11-4 de la convention collective du Crédit mutuel du Nord, ensemble les articles L. 1235-1 et L. 1235-3 du Code du travail.