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07/10/2014 | FRANCE | N°12-26077

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 07 octobre 2014, 12-26077


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois dernières branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 10 juillet 2012), que la société Transports Beucher, qui exerce l'activité de transporteur routier, a fait l'objet, le 12 novembre 2008, d'un contrôle douanier portant sur les demandes de remboursement d'une fraction de la taxe intérieure de consommation sur le gazole (TICG) qu'elle avait présentées pour ses approvisionnements du premier semestre 2005 au second semestre 2007 ; que le 8 décembre 2008, u

n procès-verbal d'infraction lui a été notifié ; que le 16 novembre ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois dernières branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 10 juillet 2012), que la société Transports Beucher, qui exerce l'activité de transporteur routier, a fait l'objet, le 12 novembre 2008, d'un contrôle douanier portant sur les demandes de remboursement d'une fraction de la taxe intérieure de consommation sur le gazole (TICG) qu'elle avait présentées pour ses approvisionnements du premier semestre 2005 au second semestre 2007 ; que le 8 décembre 2008, un procès-verbal d'infraction lui a été notifié ; que le 16 novembre 2009, l'administration des douanes a émis à son encontre un avis de mise en recouvrement (AMR) des sommes indûment remboursées ; que sa contestation de l'AMR ayant été rejetée, la société Beucher a fait assigner l'administration des douanes aux fins de faire constater l'irrégularité de la procédure pour manquement aux droits de la défense et annuler l'AMR ;
Attendu que le directeur général des douanes fait grief à l'arrêt d'avoir annulé l'AMR, alors, selon le moyen :
1°/ que la procédure de contrôle douanier est contradictoire, dès lors que le redevable a été mis en mesure de faire connaître son point de vue dans un délai raisonnable avant que l'AMR lui ait été notifié ; qu'en affirmant qu'aucun débat contradictoire n'avait eu lieu, quand il résultait de ses propres constatations que le premier procès-verbal de constat du 12 novembre 2008 avait été signé par le gérant de la société Transports Beucher, que celui-ci avait reçu plus de 15 jours après, le 1er décembre 2008, un courrier le convoquant pour le 8 décembre suivant, qu'à cette date, avait été dressé le procès-verbal de notification d'infraction dans lequel le gérant avait été invité à présenter ses observations, ce qu'il avait effectivement fait, que la société avait écrit à l'administration le 9 janvier 2009 pour faire valoir ses arguments et que l'administration en avait tenu compte en partie en lui adressant une lettre le 27 octobre 2009, avant d'émettre, plus de 15 jours plus tard, l'AMR du 16 novembre 2009, soit près d'un an après le procès-verbal de notification d'infraction, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation du principe du respect des droits de la défense ;
2°/ qu'il résulte de la lettre adressée le 27 octobre 2009 par l'administration des douanes à la société Transports Beucher ainsi que des conclusions d'appel des services douaniers que les explications de la société de transports ont été écartées du fait qu'elle ne parvenait pas à établir les consommations « réelles » de gazole « pour chaque véhicule », peu important le mode de preuve utilisé ; qu'en affirmant que les explications de la société Transports Beucher avaient été rejetées au seul motif qu'elles ne correspondaient pas à l'unique mode de preuve que l'administration des douanes estimait compatible avec la réglementation en vigueur, la cour d'appel a dénaturé les documents susvisés en violation de l'article 1134 du code civil ;
3°/ que l'administration des douanes n'est pas liée par sa propre doctrine, lorsqu'elle est relative à la procédure d'imposition ; qu'en affirmant que les services douaniers n'auraient pu rejeter les explications de la société Transports Beucher au motif qu'elles ne correspondaient pas à l'unique mode de preuve que l'administration estimait compatible avec la réglementation en vigueur puisque le bulletin officiel des douanes du 10 novembre 1999 laissait les entreprises libres du mode de preuve de leur consommation réelle de gazole, quand cette prescription du bulletin officiel, qui était relative à la procédure d'imposition à la taxe intérieure de consommation sur le gazole, ne liait pas l'administration des douanes, la cour d'appel a violé l'article 345 bis I du code des douanes ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève que le contrôle douanier a été opéré le 12 novembre 2008 sans que la société Transports Beucher ait été préalablement informée de son objet et des justifications attendues, ce qui ne lui avait pas permis de se préparer à cette fin ; qu'il retient que les déclarations faites dans ces conditions par le gérant ne peuvent donc pas être considérées comme l'expression d'un débat contradictoire ; qu'il retient également que le procès-verbal d'infraction a été notifié et l'AMR émis sans qu'un tel débat ait pu avoir lieu et qu'il s'en déduit que l'administration des douanes a pris sa décision sans laisser préalablement à l'entreprise la possibilité d'être entendue en ses explications, et que celles qu'elle a fournies a posteriori n'ont pas été réellement examinées, l'administration ayant considéré que le mode de calcul proposé et les documents apportés ne pouvaient être considérés comme probants ; qu'ayant ainsi, sans dénaturer les écritures de l'administration des douanes, fait ressortir que la société Transports Beucher n'avait pas eu la possibilité au cours de la procédure administrative de faire prendre en considération, de manière utile et effective, ses explications, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ;
Et attendu, en second lieu, que l'arrêt retient exactement que le bulletin officiel des douanes du 10 novembre 1999, interprétant le décret du 3 août 1999 comme laissant l'entreprise libre du mode de preuve de sa consommation réelle de gazole pour chaque véhicule, était opposable à l'administration ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et attendu que le moyen, pris en ses deux premières branches, ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le directeur général des douanes et droits indirects aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour le directeur général des douanes et droits indirects, le chef de l'agence de poursuites de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières et le directeur régional des douanes et droits indirects des Pays de la Loire.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR annulé l'avis de mise en recouvrement délivré le 16 novembre 2009 à l'encontre de la SARL TRANSPORTS BEUCHER pour la somme de 23.278,12 euros ;
AUX MOTIFS QUE les droits de la défense relèvent des principes généraux du droit qui doivent être respectés en toutes matières, dès lors qu'un agent investi de l'autorité publique dresse un acte ou prend une décision faisant grief ; qu'il convient donc d'examiner si la procédure suivie au cas d'espèce a respecté le droit pour la société TRANSPORTS BEUCHER d'être entendue et de voir ses observations prises en considération par l'administration ; que cette procédure a débuté par une visite d'agents verbalisateurs des douanes au siège de l'entreprise le 12 novembre 2008 ; qu'ils ont exposé les motifs de leur intervention et ont posé au gérant de la société des questions sur son activité, sur son mode d'approvisionnement en carburant et sur la méthode retenue pour déterminer la consommation de chaque véhicule ; que les agents ont ensuite exercé leur droit de communication pour obtenir les documents intéressant leur contrôle et ont dressé sur-le-champ procès-verbal qui a été signé par le gérant de la société TRANSPORTS BEUCHER ; que celui-ci a reçu, le 1er décembre 2008, un courrier le convoquant pour le 8 décembre suivant en vue de la rédaction d'un procès-verbal de notification d'infraction ; que ce procès-verbal, effectivement signé à la date indiquée, comporte un exposé des faits, un rappel de la règlementation applicable et des contrôles réalisés ; qu'il précise les justificatifs considérés comme non probants ; que s'en déduisent les conclusions qui ont conduit le service à retenir les infractions douanières notifiées à la société TRANSPORTS BEUCHER, dont le gérant a été invité à présenter ses observations ; que celui-ci a alors fait valoir que, s'il ne disposait pas d'un dispositif permettant de déterminer les approvisionnements de chaque véhicule sur la cuve privative de l'entreprise, il ne considérait pas qu'une telle justification lui soit imposée par la réglementation en vigueur ; qu'il a refusé de signer le procès-verbal, ne reconnaissant pas l'infraction qui lui était notifiée ; que par courrier du 9 janvier 2009, le conseil de la société TRANSPORTS BEUCHER a écrit à l'administration ; qu'il soulevait en premier lieu la prescription encourue pour le premier semestre 2005 ; qu'il maintenait par ailleurs que la réglementation n'obligeait pas les entreprises disposant d'une cuve privative à présenter des bons de sortie pour chaque véhicule ; qu'il reprochait à l'administration de refuser d'examiner la pertinence du calcul proposé ; que le 27 octobre 2009, les douanes ont admis le bien fondé de l'exception de prescription soulevée pour le premier semestre 2005 ; que pour le surplus, la réclamation a été rejetée, faute de présentation, au moment du contrôle, de relevés de sortie de cuve ; que l'avis de mise en recouvrement a été émis le 16 novembre 2009 ; que le conseil de la société appelante a formé le 7 décembre 2009 un recours, rappelant les motifs de contestation déjà opposés à l'administration ; que ce recours a été rejeté le 21 mai 2010 par le directeur régional des douanes, qui a rappelé les motifs de rejet résultant de son courrier précédent et fait état des décisions de jurisprudence qu'il estimait conformes à son interprétation ; qu'il résulte de ce qui précède que le contrôle a été opéré sans que la société TRANSPORTS BEUCHER ait été préalablement informée de l'objet de ce contrôle et des justifications attendues ; que les déclarations faites dans ces conditions par le gérant ne peuvent donc pas être considérées comme l'expression d'un débat contradictoire ; que le procès-verbal d'infraction lui a été notifié et l'avis de mise en recouvrement a été émis sans qu'un tel débat ait pu avoir lieu ; qu'il s'en déduit que l'administration des douanes a pris sa décision sans laisser préalablement à l'entreprise la possibilité d'être entendue en ses explications ; que celles qui ont été fournies a posteriori n'ont pas été réellement examinées, l'administration ayant considéré que le mode de calcul proposé et les documents apportés ne pouvaient être considérés comme probants ; que l'intimée reconnaît pourtant que son bulletin du 10 novembre 1999 interprétait le décret du 3 août 1999 comme laissant l'entreprise libre du mode de preuve de sa consommation réelle de gazole pour chaque véhicule ; que cette liberté reconnue à la personne contrôlée imposait à l'administration des douanes d'entendre l'entreprise en ses explications, qui ne pouvaient être rejetées au seul motif qu'elles ne correspondaient pas à l'unique mode de preuve que l'administration estimait compatible avec la réglementation en vigueur, cette exigence n'ayant pas été portée à la connaissance des entreprises avant l'édition du bulletin officiel des douanes du 24 mai 2007 ; qu'il apparaît ainsi que l'administration des douanes n'a pas respecté le principe général des droits de la défense en ne permettant pas à la société TRANSPORTS BEUCHER de faire valoir ses explications avant que ne soit prise à son encontre par l'autorité publique une décision lui faisant grief ; qu'il est au demeurant significatif de relever que l'exposé des motifs qui ont conduit à l'introduction d'une procédure contradictoire dans le Code des douanes communautaire a précisé qu'il convenait d'insérer dans le droit interne une procédure de même nature ; que le jugement déféré doit dès lors être infirmé ;
1°) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en affirmant que le contrôle douanier a été opéré sans que la SARL TRANSPORTS BEUCHER ait été préalablement informée de l'objet de ce contrôle et des justifications attendues, tout en ayant préalablement relevé que les agents des douanes avaient débuté la procédure de contrôle en exposant les motifs de leur intervention, en interrogeant le gérant de la société sur son mode d'approvisionnement en carburant et sur la méthode retenue pour déterminer la consommation de chaque véhicule et en exerçant leur droit de communication pour obtenir les documents intéressant leur contrôle, la Cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs en méconnaissance des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, les procès-verbaux de douane rédigés par deux agents des douanes font foi jusqu'à inscription de faux des constatations matérielles qu'ils relatent ; qu'en affirmant que le contrôle douanier a été opéré sans que la SARL TRANSPORTS BEUCHER ait été préalablement informée de l'objet de ce contrôle et des justifications attendues, quand le procès-verbal de constat du 12 novembre 2008, rédigé par deux agents des douanes, énonçait que ceux-ci avaient « expos(é) » au gérant de la SARL TRANSPORTS BEUCHER « les motifs de (leur) intervention, à savoir procéder au contrôle des demandes de remboursement d'une fraction de la taxe intérieure de consommation sur le gazole déposées par la SARL Transports BEUCHER en période non prescrite, soit à compter du premier semestre 2005 jusqu'au second semestre 2007 inclus, en application de l'article 265 septies du code des douanes », qu'ils lui avaient posé les questions de savoir « comment (il) procéd(ait) pour réaliser (ses) approvisionnements en carburants » et « comment (il était) en mesure de savoir à quel véhicule correspond chaque approvisionnement en gazole réalisé » et qu'ils lui avaient demandé de leur communiquer les documents « se rapportant aux demandes de remboursement faisant l'objet du présent contrôle », la Cour d'appel a violé l'article 336 §1 du Code des douanes ;
3°) ALORS QUE la procédure de contrôle douanier est contradictoire, dès lors que le redevable a été mis en mesure de faire connaître son point de vue dans un délai raisonnable avant que l'avis de mise en recouvrement lui ait été notifié ; qu'en affirmant qu'aucun débat contradictoire n'avait eu lieu, quand il résultait de ses propres constatations que le premier procès-verbal de constat du 12 novembre 2008 avait été signé par le gérant de la SARL TRANSPORTS BEUCHER, que celui-ci avait reçu plus de 15 jours après, le 1er décembre 2008, un courrier le convoquant pour le 8 décembre suivant, qu'à cette date, avait été dressé le procès-verbal de notification d'infraction dans lequel le gérant avait été invité à présenter ses observations, ce qu'il avait effectivement fait, que la société avait écrit à l'administration le 9 janvier 2009 pour faire valoir ses arguments et que l'administration en avait tenu compte en partie en lui adressant une lettre le 27 octobre 2009, avant d'émettre, plus de 15 jours plus tard, l'avis de mise en recouvrement du 16 novembre 2009, soit près d'un an après le procès-verbal de notification d'infraction, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation du principe du respect des droits de la défense ;
4°) ALORS QU'il résulte de la lettre adressée le 27 octobre 2009 par l'administration des douanes à la SARL TRANSPORTS BEUCHER ainsi que des conclusions d'appel des services douaniers que les explications de la société de transports ont été écartées du fait qu'elle ne parvenait pas à établir les consommations « réelles » de gazole « pour chaque véhicule », peu important le mode de preuve utilisé ; qu'en affirmant que les explications de la SARL TRANSPORTS BEUCHER avaient été rejetées au seul motif qu'elles ne correspondaient pas à l'unique mode de preuve que l'administration des douanes estimait compatible avec la réglementation en vigueur, la Cour d'appel a dénaturé les documents susvisés en violation de l'article 1134 du Code civil ;
5°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'administration des douanes n'est pas liée par sa propre doctrine, lorsqu'elle est relative à la procédure d'imposition ; qu'en affirmant que les services douaniers n'auraient pu rejeter les explications de la SARL TRANSPORTS BEUCHER au motif qu'elles ne correspondaient pas à l'unique mode de preuve que l'administration estimait compatible avec la réglementation en vigueur puisque le bulletin officiel des douanes du 10 novembre 1999 laissait les entreprises libres du mode de preuve de leur consommation réelle de gazole, quand cette prescription du bulletin officiel, qui était relative à la procédure d'imposition à la taxe intérieure de consommation sur le gazole, ne liait pas l'administration des douanes, la Cour d'appel a violé l'article 345 bis I du Code des douanes.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-26077
Date de la décision : 07/10/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 10 juillet 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 07 oct. 2014, pourvoi n°12-26077


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.26077
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