LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 20 juin 2013) et les productions, que la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône (la caisse) a pris en charge au titre des tableaux des maladies professionnelles n° 57 et n° 57 C les affections déclarées, le 9 avril 2001, par Mme X..., salarié de la société LDC Bourgogne (l'employeur) ; que contestant la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, des arrêts de travail prescrits, l'employeur a ultérieurement saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de communication des certificats médicaux et d'expertise médicale judiciaire et de lui déclarer opposable les décisions de prise en charge des arrêts de travail consécutifs aux maladies professionnelles de Mme X..., alors, selon le moyen :
1°/ que les soins et les arrêts de travail prescrits postérieurement à une maladie professionnelle pendant la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation, ne sont présumés imputables à cette maladie qu'en cas de continuité de symptômes et de soins ; que dans le cas contraire, il incombe à la caisse primaire d'assurance maladie de justifier du lien de causalité entre les prestations qu'elle déclare avoir versées au titre d'une maladie professionnelle et cette maladie ; qu'en affirmant que l'imputabilité des mille deux cent quatre vingt-seize jours d'arrêts de travail aux maladies professionnelles était présumée, sans avoir vérifié l'existence d'une continuité de soins et de symptômes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale ;
2°/ qu'à supposer que la présomption d'imputabilité joue, l'employeur a la possibilité de démontrer que les lésions ou certaines d'entre elles ne sont pas imputables à la maladie professionnelle ou ne le sont que pour partie ; qu'il doit pouvoir présenter sa cause dans des conditions qui ne le placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à la caisse primaire d'assurance maladie ; que les services administratifs de la caisse primaire, s'ils ne détiennent pas le dossier médical de l'assuré dont le suivi est opéré par le médecin conseil, sont en possession des certificats médicaux de l'assuré, lesquels doivent figurer dans le dossier administratif constitué par la caisse primaire en application de l'article R. 441-13 du code de la sécurité sociale ; qu'en refusant d'ordonner la communication de ces certificats, aux motifs inopérants que les services administratifs de la caisse primaire ne sont pas en possession de l'entier dossier médical, la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°/ que constitue une atteinte au principe de l'égalité des armes résultant du droit au procès équitable le fait d'interdire à une partie de faire la preuve d'un élément de fait essentiel au succès de ses prétentions ; que seule une analyse du dossier médical de l'assuré, qui ne peut être opérée que dans le cadre d'une expertise judiciaire, est de nature à permettre à l'employeur de rapporter la preuve que des lésions apparues à la suite d'une maladie professionnelle avant la guérison ou la consolidation de l'état de l'assuré, ne sont pas imputables à cette maladie ; qu'en refusant de faire droit à la demande d'expertise de la société LDC Bourgogne, cependant que cette mesure constituait le seul moyen pour l'employeur de démontrer que les arrêts de travail pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie au titre des maladies professionnelles de Mme X... n'étaient pas imputables à ces maladies, la cour d'appel, qui a privé l'employeur de toute possibilité de renverser la présomption d'imputabilité, a violé l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et qu'il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire ;
Et attendu qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, d'une part, qu'aucun doute n'existait quant à la maladie prise en charge par la caisse et qu'il y avait une continuité des soins et des symptômes, d'autre part, que la durée, même apparemment longue, des arrêts de travail ne permettait pas à l'employeur de présumer que ceux-ci n'étaient pas la conséquence de la maladie professionnelle, la cour d'appel a pu décider, sans être tenue d'ordonner une mesure d'instruction et sans porter atteinte au droit à un procès équitable ni rompre l'égalité des armes entre les parties, que la prise en charge des arrêts de travail consécutifs aux maladies professionnelles était opposable à l'employeur ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société LDC Bourgogne aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société LDC Bourgogne et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de Saône-et-Loire la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société LDC Bourgogne.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré opposable à la société LDC Bourgogne les décisions de prise en charge des arrêts de travail consécutifs aux maladies professionnelles de Madame X... déclarées le 9 avril 2001, d'avoir rejeté sa demande de communication des certificats médicaux détenus par les services administratifs de la caisse primaire d'assurance maladie, et d'avoir rejeté sa demande d'expertise médicale judiciaire, et d'avoir ainsi confirmé le jugement déboutant la société LDC Bourgogne de toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS QU'il résulte de l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et qu'il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire ; que la situation est la même en matière de maladie professionnelle ; qu'il est, en outre, de principe que les documents qui constituent des éléments du diagnostic n'ont pas à figurer parmi les pièces du dossier que la caisse constitue et qu'elle doit laisser à la disposition de l'employeur ; que c'est gratuitement que l'appelante invoque une violation du principe de l'égalité des armes alors qu'elle ne nie pas s'être abstenue d'effectuer la moindre démarche durant les neuf années qui se sont écoulées depuis la date de la déclaration des maladies professionnelles en cause et qu'elle ne justifie d'aucun élément objectif permettant d'établir que les lésions ayant donné lieu aux arrêts de travail auraient pour origine exclusive une cause totalement étrangère au travail ; que la cour observe par ailleurs que le droit à une procédure contradictoire ne revêt pas un caractère absolu ; que son étendue peut varier en fonction notamment des spécificités des procédures en cause ; que l'absence de communication des examens médicaux du salarié et des observations médicales du médecin conseil à l'employeur s'explique par le secret médical auquel est tenu le praticien ; que dans l'appréciation du grief portant sur le caractère contradictoire de la procédure, le droit du salarié victime au respect du secret médical doit être pris en considération ; que la protection des données à caractère personnel et spécialement des données médicales revêt une importance fondamentale pour l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale ; que le fait que l'expertise ne soit pas ordonnée dans tous les cas où l'employeur la demande, mais qu'elle ne soit décidée que dans le cas où la juridiction s'estime insuffisamment informée est d'autant plus conforme aux exigences de la convention européenne des droits de l'homme en matière de procès équitable que l'article 146, al.2 du code de procédure civile interdit à la juridiction saisie de suppléer la carence de l'employeur dans l'administration de la preuve qui lui incombe ; que pour prendre sa décision l'intimée ne disposait que de l'avis médico administratif du médecin conseil lequel ne relève pas, par ailleurs, de l'autorité hiérarchique de la CPAM mais de celle de la CNAMTS ; qu'à l'instar de la société LDC Bourgogne, l'intimée n'était donc pas en possession de l'entier dossier médical de la salariée ; que ce constat ressort tant de l'indépendance statutaire du médecin conseil vis-à-vis des services administratifs de la CPAM que du secret médical auquel il est tenu ; que dès lors que les services administratifs de l'intimée n'étaient pas non plus en possession des pièces médicales sollicitées par l'appelante, la cour estime que la CPAM n'a pas été placée en situation de net avantage dans la procédure par rapport à l'employeur ; que dès lors, le grief tiré de la violation de l'article 6, §1 de la convention européenne des droits de l'homme est manifestement mal fondé ; que la cour observe, par ailleurs, que la durée, même apparemment longue, des arrêts de travail ne permet pas de présumer que ceux-ci ne sont pas la conséquence de la maladie professionnelle ; qu'en l'état de ces éléments, le tribunal a pu décider, sans rompre l'égalité des armes entre les parties, ni porter atteinte au droit des parties à un procès équitable, qu'aucun doute n'existait quant à la maladie prise en charge par la caisse et que la décision de la caisse était opposable à l'employeur sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une mesure d'instruction, ni même la communication des certificats médicaux détenus par les services administratifs de la caisse que l'appelante détient déjà ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE l'employeur bénéficie de la possibilité de faire valoir ses droits devant les juridictions du contentieux général de la sécurité sociale dans le cadre d'un débat contradictoire qui satisfait aux exigences du principe du recours effectif ; qu'il appartient à l'employeur qui conteste l'imputabilité des soins et arrêts de travail de rapporter la preuve que les lésions présentées ne trouvent pas leur cause en l'espèce dans les maladies professionnelles reconnues ; que l'employeur reçoit pour la justification des arrêts de travail les certificats que lui remet son salarié, ces arrêts sont contrôlés par le médecin conseil de la caisse ; que l'employeur 9 ans plus tard se contente de soutenir que son médecin conseil « considère la durée des arrêts de travail excessive » et n'apporte aucun élément permettant de justifier l'organisation d'une expertise médicale alors que les soins et arrêts consécutifs à un accident du travail ou une maladie professionnelle bénéficient de la présomption d'imputabilité dès lors qu'il y a continuité de soins et de symptômes, ce qui est le cas dans ce dossier ; que dès lors, il résulte suffisamment de ces éléments que les arrêts de travail sont en lien de causalité directe avec les maladies professionnelles, l'employeur n'apportant en l'espèce aucun autre élément susceptible de renverser cette présomption, il n'est pas nécessaire d'être plus avant éclairé par une expertise ou la production de certificats médicaux ;
1. ALORS QUE les soins et les arrêts de travail prescrits postérieurement à une maladie professionnelle pendant la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation, ne sont présumés imputables à cette maladie qu'en cas de continuité de symptômes et de soins ; que dans le cas contraire, il incombe à la caisse primaire d'assurance maladie de justifier du lien de causalité entre les prestations qu'elle déclare avoir versées au titre d'une maladie professionnelle et cette maladie ; qu'en affirmant que l'imputabilité des 1296 jours d'arrêts de travail aux maladies professionnelles était présumée, sans avoir vérifié l'existence d'une continuité de soins et de symptômes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale ;
2. ALORS QUE, à supposer que la présomption d'imputabilité joue, l'employeur a la possibilité de démontrer que les lésions ou certaines d'entre elles ne sont pas imputables à la maladie professionnelle ou ne le sont que pour partie ; qu'il doit pouvoir présenter sa cause dans des conditions qui ne le placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à la caisse primaire d'assurance maladie ; que les services administratifs de la caisse primaire, s'ils ne détiennent pas le dossier médical de l'assuré dont le suivi est opéré par le médecin conseil, sont en possession des certificats médicaux de l'assuré, lesquels doivent figurer dans le dossier administratif constitué par la caisse primaire en application de l'article R.441-13 du code de la sécurité sociale ; qu'en refusant d'ordonner la communication de ces certificats, aux motifs inopérants que les services administratifs de la caisse primaire ne sont pas en possession de l'entier dossier médical, la cour d'appel a violé l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3. ALORS QUE constitue une atteinte au principe de l'égalité des armes résultant du droit au procès équitable le fait d'interdire à une partie de faire la preuve d'un élément de fait essentiel au succès de ses prétentions ; que seule une analyse du dossier médical de l'assuré, qui ne peut être opérée que dans le cadre d'une expertise judiciaire, est de nature à permettre à l'employeur de rapporter la preuve que des lésions apparues à la suite d'une maladie professionnelle avant la guérison ou la consolidation de l'état de l'assuré, ne sont pas imputables à cette maladie ; qu'en refusant de faire droit à la demande d'expertise de la société LDC Bourgogne, cependant que cette mesure constituait le seul moyen pour l'employeur de démontrer que les arrêts de travail pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie au titre des maladies professionnelles de Madame X... n'étaient pas imputables à ces maladies, la cour d'appel, qui a privé l'employeur de toute possibilité de renverser la présomption d'imputabilité, a violé l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.