LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
-Mme Nathalie X..., épouse Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de RIOM, chambre correctionnelle, en date du 4 avril 2013, qui, pour escroquerie, l'a condamnée à dix mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 10 septembre 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Ract-Madoux, conseiller rapporteur, Mme Nocquet, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de Mme le conseiller RACT-MADOUX, les observations de la société civile professionnelle BOULLEZ, la société civile professionnelle DELAPORTE, BRIARD et TRICHET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GAUTHIER ;
Vu les mémoires ampliatif et personnel, en demande, le mémoire en défense et les observations complémentaires produits ;
Attendu que Mme Y... est poursuivie du chef d'escroquerie pour avoir déterminé la société d'affacturage GE Factofrance (GEF), sur le fondement de factures indues, à remettre des fonds, pour un montant de 1.039 397, 63 euros, à la société LST électronique (LST) dont elle était la directrice administrative et financière ;
En cet état ;
Sur le moyen de cassation proposé par le mémoire personnel et pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé, en tous ses éléments, le délit d'escroquerie dont elle a déclaré la prévenue coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Sur le moyen unique de cassation , proposé par le mémoire ampliatif et pris de la violation des articles 2 et 3 du code de procédure pénale, des articles L. 622-20 et L. 651-2 du code de commerce, de l'article 1382 du code civil, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Mme Y... à payer à la société GE Factofrance des dommages et intérêts d'un montant de 747 285,80 euros après l'avoir déclarée coupable d'escroquerie ;
" aux motifs que la partie civile faisait observer que, par rapport au chiffre de préjudice retenu par le SRPJ, une partie avait été prise en compte par un fonds de garantie mis en place par les sociétés d'affacturage ; qu'en octroyant la somme de 747 285,80 euros, le tribunal a fait une juste appréciation du préjudice subi par la société GE Factofrance ;
"1°) alors que, lorsque le redressement ou la liquidation judiciaires d'une société fait apparaître une insuffisance d'actif, les dispositions de l'article L. 651-2 du code de commerce qui ouvrent, aux conditions qu'il prévoit une action en paiement des dettes sociales ayant contribué à l'insuffisance d'actif, ne se cumulent pas avec celles de l'article 1382 du code civil, sauf à démontrer que la victime a éprouvé un préjudice personnel ; qu'il s'ensuit que la victime d'une escroquerie est irrecevable à exercer contre le dirigeant social, à qui il impute une infraction pénale, l'action en réparation du préjudice en résultant en l'état de la condamnation de Mme Y... à contribuer à l'insuffisance d'actif social de la société LST Electronique à concurrence de 10 %, soit 325 551,65 euros, en raison des fautes de gestion qu'elle avait commises, dont la double mobilisation de créances au préjudice de la société GE Factofrance ; qu'en allouant à la société GE Factofrance des dommages et intérêts d'un montant de 747 285,80 euros en réparation du préjudice qu'elle avait subi du fait de l'escroquerie dont elle avait été victime en raison de la double mobilisation des créances par Mme Y..., bien qu'elle ait déjà été condamnée à contribuer à l'insuffisance d'actif social de la société LST Electronique pour des faits strictement identiques, la cour d'appel, qui n'a pas vérifié que la société GE Factofrance avait subi un préjudice personnel, s'est déterminée par des motifs impropres à établir que la société GE Factofrance était recevable à exercer une action civile en l'état du principe de non-cumul de l'action en comblement de passif avec le droit commun de la responsabilité civile ; qu'ainsi, elle a violé les dispositions précitées ;
"2°) alors qu'en s'abstenant de répondre au moyen par lequel Mme Y... soutenait qu'elle avait déjà été condamnée pour les mêmes faits de double facturation par le Tribunal de commerce du Puy-en-Velay à combler l'insuffisance d'actif de la société LST Electronique à hauteur de 325 551,65 euros par un jugement du 28 septembre 2012, ce qui interdisait à la chambre des appels correctionnels de la condamner à réparer deux fois le même préjudice (conclusions, p. 4, 2e alinéa), la cour d'appel a privé sa décision de motifs ;
"3°) alors, subsidiairement, qu'à supposer que la condamnation du dirigeant à contribuer à l'insuffisance sociale à raison de la double mobilisation de créances ne s'oppose pas à ce qu'un créancier se constitue partie civile en raison de l'escroquerie qu'il impute au dirigeant de la société pour des faits identiques, la part d'insuffisance d'actif mise à sa charge doit être déduite des dommages et intérêts alloués à la victime par le juge répressif pour l'infraction d'escroquerie en raison de faits identiques ; qu'en allouant à la société GE Factofrance des dommages et intérêts d'un montant de 747 285,80 euros en réparation du préjudice qu'elle avait subi du fait de l'escroquerie dont elle avait été victime en raison de la double mobilisation des créances par Mme Y..., bien qu'elle ait déjà été condamnée à contribuer à l'insuffisance d'actif social de la société LST Electronique à concurrence de 10 %, soit 325 551,65 euros, en raison des fautes de gestion qu'elle avait commises, dont la double mobilisation de créances au préjudice de la société GE Factofrance, la cour d'appel qui n'a pas déduit des dommages et intérêts alloués à la victime le montant de l'insuffisance d'actif social mis à la charge de Mme Y..., a violé les dispositions précitées ;
"4°) alors, très subsidiairement, que la recevabilité d'une action en responsabilité personnelle engagée par un créancier à l'encontre du dirigeant d'une société mise en procédure collective, pour des faits antérieurs au jugement d'ouverture, est subordonnée à l'allégation d'un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers résultant d'une faute du dirigeant séparable de ses fonctions ; qu'en allouant à la société GE Factofrance des dommages et intérêts d'un montant de 747 285,80 euros en réparation du préjudice qu'elle avait subi du fait de l'escroquerie imputée à Mme Y..., dirigeante de la société LST Electronique qui avait été mise en liquidation judiciaire, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que la société GE Factofrance a subi un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers, a violé les dispositions précitées" ;
Attendu que, par jugement du 28 septembre 2012, le tribunal de commerce a condamné Madame Y... à verser 325 551,65 euros au titre du comblement, à hauteur de 10%, de l'insuffisance d' actif de la société LST dont la liquidation judiciaire a été prononcée le 24 avril 2009, en se fondant sur sa faute de gestion ayant consisté à mettre en place une double facturation pour un montant de 1 039 397,63 euros ;
Attendu que l'arrêt , après avoir déclaré la prévenue coupable d'escroquerie au préjudice de la société GEF, la condamne à verser à cette société, en réparation de son préjudice, la somme de 747 285,80 euros correspondant à celle visée par la prévention, déduction faite des montants pris en charge par le fonds de garantie des sociétés d'affacturage ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors que le dommage directement subi par la société GEF du fait de l'escroquerie commise à son préjudice est, contrairement à ce que soutient la demanderesse, distinct de l'augmentation du passif de la société LST résultant du retard apporté à la déclaration de cessation des paiements ,du fait d' un apport artificiel de trésorerie, l'arrêt n'encourt pas la censure ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Dit n' y avoir lieu à faire application de l' article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux octobre deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;