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28/10/2014 | FRANCE | N°13-14947

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 octobre 2014, 13-14947


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 23 octobre 1996 par la société Hilti France en qualité de commercial, a été placé en arrêt pour maladie à compter du 13 février 2006 ; qu'il a été licencié par lettre du 28 novembre 2006 en raison de son absence prolongée désorganisant gravement le fonctionnement de l'entreprise et nécessitant son remplacement définitif ; qu'estimant être l'objet de harcèlement moral et d'un licenciement nul ou à défaut dépourvu de cause réelle et sérieuse, il a

saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 23 octobre 1996 par la société Hilti France en qualité de commercial, a été placé en arrêt pour maladie à compter du 13 février 2006 ; qu'il a été licencié par lettre du 28 novembre 2006 en raison de son absence prolongée désorganisant gravement le fonctionnement de l'entreprise et nécessitant son remplacement définitif ; qu'estimant être l'objet de harcèlement moral et d'un licenciement nul ou à défaut dépourvu de cause réelle et sérieuse, il a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu que pour rejeter les demandes présentées au titre du harcèlement moral, l'arrêt retient que les avertissements prononcés contre le salarié les 30 mai 2005 et 26 janvier 2006 qui n'ont jamais été contestés par celui-ci ont été formulés dans des termes exempts d'agressivité et développaient des reproches de manière argumentée, que le nouvel entretien préalable à une sanction disciplinaire du 18 juillet 2005 n'a pas été suivi d'effet, que les deux courriers adressés entre ces deux avertissements faisant part du mécontentement de l'employeur et demandant d'augmenter l'activité trouvaient leur origine dans les résultats commerciaux en baisse du salarié et son manque d'activité et consistaient en l'exercice normal et sans excès par l'employeur de son pouvoir de direction, que les messages téléphoniques écrits et oraux adressés par le supérieur hiérarchique entre le 9 février 2005 et le 4 avril 2006 avaient tous un lien avec le travail, étaient dénués de propos agressifs, intimidants ou désobligeants et n'exigeaient pas de la part du salarié de réponse immédiate alors même que certains pouvaient être adressés en dehors des heures de travail habituelles, que certains de ces messages étaient adressés à tous les commerciaux de l'entreprise et que ceux adressés lors de l'arrêt de travail pour maladie du salarié étaient simplement destinés à assurer la continuité de son service et que leur nombre (seize sms et vingt-trois messages vocaux) ne permettait pas de conclure à l'existence d'envois incessants pouvant caractériser un harcèlement moral, que la diminution de la partie variable de sa rémunération résultait de l'application d'une clause contractuelle qui n'avait pas encore été déclarée non écrite et qui remontait à plus de quatre années ;
Qu'en statuant ainsi, sans examiner les éléments médicaux produits par le salarié et en procédant à une appréciation séparée de chacun des autres éléments invoqués par celui-ci, alors qu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré non écrite la condition tenant à l'absence de sanction disciplinaire à laquelle est subordonné le bénéfice de la clause intitulée « contrat de confiance » de l'avenant au contrat de travail en date du 29 mars 2001 et a condamné l'employeur à verser au salarié des sommes au titre des rappels de salaire pour les années 2003 et 2005 et congés payés afférents, rappels de salaire pour l'année 2006 et indemnités journalières complémentaires, l'arrêt rendu le 29 janvier 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne la société Hilti France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Hilti France à payer la somme de 3 000 euros à M. X...;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit octobre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté monsieur X...de ses demandes au titre du harcèlement moral ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, conformément à l'ancien article L. 122-49 alinéa 1 du code du travail, alors applicable et dont les dispositions sont désormais reprises par l'article L. 1152-1, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits ou à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel ; que selon l'article L. 1154-1 du même code, il appartient au salarié qui invoque l'existence d'un harcèlement d'établir des faits qui permettent de présumer son existence et il incombe à la partie défenderesse de prouver que les agissements ainsi reprochés ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement ; que monsieur X...reproche à la société Hilti France le harcèlement moral qu'aurait commis à son égard son nouveau supérieur hiérarchique, François Y..., à compter de l'année 2005 ; que l'attestation établie par Hervé B... se contente d'affirmer que monsieur X...« a subi de très fortes pressions directes et indirectes afin qu'il démissionne » et qu'il a été « très affecté physiquement et psychologiquement par cette situation éprouvante » sans rapporter de faits précis et circonstanciés que le témoin aurait personnellement constatés ; qu'elle est donc insusceptible d'établir l'existence de faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que monsieur X...invoque en premier lieu les procédures disciplinaires dont il a été l'objet à compter de l'année 2005 ; que le conseil de prud'hommes a cependant relevé à juste titre que monsieur X...avait fait l'objet de deux avertissements par lettres des 30 mai 2005 et 26 janvier 2006, que ces avertissements avaient été formulés dans des termes exempts d'agressivité, qu'ils avaient développé des reproches de manière argumentée et que leur bien fondé n'avait jamais été contesté par le salarié ; qu'entre ces deux avertissements, monsieur X...a été convoqué à un nouvel entretien préalable à une sanction disciplinaire fixé au 18 juillet 2005, qui n'a cependant pas été suivi d'une telle sanction, et a ensuite reçu deux lettres par lesquelles son supérieur hiérarchique lui demandait dans un premier temps d'augmenter son activité avant de lui faire part de son profond mécontentement ; que ces différentes démarches précédant le second avertissement étaient justifiées par des résultats commerciaux en baisse et un manque d'activité du salarié ; que la société Hilti France a donc exercé son pouvoir disciplinaire de manière normale et sans excès, en différant la prise d'une nouvelle sanction disciplinaire et en rappelant au salarié ses exigences ; qu'aucun harcèlement moral n'est donc caractérisé de ce chef ; que monsieur X...invoque également des messages téléphoniques répétés en provenance de François Y..., y compris lorsqu'il était en arrêt pour maladie ; que cependant ces messages, envoyés sur le téléphone mobile professionnel de monsieur X...ont tous un lien direct avec le travail de celui-ci ; que leur nombre, à savoir 16 messages de type SMS entre le 9 février 2005 et le 23 février 2006 ainsi que 23 messages vocaux entre le 11 octobre 2005 et le 4 avril 2006, ne permet pas de caractériser un harcèlement du salarié par des envois incessants ; qu'en outre, plusieurs de ces messages étaient en réalité adressés à l'ensemble des commerciaux, et sont donc insusceptibles de relever d'un harcèlement moral visant monsieur X...; que les messages destinés exclusivement à monsieur X..., même s'ils révèlent parfois le mécontentement de l'interlocuteur, ne manifestent quant à eux ni agressivité, ni volonté d'intimidation et ne contiennent aucun propos désobligeant ; que si François Y...a envoyé des messages sous forme SMS, ou en les enregistrant sur la boîte vocale, à des heures ne correspondant pas aux heures de travail habituelles, ces messages n'exigeaient aucune réponse immédiate ; que le salarié n'avait dès lors aucune obligation d'en prendre connaissance et d'y répondre en dehors de ses heures de travail ; que les messages envoyés à monsieur X...durant son arrêt de travail pour maladie, et jusqu'au 28 mars 2006, étaient exclusivement destinés à assurer la continuité de l'activité de son service, et notamment à solliciter des informations de sa part afin de répondre aux demandes des clients qu'il gérait habituellement que les demandes formulées n'étaient nullement incompatibles avec l'état de santé du salarié qui bénéficiait d'un arrêt maladie pour une opération du genou dont la date avait été fixée au 21 février 2006 ; que monsieur X...soutient par ailleurs sans en apporter la preuve que François Y...l'aurait appelé de manière insistante à son domicile le jour prévu pour l'opération ; que le conseil de prud'hommes a donc estimé à bon droit que le comportement de François Y...à l'égard de monsieur X...n'était pas constitutif d'un harcèlement moral ; qu'enfin, la diminution de la partie variable de la rémunération de monsieur X...est manifestement sans lien avec le harcèlement moral allégué ; qu'en effet, la rémunération versée en 2003 est antérieure de deux ans à la période au cours de laquelle ledit harcèlement aurait eu lieu, et au cours de l'année suivante monsieur X...a perçu une rémunération très supérieure à celle des deux années antérieures ; que la rémunération versée au titre de l'année 2005 résultait du jeu du mécanisme contractuel convenu entre les parties, en tenant compte de l'existence d'une sanction disciplinaire, à une époque où la condition d'absence de telle sanction assortissant le mécanisme de garantie de rémunération n'avait pas été déclarée non écrite ; que si l'employeur a appliqué à tort une telle disposition, cette application d'une stipulation convenue quatre ans auparavant, et que le salarié n'avait jusqu'alors jamais contestée, n'est pas constitutive d'un fait de harcèlement moral ; que monsieur X...a donc été débouté à juste titre de ses demandes au titre du harcèlement moral ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE monsieur X...s'appuie pour établir le harcèlement moral sur deux séries de faits qui sont la multiplication des procédures disciplinaires et les faits de harcèlement moral directement exercés par son supérieur hiérarchique monsieur Y...; que sur la multiplication des procédures disciplinaires : que monsieur X...cite le courrier d'avertissement du 30 mai 2005 signé par le directrice des ressources humaines dans lequel la société lui reproche sur trois pages les principaux griefs que sont l'insuffisance de chiffre d'affaires, la déviation du taux de remise, l'absence de nouveaux clients, l'insuffisance du nombre de visites et le non respect des règles éthiques en matière de facturation ; qu'il cite un deuxième courrier signé par la directrice des ressources humaines le convoquant le 18 juillet 2005 à un entretien préalable à une sanction disciplinaire ; que cet entretien n'a pas donné lieu à sanction ; qu'iI cite un troisième courrier du 20 septembre 2005 par lequel le directeur de groupe, monsieur Y..., lui dit que malgré ses relances et son soutien, « les résultats obtenus à ce jour pour le mois de septembre sont inadmissibles » ; qu'il lui demande également de faire le planning de la semaine qui est obligatoire ainsi que la saisie de ses rapports d'activité ; qu'il cite un quatrième courrier du 10 octobre 2005 dans lequel le directeur régional monsieur Y...lui fait part de son profond mécontentement quant aux résultats du mois de septembre ; que celui-ci lui demande à nouveau de planifier son travail et de réaliser les visites faxées chez les prospects afin de rattraper le retard ; qu'il l'assure de son soutien en cas de besoin et lui propose des visites conjointes ; qu'iI cite enfin un cinquième courrier daté du 24 janvier 2006 signé du directeur des ressources humaines lui notifiant un avertissement pour insuffisance de chiffre d'affaires, pour déviation du taux de remise, pour insuffisance du nombre de visites et pour mauvaise gestion des clients ; que ces courriers, échelonnés sur six mois, comportent deux courriers signés de monsieur Y...les autres ayant été signés par la direction des ressources humaines ; que chacun de ces courriers est rédigé en termes non agressifs et développe un constat précis qui s'appuie sur des éléments chiffrés ; qu'aucun n'a fait l'objet d'une contestation par monsieur X...; que monsieur X...parle de multiplication des procédures disciplinaires alors qu'en réalité il n'a fait l'objet que de deux avertissements pendant une période de sept mois ; que pendant cette période, il est établi que les résultats et la gestion de son activité par monsieur X...ont été défaillants et qu'il n'a pas été constaté l'amélioration qui était demandée par la hiérarchie ; que par conséquent le Conseil dit que la série de faits présentée ne relève pas du harcèlement moral mais du pouvoir normal de direction de l'employeur ; que sur les faits de harcèlement moral directement exerce par monsieur Y...: que monsieur X...dit qu'il était obligé de supporter « d'incessantes remarques désobligeantes » de la part de monsieur Y...et que notamment le ton que celui-ci employait ne s'inscrivait d'aucune manière dans des conditions de travail normales ; que pour preuve de ces remarques désobligeantes, monsieur X...cite un appel téléphonique du 18 novembre 2005 dans lequel monsieur Y...lui dit « SVP OK on se bouge. Non seulement il y a du chiffre à faire mais je veux surtout, surtout, aussi du suivi et de la gestion et si on ne veut, pas faire ça alors on laisse tomber. Je te l'ai déjà dit on est avec moi ou contre moi. On se rappelle dans la journée. Bon inventaire, bonne journée et bonne continuation » ; que ce message fait suite aux courriers cités plus haut du 20 septembre et du 10 octobre dans lesquels monsieur Y...faisait part de son mécontentement à monsieur X...; qu'il lui reprochait notamment le fait que le suivi des affaires (planification et rapports d'activité) n'était pas effectué ; que ce message montre une certaine impatience de la part de monsieur Y...qui en tant que responsable hiérarchique insiste sur des demandes déjà exprimées par courrier officiel et qui n'ont pas eu de suite ; qu'or monsieur X...ne conteste pas avoir manqué à ses obligations consistant à planifier et à rendre compte de son travail ; que ce message, si l'une ou l'autre formulation est quelque peu directe ou maladroite, relève cependant de l'exercice normal du pouvoir de direction et ne peut être qualifié de harcèlement ; que par ailleurs, monsieur X...produit des SMS émis par monsieur Y...entre le 9 février 2005 et le 12 février 2006 qui vont de « je pense que tu vas me donner quelques explications demain matin de bonne heure » à « rapport de visite + planification merci » ; que ces SMS, au nombre de six sur un an, ont été passés à des heures parfois inhabituelles mais sur un téléphone professionnel que monsieur X...pouvait couper quand bon lui semblait pour ne par être dérangé ; que leur texte ne comporte pas d'expression de nature à laisser supposer un harcèlement moral ; qu'enfin monsieur X...dit que son médecin psychiatre a établi en date du 20 octobre 2006 un certificat médical aux termes duquel il est indiqué que l'état dépressif de monsieur X...fait suite à des difficultés professionnelles ; que monsieur X...en déduit que c'est l'attitude de son responsable hiérarchique qui l'a mis dans l'obligation « d'être porté en arrêt de travail » ; qu'or la procédure a montré que les arrêts maladie de monsieur X...trouvaient leur origine dans un problème de genou ; que si le certificat du docteur Z..., chef de service de psychiatrie, indique que monsieur X...l'a régulièrement consulté et qu'il est également suivi par le psychologue du service « depuis » ses difficultés professionnelles, il n'indique pas que c'est « à la suite » de ses difficultés ; que ce certificat n'établit donc aucun lien de cause à effet entre la maladie et les difficultés professionnelles de monsieur X...; qu'en conclusion sur le harcèlement moral, le conseil dit que les deux séries de faits développées par monsieur X...à savoir la multiplication des procédures disciplinaires et les faits de harcèlement moral exercés par monsieur Y..., ne sont pas établis et ne prouvent pas qu'il a fait l'objet d'un harcèlement moral ; que monsieur X...a été licencié le 28 novembre 2006 en raison des conséquences de son absence prolongée qui perturbent gravement le fonctionnement secteur qui lui a été confié et de la nécessité pour la société de procéder à son remplacement définitif ; que monsieur X...dit que son licenciement ne repose par sur une cause réelle et sérieuse en raison de deux arguments : le premier est que l'origine de la maladie qui l'a placé en arrêt maladie se situe dans le contexte de harcèlement moral, ce qui rend son licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le conseil a tranché ce point en constatant que monsieur X...n'avait pas fait l'objet de harcèlement moral ;

1°) ALORS QU'il appartient au juge d'examiner l'ensemble des faits présentés par le salarié comme laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que le salarié faisait valoir que le harcèlement moral qu'il avait subi résultait notamment de la tenue d'un entretien disciplinaire au cours duquel l'employeur lui a reproché d'avoir pris un congé paternité, de la manipulation de factures destinée à générer artificiellement un déficit commercial de son secteur afin de justifier son éviction de l'entreprise, et versait aux débats une attestation du docteur A...faisant état du syndrome anxio-dépressif réactionnel qu'il avait développé (cf. conclusions d'appel page 11 § 13 à dernier ; page 21 § 6 à dernier, page 22 en entier, page 23 § 1 à 11 ; cf. conclusions d'appel page 30, pièce n° 57) ; qu'en s'abstenant d'examiner ces éléments de nature à laisser présumer le harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
2°) ALORS QUE, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement moral, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en procédant à une analyse séparée des faits invoqués par le salarié, pour le débouter de sa demande au titre du harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
3°) ALORS QUE, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement moral, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en déboutant monsieur X...de sa demande au titre du harcèlement moral, sans exiger de l'employeur qu'il prouve que les faits établis par le salarié, soit les sanctions pécuniaires illicites, les envois sur son téléphone mobile professionnel, par son supérieur hiérarchique, de messages écrits et oraux, en dehors de ses heures habituelles de travail et dans des termes révélant son impatience, son insistance et son mécontentement, et son état dépressif médicalement constaté, étaient exclusifs de la qualification de harcèlement moral, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
4°) ET ALORS QUE constitue un agissement de harcèlement moral tout fait de l'employeur ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité, d'altérer la santé physique ou mentale ou de compromettre l'avenir professionnel du salarié ; que, pour débouter monsieur X...de sa demande au titre du harcèlement moral, la cour d'appel a énoncé que les faits invoqués par le salarié ne constituaient pas des indices de harcèlement moral ; qu'en se déterminant ainsi, quand elle constatait que le salarié avait fait l'objet de sanctions pécuniaires illicites, que son supérieur hiérarchique lui envoyait sur son téléphone mobile professionnel des messages écrits et oraux, en dehors de ses heures habituelles de travail et dans des termes révélant son impatience, son insistance et son mécontentement, et qu'un certificat d'un médecin psychiatre indiquait que, depuis des difficultés professionnelles, le salarié faisait l'objet d'un suivi en raison d'un état dépressif, la cour d'appel a violé l'article L. 1152-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté monsieur X...de sa demande de requalification de son licenciement en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, ainsi que de ses demandes indemnitaires subséquentes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE par lettre du 28 novembre 2006, la société Hilti France a licencié monsieur X...au motif que son absence prolongée perturbait gravement le fonctionnement du secteur qui lui était confié et qu'il était nécessaire de procéder à son remplacement définitif ; que la société Hilti France fait valoir à juste titre qu'à la date du licenciement monsieur X...était absent pour maladie depuis plus de neuf mois, sans perspective de reprise du travail, alors qu'il est particulièrement difficile, voire impossible, de procéder au remplacement temporaire d'un salarié ayant la qualité de voyageur représentant placier ; que les solutions trouvées en interne, consistant à répartir la charge de travail entre des collègues en charge de secteurs géographiques voisins, entraînait nécessairement une surcharge de travail pour ceux-ci et une désorganisation du service, malgré le renfort d'un assistant commercial embauché à titre précaire, et qu'elles ne pouvaient donc être envisagées au delà de quelques mois ; que la société Hilti France justifie de surcroît de la réalité de la baisse des ventes durant l'absence pour maladie de monsieur X..., tant en ce qui concerne le secteur confié à ce salarié que l'ensemble de la sous-région comprenant ce secteur ; que monsieur X...est dès lors mal fondé à contester la nécessité de pourvoir à son remplacement de manière définitive compte tenu de la prolongation de son absence durant plus de neuf mois et des conséquences de celle-ci sur le fonctionnement de l'entreprise ; que par ailleurs, la société Hilti France a procédé au remplacement de monsieur X...en embauchant un nouveau salarié en charge du même secteur, à compter du 1er mars 2007 et qu'il résulte de l'analyse des résultats de celui-ci au cours des mois de mars à octobre 2007 que les ventes ont augmenté sur le secteur ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE monsieur X...a été licencié le 28 novembre 2006 en raison des conséquences de son absence prolongée qui perturbent gravement le fonctionnement secteur qui lui a été confié et de la nécessité pour la société de procéder à son emplacement définitif ; que monsieur X...dit que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse en raison de deux arguments : le premier est que l'origine de la maladie qui l'a placé en arrêt maladie se situe dans le contexte de harcèlement moral, ce qui rend son licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le conseil a tranché ce point en constatant que monsieur X...n'avait pas fait l'objet de harcèlement moral ; que le deuxième est que la société ne démontre pas que son absence prolongée perturbait le fonctionnement des services ; que sur ce deuxième point, la société indique que monsieur X...exerçait un emploi de VRP en charge d'une activité commerciale sur un secteur qui lui avait été attribué ; que la société fournit des éléments montrant que son remplacement ne pouvait se faire temporairement du fait de l'impossibilité de confier cette mission à un contractuel ; qu'elle a dû procéder à la réorganisation du secteur ; que cette réorganisation, par la mise en place d'un assistant commercial, avait eu comme conséquence une perte d'activité sur le secteur qui est chiffrée par la société ; qu'il est établi par ailleurs que monsieur X...a été en congé maladie depuis le 13 février 2006 soit pendant près de 10 mois, qu'il a eu douze prolongations d'arrêts de travail et que son dernier arrêt s'est poursuivi jusqu'au 30 novembre 2006 ; qu'il est établi également que la société n'a eu aucune information sur une éventuelle date de reprise de monsieur X...; qu'il résulte de ces éléments que la société a subi des difficultés pour organiser le secteur pendant l'absence de monsieur X..., que le retour au travail de celui-ci était resté imprévisible et que la société s'est donnée du temps avant de décider de licencier monsieur X...; qu'il est enfin établi que la société a procédé, après le licenciement, au remplacement poste pour poste de monsieur X...en date du 1er mars 2007 ; qu'en conséquence, le conseil dit que le licenciement, motivé par les conséquences de l'absence prolongée de monsieur X..., est fondé sur la cause réelle et sérieuse et déboute monsieur X...de toutes ses demandes à ce titre ;
1°) ALORS QUE le principe de non discrimination, faisant interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, ne s'oppose pas au licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée du salarié, dès lors que ces perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif par l'engagement d'un autre salarié ; que monsieur X...soutenait que la société Hilti France avait généré artificiellement un déficit de son secteur commercial, en détournant une partie de ses factures pour les porter au crédit d'autres secteurs que le sien, afin de pouvoir justifier son éviction de l'entreprise (cf. conclusions d'appel page 21 § 6 à dernier ; page 22 en entier ; page 23 § 1 à 11) ; qu'en s'abstenant de rechercher si le déficit du secteur commercial du salarié n'avait pas été créé artificiellement par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale aux regard des articles L. 1132-1 et L. 1232-1 du code du travail ;
2°) ET ALORS QUE le licenciement motivé par les perturbations dans le fonctionnement de l'entreprise provoquées par l'absence prolongée du salarié malade et entraînant la nécessité de pourvoir à son remplacement définitif ne repose sur une cause réelle et sérieuse qu'à la condition que le remplacement ait été effectué dans un délai raisonnable après le licenciement ; que monsieur X...faisait valoir que l'embauche d'un salarié et son affectation à son poste de travail, intervenu plusieurs mois après son licenciement, n'avait pas été effectué dans un délai raisonnable (cf. conclusions d'appel page 20 § 9 à dernier ; page 21 § 1 à 5) ; qu'en omettant de rechercher si le salarié avait été définitivement remplacé dans un délai raisonnable, la cour d'appel a, derechef, privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1232-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-14947
Date de la décision : 28/10/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 29 janvier 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 oct. 2014, pourvoi n°13-14947


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.14947
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