LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen du pourvoi principal et du pourvoi provoqué :
Vu les articles 79, alinéa 1er, 480 et 561 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en matière de référé, que Mmes Fleur et Perle X... ont assigné M. Y...et la société Dancing discothèque Le Tub (la société Le Tub) devant le président d'un tribunal de grande instance aux fins d'expulsion sous astreinte de bâtiments et de terrains occupés à titre d'habitation et au titre de l'exploitation d'un établissement commercial ; que M. Y...et la société le Tub ont soulevé l'incompétence du juge saisi pour statuer sur les demandes ; que la cour d'appel, infirmant les dispositions par lesquelles le juge des référés du tribunal de grande instance a refusé de se déclarer incompétent au profit du juge des référés du tribunal d'instance pour statuer sur la demande d'expulsion dirigée contre M. Y..., a fait application de l'article 79, alinéa 1er, du code de procédure civile ;
Attendu que, pour statuer sur le fond du litige, l'arrêt confirme la décision déférée en ses dispositions autres que celles ordonnant l'expulsion sous astreinte de M. Y...et fixant les modalités de l'astreinte prononcée à l'encontre de la société Le Tub ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'infirmation du chef de la compétence, ayant anéanti l'ordonnance du premier juge, lui interdisait de la confirmer, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ses dispositions infirmant les dispositions par lesquelles le juge des référés du tribunal de grande instance a refusé de se déclarer incompétent au profit du tribunal d'instance pour statuer sur la demande d'expulsion dirigée contre M. Y...et celles ordonnant l'expulsion sous astreinte de M. Y...et fixant les modalités de l'astreinte prononcée à l'encontre de la société Le Tub, l'arrêt rendu le 31 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne Mmes Fleur et Perle X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Dancing discothèque Le Tub ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour M. Y..., demandeur au pourvoi principal, et la société Dancing discothèque Le Tub, demanderesse au pourvoi provoqué
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QUE, après avoir justement dit que seul le tribunal d'instance d'ARGENTAN était compétent à l'exclusion du tribunal de grande instance d'ARGENTAN, puis, avoir évoqué l'affaire au visa de l'article 79 alinéa 1er du code civil, il a confirmé l'ordonnance de référé du 13 octobre 2011 en tant qu'elle a repoussé le moyen fondé sur l'autorité de chose jugée et en tant qu'elle a dit que Mesdemoiselles
X...
subissaient un trouble manifestement illicite, puis, par décision propre, ordonné l'expulsion de Monsieur Y...et tous occupants de son chef, confirmé la décision déférée en tant qu'elle avait ordonné l'expulsion de la SARL DANCING DISCOTHEQUE LE TUB et dit qu'à défaut de satisfaire à l'obligation de quitter les lieux, la SARL DANCING DISCOTHEQUE LE TUB sera redevable d'une astreinte solidairement avec Monsieur Y...;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « les appelants reprochent au premier juge d'avoir déclaré les demandes recevables alors que l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt du 20 février 2007 et l'absence de circonstances nouvelles rendent irrecevables les demandes d'expulsion ; qu'il est constant que, par arrêt infirmatif du 20 février 2007, cette Cour a rejeté la demande d'expulsion présentée par Madame Claire
X...
à l'encontre de Monsieur Gérald Y...et de la SARL DANCING DISCOTHEQUE LE TUB ; que c'est à juste titre que le premier juge a retenu que la décision du tribunal de grande instance d'ARGENTAN en date du 13 mars 2008, confirmée par arrêt du 8 juin 2010, qui a rejeté la demande de Monsieur Gérald Y...tendant à se voir reconnaître la propriété de l'immeuble constitue une circonstance nouvelle rendant recevable la demande nouvelle d'expulsion ; qu'en effet, cette décision a estimé infondé le titre invoqué par Monsieur Y...pour lui permettre d'occuper les lieux et d'y exercer son activité professionnelle d'exploitant d'une discothèque ; que les appelants font valoir, par ailleurs, que leur occupation ne constitue pas un trouble manifestement illicite dès lors que Monsieur Y...justifie d'un bail conclu en 1984 et d'une autorisation d'exercer dans l'immeuble une activité commerciale ; que les appelants produisent en effet un acte sous seing privé daté des 28 janvier et 5 mars 1984 contenant le bail de l'immeuble d'habitation au profit de Monsieur Y...moyennant un loyer de 457, 38 euros par an ainsi qu'une autorisation du bailleur, en date du 1er juin 1984, d'exercer une activité commerciale dans les lieux loués ; que le premier juge a exactement relevé que l'acte de cession du 17 octobre 1988 ne contient aucune mention relative à ce bail et que Monsieur Gérald Y...ne s'en est pas prévalu lors de l'instance au fond au cours de laquelle il n'a invoqué que son droit de propriété ; qu'il a, en outre, pu occuper les lieux à compter de 1988 et pendant plus de dix années en qualité de concubin de la propriétaire de l'immeuble et ne justifie pas avoir personnellement ou en qualité de gérant de la SARL DANCING DISCOTHEQUE LE TUB, réglé un quelconque loyer si supporté aucune charge, la dispense de loyer étant limitée au coût des travaux ; que Monsieur Y...et la SARL DANCING DISCOTHEQUE LE TUB ne justifient donc pas d'un titre légitimant leur occupation de l'immeuble et cette dernière constitue pour les propriétaires un trouble manifestement illicite justifiant l'expulsion ; qu'il convient toutefois, s'agissant de l'astreinte, d'en fixer le montant à 20 € par jour et de dire qu'elle courra à l'issue d'un délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt ; qu'il y a donc lieu à infirmation sur ce point » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « selon l'article 488 du code de procédure civile, l'ordonnance de référé, en ce compris la décision de la cour d'appel statuant sur recours d'une ordonnance de référé, n'a pas au principal, l'autorité de la chose jugée ; qu'elle ne peut être modifiée ou rapportée en référé qu'en cas de circonstances nouvelles ; qu'en l'espèce, Mme
X...
a déjà saisi le juge des référés d'une demande d'expulsion dirigé contre M. Y...et la SARL LE TUB ; qu'il a été fait droit à sa demande par ordonnance du 7 juillet 2005, ais la cour d'appel de Caen, saisie d'un recours contre cette ordonnance, a réformé cette décision le 20 février 2007 au motif qu'il n'était pas exclu que M. Y...et la société LE TUB puissent se prévaloir d'un bail commercial sur les locaux qui aurait été contre en 1984 ; que par la suite, M. Y...a saisi le tribunal pour revendiquer la propriété des immeubles en question ; qu'il a été débouté par jugement du 13 mars 2008, confirmé par la cour d'appel le 8 juin 2010 ; qu'à cette occasion, M. Y...n'a pas fait état, ne serait-ce qu'à titre subsidiaire, de l'existence d'un quelconque bail sur les locaux, contrairement à ce qu'il invoquait dans les précédentes procédures ; que de fait, il ne produit aujourd'hui aucune pièce pouvant laisser présumer l'existence d'un bail d'habitation ou commercial, et il convient de préciser d'une part que les titres de propriétés de Mme
X...
ne font pas état d'un quelconque bail qui aurait été conclu antérieurement sur les locaux, et d'autre part qu'aucun loyer n'a jamais été payé ; que dans ces conditions, il existe des circonstances nouvelles à raison de la nouvelle décision judiciaire intervenue depuis la précédente procédure de référé, et les défendeurs ne peuvent valablement se prévaloir de l'autorité de la chose jugée au provisoire attachée à la décision du 20 février 2007 ; que Melles
X...
, dont la propriété est donc occupée sans droit ni titre par M. Y...et la société LE TUB, subissent de ce fait un trouble manifestement illicite au sens de l'article 809 al 1 du code de procédure civile, qu'il convient de faire cesser » ;
ALORS QUE, PREMIÈREMENT, si les juges du second degré peuvent se référer au dispositif d'une autre décision, et notamment au dispositif de la décision déférée, rendue par le premier juge, c'est à la condition que ce dispositif n'ait pas été anéanti et demeure dans l'ordonnancement juridique ; qu'en l'espèce, les juges du second degré ont décidé que le président du tribunal de grande instance d'ARGENTAN, statuant en référé, avait retenu à tort sa compétence, dès lors que seul le tribunal d'instance d'ARGENTAN était compétent ; qu'en conséquence de cette infirmation, sur le terrain de la compétence, l'ensemble des éléments du dispositif de l'ordonnance attaquée intervenue le 13 octobre 2011, devait être regardé comme anéanti et ayant disparu de l'ordonnancement juridique ; qu'il était dès lors exclu que les juges second degré se réfèrent à l'ordonnance entreprise du 13 octobre 2011 en tant qu'elle avait repoussé le moyen fondé sur l'autorité de chose jugée et constaté l'existence d'un trouble manifestement illicite, fondement du chef relatif à l'expulsion ; qu'en confirmant néanmoins l'ordonnance du 13 octobre 2011, sur l'un et l'autre de ces deux points, les juges du second degré ont violé l'article 455 du code de procédure civile, en tant qu'il prévoit que le juge énonce la décision sous forme de dispositif, et les articles 542 et 561 du code de procédure civile ;
ET ALORS QUE, DEUXIÈMEMENT, dès lors que les juges du second degré avaient infirmé l'ordonnance de première instance, pour avoir retenu la compétence du tribunal de grande instance aux lieu et place de la compétence du tribunal d'instance, l'ensemble des éléments du dispositif de l'ordonnance de première instance était anéanti ; qu'en redonnant néanmoins vigueur à certains d'entre eux, pour les confirmer, quand par ailleurs le chef relatif à la compétence avait été infirmé, ce qui entraînait l'anéantissement de l'ensemble des éléments du dispositif, les juges du fond ont à tout le moins violé les articles 480 du code de procédure civile et 488 du même code.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a écarté l'exception de chose jugée invoquée, puis retenu l'existence d'un trouble manifestement illicite, puis ordonné l'expulsion sous astreinte de Monsieur Y...et de la SARL DANCING DISCOTHEQUE LE TUB ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « les appelants reprochent au premier juge d'avoir déclaré les demandes recevables alors que l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt du 20 février 2007 et l'absence de circonstances nouvelles rendent irrecevables les demandes d'expulsion ; qu'il est constant que, par arrêt infirmatif du 20 février 2007, cette Cour a rejeté la demande d'expulsion présentée par Madame Claire
X...
à l'encontre de Monsieur Gérald Y...et de la SARL DANCING DISCOTHEQUE LE TUB ; que c'est à juste titre que le premier juge a retenu que la décision du tribunal de grande instance d'ARGENTAN en date du 13 mars 2008, confirmée par arrêt du 8 juin 2010, qui a rejeté la demande de Monsieur Gérald Y...tendant à se voir reconnaître la propriété de l'immeuble constitue une circonstance nouvelle rendant recevable la demande nouvelle d'expulsion ; qu'en effet, cette décision a estimé infondé le titre invoqué par Monsieur Y...pour lui permettre d'occuper les lieux et d'y exercer son activité professionnelle d'exploitant d'une discothèque ; que les appelants font valoir, par ailleurs, que leur occupation ne constitue pas un trouble manifestement illicite dès lors que Monsieur Y...justifie d'un bail conclu en 1984 et d'une autorisation d'exercer dans l'immeuble une activité commerciale ; que les appelants produisent en effet un acte sous seing privé daté des 28 janvier et 5 mars 1984 contenant le bail de l'immeuble d'habitation au profit de Monsieur Y...moyennant un loyer de 457, 38 euros par an ainsi qu'une autorisation du bailleur, en date du 1er juin 1984, d'exercer une activité commerciale dans les lieux loués ; que le premier juge a exactement relevé que l'acte de cession du 17 octobre 1988 ne contient aucune mention relative à ce bail et que Monsieur Gérald Y...ne s'en est pas prévalu lors de l'instance au fond au cours de laquelle il n'a invoqué que son droit de propriété ; qu'il a, en outre, pu occuper les lieux à compter de 1988 et pendant plus de dix années en qualité de concubin de la propriétaire de l'immeuble et ne justifie pas avoir personnellement ou en qualité de gérant de la SARL DANCING DISCOTHEQUE LE TUB, réglé un quelconque loyer si supporté aucune charge, la dispense de loyer étant limitée au coût des travaux ; que Monsieur Y...et la SARL DANCING DISCOTHEQUE LE TUB ne justifient donc pas d'un titre légitimant leur occupation de l'immeuble et cette dernière constitue pour les propriétaires un trouble manifestement illicite justifiant l'expulsion ; qu'il convient toutefois, s'agissant de l'astreinte, d'en fixer le montant à 20 € par jour et de dire qu'elle courra à l'issue d'un délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt ; qu'il y a donc lieu à infirmation sur ce point » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « selon l'article 488 du code de procédure civile, l'ordonnance de référé, en ce compris la décision de la cour d'appel statuant sur recours d'une ordonnance de référé, n'a pas au principal, l'autorité de la chose jugée ; qu'elle ne peut être modifiée ou rapportée en référé qu'en cas de circonstances nouvelles ; qu'en l'espèce, Mme
X...
a déjà saisi le juge des référés d'une demande d'expulsion dirigé contre M. Y...et la SARL LE TUB ; qu'il a été fait droit à sa demande par ordonnance du 7 juillet 2005, ais la cour d'appel de Caen, saisie d'un recours contre cette ordonnance, a réformé cette décision le 20 février 2007 au motif qu'il n'était pas exclu que M. Y...et la société LE TUB puissent se prévaloir d'un bail commercial sur les locaux qui aurait été contre en 1984 ; que par la suite, M. Y...a saisi le tribunal pour revendiquer la propriété des immeubles en question ; qu'il a été débouté par jugement du 13 mars 2008, confirmé par la cour d'appel le 8 juin 2010 ; qu'à cette occasion, M. Y...n'a pas fait état, ne serait-ce qu'à titre subsidiaire, de l'existence d'un quelconque bail sur les locaux, contrairement à ce qu'il invoquait dans les précédentes procédures ; que de fait, il ne produit aujourd'hui aucune pièce pouvant laisser présumer l'existence d'un bail d'habitation ou commercial, et il convient de préciser d'une part que les titres de propriétés de Mme
X...
ne font pas état d'un quelconque bail qui aurait été conclu antérieurement sur les locaux, et d'autre part qu'aucun loyer n'a jamais été payés ; que dans ces conditions, il existe des circonstances nouvelles à raison de la nouvelle décision judiciaire intervenue depuis la précédente procédure de référé, et les défendeurs ne peuvent valablement se prévaloir de l'autorité de la chose jugée au provisoire attachée à la décision du 20 février 2007 ; Melles
X...
, dont la propriété est donc occupée sans droit ni titre par M. Y...et la société LE TUB, subissent de ce fait un trouble manifestement illicite au sens de l'article 809 al 1 du code de procédure civile, qu'il convient de faire cesser » ;
ALORS QUE, si la décision du juge des référés n'a pas la même autorité qu'une décision rendue par le juge du fond, il reste que la décision du juge des référés a une autorité à tout le moins provisoire ; qu'en vertu de cette autorité, elle ne peut être remise en cause que si la partie, qui saisit pour la seconde fois le juge des référés, fait état d'un élément nouveau survenu ou révélé depuis la décision précédente ; que les juges du fond ne pouvaient considérer que les décisions du 13 mars 2008 et du 8 juin 2010 ayant dénié à Monsieur Y...la qualité de propriétaire, constituaient un fait nouveau dès lors qu'ils se sont prononcés sur le droit de propriété de Monsieur Y..., quand l'arrêt du 20 février 2007, qui ne se prononçait pas sur ce droit de propriété, se bornait à évoquer l'existence d'un bail (arrêt du 20 février 2007, pp. 3-4) ; que l'arrêt attaqué doit être censuré pour violation de l'article 488 du code de procédure civile.