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28/10/2014 | FRANCE | N°13-10207

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 octobre 2014, 13-10207


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée, en qualité de formatrice, le 1er septembre 1998 par l'association 2ISA aux droits de laquelle vient l'Association millavoise pour l'insertion et l'orientation ayant pour activité le reclassement professionnel et la formation de personnes handicapées ; qu'elle a été promue en juillet 2006 coordinatrice de la pré-formation sur les formations techniques et informatiques puis nommée en octobre 2009 responsable du service de la pré-orientation Sésame ; que

convoquée à un entretien préalable le 4 octobre 2010 et mise à pi...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée, en qualité de formatrice, le 1er septembre 1998 par l'association 2ISA aux droits de laquelle vient l'Association millavoise pour l'insertion et l'orientation ayant pour activité le reclassement professionnel et la formation de personnes handicapées ; qu'elle a été promue en juillet 2006 coordinatrice de la pré-formation sur les formations techniques et informatiques puis nommée en octobre 2009 responsable du service de la pré-orientation Sésame ; que convoquée à un entretien préalable le 4 octobre 2010 et mise à pied à titre conservatoire le 5 octobre 2010, elle a été licenciée pour faute grave par lettre du 20 octobre 2010 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'ordonner la réintégration de la salariée et de le condamner à lui verser des sommes équivalant aux salaires et congés payés afférents dus depuis la date de la mise à pied conservatoire jusqu'à la réintégration et au titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, alors, selon le moyen :
1°/ que pour dénier le harcèlement moral et la faute grave, la cour d'appel a relevé que tous les membres de l'équipe Sesame, hormis le directeur, une secrétaire et Mmes Y... et X..., ont témoigné en faveur de cette dernière en affirmant que les difficultés provenaient du comportement du docteur Y..., et que les attestations produites par l'employeur ne suffisaient pas à prouver le grief principal de harcèlement moral consistant en une contestation systématique et répétée des avis médicaux entraînant une perte des prérogatives par le médecin du fait de son refus de violer le secret médical ; mais que l'arrêt attaqué ne s'est pas expliqué sur le point de savoir si ce harcèlement moral n'était pas établi, d'une part, précisément par les attestations produites par la salariée (attestation collective du 7 décembre 2010 et attestations A...page 3 verso, Z... page 1 verso et O... pages 3 et 4) en ce que « ces " témoins " persist aient à considérer que le médecin n'avait pas " à se réfugier systématiquement derrière le secret médical ", alors qu'ils contestaient les avis médicaux et exigeaient des " informations portant sur les aptitudes physiques, les limitations et les éléments à prendre en compte dans l'élaboration du projet de reconversion du stagiaire " », d'autre part, par le rapport du cabinet d'audit Equinoxe, mandaté en accord avec la Direction départementale du travail, en ce qu'il constatait en page 12 que « le poste du médecin a fait l'objet d'attaques tant au plan personnel que professionnel avec parfois une volonté d'intrusion dans le domaine confidentiel, domaine qui est, bien entendu, exclusivement réservé à ce corps professionnel », et de troisième part, par l'attestation de la victime même du harcèlement, le docteur Y..., relatant notamment que dès le lendemain de sa prise de fonctions, la salariée a dénigré auprès d'elle l'équipe médico-psychologique et dénoncé l'insuffisance d'informations médicales, que toutes les réunions de synthèse auxquelles elle a participé avec la salariée « entre novembre 2007 et l'été 2009 se sont soldées par des demandes itératives et pressantes sur le type de pathologie des stagiaires. Attitude agacée, opposante face à mon refus de lever le secret médical », que la salariée l'a isolée du reste de l'équipe dont certains membres ont fini par se montrer violents, telle Mme A... lors de la réunion du 6 juillet 2010 au cours de laquelle la salariée l'a laissée faire avec un sourire, et que cette situation lui causait une souffrance au travail avec des répercussions physiques et psychiques, une altération de la qualité du sommeil, des insomnies et des dorsalgies ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1, L. 1152-4, L. 1152-5, L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail ;
2°/ que ni l'employeur ni la salariée ne soutenaient que le directeur de l'association, M. B..., aurait fait partie de l'équipe « Sésame » ; qu'en introduisant elle-même ce fait dans le débat, pour s'étonner de ce que M. B... ne s'était pas rendu compte lui-même du dénigrement systématique du docteur Y... par la salariée dont les agressions avaient lieu lors des réunions de pré-orientation, la cour d'appel a violé l'article 7 du code de procédure civile ;
3°/ que des faits anciens de harcèlement moral perpétrés par un salarié peuvent être sanctionnés si ce dernier les poursuit dans le délai de deux mois de l'article L. 1332-4 du code du travail, fût-ce en changeant de victime ; qu'en jugeant insuffisantes à établir le grief de harcèlement moral les attestations de Mmes C... et D... et de M. E... parce qu'elles ne concernaient qu'indirectement les relations de la salariée avec le docteur Y... et qu'elles relataient des faits anciens remontant à 2006, 2008 et 2009, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1, L. 1152-4, L. 1152-5, L. 1332-4, L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail ;
4°/ qu'en énonçant que les attestations de Mmes C... et D... et de M. E... relataient des faits anciens remontant à 2006, 2008 et 2009 et que, sans faits précis, elles mettaient en cause la personnalité de la salariée, la cour d'appel s'est contredite en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que dans sa lettre du 6 octobre 2010 au directeur de l'AMIO, la salariée a écrit que préalablement à l'entretien préalable à son éventuel licenciement elle entendait « mettre en évidence le harcèlement moral dont elle était victime depuis plusieurs mois », puis, se référant à la rupture conventionnelle de son contrat qu'il lui aurait fortement suggéré d'accepter, elle lui a reproché : « Vous m'avez menacé de représailles si j'en informais mes collègues " si vous vous en avisez, je pourrais m'en servir contre vous " », à quoi elle a ajouté qu'après la remise de la lettre de convocation à l'entretien préalable lui notifiant sa mise à pied conservatoire elle avait été « choquée de cet acharnement dans l'intention de lui nuire » et s'était sentie « totalement humiliée, injustement harcelée » ; qu'ainsi la salariée accusait-elle expressément le directeur de l'AMIO de harcèlement moral, menaces, représailles, acharnement dans l'intention de lui nuire ; qu'en affirmant que le dénigrement commis par l'intéressée n'était pas établi parce qu'elle avait « naturellement » fait part de son ressentiment auprès de son employeur et des divers intervenant dont l'inspection du travail, sans que l'AMIO puisse exciper à ce titre de « pressions, menaces de représailles, acharnement, volonté de nuire ¿ », la cour d'appel a dénaturé la lettre du 6 octobre 2010 et violé l'article 1134 du code civil ;
6°/ que selon l'article 05. 03. 2 de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951, dont l'application était admise par les parties, le licenciement pour faute grave peut être prononcé sans avertissement préalable ; qu'en retenant qu'il appartenait à l'AMIO d'user de son pouvoir disciplinaire par le biais d'avertissements, préludes obligatoires à une procédure de licenciement selon la convention collective, et qu'en choisissant la voie de la faute grave elle avait cherché à contourner ces dispositions protectrices et privé le licenciement de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé le texte susmentionné ;
Mais attendu que la cour d'appel a retenu, sans se contredire ni encourir le grief de dénaturation, qu'à l'exception des faits tenant à la modification des codes d'accès aux salles et à la visite d'un autre centre de formation qui ne pouvaient être fautifs en l'absence de toute directive précise de la part de l'employeur, les autres griefs reprochés à la salariée n'étaient pas établis ; que le moyen, qui manque en fait en sa deuxième branche et critique un motif surabondant en sa sixième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article L. 1235-3 du code du travail ;
Attendu que pour ordonner la réintégration de la salariée licenciée sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que cette dernière âgée de cinquante neuf ans a passé une partie importante de sa vie professionnelle au service de l'association au sein de laquelle à la suite de l'audit sévère réalisé après la rupture de son contrat de travail, les équipes ont été refondues et les dysfonctionnements du management en partie corrigés ;
Qu'en statuant ainsi, sans qu'il résulte de ses constatations que l'employeur avait consenti à cette réintégration, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a ordonné la réintégration de la salariée et condamné l'employeur à lui verser l'équivalent des salaires que la salariée aurait dû percevoir depuis le 5 octobre 2010, date d'effet de sa mise à pied conservatoire et jusqu'à la date de sa réintégration et congés payés afférents et une somme au titre des dommages-intérêts pour préjudice moral, l'arrêt rendu le 7 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit octobre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour l'Association millavoise pour l'insertion et l'orientation.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Madame Françoise X..., ordonné sa réintégration au sein de l'ASSOCIATION MILLAVOISE POUR L'INSERTION ET L'ORIENTATION, et condamné cette dernière à lui payer l'équivalent des salaires qu'elle aurait dû percevoir depuis la date de sa mise à pied le 13 octobre 2010 jusqu'à la date de sa réintégration ainsi que les congés payés y afférents et 20 000 ¿ de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;
AUX MOTIFS QUE : « sur le licenciement, l'Association 2 ISA est une association à but non lucratif relevant de la loi du 1er juillet 1901 qui gère un centre de rééducation professionnelle destiné à assurer la réinsertion des personnes handicapées avec une prédilection pour les métiers de l'informatique ; sa dénomination a été changée par assemblée générale du 23 juin 2010 en Association Millavoise pour l'Insertion et l'Orientation (AMIO), le président du conseil d'administration est Henry F... ; que le 6 juillet 2006 Mme X... salariée depuis 1998 devient en 2006 coordinatrice de la Pré-formation chargée de l'organisation du programme pédagogique et des interventions des différents formateurs, du suivi individuel du groupe des stagiaires et de la coordination avec les formateurs assurant la formation informatique des stagiaires de l'établissement puis, en 2009 elle est nommée responsable de la Pré-orientation ; que dans le cadre de ses nouvelles fonctions elle veille, sous l'autorité du directeur de l'établissement, à la qualité de la démarche pédagogique et à sa conformité avec les objectifs généraux de la mission d'orientation, elle structure l'organisation des interventions, assure le suivi du stagiaire durant son parcours dans l'établissement, anime l'équipe pluridisciplinaire ; que cette équipe dite SESAME est composée de 9 personnes :- Monsieur B..., directeur,- Madame X... responsable de la Pré-orientation,- Madame A... formatrice projet,- Monsieur G..., animateur d'atelier technique,- Madame Z..., assistance sociale,- Madame Y..., médecin,- Madame H..., psychologue du travail,- Madame I..., monitrice d'activités physiques adaptées,- Madame J..., secrétaire ; que Monsieur B..., directeur indique dans ses écritures n'avoir eu la révélation des problèmes que le 17 août 2010 lorsqu'il s'est rendu dans le bureau du médecin Delphine Y... et qu'il l'a trouvée en pleurs à la suite du comportement de Mme X..., comportement que le médecin a détaillé au directeur lors d'un entretien le 19 août, laquelle lui a fait part des faits de harcèlement et de dénigrement permanentes de la responsable de la Pré-orientation à son encontre, ce qui a entraîné de la part de Monsieur B... une enquête qui a conforté les propos de cette dernière et justifié la mise en oeuvre à l'encontre de Mme X... d'une procédure de licenciement ; qu'on peut tout d'abord s'étonner que Monsieur B... qui faisait partie de l'équipe SESAME ne se soit pas rendu compte lui-même des relations conflictuelles entre Mme Y... et Mme X... et a fortiori de l'entreprise alléguée de dénigrement systématique opérée par cette dernière à l'encontre du médecin, de nature à mettre en danger la poursuite du projet pédagogique, alors même que les agressions incriminées de Mme X... se seraient déroulées lors des réunions de pré-orientation ; qu'on peut s'étonner également que Monsieur B... qui, après la révélation des faits le 17 août 2010, soutient avoir fait une enquête interne comme en atteste M. K... agent d'accueil qui indique avoir vu plus d'une 20ène de personnes être reçues dans le bureau de Monsieur
B...
au mois de septembre 2010 dans le « but d'analyser les faits reprochés à Mme X... », n'ait pas cru nécessaire d'interroger en priorité les membres de l'équipe et de les confronter avec Mme L... ; qu'or, la totalité des membres de l'équipe, hormis les protagonistes, le directeur et la secrétaire vont témoigner en faveur de cette dernière en affirmant que les difficultés provenaient du comportement du Dr Y... ; que c'est ainsi que Mme I... monitrice d'activités physiques adaptées dénonce le manque de motivation, d'assurance, d'expérience et le sentiment de supériorité du médecin lors des réunions précisant qu'à plusieurs reprises elle tapait du poing sur la table en disant qu'elle était médecin ; que Madame Z..., assistante sociale décrit le manque de respect du Dr Y... vis-à-vis du travail réalisé par les collègues et son agressivité à leur égard « mettant en avant son niveau d'études supérieures et son statut de médecin lui permettant de décider seule des limites et non des capacités des stagiaires » ; que Mme A... formatrice projet atteste que « Madame Y... n'a cessé du jour où elle a pris des fonctions dans l'établissement de remettre en cause le statut hiérarchique de Mme X... ¿ qu'elle s'entêtait dans son dénigrement et son rejet, se réfugiant systématiquement derrière le secret médical » ; que Madame H... psychologue du travail a considéré que seule la parole de Delphine Y... avait été prise en considération ; que Monsieur G... animateur d'atelier technique a souligné comme ses autres collègues « la réticence de Mme Y... avec le travail en équipe, sa démotivation et son manque d'intérêt pour les réunions hebdomadaires de travail collectif et ses difficultés à intégrer l'équipe » ; que les attestations versées par l'employeur de Mme C... psychologue de Mme M... et de M. E... à l'appui des faits de harcèlement de Mme X... ne concernent qu'indirectement ses relations avec le Dr Y..., elles relatent pour la plupart des faits anciens remontant à 2006, 2008, 2009 et mettent essentiellement en cause, et sans faits précis, la personnalité de Mme X... dans sa volonté de pouvoir, l'attestation de Mme N... mentionnant les personnes par de simples initiales est quant à elle difficilement exploitable ; que ces attestations ont en tout état de cause insuffisantes pour établir la matérialité des faits reprochés à Mme X... et notamment le grief principal à savoir des faits de harcèlement moral consistant à contester de façon systématique et répétée les avis médicaux entraînant une perte des prérogatives par le médecin du fait de son refus de violer le secret médical, puisqu'encore une fois ces avis médicaux étaient dispensés dans le cadre des réunions de l'équipe SESAME auxquelles n'assistaient pas ces témoins ; que, concernant le harcèlement sur les autres membres du personnel et la manipulation des stagiaires, là encore l'employeur n'évoque aucun fait précis mais Mme X... produit en retour de très nombreux témoignages en sa faveur dont ceux de stagiaires ; que de la même façon les faits de dénigrement vis-à-vis de sa hiérarchie ne sont pas établis, la salariée ayant naturellement fait part, tant auprès de son employeur que de divers intervenants dont l'inspection du travail, de son ressentiment sur les attaques dont elle s'set estimée être injustement l'objet sans que l'employeur puisse exciper à ce titre de « pressions, menaces de représailles, acharnement, volonté de nuire ¿ » ; qu'enfin, les griefs concernant l'organisation du service à savoir la modification des codes par Mme X... pour l'accès aux salles et la visite d'un autre centre durant ses vacances ne sont pas de nature fautive dès lors qu'il n'est pas démontré que Mme X... a contrevenu à des directives précises de son employeur sur ces points ; qu'en définitive, si l'on peut reprocher à Mme X... ne pas avoir averti sa direction des graves dissensions existant au sein de l'équipe SESAME concernant la mise en oeuvre de la politique pédagogique alors qu'elle était responsable de la Pré-orientation et alors que ces conflits perturbaient gravement le fonctionnement du service, il appartenait à l'employeur d'user de son droit disciplinaire par le biais d'avertissements, préludes obligatoires, selon les termes de la convention collective, à une procédure de licenciement ; qu'en choisissant la voie de la faute grave, privative de toute indemnité à l'encontre d'une salariée qui avait 12 ans d'ancienneté et n'avait fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire, l'employeur a manifestement cherché à contourner ces dispositions protectrices et de ce fait, entaché son licenciement d'une absence de cause réelle et sérieuse ; que Françoise X... qui a passé une partie importante de sa vie professionnelle au sein de l'association 2 ISA et qui est âgée de 59 ans sollicite sa réintégration au sein de l'association ; qu'il convient de faire droit à cette demande dans la mesure où, à la suite de l'audit sévère réalisé après son licenciement, les équipes ont été confondues et les dysfonctionnements du « management » en partie corrigés ; que la cour condamnera l'Association Millavoise pour l'Insertion et l'Orientation (AMIO) à lui payer l'équivalent des salaries qu'elle aurait dû percevoir depuis la date de sa mise à pied le 4 octobre 2010 jusqu'à sa date de réintégration, ainsi que le bénéfice des congés payés sur cette période et la condamnera à lui payer la somme de 20. 000 ¿ à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice moral outre 1. 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile » ;
ALORS 1°) QUE : pour dénier le harcèlement moral et la faute grave, la cour d'appel a relevé que tous les membres de l'équipe Sesame, hormis le directeur, une secrétaire et Mesdames Y... et X..., ont témoigné en faveur de cette dernière en affirmant que les difficultés provenaient du comportement du docteur Y..., et que les attestations produites par l'employeur ne suffisaient pas à prouver le grief principal de harcèlement moral consistant en une contestation systématique et répétée des avis médicaux entraînant une perte des prérogatives par le médecin du fait de son refus de violer le secret médical ; mais que l'arrêt attaqué ne s'est pas expliqué sur le point de savoir si ce harcèlement moral n'était pas établi, d'une part, précisément par les attestations produites par Madame X... (attestation collective du 7 décembre 2010 et attestations A...page 3 verso, Z... page 1 verso et O... pages 3 et 4) en ce que « ces " témoins " persist aient à considérer que le médecin n'avait pas " à se réfugier systématiquement derrière le secret médical ", alors qu'ils contestaient les avis médicaux et exigeaient des " informations portant sur les aptitudes physiques, les limitations et les éléments à prendre en compte dans l'élaboration du projet de reconversion du stagiaire " » (conclusions de l'AMIO, p. 12), d'autre part, par le rapport du cabinet d'audit EQUINOXE, mandaté en accord avec la Direction départementale du travail, en ce qu'il constatait en page 12 que « le poste du médecin a fait l'objet d'attaques tant au plan personnel que professionnel avec parfois une volonté d'intrusion dans le domaine confidentiel, domaine qui est, bien entendu, exclusivement réservé à ce corps professionnel » (conclusions de l'AMIO, p. 12 et 13), et de troisième part, par l'attestation de la victime même du harcèlement, le docteur Y... (conclusions de l'AMIO, p. 10), relatant notamment que dès le lendemain de sa prise de fonctions Madame X... a dénigré auprès d'elle l'équipe médico-psychologique et dénoncé l'insuffisance d'informations médicales, que toutes les réunions de synthèse auxquelles elle a participé avec Madame X... « entre novembre 2007 et l'été 2009 se sont soldées par des demandes itératives et pressantes sur le type de pathologie des stagiaires. Attitude agacée, opposante face à mon refus de lever le secret médical » (conclusions de l'AMIO, p. 12 et 13), que Madame X... l'a isolée du reste de l'équipe dont certains membres ont fini par se montrer violents, telle Madame A... lors de la réunion du 6 juillet 2010 au cours de laquelle Madame X... l'a laissée faire avec un sourire, et que cette situation lui causait une souffrance au travail avec des répercussions physiques et psychiques, une altération de la qualité du sommeil, des insomnies et des dorsalgies ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1, L. 1152-4, L. 1152-5, L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail ;
ALORS 2°) QUE : ni l'AMIO ni Madame X... ne soutenaient que le directeur de l'association, Monsieur B..., aurait fait partie de l'équipe « Sésame » ; qu'en introduisait elle-même ce fait dans le débat, pour s'étonner de ce que Monsieur B... ne s'était pas rendu compte lui-même du dénigrement systématique du docteur Y... par Madame X... dont les agressions avaient lieu lors des réunions de pré-orientation, la cour d'appel a violé l'article 7 du code de procédure civile ;
ALORS 3°) QUE : des faits anciens de harcèlement moral perpétrés par un salarié peuvent être sanctionnés si ce dernier les poursuit dans le délai de deux mois de l'article L. 1332-4 du code du travail, fût-ce en changeant de victime ; qu'en jugeant insuffisantes à établir le grief de harcèlement moral les attestations de Mesdames C... et D... et de Monsieur E... parce qu'elles ne concernaient qu'indirectement les relations de Madame X... avec le docteur Y... et qu'elles relataient des faits anciens remontant à 2006, 2008 et 2009, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1, L. 1152-4, L. 1152-5, L. 1332-4, L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail ;
ALORS 4°) QUE : en énonçant que les attestations de Mesdames C... et D... et de Monsieur E... relataient des faits anciens remontant à 2006, 2008 et 2009 et que, sans faits précis, elles mettaient en cause la personnalité de Madame X..., la cour d'appel s'est contredite en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS 5°) QUE : dans sa lettre du 6 octobre 2010 au directeur de l'AMIO, Madame X... lui a écrit que préalablement à l'entretien préalable à son éventuel licenciement elle entendait « mettre en évidence le harcèlement moral dont elle était victime depuis plusieurs mois », puis, se référant à la rupture conventionnelle de son contrat qu'il lui aurait fortement suggéré d'accepter, elle lui a reproché : « Vous m'avez menacé de représailles si j'en informais mes collègues " si vous vous en avisez, je pourrais m'en servir contre vous " », à quoi elle a ajouté qu'après la remise de la lettre de convocation à l'entretien préalable lui notifiant sa mise à pied conservatoire elle avait été « choquée de cet acharnement dans l'intention de lui nuire » et s'était sentie « totalement humiliée, injustement harcelée » ; qu'ainsi Madame X... accusait-elle expressément le directeur de l'AMIO de harcèlement moral, menaces, représailles, acharnement dans l'intention de lui nuire ; qu'en affirmant que le dénigrement commis par l'intéressée n'était pas établi parce qu'elle avait « naturellement » fait part de son ressentiment auprès de son employeur et des divers intervenant dont l'inspection du travail, sans que l'AMIO puisse exciper à ce titre de « pressions, menaces de représailles, acharnement, volonté de nuire ¿ », la cour d'appel a dénaturé la lettre du 6 octobre 2010 et violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS 6°) QUE : selon l'article 05. 03. 2 de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951, dont l'application était admise par les parties, le licenciement pour faute grave peut être prononcé sans avertissement préalable ; qu'en retenant qu'il appartenait à l'AMIO d'user de son pouvoir disciplinaire par le biais d'avertissements, préludes obligatoires à une procédure de licenciement selon la convention collective, et qu'en choisissant la voie de la faute grave elle avait cherché à contourner ces dispositions protectrices et privé le licenciement de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé le texte susmentionné.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné la réintégration de Madame Françoise X... au sein de l'ASSOCIATION MILLAVOISE POUR L'INSERTION ET L'ORIENTATION et condamné cette dernière à lui payer l'équivalent des salaires qu'elle aurait dû percevoir depuis la date de sa mise à pied le 13 octobre 2010 jusqu'à la date de sa réintégration ainsi que les congés payés y afférents et 20 000 ¿ de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;
AUX MOTIFS QUE : « Françoise X... qui a passé une partie importante de sa vie professionnelle au sein de l'association 2ISA et qui est âgée de ans sollicite sa réintégration au sein de l'association ; qu'il convient de faire droit à cette demande dans la mesure où, à la suite de l'audit sévère réalisé après son licenciement, les équipes ont été refondues et les dysfonctionnements du " management " en partie corrigés » ;
ALORS QUE : en faisant droit à la demande de réintégration de Madame X... sans l'accord de l'AMIO, qui sollicitait le rejet de toutes les demandes de la salariée (conclusions, p. 3 in fine, et p. 23), au prétexte qu'à la suite de l'audit sévère réalisé après le licenciement les équipes ont été refondues et les dysfonctionnements du « management » en partie corrigés, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-3 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-10207
Date de la décision : 28/10/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 07 novembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 oct. 2014, pourvoi n°13-10207


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Monod, Colin et Stoclet, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.10207
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