LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;
Attendu que la procédure spéciale prévue par ce texte ne s'applique qu'aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats ; qu'il en résulte que le bâtonnier et, sur recours, le premier président, n'ont pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l'avocat à l'égard de son client résultant d'un manquement à son devoir de conseil et d'information ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel, que Mme X... a confié la défense de ses intérêts dans une procédure de divorce, jusqu'à l'ordonnance de non-conciliation et en appel de cette ordonnance, à Mme Z..., avocat (l'avocat) ; que Mme Z... a demandé au bâtonnier de son ordre la fixation de ses honoraires ;
Attendu que pour fixer les honoraires de l'avocat à une certaine somme, l'ordonnance énonce que la vérification du respect par l'avocat de son obligation déontologique et professionnelle d'information du client quant aux modalités de détermination de ses honoraires et à l'évolution prévisible de leur montant, ressortit pleinement à la compétence du juge de l'honoraire qui peut, dans son évaluation, tirer toutes conséquences de la violation de cette obligation, sans toutefois que l'avocat défaillant dans ce devoir d'information soit privé de son droit à honoraires ; que, contrairement à ses affirmations, Mme Z... ne justifie pas avoir satisfait à son obligation d'information quant au mode de fixation de ses honoraires, et en particulier du taux horaire qu'elle pratique et qui n'est mentionné ni sur son papier à en-tête ni sur les factures émises par son cabinet ; que, compte tenu de la situation de fortune du client analysée ci-dessus mais « au » manquement à l'obligation d'information quant au mode de fixation des honoraires, le taux horaire à appliquer doit être fixé à 200 euros HT ;
Qu'en statuant ainsi, le premier président a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 4 juillet 2013, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Lyon ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour Mme Z...
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR fixé à la somme de 7. 880 ¿ HT soit 9. 424, 48 ¿ TTC le montant total des honoraires dûs par Mme Y... à Me Z..., d'AVOIR dit que Mme Edith Z... devrait restituer à Mme Y... la somme de 1. 104, 34 ¿ TTC et, en tant que de besoin, de l'AVOIR condamnée au paiement de cette somme, d'AVOIR dit que, sur justification par Mme Y... du paiement de provisions à hauteur de 12. 442, 10 ¿, Me Z... devra lui restituer en outre la somme de 1. 913, 28 ¿ et, en tant que de besoin, de l'AVOIR condamnée au paiement de cette somme, enfin, d'AVOIR condamné Mme Z... à payer à Mme Y... une indemnité de 1. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE : « Attendu que le bâtonnier a rendu sa décision dans le délai de quatre mois dont il disposait et après avoir recueilli préalablement les observations de l'avocat et de la partie ; que sa décision est dés lors régulière en la forme ; Attendu que l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 énonce que les honoraires de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client. A défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ; que d'autre part l'article 11. 2 du règlement intérieur national de la profession d'avocat indique que l'avocat informe son client, dès sa saisine, puis de manière régulière, des modalités de détermination des honoraires et de l'évolution prévisible de leur montant Le cas échéant, ces informations figurent dans la convention d'honoraires. Qu'il appartient à l'avocat, en l'absence de convention d'honoraires, de rapporter la preuve que cette information a été délivrée de manière claire, sincère, exhaustive et non équivoque ; Que si cette obligation d'information du client n'est assujettie à aucune forme particulière, l'affichage,- de par le caractère aléatoire du pouvoir attractif d'attention qu'il revêt-ne peut en constituer la modalité unique, pas plus que la publication sur un site internet (mis à jour et non en état de construction) qui nécessite une démarche précise et une certaine connaissance de l'outil informatique de la part du client. Attendu qu'en l'absence de convention d'honoraires, le versement sans protestation des provisions demandées au cours du procès ne constitue pas un accord sur leur montant. Attendu par ailleurs que la procédure spéciale prévue par le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ne s'applique qu'aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats ; qu'il en résulte que le bâtonnier et, sur recours, le premier président, n'ont pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l'avocat à l'égard de son client résultant d'un manquement à son devoir de conseil et d'information ou de toute autre éventuelle faute susceptible d'engager sa responsabilité, mais seulement de fixer le montant des honoraires au regard des critères rappelés ci-dessus ; Qu'en revanche la vérification du respect par l'avocat de son obligation déontologique et professionnelle d'information du client quant aux modalités de détermination de ses honoraires et à l'évolution prévisible de leur montant, ressortit pleinement à la compétence du juge de l'honoraire qui peut, dans son évaluation, tirer toutes conséquences de la violation de cette obligation, sans toutefois que l'avocat défaillant dans ce devoir d'information soit privé de son droit à honoraires ; Attendu qu'en l'espèce aucune convention d'honoraires n'a été signée entre les parties ; Que par ailleurs, contrairement à ses affirmations, Maître Edith Z... ne justifie pas avoir satisfait à son obligation d'information quant au mode de fixation de ses honoraires, et en particulier du taux horaire qu'elle pratique et qui n'est mentionné ni sur son papier à entête ni sur les factures émises par son cabinet ; Qu'ainsi qu'il l'a été rappelé ci-dessus, le paiement par Madame X... sans protestation des provisions demandées au cours du procès ne constitue pas un accord sur leur montant alors surtout que l'affaire était toujours en cours et qu'un compte définitif n'avait pas été établi par Maître Z... ; Attendu, sur ces bases, qu'il convient donc de fixer les honoraires de Maître Edith Z... par application des critères légaux susvisés limitativement énumérés et non sur la base d'un barème indicatif non applicable aux faits de la cause comme le souhaite Madame X... ; Attendu, s'agissant du critère tiré de la situation de fortune du client, qu'il résulte des pièces produites que Madame X... percevait pendant la procédure un revenu moyen mensuel de 1. 314 ¿ outre une part contributive pour ses enfants de 200 ¿ pour l'aîné et 600 ¿ pour le cadet et 127 ¿ d'allocations familiales, soit un total mensuel de 2. 114 ¿ ; Que, s'agissant de la difficulté de l'affaire, celle confiée à Maître Z... était un divorce, c'est-à-dire une affaire tout à fait classique et sans difficultés particulières (notamment pas de statut personnel ou de loi étrangère à appliquer) ; que les difficultés étaient inhérentes à ce type de procédure lorsque l'un ou les deux époux est ou sont particulièrement revendicatifs) ce qui a été le cas en début de procédure puisque les pourparlers avant conciliation ont été longs et que l'ONC a fait l'objet d'un appel ; Que, s'agissant des frais exposés par l'avocat, ceux exposés par Maître Edith Z... ont été les suivants : ouverture du dossier, frais de secrétariat habituels, frais téléphonique, déplacements, et frais de gestion de cabinet : redevances d'abonnements (EDF, Internet, banques de données juridiques) ; Que, s'agissant de la notoriété de Maître Edith Z..., elle est soulignée par le bâtonnier comme résultant d'une ancienneté de barre de 24 ans et elle doit donc être considérée comme un très bon professionnel (par référence au " bon père de famille " en matière civile) ; Que, dans ces conditions, compte tenu de la situation de fortune du client analysée ci-dessus mais au manquement à l'obligation d'information quant au mode de fixation des honoraires, le taux horaire à appliquer doit être fixé à 200 euros HT ; Qu'enfin, s'agissant des diligences accomplies, elles seront, sur la base de la facturation détaillée émise par Maître Edith Z..., et en appliquant le taux horaire indiqué ci-dessus, évaluées ainsi : (¿) Total HT : 7. 880 ¿, TVA : 1544, 48 ¿, Total TTC : 9. 424, 48 ¿ ; Attendu que Madame Sabrina X... divorcée Y... affirme avoir payé la somme totale de 12. 442, 10 ¿ TTC (6. 615, 20 ¿ TTC au titre de la procédure de 1ère instance et 5. 826, 90 ¿ au titre de la procédure d'appel), mais ne justifie pas de ces paiements ; Que de son côté Maître Edith Z... reconnaît avoir reçu 6. 615, 22 ¿ au titre de la procédure de première instance mais 3. 913, 60 ¿ seulement au titre de la procédure d'appel, soit au total 10. 528, 82 ¿ ; Qu'il existe donc une différence de 12. 442, 10 ¿-10. 528, 82 ¿ = 1. 913, 28 ¿ ; Attendu qu'en tout état, Maître Edith Z... a reçu des honoraires supérieurs à ceux fixés ci-dessus et doit donc restituer un reliquat qui sera de 10. 528, 82 ¿-9. 424, 48 ¿ = 1. 104, 34 ¿ TTC ; Que, pour l'éventuel surplus de 1. 913, 28 ¿ elle devra le rembourser sur justificatifs de l'intégralité des paiements effectués par Madame Sabrina Y... » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le Premier président de la cour d'appel, statuant sur contestation d'honoraires d'avocats, n'a pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l'avocat à l'égard de son client résultant d'un éventuel manquement de celui-ci à son devoir d'information quant au montant des honoraires et à leur évolution prévisible ; que M. le Premier président qui, en l'espèce, a réduit les honoraires de Mme Z... à la somme de 9. 424, 48 ¿ TTC en considération du fait qu'elle aurait manqué à son obligation d'information quant au montant des honoraires et à leur évolution prévisible, a excédé ses pouvoirs et violé l'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;
ALORS, D'AUTRE PART, ET SUBSIDIAIREMENT, QUE si l'avocat a l'obligation d'informer son client du montant des honoraires et de leur évolution prévisible, l'affichage, au sein du cabinet, des honoraires pratiqués par l'avocat, ainsi que la mention de ces honoraires sur le site internet de celui-ci suffisent à assurer cette information sans qu'il puisse être en outre exigé de l'avocat qu'il fasse figurer son « taux horaire » sur son papier à en-tête ou sur ses factures ; qu'en affirmant l'inverse, M. le Premier président a violé l'article 1147 du code civil, ensemble l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 et l'article 10 du décret du 12 juillet 2005 ;
ALORS, ENFIN ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en permettant à Mme Y... de justifier, postérieurement à la décision rendue, de ce qu'elle aurait versé à Mme Z... une somme supérieure à celle dont Mme Z... reconnaissait le paiement, M. le Premier président, qui a refusé de fixer lui-même, en fonction des éléments figurant au dossier, l'étendue des droits et des obligations des parties, n'a pas tranché la contestation dont il était saisi et a violé l'article 4 du code civil.