LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° s C 13-23. 767 et E 13-23. 769 ;
Sur les moyens uniques des pourvois, rédigés en termes identiques, réunis :
Vu les articles L. 17 et L. 57 du livre des procédures fiscales ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que Christiane X...(ou A...) est décédée le 4 janvier 2005 après avoir, en 1984, vendu à M. Y...et son épouse, Mme Z..., (M. et Mme Y...) la nue propriété d'un immeuble d'habitation et désigné Mme Y...comme légataire universelle ; que l'administration fiscale a notifié à M. et Mme Y...une proposition de rectification des droits de succession, en réintégrant dans l'actif successoral, en application de l'article 751 du code général des impôts, l'immeuble dont la valeur était estimée par comparaison avec celle de quatre maisons vendues en 2003 ; qu'après mise en recouvrement des droits rappelés et pénalités puis rejet de leurs réclamations contentieuses, M. et Mme Y...ont, chacun, saisi le tribunal de grande instance afin d'être déchargés de ces impositions ;
Attendu que, pour accueillir ces demandes, les arrêts retiennent que l'administration, qui a proposé des éléments de comparaison, ne peut soutenir qu'il lui suffisait de déterminer la valeur apparente de l'immeuble, sauf à réviser celle-ci sur les observations formulées par les contribuables, et qu'en se bornant à citer, dans sa proposition de redressement, des biens situés géographiquement dans la même commune, leur localisation, leur prix et leur surface habitable, elle n'a pas mis en mesure les contribuables de présenter leurs observations ; qu'ils retiennent encore l'impossibilité de déterminer la valeur vénale d'un immeuble sans connaître son état intérieur, son état d'entretien général, la surface de terrain entourant ou non la partie habitable et ses agencements ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, quand il y a lieu à réintégration dans l'actif successoral d'un bien dont la déclaration a été omise, l'article L. 17 du livre des procédures fiscales, qui règle les modalités de rectification du prix d'un bien servant de base à la perception d'une imposition lorsque ce prix paraît inférieur à sa valeur vénale réelle, n'est pas applicable et il revient à l'administration d'établir l'imposition à partir de sa valeur apparente, sauf à réviser son évaluation eu égard aux observations en réponse du contribuable, lequel, s'il conteste la valeur du bien ainsi fixée, doit établir que sa valeur réelle lui est inférieure, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes leurs dispositions, les arrêts n° s RG 12/00620 et RG 12/00617 rendus le 28 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne M. et Mme Y...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen identique produit au pourvoi n° C 13-23. 767 et E 13-23. 769 par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour le directeur général des finances publiques
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement et ordonné la décharge des droits et pénalités mis à la charge de Monsieur Y...Georges.
AUX MOTIFS QUE « considérant que Monsieur Y...soutient que la procédure de rectification des droits d'enregistrement qui doit être effectuée suivant la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L 55 du livre des procédures fiscales doit présenter les garanties prévues par l'article L 57 du même code ;
Qu'en l'espèce, la proposition de rectification doit être motivée pour permettre au contribuable de présenter utilement ses observations ; que s'agissant d'éléments de comparaison établissant la valeur vénale réelle du bien au jour du décès, ils doivent être accompagnés de toutes les précisions permettant d'apprécier concrètement s'ils se rapportent à des cessions intrinsèquement similaires ;
Considérant que l'administration rétorque qu'une proposition de rectification qui fait état de la cause et des conséquences du redressement est suffisamment motivée ; que cette obligation est remplie en l'espèce puisque la proposition de rectification fait état in extenso de l'article 751 du CGI, de la qualité de Monsieur Y...de nupropriétaire pour la moitié d'un bien dont la défunte était usufruitière aux termes de l'acte du 14 janvier 1984 ;
Considérant que l'administration des finances publiques ajoute que lorsqu'il y a lieu à réintégration dans l'actif successoral de biens dont la déclaration a été omise, il lui revient d'établir l'existence des biens omis dans la déclaration de succession au jour du décès, fait générateur de l'impôt, et d'établir l'imposition à partir de leur valeur apparente, sauf à réviser son évaluation eu égard aux observations du contribuable en réponse au redressement ;
Considérant que la proposition de rectification adressée le 25 janvier 2008 à Monsieur Y...porte sur les droits dont il est estimé redevable calculés sur la valeur en pleine propriété de ces biens au taux fixé selon le degré de parenté avec la défunte ;
Que pour parvenir à la détermination de cette valeur, l'administration a procédé par comparaison avec des ventes d'immeubles similaires ayant eu lieu au cours de l'année 2003 sur la même commune ;
Mais considérant que la proposition de rectification doit contenir les éléments de comparaison établissant la valeur vénale réelle des biens au jour du décès, avec toutes les précisions permettant d'apprécier concrètement s'ils se rapportent à des cessions de biens intrinsèquement similaires ;
Que l'administration qui a proposé des éléments de comparaison ne peut aujourd'hui soutenir qu'il lui suffisait de déterminer la valeur apparente de l'immeuble sauf à réviser celle-ci sur les observations formulées par le contribuable ;
Considérant qu'en outre, en se bornant à donner comme éléments de comparaison des biens situés géographiquement dans la même commune, leur localisation, leur prix et leur surface habitable, l'administration dans sa proposition de redressement n'a pas mis en mesure le contribuable de présenter ses observations ;
Qu'en effet, il n'est pas possible de déterminer la valeur vénale d'un immeuble si ne sont pas connus son état intérieur, son état d'entretien général, la surface de terrain qui entoure ou non la partie habitable, ses agencements ;
Que ces éléments interviennent dans la formation du prix de sorte que des biens de surface habitable comparable situés géographiquement dans une même commune peuvent avoir des valeurs sur le marché très différentes en fonction de la variation de ces critères objectifs ;
Considérant qu'en conséquence, il convient de constater l'irrégularité de la procédure de redressement par violation des dispositions de l'article L 57 du Livre des procédures fiscales ;
Que par substitution de motifs, le jugement sera confirmé en ce qu'il a déchargé Monsieur Y...de l'imposition qui résulte de l'avis du comptable des impôts de Dinan du 7 avril 2009 et condamné l'administration des finances publiques à lui payer la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ».
Articles L. 17 et L. 57 du livre des procédures fiscales (LPF)
- Violation de la loi
ALORS QU'aux termes de l'article L. 57 du LPF, l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ; que l'article L. 17 du LPF prévoit qu'en ce qui concerne les droits d'enregistrement et la taxe de publicité foncière ou la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'elle est due au lieu et place de ces droits ou taxes, l'administration des impôts peut rectifier le prix ou l'évaluation d'un bien ayant servi à la perception d'une imposition lorsque ce prix ou cette évaluation paraît inférieur à la valeur réelle des biens transmis ou désignés dans les actes ou déclarations ; que la rectification correspondante est effectuée suivant la procédure de redressement contradictoire prévue à l'article L. 55, l'administration étant tenue d'apporter la preuve de l'insuffisance des prix exprimés et des évaluations fournies dans les actes ou déclarations ; qu'il résulte de la jurisprudence que l'article L. 17 n'est pas applicable en cas de réintégration dans l'actif successoral d'un bien dont la déclaration a été omise et que, dans un tel cas, il revient à l'administration d'établir l'existence du bien au jour du décès, fait générateur de l'impôt, et d'établir l'imposition à partir de sa valeur apparente, sauf à réviser l'évaluation eu égard aux observations du contribuable en réponse au rehaussement ; qu'en l'espèce, l'administration a procédé à la réintégration à l'actif d'une succession, en vertu de l'article 751 du CGI, d'un immeuble détenu en usufruit par le de cujus et en nue-propriété par une personne interposée ; que, pour déterminer la valeur apparente du bien, l'administration a utilisé la méthode par comparaison avec des biens intrinsèquement similaires ; que, pour chaque terme de comparaison, elle a mentionné la date de la vente, la référence de publication aux Hypothèques, la commune et le lieu-dit, les références cadastrales et le prix de vente ; que, par conséquent, elle a ainsi mis le contribuable en mesure de présenter ses observations ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 57 et L. 17 du LFP.