Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme Audrey Y...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de BASTIA, en date du 20 juin 2014, qui, dans l'information suivie contre elle des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, importation et contrebande de marchandises prohibées, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire ;
Vu le mémoire produit et les observations complémentaires formulées après communication du sens des conclusions de l'avocat général ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 145-1, 591 et 593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire tirée de l'irrégularité de la convocation de l'avocat lors du débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention ;
" aux motifs qu'il résulte des dispositions de l'article 145-1 du code de procédure pénal qu'en matière correctionnelle le juge des libertés et de la détention peut, à titre exceptionnel, prolonger la détention provisoire pour une durée qui ne peut excéder quatre mois par une ordonnance motivée rendue après un débat contradictoire organisé conformément aux dispositions du sixième alinéa de l'article 145, l'avocat ayant été convoqué selon les dispositions du deuxième alinéa de l'article 114 ; qu'aux termes de ce texte, l'avocat doit être convoqué au plus tard cinq jours ouvrables avant l'interrogatoire de la partie qu'il assiste par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, télécopie avec récépissé ou verbalement avec émargement au dossier de la procédure ; qu'il ressort de la procédure que le débat contradictoire a été organisé le 26 mai 2014 à 14h30 ; que l'avocat de Mme Y... avait été convoqué, à cette date et à cette heure, par le greffier du juge d'instruction au moyen d'une télécopie avec récépissé adressée le 15 mai 2014 pour « assister à tous les interrogatoires de (son client) ainsi qu'à toutes les confrontations entre lui, des témoins, des mis en examens, des parties civiles » ; qu'en recevant une convocation qui visait l'acte d'une autre nature que le débat contradictoire, l'avocat a en effet pu se méprendre sur l'objet de cette convocation que toutefois il ressort du dossier produit aux débats qu'à cette convocation, étaient joints l'ordonnance du juge d'instruction saisissant le juge des libertés et de la détention « sur la prolongation de la détention » et les réquisitions écrites du procureur de la République sur cette prolongation ; qu'ainsi la prise de connaissance de ces deux documents permettait à l'avocat de connaître le véritable objet de la convocation ou de s'en assurer, d'autant qu'il disposait à cet effet d'un délai suffisant, et en définitive de préparer une défense appropriée ; que d'ailleurs il ressort des mentions non contestées du procès-verbal de débat contradictoire que l'avocat de Mme Y... s'est présenté devant le juge des libertés et de la détention à la date et à l'heure indiquées sur la convocation critiquée, que la procédure a été mise à sa disposition quatre jours ouvrables au plus tard avant le débat, enfin que l'avocat a participé à ce débat sans émettre la moindre protestation ; que de ces constatations il résulte que le débat contradictoire a eu lieu dans des conditions qui n'ont pas porté atteinte aux droits de la défense et qu'en conséquence le premier moyen de nullité doit être écarté » ;
" 1°) alors que la prolongation d'une mesure de détention provisoire ne pouvant être ordonnée qu'à l'issue d'un débat contradictoire régulier et respectueux des droits de la défense, doit être annulée l'ordonnance prolongeant une telle mesure dès lors que l'avocat qui a assisté au débat contradictoire avait été convoqué par erreur devant le juge d'instruction en vue d'un interrogatoire de son client ; qu'en considérant néanmoins que le débat contradictoire qui s'est tenu devant le juge des libertés et de la détention a eu lieu dans des conditions qui n'ont pas porté atteinte aux droits de la défense, après avoir pourtant constaté que l'avocat de Mme Y..., convoqué par erreur en vue d'un interrogatoire devant le juge d'instruction, a pu se méprendre sur l'objet de la convocation, la chambre de l'instruction, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;
" 2°) alors que porte nécessairement atteinte aux droits de la défense la méprise de l'avocat quant à l'objet réel de l'audience à laquelle il est convoqué ; qu'il en va ainsi d'une convocation erronée en vue d'un interrogatoire devant le juge de l'instruction lorsque le conseil du mis en cause est en réalité convoqué devant le juge des libertés et de la détention pour qu'il soit statué sur le maintien en détention de son client ; qu'en retenant néanmoins que le seul envoi, avec la convocation irrégulière, d'une ordonnance de saisine du juge des libertés et de la détention et de réquisitions du procureur de la République aux fins de prolongation de la détention palliait cette irrégularité, en lui permettant soit de connaître le véritable objet de cette convocation soit de s'en assurer, quand cet envoi commun ne pouvait, en bonne logique, que faire présumer une convocation prochaine à une audience en bonne et due forme devant le juge des liberté et de la détention, la chambre de l'instruction, qui n'a pas recherché si l'avocat de Mme Y... avait pu assurer une défense efficace et utile devant le juge des libertés et de la détention, a privé sa décision de base légale au regard de des textes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 26 mai 2014, le juge des libertés et de la détention a rendu une ordonnance prolongeant la détention provisoire de Mme Y... à l'issue d'un débat contradictoire, l'avocat de la demanderesse ayant été convoqué, le 15 mai précédent, par le greffier du juge d'instruction, pour un interrogatoire au fond ;
Attendu qu'à l'appui de son appel de l'ordonnance, Mme Y... a excipé de la nullité de cette décision au motif que son avocat n'avait pas été régulièrement convoqué pour l'assister lors du débat contradictoire ;
Attendu que, pour rejeter cette demande, l'arrêt relève qu'étaient joints à la convocation, adressée à l'avocat par télécopie, l'ordonnance du juge d'instruction saisissant le juge des libertés et de la détention " sur la prolongation de la détention " et les réquisitions écrites du procureur de la République sur cette prolongation ; que les juges ajoutent que ces deux documents permettaient à l'avocat de connaître le véritable objet de la convocation ou de s'en assurer et que celui-ci s'est présenté devant le juge des libertés et de la détention, la procédure ayant été mise à sa disposition quatre jours ouvrables avant le débat, auquel il a participé sans émettre de contestation ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte qu'il n'a pas été porté atteinte aux droits de la défense, l'avocat n'ayant pu se méprendre sur l'objet de la convocation qui lui a été adressée et le débat contradictoire s'étant déroulé conformément aux prescriptions de l'article 145-1 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire ;
" aux motifs que conformément aux dispositions des articles 194 et 197 du code de procédure pénale M. le procureur général : 1°- a notifié le 10 juin 2014 a) à la personne mise en examen b) à l'avocat la date à laquelle l'affaire sera appelée à l'audience ; 2°- a déposé dans le délai légal au greffe de la chambre de l'instruction le dossier ainsi que ses réquisitions écrites en date du 13 juin 2014 où ils ont été tenus à la disposition des avocats ; que conformément aux dispositions de l'article 198 du code de procédure pénale, Me Bernardi, avocat inscrit au barreau d'Ajaccio, conseil de la personne mise en examen, a adressé par télécopie le 17 juin 2014 à 11 heures 11, au greffe de la chambre de l'instruction, un mémoire visé par le greffier, communiqué au ministère public et classé au dossier ;
" 1°) alors que le respect du principe du contradictoire, élément du droit à un procès équitable impose que les réquisitions de l'autorité de poursuite soient communiquées aux autres parties à la procédure ; qu'en se bornant à constater que le procureur général avait déposé ses réquisitions écrites au greffe de la juridiction tandis que l'avocat de la personne mise en examen avait communiqué son mémoire au ministère public, sans relever qu'une telle procédure portait nécessairement atteinte au principe du contradictoire, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;
" 2°) alors que le principe de l'égalité des armes, élément du droit à d'un procès équitable, impose qu'aucune partie ne soit pour se défendre placée dans une situation de désavantage ; que toute personne mise en examen doit pouvoir bénéficier des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ; qu'en se bornant à constater que le procureur général avait déposé ses réquisitions écrites au greffe de la juridiction tandis que l'avocat de la personne mise en examen avait dû communiquer son mémoire au ministère public, sans relever qu'une telle inégalité procédurale portait atteinte au principe de l'égalité des armes, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt que le procureur général a déposé dans le délai légal au greffe de la chambre de l'instruction le dossier de la procédure et ses réquisitions écrites, qui ont été tenus à la disposition des avocats, et que le conseil de Mme Y... a adressé à ce greffe un mémoire, visé par le greffier, communiqué au ministère public et versé au dossier ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors que les dispositions des articles 194, 197 et 198 du code de procédure pénale satisfont à un objectif de bonne administration de la justice en assurant, spécialement dans les procédures à brefs délais, le dépôt en temps utile des mémoires des parties, dont les droits de la défense sont ainsi garantis, comme ils le sont dans la faculté qui leur est donnée par les mêmes textes de prendre connaissance des réquisitions du ministère public tant au greffe qu'à l'audience, et, dans tous les cas, d'y répondre, la chambre de l'instruction a statué dans des conditions ne portant atteinte ni au principe du contradictoire ni à celui de l'égalité des armes ;
Qu'ainsi, le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme de la Lance, conseiller rapporteur, Mme Nocquet, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;