LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement a prononcé le divorce de M. X... et de Mme Y... ;
Attendu que, pour fixer le montant de la prestation compensatoire due à l'épouse, après avoir estimé que la rupture du mariage était de nature à créer, au détriment de celle-ci, une disparité dans les conditions de vie respectives des parties et relevé que le projet d'acte liquidatif révélait que les droits de Mme Y... dans la liquidation de la communauté s'élevaient à la somme de 304 844, 93 euros, l'arrêt retient qu'elle ne disposera plus, pour subvenir à ses besoins, que de sa faible pension de retraite, qui ne lui permettra pas de couvrir ses charges ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs contradictoires, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. X... à payer à Mme Y... une prestation compensatoire sous la forme d'une rente viagère de 800 euros par mois, réévaluable annuellement en fonction de l'indice INSEE des prix à la consommation des ménages urbains (hors tabac) dont le chef est ouvrier ou employé, l'arrêt rendu le 27 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. X... à verser à Mme Y..., à titre de prestation compensatoire, une rente viagère de 800 euros par mois, réévaluable annuellement en fonction de l'indice Insee des prix à la consommation des ménages urbains (hors tabac) dont le chef est ouvrier ou employé ;
Aux motifs propres que « selon les dispositions de l'article 270 du code civil que le divorce met fin au devoir de secours ; que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ; que cette prestation a un caractère forfaitaire, elle prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge ; que l'article 271 du même code dispose notamment que la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; qu'à cet effet, le juge prend en considération notamment la durée du mariage, l'âge et l'état de santé des époux, leur qualification et leur situation professionnelles, les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne, le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial, leurs droits existants et prévisibles, leur situation respective en matière de pension de retraite ; que selon les articles 274 et 275 du code civil, la prestation compensatoire s'exécute en capital sous forme du versement d'une somme d'argent, de l'attribution de biens en propriété ou d'un droit temporaire ou viager d'usage, d'habitation ou d'usufruit ; que lorsque le débiteur n'est pas en mesure de verser le capital, le juge en fixe les modalités de paiement, dans la limite de huit années, sous forme de versements périodiques indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires ; qu'en application de l'application de l'article 276, à titre exceptionnel, le juge peut, par décision spécialement motivée, lorsque l'âge ou l'état de santé du créancier ne lui permet pas de subvenir à ses besoins, fixer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère ; qu'en l'espèce, le mariage aura duré presque 35 ans lors du prononcé du divorce par la cour, la vie commune pendant celui-ci ayant duré presque 30 ans ; que de cette union est né un enfant ; que Pierre X..., né le 22 avril 1934, est actuellement âgé de 79 ans, Marie-Thérèse Y..., née le 25 février 1938, est âgée de 75 ans ; que Marie-Thérèse Y... indique, sans être contestée, être atteinte d'une arthrose invalidante ne lui permettant pas de travailler et justifiant le recours à une aide à domicile ; que pour sa part, Pierre X... précise présenter des difficultés de santé et produit des certificats médicaux établissant notamment qu'il souffre d'une gonarthrose bilatérale et d'ulcères grastroduodénaux récidivants ; que selon l'avis d'impôt 2012, Pierre X... a perçu au cours de l'année 2011, à titre de pension de retraite, la somme annuelle de 49. 765 euros, soit 4. 147 euros par mois ; que dans sa déclaration sur l'honneur, il n'a fait état que des charges usuelles de la vie courante et des impôts et taxes pour un montant mensuel de 506 euros ; que selon l'avis d'impôt sur le revenu 2012, Marie-Thérèse Y... a perçu au titre de l'année 2011 une pension de retraite annuelle de 4. 483 euros, soit 373, 58 euros par mois, la modicité de cette pension s'expliquant par le fait qu'elle n'a pas travaillé durant le mariage, l'intimée soutenant ainsi qu'elle a cessé son activité professionnelle à la demande de son époux tandis que celui-ci indique qu'il s'agissait d'un choix personnel de l'intimée dont elle doit assumer les conséquences ; que dans sa déclaration sur l'honneur, Marie-Thérèse Y... a indiqué supporter les charges usuelles de la vie courante à hauteur de 517, 46 euros par mois ; que selon le projet d'état liquidatif dressé par Maître Z..., notaire désigné par le magistrat conciliateur, les époux, mariés sous le régime de la communauté, ont acquis pendant le mariage plusieurs biens immobiliers :- une maison située à TRIEL SUR SEINE, vendue en cours de procédure pour la somme de 241. 000 euros ainsi qu'il résulte de l'acte de vente du 25 juin 2012,- une maison située à VAUX SUR SEINE, ayant constitué le domicile conjugal, actuellement occupée par Marie-Thérèse Y... et évaluée à 198. 750 euros,- une maison située à PLOURZEC évaluée à la somme de 128. 000 euros ;
que ce projet précise en outre qu'il dépend de la communauté des valeurs mobilières représentant la somme globale de 32. 269 euros et fixe, après déduction des récompenses dues à chacun des époux, les droits de Marie-Thérèse Y... à la somme de 303. 844, 93 euros et ceux de Pierre X... à la somme de 283. 254, 48 euros ; qu'en l'état de ces éléments, la rupture du lien conjugal est de nature à créer une disparité dans les conditions respectives des vie des époux au détriment de Marie-Thérèse Y... ; que l'âge et l'état de santé de cette dernière ne lui permettent manifestement plus d'exercer une activité professionnelle et qu'elle ne disposera pour subvenir à ses besoins que de sa faible pension de retraite qui ne lui permettra pas de couvrir ses charges ; que cette situation justifie donc de faire application des dispositions précitées de l'article 276 du code civil et donc de lui allouer une prestation compensatoire sous la forme d'une rente mensuelle, indexée et viagère ; qu'au regard de la durée du mariage et de vie commune pendant celui-ci, de l'âge et de l'état de santé des époux, de leurs ressources et charges et de leurs droits respectifs à l'issue des opérations de liquidation du régime matrimonial, c'est par une exacte appréciation des faits qui lui ont été soumis que le premier juge a fixé cette rente mensuelle et viagère à la somme de 800 euros ; qu'il convient donc de confirmer la décision entreprise de ce chef sauf à préciser s'agissant de l'indexation, que la rente sera réévaluée le 1er septembre de chaque année et pour la première fois, le 1er septembre de l'année suivant celle à laquelle le divorce sera passé en force de chose jugée » (arrêt attaqué, p. 3, dernier § à p. 5, § 9) ;
Et aux motifs réputés adoptés du premier juge que « Marie-Thérèse Y... sollicite à titre compensatoire une rente viagère mensuelle de 1500 ¿ fondant sa demande sur l'arrêt de sa carrière professionnelle pour élever l'enfant et sur son état de santé ; que Pierre X... s'y oppose et à titre subsidiaire sollicite la réduction du montant mensuel ; que l'article 270 du Code civil précise que la prestation compensatoire est destinée à compenser autant qu'il est possible la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux ; qu'aux termes de l'article 271 du Code Civil la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un délai prévisible ; qu'à cet effet, le juge prend en considération notamment :- la durée du mariage,- l'âge et l'état de santé des époux,- leur qualification et leur situation professionnelle,- les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune,- le patrimoine commun estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après liquidation du régime matrimonial,- leurs droits existants et prévisibles,- leur situation respective en matière de pensions de retraite ; qu'en l'espèce, il ressort que : les époux sont respectivement âgés de 74 ans pour la femme et de 78 pour le mari, le mariage a duré 34 ans, les époux vivant séparément depuis 1993, le mari est retraité, la femme est retraitée, leur patrimoine commun ou indivis est constitué par : trois biens immobiliers estimés dans le cadre du projet d'état liquidatif notarié, non accepté par les parties, à une somme globale de 548 250 ¿, des capitaux mobiliers d'un montant global de 32 269 ¿ ; qu'aux termes de l'article 272 du Code civil dans le cadre de la fixation de la prestation compensatoire, les parties fournissent au juge une déclaration certifiant sur l'honneur l'exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie ; que le juge ne prend pas en compte les sommes versées au titre de la réparation des accidents du travail et les sommes versées au titre du droit à compensation d'un handicap ; que selon les dispositions de l'article 274 il appartient au juge de décider des modalités selon lesquelles s'exécutera la prestation compensatoire en capital : versement d'une somme d'argent, attribution de biens en propriété ou d'un droit temporaire ou viager d'usage, d'habitation ou d'usufruit ; qu'aux termes de l'article 275 du Code Civil, lorsque le débiteur n'est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues à l'article 274 du Code Civil, le Juge fixe les modalités de paiement du capital, dans la limite de huit années, sous forme de versements périodiques indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires ; qu'aux termes de l'article 276 du Code Civil, à titre exceptionnel, le Juge peut, par décision spéciale motivée, fixer la prestation compensatoire sous forme d'une rente viagère ; qu'il ressort des déclarations sur l'honneur et des éléments du dossier qu'à ce jour : l'épouse perçoit une pension de retraite mensuelle de 367 ¿, outre une pension alimentaire d'un montant de 1 200 ¿ par mois, l'époux indique percevoir une pension de retraite mensuelle de 3769 ¿, outre un revenu foncier de 387 ¿ et un revenu mobilier de 14 ¿ par mois. La lecture de l'avis d'imposition des revenus de l'année 2010 fait apparaître un revenu imposable de 49 270 ¿, soit un revenu mensuel moyen de 4105 ¿ ; qu'il ressort des éléments exposés ci-dessus que le divorce va créer une disparité ; que l'âge et l'état de santé de Marie-Thérèse Y... ne lui permettent pas de subvenir à ses besoins ; que dès lors, en application de l'article 276 du Code civil, la prestation compensatoire prendra la forme d'une rente mensuelle viagère d'un montant de 800 ¿, avec indexation » (jugement entrepris, p. 5, 1er § à p. 6, § 6) ;
Alors d'une part que les termes du litige sont fixés par les conclusions respectives des parties ; que, dans ses dernières conclusions d'appel (p. 5, § 4), M. X... faisait valoir que la preuve des problèmes de santé allégués par son exépouse n'était pas rapportée ; qu'en affirmant que les allégations de Mme Y... à cet égard n'étaient pas contestées, la cour d'appel a modifié les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
Alors d'autre part que tout jugement doit être motivé ; qu'en ne précisant pas les éléments de preuve sur lesquels elle s'est fondée pour retenir que les problèmes de santé allégués par Mme Y... étaient avérés, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors enfin que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en énonçant, d'un côté, que les droits de Mme Y... dans la liquidation du régime matrimonial s'élevaient à la somme de 303 844, 93 euros, d'après les comptes établis par le notaire liquidateur (arrêt attaqué, p. 5, § 5), puis en affirmant, d'un autre côté, que Mme Y... « ne disposera pour subvenir à ses besoins que de sa faible pension de retraite qui ne lui permettra pas de couvrir ses charges » (ibid., § 7), la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.