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21/10/2014 | FRANCE | N°13-22698

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 21 octobre 2014, 13-22698


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 14 mai 2013), que la SCI Laric (la SCI) a confié la rénovation d'un ensemble immobilier à M. X..., architecte, qui a élaboré l'avant projet définitif, puis à M. Y... une mission complète d'architecture ; que la société Camier et compagnie (société Camier), depuis en liquidation, a été chargée du lot « plâtrerie isolation peinture » ; que se plaignant du surcoût de l'opération et d'erreurs de conception des deux architectes, la SCI a, après expertise, assi

gné M. Y... et M. X..., leur compagnie d'assurance, la MAF, et la société C...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 14 mai 2013), que la SCI Laric (la SCI) a confié la rénovation d'un ensemble immobilier à M. X..., architecte, qui a élaboré l'avant projet définitif, puis à M. Y... une mission complète d'architecture ; que la société Camier et compagnie (société Camier), depuis en liquidation, a été chargée du lot « plâtrerie isolation peinture » ; que se plaignant du surcoût de l'opération et d'erreurs de conception des deux architectes, la SCI a, après expertise, assigné M. Y... et M. X..., leur compagnie d'assurance, la MAF, et la société Camier, en indemnisation et en répétition d'indu ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de condamner M. Y... solidairement avec la MAF à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour erreur d'évaluation du coût de l'opération de construction, alors, selon le moyen :
1°/ que les règles de l'enrichissement sans cause ne trouvent à s'appliquer qu'en l'absence d'acte juridique justifiant l'enrichissement ; qu'en ayant, pour indemniser la SCI, fait application des règles de l'enrichissement sans cause alors qu'elle constatait que tant M. Y... que les entreprises étaient liées au maître de l'ouvrage, pour l'un, par une mission complète d'architecture, pour les autres, par des marchés de travaux ce qui rendait les règles sus visées inapplicables, la cour d'appel a violé les articles 1371 et 1134 du code civil ;
2°/ subsidiairement qu'en estimant, pour limiter à 10 000 euros le préjudice subi par la SCI du fait de l'erreur d'évaluation du coût de la construction commise par M. Y..., qu'il convenait de suivre le raisonnement de l'expert selon lequel le dépassement de budget ne correspondrait pas à un surcoût qui pourrait ouvrir droit à indemnisation puisqu'il reflète en réalité la valeur des travaux qui aurait été acquittée même en l'absence de désordres, laquelle valeur ne peut être remboursée sous peine de provoquer un enrichissement sans cause contraire aux principes indemnitaires, quand l'expert a considéré que M. Y... pouvait voir sa responsabilité engagée quant aux surcoûts des travaux pour les logements réalisés et ceux à réaliser pour un montant estimé à 42 649, 03 euros, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du rapport d'expertise en violation de l'article 1134 du code civil ;
3°/ subsidiairement que quelle que soit la qualification du marché retenue le juge, en présence des travaux supplémentaires dont l'entrepreneur demande leur paiement, doit constater soit que les travaux ont été expressément commandés par le maître d'ouvrage avant leur réalisation, soit que celui-ci les a acceptés sans équivoque après leur exécution ; qu'en ayant alors, pour limiter l'indemnité de la SCI, considéré qu'elle avait commandé des travaux supplémentaires, au seul regard des comptes rendus de chantier établis par l'architecte M. Y..., qui n'établissaient pas l'accord du maître d'ouvrage sur la réalisation de ces travaux la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu que le manque de précision dans l'établissement des devis et des marchés avaient causé un préjudice direct et certain au maître de l'ouvrage qui avait dû faire face à des dépenses non prévues et non budgétées l'obligeant à revoir l'équilibre financier de l'opération, et que le dommage résultant des erreurs fautives au stade de l'évaluation du coût de la construction ne pouvait se confondre avec le surcoût des travaux qui auraient dû être réalisés pour mener l'opération à son terme, la cour d'appel a, abstraction faite de motifs erronés mais surabondants, souverainement apprécié et évalué ce préjudice ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Camier la somme de 19 468, 24 euros avec intérêts, outre une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, alors, selon le moyen, que quelle que soit la qualification du marché retenue, le juge, en présence des travaux supplémentaires dont l'entrepreneur demande leur paiement, doit constater soit que les travaux ont été expressément commandés par le maître d'ouvrage avant leur réalisation, soit que celui-ci les a acceptés sans équivoque après leur exécution ; qu'en ayant alors condamné la SCI à payer les travaux supplémentaires effectués par la société Camier au seul regard des comptes rendus de chantier établis par l'architecte M. Y..., qui n'établissaient pas l'accord du maître d'ouvrage sur la réalisation de ces travaux la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel ayant retenu des erreurs de quantité engendrant des dépassements, le moyen qui lui reproche d'avoir condamné la SCI au paiement de travaux supplémentaires manque en fait ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCI Laric aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCI Laric à payer à la MAF la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de la SCI Laric ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour la société Laric.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. Y... solidairement avec son assureur, la compagnie MAF, à payer à la société Laric la somme de 10 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour erreur d'évaluation du coût de l'opération de construction ;
AUX MOTIFS QUE « l'expert judiciaire Z... fait reproche à la maîtrise d'oeuvre d'avoir élaboré un dossier incomplet souffrant d'un manque de détails, comportant des erreurs et omissions notamment les pièces écrites, devis descriptifs quantitatifs, base des marchés ; que selon lui, le chantier s'est déroulé sans que soient réellement maîtrisés les suppléments qui auraient dû faire l'objet d'avenants soumis au maître d'ouvrage ; que cette situation mal maîtrisée aurait conduit à un surcoût de travaux évalué à la somme de 42. 649, 03 ¿ HT, avec les préjudices qui en découlent ; qu'il est noté par l'expert que les dossiers de consultation ont été rédigés par monsieur Y..., architecte, ainsi que la direction et la comptabilité des travaux, engageant ainsi sa responsabilité ; Mais dans le même temps, ledit expert précise que le dépassement de budget invoqué ne correspond pas à un surcoût qui pourrait ouvrir droit à indemnisation, puisqu'il reflète en réalité la valeur réelle des travaux qui aurait été acquittée même en l'absence de désordres ; que les charges qui auraient, quoi qu'il en soit, été acquittées en l'absence de désordres ne sauraient être remboursées, sous peine de provoquer un enrichissement sans cause, contraire aux principes indemnitaires ; qu'il convient bien de suivre ce raisonnement sauf à noter que ce manque de précision dans l'établissement des devis et des marchés qui s'en suivaient ont causé malgré tout un préjudice direct et certain au maître de l'ouvrage qui a dû faire face à des dépenses non prévues et non budgétées l'obligeant à revoir l'équilibre financier de l'opération ; que dans le même temps, l'architecte monsieur Y... fait valoir à juste titre que des travaux supplémentaires lui ont été sans cesse commandés par ladite SCI comme en atteste effectivement les procès-verbaux de chantier ; que rien que de ce chef le coût du projet est passé à plus de 269. 000 ¿ ce que ne pouvait ignorer la maîtrise d'ouvrage qui, même si elle n'est pas une professionnelle de l'immobilier, ne pouvait ignorer que la commande de travaux supplémentaires entraine inéluctablement un surcoût ; qu'ainsi toutes causes confondues la cour a les éléments suffisants pour considérer que si l'architecte Y... a pu commettre des erreurs fautives au stade de l'évaluation du coût de la construction, le dommage en résultant ne peut se confondre avec le surcoût des travaux qui auraient dû de toute manière être réalisés pour mener l'opération à son terme, sauf à permettre à la SCI de bénéficier d'un enrichissement indu ; que l'évaluation de la réalité de ce préjudice peut être arrêtée à la somme de 10. 000 ¿ et le jugement réformé en conséquence (arrêt p. 6, § 2 à 10).
1°) ALORS QUE les règles de l'enrichissement sans cause ne trouvent à s'appliquer qu'en l'absence d'acte juridique justifiant l'enrichissement ; qu'en ayant, pour indemniser la SCI Laric, fait application des règles de l'enrichissement sans cause alors qu'elle constatait que tant M. Y... que les entreprises étaient liées au maître de l'ouvrage, pour l'un, par une mission complète d'architecture, pour les autres, par des marchés de travaux ce qui rendait les règles sus visées inapplicables, la Cour d'appel a violé les articles 1371 et 1134 du Code civil.
2°) (Subsidiaire) ALORS QU'en estimant, pour limiter à 10 000 ¿ le préjudice subi par la SCI Laric du fait de l'erreur d'évaluation du coût de la construction commise par M. Y..., qu'il convenait de suivre le raisonnement de l'expert selon lequel le dépassement de budget ne correspondrait pas à un surcoût qui pourrait ouvrir droit à indemnisation puisqu'il reflète en réalité la valeur des travaux qui aurait été acquittée même en l'absence de désordres, laquelle valeur ne peut être remboursée sous peine de provoquer un enrichissement sans cause contraire aux principes indemnitaires, quand l'expert a considéré que M. Y... pouvait voir sa responsabilité engagée quant aux surcoûts des travaux pour les logements réalisés et ceux à réaliser pour un montant estimé à 42 649, 03 ¿, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du rapport d'expertise en violation de l'article 1134 du code civil ;
3°) (Subsidiaire) ALORS QUE quelle que soit la qualification du marché retenue le juge, en présence des travaux supplémentaires dont l'entrepreneur demande leur paiement, doit constater soit que les travaux ont été expressément commandés par le maître d'ouvrage avant leur réalisation, soit que celui-ci les a acceptés sans équivoque après leur exécution ; qu'en ayant alors, pour limiter l'indemnité de la SCI Laric, considéré qu'elle avait commandé des travaux supplémentaires, au seul regard des comptes rendus de chantier établis par l'architecte M. Y..., qui n'établissaient pas l'accord du maître d'ouvrage sur la réalisation de ces travaux la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné la SCI LARIC à payer à la Société Camier et Cie représentée par son liquidateur la somme de 19 468, 24 ¿ avec les intérêts au taux légal, outre la somme de 3 000 ¿ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « concernant les demandes dirigées à l'encontre de la société CAMIER, il est désormais acquis en cause d'appel que le marché signé entre la SCI et cette entreprise de plâtrerie peinture n'était pas un marché à forfait mais sur bordereaux de prix ; qu'en définitive, ladite SCI reproche à l'entreprise CAMIER de n'avoir pas prévenu le maître d'ouvrage des erreurs de quantité engendrant des dépassements, prétendant au surplus que la société CAMIER aurait facturé pour un montant de 77. 777, 94 ¿ une prestation qu'elle s'était engagée à faire pour 38. 480, 96 ¿ TTC ; qu'à ce sujet, l'expert Z... dit bien qu'il pourrait être reproché à l'entreprise de n'avoir pas suspendu les travaux ou prévenu plus en amont le maître d'ouvrage des erreurs de quantités engendrant des dépassements. Ce même expert reconnaît cependant que les rapports de chantier confirmaient périodiquement les travaux que l'entreprise avait à réaliser ; qu'en effet, l'architecte Monsieur Y... établissait régulièrement des comptes rendus de chantier, réunions qui se tenaient en présence de la maîtrise d'ouvrage ; que de plus, au plan contractuel, les comptes rendus de chantier précisent que : « les notes et remarques portées sur le présent compte rendu seront considérées comme acceptées par l'entreprise et le maître de l'ouvrage, si elles ne sont pas contestées sous huit jours à compter de la date de réception » ; qu'ils doivent bien être considérés comme constituant autant d'ordres de service transmis à l'entreprise CAPIER d'avoir à exécuter ; que l'expert judiciaire a opéré un compte entre les parties des travaux exécutés et il estime, le solde restant dû à l'entreprise CAMIER à 19. 468, 24 ¿ TTC ; qu'il n'existe donc aucun trop perçu de la part de l'entreprise nécessitant une répétition de l'indu et la décision de débouté du premier juge doit être confirmée sur ce point » ; (arrêt, p. 8, § 3 à 9)
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « attendu que la SCI LARIC ne peut sérieusement prétendre à un trop perçu de 20. 507, 04 ¿ TTC en invoquant un marché initial de 38. 480, 96 ¿ TTC ; qu'en effet que comme cela a été rappelé au paragraphe précédent le marché conclu avec la SARL CAMIER et COMPAGNIE ne peut être qualifié de forfaitaire ; que les travaux effectivement réalisés par cet entrepreneur ont été vérifiés par l'expert qui en a fixé le montant à la somme de 78. 671, 30 ¿ TTC ; que l'expert a seulement dit que l'entreprise aurait pu suspendre les travaux ou prévenir le maître de l'ouvrage des erreurs de quantité engendrant des dépassements ; qu'il a précisé que les rapports de chantier confirmaient périodiquement les travaux que l'entreprise avait à réaliser ; que comme cela vient d'être précisé, la mauvaise évaluation du coût de travaux est imputable essentiellement au maître d'oeuvre d'exécution qui, dans le cadre de sa mission, devait conseiller le maître de l'ouvrage sur les dépassements ; qu'en outre le préjudice résultant d'une erreur d'évaluation ne peut correspondre au surcoût de la construction, comme cela vient d'être exposé ; attendu qu'au vu du rapport d'expertise détaillé il apparaît que compte tenu de l'acompte fr 58. 988 ¿ et déduction faite de la somme de 215, 06 ¿ pour la reprise du plafond du hall, la demanderesse reste débitrice d'un solde de 19. 468, 24 ¿ TTC. » (jugement, p. 7, § 8 et s.) ;

ALORS QUE quelle que soit la qualification du marché retenue, le juge, en présence des travaux supplémentaires dont l'entrepreneur demande leur paiement, doit constater soit que les travaux ont été expressément commandés par le maître d'ouvrage avant leur réalisation, soit que celui-ci les a acceptés sans équivoque après leur exécution ; qu'en ayant alors condamné la SCI Laric à payer les travaux supplémentaires effectués par la Société Camier au seul regard des comptes rendus de chantier établis par l'architecte M. Y..., qui n'établissaient pas l'accord du maître d'ouvrage sur la réalisation de ces travaux la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 13-22698
Date de la décision : 21/10/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 14 mai 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 21 oct. 2014, pourvoi n°13-22698


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : SCP Boulloche, SCP Hémery et Thomas-Raquin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.22698
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