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28/10/2014 | FRANCE | N°13-21320

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 octobre 2014, 13-21320


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 21 novembre 2011), que M. X..., engagé le 1er septembre 1992 par l'Association d'éducation populaire de l'école Sainte-Marie en qualité de professeur, a été licencié pour faute grave le 8 avril 2009 ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur, qui est préalable :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'écarter la faute grave du salarié, alors, selon le moyen :
1°/ que l'exercice de la liberté d'expression du salarié tant en dehors qu'à

l'intérieur de l'entreprise peut justifier un licenciement pour faute grave, p...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 21 novembre 2011), que M. X..., engagé le 1er septembre 1992 par l'Association d'éducation populaire de l'école Sainte-Marie en qualité de professeur, a été licencié pour faute grave le 8 avril 2009 ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur, qui est préalable :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'écarter la faute grave du salarié, alors, selon le moyen :
1°/ que l'exercice de la liberté d'expression du salarié tant en dehors qu'à l'intérieur de l'entreprise peut justifier un licenciement pour faute grave, privative des indemnités de rupture et de préavis, s'il dégénère en abus ; que tel est le cas lorsque le salarié profère à l'encontre de son supérieur hiérarchique des accusations gratuites et insultantes alors que ce dernier fait preuve de mesure dans sa relation de travail avec son subordonné ; que la cour d'appel a relevé que le 17 mars 2009, le salarié avait commis un abus dans l'exercice de sa liberté d'expression en adressant à son employeur une lettre aux termes de laquelle il professait des accusations écrites gratuites et insultantes, lui reprochant d'user de méthodes malhonnêtes et illégales et de le soumettre à des pressions, menaces et intimidations constantes ; que la cour d'appel a également constaté que l'employeur avait toujours délivré au salarié des explications écrites, précises et détaillées pour tenter de remédier à la situation de blocage à laquelle contribuait largement le salarié ; que la cour d'appel aurait dû en déduire que le salarié avait commis une faute grave en abusant de sa liberté d'expression ; qu'en décidant le contraire, au motif tiré d'une tolérance de l'employeur en la matière, lors même que ce dernier avait enclenché la procédure disciplinaire de licenciement dès réception de la lettre du salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
2°/ que l'opposition frontale gratuite et récurrente d'un salarié envers son employeur qui dégénère en abus dans l'exercice de la liberté d'expression justifie un licenciement pour faute grave ; que la cour d'appel a relevé que le salarié avait fait preuve d'une opposition frontale systématique et injustifiée envers son employeur et qu'il avait commis un abus dans l'exercice de sa liberté d'expression en accusant gratuitement et par écrit son employeur d'user de méthodes malhonnêtes et illégales et de le soumettre à des pressions, menaces et intimidations constantes ; qu'il s'en évinçait que le licenciement du salarié se trouvait justifié par une faute grave ; que la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a à nouveau violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les difficultés étaient apparues lors de l'entrée en vigueur de la convention collective du 27 novembre 2007, que les conditions de travail étaient particulièrement imprécises, que le salarié avait manifesté une opposition frontale par ses lettres envoyées pour la défense de ses intérêts, la cour d'appel, qui a écarté certains griefs et qui a tenu compte du caractère récurrent du comportement dénoncé, longuement toléré par l'employeur, a pu en déduire que les faits n'étaient pas de nature à constituer une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal du salarié :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes indemnitaires au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que seuls des propos diffamatoires, injurieux ou excessifs sont susceptibles de justifier le licenciement du salarié qui les a tenus ; qu'en considérant que le licenciement se trouvait justifié par la faute commise par M. X..., consistant à avoir reproché par écrit à l'employeur des « méthodes malhonnêtes », ainsi que les « pressions, intimidations et menaces » dont il était l'objet pour l'inciter à signer un nouveau contrat, au motif que « de telles accusations écrites constituent assurément une faute », tout en constatant que M. X... avait été confronté à l'injonction d'avoir à signer un nouveau contrat de travail qu'il était fondé à refuser, et sans rechercher dès lors si cette insistance illégitime de l'employeur à faire signer au salarié un nouveau contrat de travail ne justifiait pas la teneur des propos employés par M. X..., dépourvus dans ces conditions de tout caractère fautif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-1 du code du travail ;
2°/ que les juges du fond doivent tenir compte du contexte dans lequel les propos litigieux ont été tenus par le salarié ; qu'en estimant que le licenciement de M. X... se trouvait justifié par la faute commise par celle-ci ayant consisté à « dépasser le droit d'expression reconnu à tout salarié », tout en relevant que l'échange de courriers litigieux s'inscrivait dans le cadre d'un climat de confiance dégradé entre le salarié et l'employeur et en reproduisant les termes de la lettre de licenciement desquels il s'évinçait que l'employeur n'hésitait pas à reprocher au salarié son caractère « buté », ce dont il résultait que l'employeur était également dans l'excès, la cour d'appel, qui n'a en définitive pas recherché si les propos tenus par M. X... ne se trouvaient pas excusés par le ton employé par le directeur de l'association, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-1 du code du travail ;
3°/ qu'en estimant qu'était fondé « le grief tenant en substance à une opposition systématique (du salarié) à la clarification de son statut, nécessairement inclus dans le grief tenant au refus de signature de l'avenant », tout en constatant par ailleurs que « M. X... était fondé à refuser de signer » l'avenant litigieux, dès lors que ce document ne fixait pas la répartition du temps sur l'année, ce dont il résultait que ne pouvait être imputé à faute à M. X... le fait de s'être systématiquement opposé à cette signature, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 1232-1 du code du travail ;
Mais attendu que si le salarié jouit dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, d'une liberté d'expression, il ne peut en abuser en tenant des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs ; que la cour d'appel, après avoir relevé les propos tenus par le salarié dans la lettre adressée le 17 mars 2009 au directeur de l'établissement accusant ce dernier de méthodes malhonnêtes, de pressions, d'intimidations et de menaces, et avoir constaté que la réalité des accusations du salarié ne résultait d'aucune des pièces versées aux débats, en a justement déduit, sans encourir les griefs du moyen, que ces propos constituaient un abus de sa liberté d'expression ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois, tant principal qu'incident ;
Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit octobre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. X..., demandeur au pourvoi principal
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Richard X... de sa demande tendant à ce qu'il soit jugé que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et de l'avoir débouté de ses demandes indemnitaires présentées à ce titre ;
AUX MOTIFS QU'il est établi que les rapports entre le salarié et l'employeur se sont dégradés au fil du temps et se sont cristallisés notamment sur les incidences de l'accord de branche du 3 avril 2001 (arrêté d'extension du 27 juillet 2002 et accord applicable au 1er janvier 2003) et de la convention collective de l'enseignement privé hors contrat du 27 novembre 2007 ayant fait l'objet d'un arrêté d'extension du 21 août 2008 et rendue applicable au 1er septembre 2008 ; que M. X... a ainsi refusé de conclure un avenant à son contrat de travail au motif que l'employeur entendait lui imposer des conditions remettant en cause des avantages acquis ; que s'il est établi que l'avenant proposé le 1er janvier 2009 instaurait un horaire annuel de cours de 1534 heures, comprenant 864 heures de cours par ans, soit 24 heures par semaine de cours en moyenne (impliquant par là-même une possibilité de répartition de l'emploi du temps sur 36 semaines par an), alors que le document contractuel précédent prévoyait un horaire de cours de 21 heures par semaine sans fixer la répartition de l'emploi du temps sur l'année (contrat de travail d'origine) et qu'en conséquence M. X... était fondé à refuser de le signer, force est de constater que dans ses divers courriers de protestation, il évoquait de nombreux autres griefs qui s'avèrent infondés en l'état du dossier ; que l'abandon de l'indice de la fonction publique au profit d'un « taux horaire plus facile à établir » annoncé par l'employeur dans la lettre du 27 septembre 2001, est contesté par l'association d'éducation populaire de l'école Sainte Marie dans ses écritures pages 17 et 18 ; qu'il n'apparaît pas des pièces versées aux débats que les enseignants de l'école Sainte-Marie n'auraient plus été rémunérés sur la base de la valeur du point de la fonction publique, aucune démonstration n'étant faite sur ce point ; que les bulletins de paie à compter de 2003 portant trace de 72 heures par semaine, résultent effectivement de l'application du lissage annuel du nombre d'heures de cours par application de l'accord de branche étendu de 2001 ; qu'aucun grief ne peut être retenu à ce titre ; que M. X... ne rapporte aucunement la preuve de l'usage qu'il invoque (page 10 de ses écritures) selon lequel une heure de cours générait une heure de préparation, de sorte que le grief fait à l'employeur de n'avoir pris en compte qu'une partie des heures induites n'est pas fondé ; qu'il invoque encore la modification résultant d'un emploi du temps sur 36 semaines annuelles au lieu de 34 semaines, mais que l'association d'éducation populaire de l'école Sainte Marie conteste le passage dans son établissement à 36 semaines de cours ; que les pièces du dossier ne révèlent pas la réalité d'un emploi du temps réparti sur 36 semaines annuelles, précision étant faite que la pièce 32-4 du salarié est matériellement inexploitable pour établir la modification alléguée, de même que la lettre du directeur de l'école du 15 janvier 2009 ; qu'en effet, cette modification ne peut être déduite de la seule date de rentrée des classes fixée au 6 septembre 2009, en l'absence de l'emploi du temps pour l'année scolaire 2009, 2010, étant observé au surplus que la mention manuscrite fait à l'évidence par l'un des trois salariés parties au litige, en commentaire sur cette lettre du 15 janvier 2009, selon laquelle elle serait « la preuve qu'une 35ème semaine allait être imposée en vertu du contrat critiqué » suffit à retenir l'absence de répartition sur 36 semaines par an ; que la modification de l'évolution des points d'ancienneté ne résulte d'aucun élément alors que l'avenant proposé par l'employeur renvoyait au calcul des points d'ancienneté selon l'usage dans l'établissement ; qu'il en est de même des jours fériés chômés alors que l'avenant proposé reconnaissait le bénéfice de neuf jours fériés, quand bien même les pièces du dossier tendent à établir que le 1er mai 2009 a été effectivement travaillé, ce qui pouvait donner lieu le cas échéant à réclamation y compris en justice ; que si la modification du contrat de travail initial prévoyant un horaire hebdomadaire de 21 heures de cours pouvait justifier le refus de signature de l'avenant qui prévoyait un horaire de 24 heures de cours par semaine en moyenne, il apparaît néanmoins que la revendication de M. X... ne portait pas sur ce seul point, mais également sur les éléments ci-dessus examinés qui n'apparaissent pas fondés ; qu'ainsi, les courriers échangés entre les parties versés aux débats établissent que les difficultés sont apparues lors de l'entrée en vigueur de l'accord de branche de 2001 et de la convention collective du 27 novembre 2007, alors que les conditions de travail (horaire de cours heures induites, répartition de ces horaires dans l'année ¿) étaient particulièrement imprécises ainsi que l'admet l'une des lettres de l'employeur ; qu'ils établissent aussi qu'à compter de 2007, l'association d'éducation populaire de l'école Sainte Marie a entendu répondre précisément par écrit aux difficultés qui apparaissent aux yeux de trois enseignants dont M. X... ; que les lettres des 13 et 27 février, 6 et 17 mars 2009, et celles envoyées par un syndicat au soutien de ses intérêts, ne contiennent aucune argumentation sur les anomalies ou irrégularités qu'elles dénoncent ; qu'ainsi, force est de constater que face à des explications écrites précises et détaillées de l'employeur (versées aux débats), M. X... par ses courriers ou ceux envoyés pour la défense de ses intérêts, invoquant le caractère défavorable des avenants proposés et la remise en cause d'avantages acquis (sans autre précision) a manifesté une opposition frontale, sans prendre le soin d'analyser précisément ses points d'accord et de divergence et sans les argumenter précisément, contribuant ainsi largement à une situation de blocage ; qu'enfin, par lettre du 17 mars 2009, adressée au directeur de l'établissement, M. X... a dénoncé le comportement de celui-ci en ces termes : « Nous attendons une réponse prochaine à nos récents courriers relatifs à nos fiches de paie arbitrairement modifiées ainsi qu'aux avenants inacceptables que vous avez cherché à nous imposer. Nous dénonçons avec peine l'illégalité et la malhonnêteté de vos méthodes, pressions instantes, intimidations et menaces dont vous faites preuve en contradiction totale avec l'esprit de la loi ayant été inspirée en faveur du salarié, la convention collective nationale de septembre 2008 et l'accord de branche d'avril 2001 » ; que l'accusation de méthodes malhonnêtes, et de surcroît de pressions, d'intimidations et de menaces dont la réalité ne résulte d'aucune des pièces versées aux débats, dépasse le droit d'expression reconnu à tout salarié, dès lors que comme en l'espèce, il dégénère en abus ; que de telles accusations écrites constituent assurément une faute ; qu'il est à préciser que les griefs tenant aux dérives pédagogiques, au refus de déférer à l'autorité hiérarchique et quant à l'information des élèves du conflit avec l'employeur, ne reposent que sur des pièces (notamment le témoignage d'un seul parent d'élève), insuffisamment circonstanciées et étayées pour permettre de les retenir ; qu'il en est de même des relevés statistiques des devoirs et leçons et des lettres adressées au salarié, non corroborés par des pièces, notamment comparatives ; qu'en revanche, alors que l'absence à la réunion d'information sur les implications de l'accord de branche de la convention collective n'est pas sérieusement contestée, le grief tenant en substance à une opposition systématique à la clarification de son statut, nécessairement inclus dans le grief tenant au refus de signature de l'avenant, et surtout celui relatif aux accusations écrites insultantes envers l'employeur, sont fondés et caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que ces griefs qui pour l'un a perduré jusqu'au déclenchement de la procédure disciplinaire le 19 mars 2009 et pour l'autre a été commis le 17 mars 2009 ne sont pas prescrits ; qu'au vu du caractère récurrent du comportement dénoncé, longuement toléré par l'employeur ainsi que celui-ci le reconnait, les faits n'étaient pas de nature à interdire la présence du salarié dans l'entreprise même pour la durée limitée d'un préavis ;
ALORS, D'UNE PART, QUE seuls des propos diffamatoires, injurieux ou excessifs sont susceptibles de justifier le licenciement du salarié qui les a tenus ; qu'en considérant que le licenciement se trouvait justifié par la faute commise par M. X..., consistant à avoir reproché par écrit à l'employeur des « méthodes malhonnêtes », ainsi que les « pressions, intimidations et menaces » dont il était l'objet pour l'inciter à signer un nouveau contrat, au motif que « de telles accusations écrites constituent assurément une faute » (arrêt attaqué, p. 8, alinéas 2 et 3), tout en constatant que M. X... avait été confronté à l'injonction d'avoir à signer un nouveau contrat de travail qu'il était fondé à refuser (arrêt attaqué, p. 6, alinéa 3), et sans rechercher dès lors si cette insistance illégitime de l'employeur à faire signer au salarié un nouveau contrat de travail ne justifiait pas la teneur des propos employés par M. X..., dépourvus dans ces conditions de tout caractère fautif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-1 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE les juges du fond doivent tenir compte du contexte dans lequel les propos litigieux ont été tenus par le salarié ; qu'en estimant que le licenciement de M. X... se trouvait justifié par la faute commise par celle-ci ayant consisté à « dépasser le droit d'expression reconnu à tout salarié » (arrêt attaqué, p. 8, alinéa 2), tout en relevant que l'échange de courriers litigieux s'inscrivait dans le cadre d'un climat de confiance dégradé entre le salarié et l'employeur (arrêt attaqué, p. 6, alinéa 1er) et en reproduisant les termes de la lettre de licenciement desquels il s'évinçait que l'employeur n'hésitait pas à reprocher au salarié son caractère « buté » (arrêt attaqué, p. 4 in fine), ce dont il résultait que l'employeur était également dans l'excès, la cour d'appel, qui n'a en définitive pas recherché si les propos tenus par M. X... ne se trouvaient pas excusés par le ton employé par le directeur de l'association, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-1 du code du travail ;
ALORS, ENFIN, QU'en estimant qu'était fondé « le grief tenant en substance à une opposition systématique (du salarié) à la clarification de son statut, nécessairement inclus dans le grief tenant au refus de signature de l'avenant » (arrêt attaqué, p. 8, alinéa 5), tout en constatant par ailleurs que « Monsieur X... était fondé à refuser de signer » l'avenant litigieux, dès lors que ce document ne fixait pas la répartition du temps sur l'année (arrêt attaqué, p. 6, alinéa 3), ce dont il résultait que ne pouvait être imputé à faute à M. X... le fait de s'être systématiquement opposé à cette signature, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 1232-1 du code du travail.
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour l'Association d'éducation populaire de l'école Sainte-Marie, demanderesse au pourvoi incident
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué ;
D'AVOIR écarté la faute grave et condamné l'employeur à verser au salarié différentes sommes à titre d'indemnités de rupture ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « la lettre de licenciement dont les motifs fixent les limites du litige, est rédigée en ces termes : " A la suite de l'entretien que nous avons eu le vendredi 3 avril 2009, pour lequel vous vous êtes fait assister, où vous avez développé une agressivité caractéristique de votre comportement, ne me laissant pas parler, me coupant systématiquement la parole, je me vois contraint de vous licencier pour faute grave, privative de préavis et d'indemnité. Les observations qui vous ont été faites sans restées sans effet, l'entretien préalable n'a apporté aucun élément nouveau. Je pense pourtant avoir fait preuve de patience, n'avoir jamais refusé quelque explication que ce soit, ma porte étant toujours ouverte, vous avoir écrit avec respect, ce qui n'est pas votre cas. D'ailleurs avant d'arriver avant cette extrémité, je vous ai délivré des mises en garde par courrier, lesquelles n'ont jamais fait l'objet d'une quelconque contestation, courriers auxquels vous voudrez bien vous reporter, vous demandant de vous reprendre face à vos « dérives pédagogiques » : classes non tenues, enfants exclus de cours contre mes directives, chutes et/ ou absences de notations malgré les remarques de Monsieur l'abbé Z..., Préfet des Études, etc. Votre comportement traduit très clairement un refus global de déférer à l'autorité hiérarchique que je représente, que vous le vouliez ou non et qui fait qu'aujourd'hui votre contrat ne peut plus subsister. Nous avons dû appliquer des accords d'entreprise et aussi une Convention collective nouvelle qui a été étendue. Lors de son application, j'ai organisé en janvier 2009 une réunion générale à l'École pour la présenter, avec mise à disposition de celle-ci et les questions qu'elle pouvait poser. Vous n'avez pas cru devoir venir à cette réunion comme aux convocations que je vous ai adressées, mise à part une très brève entrevue où votre refus de discuter fut manifeste. En février, j'ai remis à tous les salariés titulaires d'un CDI à temps plein le contrat conforme à la Convention collective. Tous l'ont signé sauf vous, pour des raisons que j'ignore encore, puisque vous êtes incapable de me dire ce que cela changerait pour vous, ce qui nous permettrait alors d'y apporter des corrections. C'est un refus buté et inexpliqué, sans aucune raison semble-t-il, que de créer des conflits récurrents et artificiels pour dire sans doute aux autres « voyez, moi je ne fais pas ce qu'on me dit. » Je ne vois pas d'autre explication. Mis à part votre « refus de principe », je ne vois pas ce que ce contrat changerait dans vos fonctions, statut, rémunération, car encore une fois et comme je l'ai déjà dit, tout était aménageable. Or je n'ai ni le goût ni le temps à consacrer à des conflits artificiels. Lors de l'entretien à nouveau, vous avez été incapable de me dire, tout comme votre conseiller, quelles étaient les modifications substantielles qu'apportait le contrat. Au-delà de ce problème révélateur d'un comportement de refus de l'autorité hiérarchique, vous doublez celui-ci d'accusations graves et de calomnies que je ne puis accepter. Le 6 mars dernier, vous m'envoyez une LRAR pour me dire que vos fiches de paie de janvier et février 2009 contiennent de nombreuses anomalies. Vous recevrez ultérieurement un autre courrier, » poursuivez-vous. J'attends encore un début d'explication... que je n'ai d'ailleurs pas obtenu lors de l'entretien du 3 avril. Et comme rien ne vient, pour faire bonne mesure, vous passez à la calomnie et m'écrivez gratuitement et sans aucune raison le 17 mars, que vous attendiez « une réponse à nos récents courriers relatifs à nos fiches de paie »... (répondre à quoi ?), rajoutant au passage, démontrant ainsi votre intention de me nuire, que « nous dénonçons avec peine l'illégalité et la malhonnêteté de vos méthodes (pressions instantes, intimidations et menaces) dont vous faites preuve. Cela n'est pas acceptable et vous avez dépassé le seuil du tolérable, car je n'ai jamais employé les prétendues méthodes que vous « dénoncez » avec qui que ce soit. Quant à moi, je vous ai toujours écrit avec respect, ce qui est loin d'être votre cas, et je n'ai jamais utilisé la calomnie, les propos dénigrants -comme vous le faites- et attentatoires à ma dignité et à mon honneur. La liberté d'expression du salarié ne peut dégénérer en abus comme vous le faites. Car il s'agit non seulement d'écrits mais aussi de vos propos. Vous n'avez d'ailleurs pas hésité à dire, lors de l'entretien, que je mentais, me calomniant à propos de l'incident physique de Madame Y..., survenu le 5 mars dernier. Après votre entretien, lors du cours de physique en classe de 4ème vous avez pris les élèves de cette classe à témoin en disant que certains professeurs étaient victimes d'injustice dans cette École. Les élèves ont été vivement troublés par votre affirmation. Cela n'est pas tolérable car vous continuez votre dénigrement. Vos calomnies sont sans fondement comme à l'habitude. À cela, vous ajoutez une pédagogie à la dérive : il y a de moins en moins de notes, ce qui inquiète les parents ; les programmes de physique en classes de Seconde et de Troisième n'en sont qu'à la moitié alors que nous arrivons bientôt au terme de l'année scolaire ; le désordre continue à régner dans vos classes et les élèves s'en amusent. Tous ces faits et motifs font qu'effectivement votre contrat ne peut se poursuivre, même pendant la durée d'un préavis. Votre contrat prendra fin à la première présentation de ce courrier à votre domicile ». Il est établi que les rapports entre le salarié et l'employeur se sont dégradés au fil du temps et se sont cristallisés notamment sur les incidences de l'accord de branche du 3 avril 2001 (arrêté d'extension du 27 juillet 2002 et accord applicable au 1er janvier 2003) et de la convention collective de l'enseignement privé hors contrat du 27 novembre 2007 ayant fait l'objet d'un arrêté d'extension du 21 août 2008 et rendue applicable au 1er septembre 2008 ; que M. X... a ainsi refusé de conclure un avenant à son contrat de travail au motif que l'employeur entendait lui imposer des conditions remettant en cause des avantages acquis ; que s'il est établi que l'avenant proposé le 1er janvier 2009 instaurait un horaire annuel de cours de 1534 heures, comprenant 864 heures de cours par an, soit 24 heures par semaine de cours en moyenne (impliquant par là-même une possibilité de répartition de l'emploi du temps sur 36 semaines par an), alors que le document contractuel précédent prévoyait un horaire de cours de 21 heures par semaine sans fixer la répartition de l'emploi du temps sur l'année (contrat de travail d'origine) et qu'en conséquence M. X... était fondé à refuser de le signer, force est de constater que dans ses divers courriers de protestation, il évoquait de nombreux autres griefs qui s'avèrent infondés en l'état du dossier ; que l'abandon de l'indice de la fonction publique au profit d'un taux horaire plus facile à établir annoncé par l'employeur dans la lettre du 27 septembre 2001, est contesté par l'association d'éducation populaire de l'école Sainte Marie dans ses écritures pages 17 et 18 ; qu'il n'apparaît pas des pièces versées aux débats que les enseignants de l'école Sainte-Marie n'auraient plus été rémunérés sur la base de la valeur du point de la fonction publique, aucune démonstration n'étant faite sur ce point ; que les bulletins de paie à compter de 2003 portant trace de 72 heures par semaine, résultent effectivement de l'application du lissage annuel du nombre d'heures de cours par application de l'accord de branche étendu de 2001 ; qu'aucun grief ne peut être retenu à ce titre ; que M. X... ne rapporte aucunement la preuve de l'usage qu'il invoque (page 10 de ses écritures) selon lequel une heure de cours générait une heure de préparation, de sorte que le grief fait à l'employeur de n'avoir pris en compte qu'une partie des heures induites n'est pas fondé ; qu'il invoque encore la modification résultant d'un emploi du temps sur 36 semaines annuelles au lieu de 34 semaines, mais que l'association d'éducation populaire de l'école Sainte Marie conteste le passage dans son établissement à 36 semaines de cours ; que les pièces du dossier ne révèlent pas la réalité d'un emploi du temps réparti sur 36 semaines annuelles, précision étant faite que la pièce 32-4 du salarié est matériellement inexploitable pour établir la modification alléguée, de même que la lettre du directeur de l'école du 15 janvier 2009 ; qu'en effet, cette modification ne peut être déduite de la seule date de rentrée des classes fixée au 6 septembre 2009, en l'absence de l'emploi du temps pour l'année scolaire 2009, 2010, étant observé au surplus que la mention manuscrite fait à l'évidence par l'un des trois salariés parties au litige, en commentaire sur cette lettre du 15 janvier 2009, selon laquelle elle serait « la preuve qu'une 35ème semaine allait être imposée en vertu du contrat critiqué » suffit à retenir l'absence de répartition sur 36 semaines par an ; que la modification de l'évolution des points d'ancienneté ne résulte d'aucun élément alors que l'avenant proposé par l'employeur renvoyait au calcul des points d'ancienneté selon l'usage dans l'établissement ; qu'il en est de même des jours fériés chômés alors que l'avenant proposé reconnaissait le bénéfice de neuf jours fériés, quand bien même les pièces du dossier tendent à établir que le 1er mai 2009 a été effectivement travaillé, ce qui pouvait donner lieu le cas échéant à réclamation y compris en justice ; que si la modification du contrat de travail initial prévoyant un horaire hebdomadaire de 21 heures de cours pouvait justifier le refus de signature de l'avenant qui prévoyait un horaire de 24 heures de cours par semaine en moyenne, il apparaît néanmoins que la revendication de M. X... ne portait pas sur ce seul point, mais également sur les éléments ci-dessus examinés qui n'apparaissent pas fondés ; qu'ainsi, les courriers échangés entre les parties versés aux débats établissent que les difficultés sont apparues lors de l'entrée en vigueur de l'accord de branche de 2001 et de la convention collective du 27 novembre 2007, alors que les conditions de travail (horaire de cours heures induites, répartition de ces horaires dans l'année...) étaient particulièrement imprécises ainsi que l'admet l'une des lettres de l'employeur ; qu'ils établissent aussi qu'à compter de 2007, l'association d'éducation populaire de l'école Sainte Marie a entendu répondre précisément par écrit aux difficultés qui apparaissent aux yeux de trois enseignants dont M. X... ; que les lettres des 13 et 27 février, 6 et 17 mars 2009, et celles envoyées par un syndicat au soutien de ses intérêts, ne contiennent aucune argumentation sur les anomalies ou irrégularités qu'elles dénoncent ; qu'ainsi, force est de constater que face à des explications écrites précises et détaillées de l'employeur (versées aux débats), M. X... par ses courriers ou ceux envoyés pour la défense de ses intérêts, invoquant le caractère défavorable des avenants proposés et la remise en cause d'avantages acquis (sans autre précision) a manifesté une opposition frontale, sans prendre le soin d'analyser précisément ses points d'accord et de divergence et sans les argumenter précisément, contribuant ainsi largement à une situation de blocage ; qu'enfin, par lettre du 17 mars 2009, adressée au directeur de l'établissement, M. X... a dénoncé le comportement de celui-ci en ces termes : « Nous attendons une réponse prochaine à nos récents courriers relatifs à nos fiches de paie arbitrairement modifiées ainsi qu'aux avenants inacceptables que vous avez cherché à nous imposer. Nous dénonçons avec peine l'illégalité et la malhonnêteté de vos méthodes, pressions instantes, intimidations et menaces dont vous faites preuve en contradiction totale avec l'esprit de la loi avant été inspirée en faveur du salarié, la convention collective nationale de septembre 2008 et l'accord de branche d'avril 2001 » ; que l'accusation de méthodes malhonnêtes, et de surcroît de pressions, d'intimidations et de menaces dont la réalité ne résulte d'aucune des pièces versées aux débats, dépasse le droit d'expression reconnu à tout salarié, dès lors que comme en l'espèce, il dégénère en abus ; que de telles accusations écrites constituent assurément une faute ; qu'il est à préciser que les griefs tenant aux dérives pédagogiques, au refus de déférer à l'autorité hiérarchique et quant à l'information des élèves du conflit avec l'employeur, ne reposent que sur des pièces (notamment le témoignage d'un seul parent d'élève), insuffisamment circonstanciées et étayées pour permettre de les retenir ; qu'il en est de même des relevés statistiques des devoirs et leçons et des lettres adressées au salarié, non corroborés par des pièces, notamment comparatives ; qu'en revanche, alors que l'absence à la réunion d'information sur les implications de l'accord de branche de la convention collective n'est pas sérieusement contestée, le grief tenant en substance à une opposition systématique à la clarification de son statut, nécessairement inclus dans le grief tenant au refus de signature de l'avenant, et surtout celui relatif aux accusations écrites insultantes envers l'employeur, sont fondés et caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que ces griefs qui pour l'un a perduré jusqu'au déclenchement de la procédure disciplinaire le 19 mars 2009 et pour l'autre a été commis le 17 mars 2009 ne sont pas prescrits ; qu'au vu du caractère récurrent du comportement dénoncé, longuement toléré par l'employeur ainsi que celui-ci le reconnait, les faits n'étaient pas de nature à interdire la présence du salarié dans l'entreprise même pour la durée limitée d'un préavis ».
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « les faits reprochés à Monsieur Richard X... ne sont pas de nature à rendre impossible sa présence dans l'établissement. Il y a lieu de requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse, ce qui entraîne le versement de l'indemnité de préavis et de l'indemnité conventionnelle de licenciement. Vu la convention collective, le préavis est de deux mois de salaire auquel il y a lieu d'ajouter l'indemnité de congés payés à hauteur de 10 % ; que les indemnités de licenciement demandées sont calculées à partir de la convention collective ; les bases sont de 2/ 10ème de mois de salaire par année d'ancienneté plus au-delà de 10 années d'ancienneté, 1/ 15ème par année entière d'ancienneté. L'ancienneté retenue est de 15 ans, la date d'entrée dans l'établissement étant le 1er septembre 1993 soit (2. 284 x 2/ 10) x 15 = 2. 284 euros soit au total 9. 136 euros. Monsieur Richard X..., par son attitude et son refus de signer le contrat proposé, s'est lui-même mis dans une situation difficile. En conséquence, il ne peut être débouté de ses demandes de dommages et intérêts ».
ALORS QUE l'exercice de la liberté d'expression du salarié tant en dehors qu'à l'intérieur de l'entreprise peut justifier un licenciement pour faute grave, privative des indemnités de rupture et de préavis, s'il dégénère en abus ; que tel est le cas lorsque le salarié profère à l'encontre de son supérieur hiérarchique des accusations gratuites et insultantes alors que ce dernier fait preuve de mesure dans sa relation de travail avec son subordonné ; que la cour d'appel a relevé que le 17 mars 2009, le salarié avait commis un abus dans l'exercice de sa liberté d'expression en adressant à son employeur une lettre aux termes de laquelle il professait des accusations écrites gratuites et insultantes, lui reprochant d'user de méthodes malhonnêtes et illégales et de le soumettre à des pressions, menaces et intimidations constantes ; que la cour d'appel a également constaté que l'employeur avait toujours délivré au salarié des explications écrites, précises et détaillées pour tenter de remédier à la situation de blocage à laquelle contribuait largement le salarié ; que la cour d'appel aurait du en déduire que le salarié avait commis une faute grave en abusant de sa liberté d'expression ; qu'en décidant le contraire, au motif tiré d'une tolérance de l'employeur en la matière, lors même que ce dernier avait enclenché la procédure disciplinaire de licenciement dès réception de la lettre du salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.
ET ALORS QUE l'opposition frontale gratuite et récurrente d'un salarié envers son employeur qui dégénère en abus dans l'exercice de la liberté d'expression justifie un licenciement pour faute grave ; que la cour d'appel a relevé que le salarié avait preuve d'une opposition frontale systématique et injustifiée envers son employeur et qu'il avait commis un abus dans l'exercice de sa liberté d'expression en accusant gratuitement et par écrit son employeur d'user de méthodes malhonnêtes et illégales et de le soumettre à des pressions, menaces et intimidations constantes ; qu'il s'en évinçait que le licenciement du salarié se trouvait justifié par une faute grave ; que la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a à nouveau violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-21320
Date de la décision : 28/10/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 21 novembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 oct. 2014, pourvoi n°13-21320


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, Me Le Prado

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.21320
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