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24/09/2014 | FRANCE | N°13-17379

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 24 septembre 2014, 13-17379


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, tel que reproduit en annexe :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 12 mars 2013), que Mme X... a été engagée par la société Graphisum, devenue l'entreprise Korus Graphic, par un contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 3 novembre 2003 ; qu'ayant refusé de respecter les nouveaux horaires de travail décidés par l'employeur, Mme X... a été licenciée pour faute grave par un courrier du 13 juillet 2011 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale, contestant

le licenciement et réclamant le paiement de différentes indemnités ;
Atten...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, tel que reproduit en annexe :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 12 mars 2013), que Mme X... a été engagée par la société Graphisum, devenue l'entreprise Korus Graphic, par un contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 3 novembre 2003 ; qu'ayant refusé de respecter les nouveaux horaires de travail décidés par l'employeur, Mme X... a été licenciée pour faute grave par un courrier du 13 juillet 2011 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale, contestant le licenciement et réclamant le paiement de différentes indemnités ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement privé de cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer diverses sommes ;
Mais attendu qu'ayant retenu que l'employeur avait décidé de substituer, à compter du 27 juin 2011, un horaire de travail variable à un horaire de travail fixe, la cour d'appel a décidé, à bon droit, que cette décision constituait une modification du contrat de travail, qui ne pouvait être imposée à la salariée ; qu'elle a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'entreprise Korus Graphic aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé et signé par M. Lacabarats, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément à l'article 456 du code de procédure civile, en l'audience publique du vingt-quatre septembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Rémy-Corlay, avocat aux Conseils, pour l'entreprise Korus Graphic.
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit le licenciement de Madame X... privé de cause réelle et sérieuse et condamné en conséquence l'EURL KORUS GRAPHIC à lui payer les sommes de : 11.568 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; 3.865 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ; 739,37 € au titre du paiement du salaire durant la mise à pied conservatoire et 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « sur le licenciement : le motif unique fondant le licenciement est libellé comme suit dans la lettre du 13 juillet 2011 : "nous constatons ces dernières semaines des manquements graves et répétés de votre part à vos obligations contractuelles. En effet, vous ne respectez pas les nouveaux horaires de travail de votre équipe (6 heures-13 heures ou 13 heures-20 heures), en vigueur au sein de l'entreprise depuis le 27 juin 2011" ; que l'employeur mentionne par ailleurs les précédents rappels dont a fait l'objet la salariée, ainsi que le préjudice subi par l'entreprise, avec retards et pertes de production importantes ; qu'il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux du motif invoqué et de former sa conviction, au vu des éléments fournis par les parties, en application des termes de l'article L. 1235-1 du code du travail ; qu'en principe, l'instauration d'une nouvelle répartition du travail sur la journée relève du pouvoir de direction de l'employeur, sauf s'il entraîne une modification du contrat nécessitant alors l'accord du salarié, et s'il occasionne une atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos ; qu'en l'espèce, dans l'article 5 du contrat signé par les parties le 3 novembre 2003, l'horaire applicable à la salariée est celui en vigueur dans l'entreprise ; que Mme X... a été amenée à changer d'horaires en cours de contrat d'octobre 2004 à mars 2007 ; pour travailler en équipe une semaine de 6 heures à 13 heures et une semaine 13 heures à 20 heures ; qu'à compter du 28 mars 2007, elle a pu durant quatre ans travailler selon une plage horaire 9 heures-12 heures et 13 heures-17 heures, sans interruption, en accord avec l'employeur ; qu'il n'est pas contesté que cet accord avait fait suite à une demande expresse en ce sens de la salariée, qui à défaut d'obtenir une réponse positive, aurait donné sa démission du fait de ses contraintes familiales ; qu'en soumettant à la signature de la salariée, un avenant du 28 avril 2011, remplaçant l'article 5 du contrat initial par un article unique libellé comme suit : "la durée hebdomadaire est de 35 heures, effectuées selon l'horaire suivant : 6 heures-13 heures ou 13 heures-20 heures", la société Korus Graphic avait manifestement conscience de l'importance attachée à cet aménagement d'horaire ; que contrairement à ce que soutient l'employeur, il s'agissait bien de passer d'un horaire fixe à un horaire variable, et dans les deux courriers de rappel adressés les 27 et 29 juin 2011, avant la convocation à l'entretien préalable, il est bien indiqué que l'horaire collectif de travail de son équipe était modifié de la manière suivante : 6 heures-13 heures ou 13 heures-20 heures ; qu'il n'existait aucune certitude sur le fait que Mme X... soit affectée en permanence sur la tranche matinale, et pouvait donc se voir imposer des changements réguliers de planning ; qu'il s'agissait donc non pas d'un changement dans les conditions de travail, mais d'une modification du contrat de travail lui-même, résultant de l'accord du 28 mars 2007 ; qu'il était donc nécessaire que l'employeur recueille l'assentiment de la salariée ; que cette modification du contrat de travail avait également pour conséquence de bouleverser de manière excessive les conditions de vie familiale de Mme X..., mère d'une enfant de sept ans au moment de la proposition, et qui devait en outre s'occuper de la fille de son conjoint, lui-même souvent absent plusieurs jours de suite du fait de sa profession de directeur régional pour les laboratoires Bioes ; que par ailleurs, en cas de rupture du contrat de travail résultant du refus du salarié de voir modifier son contrat, il appartient à l'employeur qui n'entend pas y renoncer d'engager une procédure de licenciement ; et il doit dans sa lettre justifier du motif de la modification du contrat ; que la cause réelle et sérieuse du licenciement doit être recherchée dans le motif qui a conduit l'employeur à envisager une modification du contrat de travail ; qu'en l'espèce, l'employeur mentionne en page 1 de son courrier de licenciement du 13 juillet 2011 : "une modification des horaires collectifs de travail au sein de la société Korus Graphic était devenue indispensable en raison d'une augmentation de la production actuelle de la société. La mise en place d'une double équipe s'est en effet avérée nécessaire et essentielle pour le bon fonctionnement de la société" ; que force est de constater qu'en dépit de la contestation soulevée sur ce point par la salariée elle-même dans son courrier du 14 mai 2011, puis par son conseil dans le cadre de l'instance, l'employeur n'a produit aucun justificatif chiffré relatif à l'augmentation de l'activité de l'entreprise, ni au surcroît d'activité ; que la lettre de licenciement indique également : "Votre comportement créé un véritable préjudice pour la société Korus Graphic, en ce qu'il nuit à son bon fonctionnement et a entraîné ainsi des retards et des pertes de production importantes. Votre persistance à arriver à 8 heures du matin, alors que l'ensemble de votre équipe débute à 6 heures, perturbe en effet l'ensemble de la chaîne de production" ; que la société Korus Graphic ne démontre pas en quoi la présence de Mme X... dès 6 heures était indispensable à l'organisation interne du service, alors que de 2007 à 2011, l'arrivée de la salariée en décalage par rapport aux autres salariés débutant à 6 heures, n'avait pas généré de perturbation ; que l'employeur expose en outre que des retards de livraison auraient été constatés auprès de certains clients, tels que l'Opéra de Bordeaux, Philaposte ou 2BC ; mais qu'aucune justification n'est produite à l'appui de cet argument ; qu'il y a donc lieu de considérer que le licenciement de Mme X... ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ; infirmant ainsi la décision du Conseil de Prud'hommes de Bordeaux (...) »
ALORS QUE 1°) le salarié ne peut s'opposer à un changement de ses conditions de travail intervenu dans le cadre du pouvoir de direction de l'employeur ; que constitue un simple changement des conditions de travail du salarié le changement qui intervient sur un élément qui n'était pas déterminant lors de la conclusion du contrat de travail et qui ne se trouve pas intégré au champ contractuel ; que l'article 5 du contrat de travail de Madame X... relatif à la durée du travail stipule que « la durée hebdomadaire de travail (...) est de 35 heures, effectuée selon l'horaire en vigueur dans l'entreprise » ; qu'il résulte de ces dispositions que seule la durée du travail est contractualisée au contrat de travail à l'exclusion de l'horaire de travail ; que le changement desdits horaires de travail par la Société KORUS GRAPHIC ne constituait qu'un changement des conditions de travail qui ne nécessitait pas l'accord de la salarié conformément aux deux précédents changements d'horaires qui avaient été prononcés par la Société KORUS GRAPHIC au cours des périodes d'octobre 2004 à mars 2007 puis à compter de mars 2007 à l'égard de Madame X... ; qu'en statuant en sens contraire en disant qu'il était prévu au contrat de travail de la salariée « un horaire fixe » de travail et que la prévision au contrat de travail au mois de juin 2011 d'un horaire collectif de travail de « 6 heures-13 heures ou 13 heures-20 heures » constituait une modification du contrat de travail nécessitant l'accord de la salariée, la Cour d'appel a méconnu le contenu du contrat de travail, partant, a violé ensemble l'article 1134 du Code civil et l'article 1232-1 du Code du travail ;
ALORS QUE 2°) le changement des horaires de travail du salarié ne saurait constituer une modification du contrat de travail pour atteinte excessive aux conditions de vie familiale du salarié lorsqu'il est avéré que le salarié a précédemment accepté le changement de ses horaires de travail au cours de l'exécution du contrat de travail ; que le retour à l'horaire précédemment accepté par le salarié entre dans le cadre du pouvoir de direction de l'employeur ; qu'il a été constaté le changement des horaires de travail de Madame X... à compter du mois d'octobre 2004 afin de travailler « en double équipe de 6h à 13h ou de 13h à 20h » conformément au courrier de l'employeur du 30 juin 2004 ; que ce changement d'horaire a été appliqué par la salariée pendant la période d'octobre 2004 à février 2007 ; que l'employeur a précisé par un courrier du 28 mars 2007 à la salariée qu'il ne pouvait être exclu que « pour les besoins du service vous soyez à nouveau affecté à des horaires de travail en équipe conformément à votre contrat de travail » ; que l'application d'un horaire de travail à compter du mois de juin 2011 de « 6h-13h ou 13h-20h » conformément au courrier de l'employeur du 28 avril 2011 ne pouvait constituer une modification du contrat de travail en ce qu'il représentait un retour à un « horaire de travail en équipe » régulièrement appliqué par la salariée d'octobre 2004 à février 2007 ; qu'en statuant en sens contraire en disant que le changement d'horaires de travail en juin 2011 avait pour effet de « bouleverser de manière excessive les conditions de vie familiale de Mme X... » ce qui aurait justifié le refus de la salariée à son application, la Cour d'appel a violé ensemble l'article 1134 du Code civil et l'article 1232-1 du Code du travail ;
ALORS QUE 3°) sauf atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos, l'instauration d'une nouvelle répartition du travail sur la journée relève du pouvoir de direction de l'employeur ; qu'il appartient au salarié de démontrer que l'atteinte portée a été excessive à son droit au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos, ce qui ne saurait résulter du seul fait que Madame X... est « mère d'une enfant de sept ans au moment de la proposition, et devait en outre s'occuper de la fille de son conjoint, lui-même souvent absent plusieurs jours de suite du fait de sa profession de directeur régional pour les laboratoires Bioes » ; qu'en affirmant qu'il y avait atteinte excessive par ces motifs insuffisants, la Cour d'appel a manqué de base légale au regard ensemble de l'article 1134 du Code civil et des articles L. 1121-1 et 1232-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-17379
Date de la décision : 24/09/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 12 mars 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 24 sep. 2014, pourvoi n°13-17379


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : Me Rémy-Corlay, SCP Bouzidi et Bouhanna

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.17379
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