LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé, le 18 novembre 2002, par le cabinet Albert et associés en qualité de chargé de mission, position cadre, a été rémunéré à partir du 1er mars 2011 par la société Stratège plus en qualité de directeur des études ; que les deux sociétés, dont M. X... était l'associé soit directement soit indirectement, étaient ses co-employeurs ; qu'à la suite de la décision de déménager le cabinet Albert et associés d'Arras à Villeneuve-d'Ascq qu'il avait approuvée en tant qu'associé, M. X..., qui avait aussi co-signé la lettre avisant les salariés du déménagement, a, par lettre du 24 mai 2011, informé l'employeur de son refus d'accepter cette modification de son contrat de travail ; qu'il a été licencié, le 17 juin 2011, pour faute grave ;
Attendu que pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner solidairement les co-employeurs à payer au salarié diverses sommes au titre des salaires relatifs à la mise à pied et des congés payés, de l'indemnité de préavis, à titre d'indemnités de licenciement et de dommages-intérêts, et ordonner le remboursement des allocations de chômage, l'arrêt retient que le motif de licenciement qui figure dans la lettre de licenciement n'est pas le refus d'un salarié d'accepter une modification de son contrat de travail, mais le désaccord d'un cadre dirigeant quant aux choix stratégiques de l'entreprise et à la manière d'exprimer ce désaccord ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, d'une part, le salarié faisait valoir que le contrat de travail fixait le lieu du travail au siège social du cabinet à Saint-Laurent Blangy, que la mutation unilatéralement décidée par l'employeur à Villeneuve-d'Ascq transférait son contrat de travail dans un autre département et dans un autre bassin d'emplois, à 50 km de distance, que l'employeur ne pouvait lui imposer cette mutation et que son refus n'était pas fautif, et, d'autre part, que l'employeur soutenait que le salarié n'avait aucune raison objective de refuser la modification qui ne représentait pas pour lui un élément essentiel de son contrat de travail, la cour d'appel a méconnu l' objet du litige tel que déterminé par les conclusions des parties et violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 mars 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils pour les sociétés Stratège plus et cabinet Albert et associés
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que le licenciement de M. X... était sans cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné solidairement les sociétés Stratège Plus et Cabinet Albert et associés à payer à M. X... les sommes de 2.930,70 euros au titre du montant des salaires relatifs à la mise à pied, 293,08 euros au titre d'indemnité de congés payés y afférents, 18.900 euros au titre de l'indemnité de préavis, euros à titre d'indemnités de licenciement, 60.000 euros à titre de dommages et intérêts, et d'avoir ordonné le remboursement des allocations de chômage ;
AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement du 17 juin 2011 vise la faute grave et précise (...) ; que la « position » du salarié évoquée par les employeurs est non seulement celle de directeur des études, mais également de détenteur d'une partie des parts sociales de la société Stratège plus au travers d'une société Azzuro Invest, à hauteur de 7% du capital suivant le salarié ; que les employeurs mentionnent 20% du capital du cabinet Albert, ces parts sociales ayant été cédées à la société Stratège plus en échange d'une participation dans celle-ci ; que les employeurs communiquent le procès-verbal de la réunion du 28 mars 2011 du comité stratégique de Stratège Plus qui autorise l'ensemble des sociétés du groupe à transférer leur siège social à Villeneuve d'Ascq ; que ce document porte la signature des quatre participants, dont M. X... ; deux attestations de Mme Y..., salariée de Stratège plus, qui témoigne, le 29 novembre 2011 de ce que M. X... lui a proposé lors d'un entretien téléphonique, de la salarier dans la société qu'il souhaitait créer sur Arras avec Melle Z... et qui affirme, dans sa seconde attestation, qu'au cours de la réunion du 8 mars 2011, tous les salariés habitant Arras ont été rassurés par M. A... quant à la recherche de solutions en termes d'adaptation des horaires et de télétravail pour ceux qui le désiraient ; une attestation de Mme B..., qui témoigne de ce que Melle Z... lui a demandé de choisir son camp, « Arras ou Villeneuve d'Ascq » après avoir reçu la lettre du 12 mai 2011 ; que le salarié communique pour sa part deux attestations de Melle Z... qui affirme, dans l'une, n'avoir jamais eu l'intention de participer à une société appartenant à M. X..., ni d'en avoir même discuté avec lui, et dans l'autre, que lors de la réunion du 8 mars 2011, M. A... a fait part de sa volonté de rechercher des bureaux sur Villeneuve d'Ascq tout en gardant ceux sur Arras ; qu'elle déclare que ce dirigeant a précisé que les employés choisiraient leur lieu de travail et que le courrier déposé sur son bureau deux mois plus tard prévoyait le regroupement de toutes les activités sur Villeneuve d'Ascq ; que le motif du licenciement qui figure dans le courrier du 17 juin 2011 n'est pas le refus d'un salarié d'accepter une modification de son contrat de travail, mais le désaccord d'un cadre dirigeant quant aux choix stratégiques de l'entreprise, la manière d'exprimer ce désaccord, le manquement à l'obligation de loyauté par le détournement ou la tentative de détournement de clientèle et la tentative de débauchage de plusieurs salariés ; qu'aucun des éléments produits ne vient confirmer le détournement ou la tentative de détournement de clientèle ; que l'employeur communique une saisie d'écran du site societe.com qui atteste l'existence, au 23 février 2012, d'une société Urbanistica inscrite au registre d'Arras, dont M. X... est le gérant ; qu'aucun élément ne permet de confirmer que cette société a été créée alors que M. X... était encore employé du cabinet Albert ou de la société Stratège Plus, ni à une date proche de son licenciement prononcé le 17 juin 2011 avec effet immédiat ; qu'une des attestations de Mme Y..., dont rien ne permet de douter de la sincérité, expose que M. X... lui a proposé téléphoniquement de le rejoindre au sein de la société qu'il projetait de créer avec Melle Z... ; que cette conversation n'est pas datée et que l'attestation en cause étant du 29 novembre 2011, elle peut avoir eu lieu après le licenciement et n'avoir visé qu'un projet au demeurant partiellement mis en oeuvre en l'état du témoignage de Melle Z... qui dément avoir été approchée ; que l'attestation de Mme B... n'a pas la portée que lui confère les employeurs dans la mesure où Melle Z... était fortement mobilisée contre un projet qu'elle a refusé et que le camp que cette dernière demandait à l'attestante de choisir n'induisait en rien une forme de complot orchestré par M. X... contre cette mesure ; que le rapprochement de la seconde attestation de Mme Y... avec celle de Mme Z... permet de constater que les propos de M. A... lors de la réunion d'information sur le projet de déménagement du 8 mars 2011 ont été différemment interprétés ; qu'alors que la première a retenu principalement la possibilité d'aménager ses horaires, la seconde a entendu surtout que les salariés pourraient choisir leur lieu de travail, ce que Mme Y... ne dément pas puisqu'elle fait aussi état d'une possibilité de télétravail ; que le procès-verbal de la réunion du comité stratégique du 28 mars 2011 ne mentionne aucune réserve des participants sur l'autorisation donnée à l'ensemble des sociétés du groupe de « transférer leur siège social » à Villeneuve d'Ascq ; mais que M. X... expose dans un procès-verbal d'audition concernant une plainte pour vol de documents déposée le 8 juillet 2011 qu'en tant qu'actionnaire il s'est opposé à cette décision ; qu'aucun élément ne vient toutefois confirmer cette opposition que le procès-verbal ne mentionne pas ; qu'il ajoute dans ses écritures qu'il n'était question que du transfert du siège social tandis que des bureaux devaient demeurer près d'Arras ; que quoi qu'il en soit de ce point, le simple fait d'avoir accepté un transfert en tant qu'actionnaire puis de l'avoir refusé en tant que salarié ne caractériserait pas une déloyauté mais tout au plus une inconséquence impropre à justifier un licenciement, a fortiori pour faute grave ; qu'il en va de même de la signature des courriers informant les salariés de la décision à côté de M. A..., que le salarié estime qu'il ne pouvait refuser de ratifier alors qu'il était responsable du personnel d'Arras ; qu'en l'absence de tout autre élément que son courrier du 24 mai 2011, ce n'est qu'à cette date que M. X... a pour la première fois manifesté son refus du transfert alors que celui-ci a été évoqué dans l'entreprise dès le 8 mars, ce qui constituerait une indélicatesse mais ne justifie pas davantage un licenciement a fortiori pour faute grave ; qu'enfin aucun élément n'est produit sur un éventuel déménagement le 21 avril 2011 alors que les salariés n'en ont été informés que le12 mai, que M. X... affirme que l'opération s'est déroulée le 8 juin et qu'il était mis à pied à titre conservatoire depuis le 1er juin, date de convocation à l'entreprise préalable ; qu'il en résulte que le licenciement doit être dit sans cause réelle ni sérieuse ; que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il alloue des sommes au titre de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis et du salaire pendant la mise à pied qui ne sont contestées qu'en leur principe ; qu'en l'état d'une ancienneté de 9 ans et 7 mois ainsi que d'un salaire mensuel moyen de 6.300 euros il convient d'allouer à M. X... une somme de 60.000 euros à titre de dommages et intérêts ; (...) que le salarié soutient au surplus que les conditions du licenciement lui ont causé un préjudice moral distinct dont il demande réparation ; que toutefois il a été vu qu'en l'état des éléments communiqués à cette cour, il a fait preuve d'inconséquence et d'indélicatesse dans sa conduite ; que ces faits, même s'ils n'étaient pas de nature à justifier le licenciement, commandent d'écarter sa demande au titre du préjudice moral ;
1°) ALORS QUE dans sa lettre du 24 mai 2011, M. X... a écrit à la société Stratège Plus « je fais suite à votre courrier, déposé sur mon bureau le 13 mai 2011, m'informant de votre décision de déménager le siège social de notre entreprise de Saint Laurent Blangy à Villeneuve d'Ascq (2 rue Archimède) ; je tiens par la présente à vous signifier mon refus d'accepter cette modification substantielle de mon contrat de travail » ; que le premier grief de l'employeur dans la lettre de licenciement du 17 juin 2011 portait sur le désaccord exprimé par M. X... dans sa lettre du 24 mai 2011 sur ce déménagement ; qu'en affirmant que le motif de licenciement n'était pas le refus d'accepter une modification de son contrat de travail mais le désaccord quant aux choix stratégiques de l'entreprise et la manière de l'exprimer, tandis que ce désaccord portait sur le déménagement, la cour d'appel a dénaturé la lettre de licenciement, violant ainsi le principe suivant lequel le juge ne peut dénaturer les pièces du litige ;
2°) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que M. X..., tout comme les sociétés Stratège Plus et Cabinet Albert et associés, soutenaient qu'un des griefs reproché à M. X... était son refus d'accepter une modification du siège social mentionné dans son contrat de travail (concl. de M. X.... p. 4 à 6 § 8 et concl. des employeurs, p. 6 et 7 ) ; que la cour d'appel, en affirmant que le motif de licenciement n'était pas le refus du salarié d'accepter une modification de son contrat de travail mais son désaccord quant aux choix stratégiques de l'entreprise et la manière de l'exprimer, a, par dénaturation des conclusions des parties, modifié l'objet du litige et ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE le fait pour un salarié qui, outre sa qualité d'associé, occupe la fonction de directeur des études et qui a en charge le personnel d'un cabinet, d'entériner le transfert du siège social lors de la réunion du comité stratégique et de contresigner la lettre remise à chaque salarié pour l'informer de ce transfert, puis de n'exprimer un refus qu'à réception de la lettre le concernant, constitue une faute grave ;qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L.1232-1 et L.1234-1 du code du travail ;
4°) ALORS QU'en jugeant tout à la fois que ces faits constituaient une « inconséquence » et une « indélicatesse » de M. X..., et qu'ils n'étaient pas de nature à justifier le licenciement a fortiori pour faute grave, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, violant l'article 455 du code de procédure civile.