LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion,18 décembre 2012), que M. X... a été mis, à compter du 23 janvier 2006, à disposition de la société SBTPC (la société) par trois contrats successifs de mission temporaire en qualité de ferrailleur ; que le 29 mars 2006, il a été engagé dans le cadre d'un contrat de chantier ; que contestant le licenciement prononcé le 21 novembre 2008 pour fin de chantier, il a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir la requalification de la totalité de la relation contractuelle en un contrat à durée indéterminée et l'allocation de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire que la relation de travail était un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au 23 janvier 2006, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en affirmant, pour requalifier les contrats de travail temporaire de M. X... en un contrat à durée indéterminée, que la société SBTPC aurait méconnu les dispositions de l'article L. 1251-35 du code du travail dans la mesure où elle aurait renouvelé deux fois le contrat initial alors que ce texte n'autorisait qu'un seul renouvellement, sans rechercher si c'était bien le contrat initial qui avait été renouvelé ou s'il n'y avait pas eu en réalité, ainsi que le soulignait la société, conclusion de contrats de missions successifs qui devaient uniquement être soumis au respect du délai de carence prévu par l'article L. 1251-36 du code du travail, la cour d'appel a d'ores et déjà privé sa décision de base légale au regard de ces textes ;
2°/ qu'en retenant, pour requalifier les contrats de travail temporaire de M. X... en un contrat à durée indéterminée, que les contrats de mise à disposition communiqués portant mention de numéros d'articles du code du travail qui n'existaient pas lors de la conclusion desdits contrats auraient été établis postérieurement à la relation contractuelle, quand la société SBTPC, société utilisatrice, n'était pas rédactrice des contrats de mise à disposition qui avaient été rédigés par la société Axion, société de travail temporaire, de sorte qu'elle ne pouvait être tenue pour responsable du fait que cette dernière ait pu rééditer des contrats dont elle avait égaré l'original en utilisant une matrice postérieure à la nouvelle numérotation du code du travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1251-42 dudit code ;
3°/ qu'en retenant, pour requalifier les contrats de travail temporaire de M. X... en un contrat à durée indéterminée, que la réalité du motif énoncé dans ces contrats n'était pas établie, quand la société SBTPC avait démontré que le façonnage et l'attache de la ferraille constituaient bien des tâches précises et ponctuelles liées aux seules phases de préparation et de démarrage du chantier et qui correspondaient bien à un accroissement temporaire d'activité, la cour d'appel a violé les articles L. 1251-6 et L. 1251-39 du code du travail ;
Mais attendu, qu'abstraction faite d'un motif surabondant critiqué par la deuxième branche, le moyen, sous le couvert d'un grief non fondé de violation de la loi ne tend qu'à remettre en cause le pouvoir souverain des juges du fond qui, après avoir procédé à la recherche prétendument omise, ont constaté que les phases de préparation et de démarrage du chantier, objets des missions confiées au salarié correspondaient à l'activité normale et permanente de l'entreprise et ne pouvaient constituer un accroissement temporaire d'activité justifiant le recours au travail temporaire ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement du salarié était dénué de cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que ces motifs seront censurés par voie de conséquence de la cassation à intervenir sur le premier moyen, par application de l'article 625 du code de procédure civile ;
2°/ (et subsidiairement), que pour constituer une cause de nullité du contrat, l'erreur doit affecter une qualité substantielle dudit contrat, déterminante de l'engagement pris ; qu'en se bornant à déclarer « inopérant » le contrat de chantier conclu entre M. X... et la société SBTPC le 29 mars 2006, sans caractériser quelle qualité substantielle, déterminante de l'engagement pris, aurait été affectée en l'occurrence, alors que le salarié avait apposé sa signature sur ce contrat ainsi que la mention « lu et approuvé » et que ce document comportait l'ensemble des informations nécessaires pour que l'intéressé n'ait pas une idée fausse de la nature de ses droits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article susvisé ;
Mais attendu, d'abord, que le premier moyen ayant été rejeté, le second, pris en sa première branche, qui invoque une cassation par voie de conséquence, est sans portée ;
Et attendu, ensuite, que l'appréciation de l'existence d'un vice du consentement lors de la conclusion du contrat de travail ou de sa modification relève du pouvoir souverain des juges du fond ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société SBTPC aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la SCP Didier et Pinet la somme 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé et signé par M. Lacabarats, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément à l'article 456 du code de procédure civile, en l'audience publique du vingt-quatre septembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour la société Bourbonnaise de travaux publics et de construction
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la relation de travail entre Monsieur X... et la SBTPC était un contrat à durée indéterminée prenant effet au 23 janvier 2006 et d'avoir condamné en conséquence la Société à lui verser les sommes de 2.198,79 € à titre d'indemnité de requalification et de 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE Jean Max X... demande que ses contrats de mission soient requalifiés en un contrat à durée indéterminée à compter du 23 janvier 2006 et fait valoir : - qu'ils ont été exécutés sur le même chantier et à un poste identique et que le 3ème contrat a été établi en violation des dispositions de l'article L.124-2-2 ancien du Code du travail qui ne prévoit la possibilité que d'un seul renouvellement, - que ces contrats ont été également conclus en méconnaissance des articles L.124-2 et L.124-2-1 anciens du Code du travail, que le démarrage d'un chantier fait partie intégrante de l'activité permanente et durable d'une entreprise de bâtiment, que de toute façon ses tâches de ferrailleur sont liées à cette activité permanente et durable et qu'il appartient à la SBTPC d'apporter la preuve de l'accroissement d'activité susceptible de fonder le recours à ce type de contrat ; que la SBTPC répond : - qu'elle n'est pas la rédactrice des contrats de mission temporaire lesquels ont été établis entre Jean Max X... et l'employeur, la Société AXION, - qu'elle a eu recours aux services de Jean Max X... en raison d'un accroissement d'activité liée aux démarrages des chantiers importants des PORT EST et OUEST qui ont nécessité des travaux exceptionnels de ferraillage qui n'entrent pas dans le cadre de son activité permanente, - que le reproche relatif à un second renouvellement revient à lui faire grief de ne pas avoir respecté le délai de carence imposé par l'article L.1251-36 du Code du travail et que selon la jurisprudence, l'inobservation par l'entreprise utilisatrice du délai de carence imposé par l'article précité ne permet pas au travailleur temporaire de demander la requalification des contrats de travail temporaire en un contrat à durée indéterminée ; qu'aux termes de l'article L.124-2-2, alinéa 2, ancien du Code du travail, applicable au contrat de mission conclu avec l'appelant le 23 janvier 2006, le contrat de travail temporaire peut être renouvelé une fois pour une durée déterminée qui, ajoutée à la durée du contrat initial, ne peut excéder la durée maximale prévue au paragraphe II du présent article ; que la possibilité d'un renouvellement du contrat de travail temporaire ne doit pas être confondue avec le respect d'un délai de carence prévu par l'article L.124-7 alinéa 3 alors applicable et devenu l'article L.1251-36 du Code du travail, qui impose à l'entreprise utilisatrice de respecter un délai à l'expiration d'un contrat de mission, quelle que soit l'identité du salarié ; que les dispositions de cet article se cumulent avec celles prévues par l'article L.124-2-2, alinéa 2, ancien du Code du travail, concernant le renouvellement du contrat de mission d'un salarié ; qu'en l'espèce, Jean Max X... a été embauché par la Société AXION par contrat de mission en date du 23 janvier 2006 au 31 janvier 2006 pour effectuer des travaux de ferraillage et façonnage pour le compte de la SBTPC en raison d'un accroissement temporaire d'activité de cette société, dû au démarrage du chantier de l'extension du Port Est sur lequel il était affecté ; que cette mission a été renouvelée par contrat du 1er février 2006 jusqu'au 28 février 2006 puis une seconde fois jusqu'au 31 mars 2006 par contrat du 28 février 2006, selon les mêmes modalités, pour exécuter les mêmes tâches et sur le même chantier ; que ce second renouvellement est ainsi intervenu en violation des dispositions de l'article L.124-2-2 alinéa 2 ancien du Code du travail précité et entraîne par application de l'article L.124-7 ancien du Code du travail, alors en vigueur, la requalification des contrats de mission en un seul contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au 23 janvier 2006 ; qu'au surplus, après réouverture des débats et sur demande expresse de la Cour, la SBTPC a produit trois contrats de mise à disposition censés avoir été établis entre elle-même et la Société AXION conformément à l'ancien article L.124-3 alinéa 1 du Code du travail alors applicable, devenu l'article 1251-42 dudit code parallèlement aux trois contrats de mission ; qu'il résulte de l'examen du contrat produit en pièce n° 6 par la SBTPC que ce document intitulé « Contrat de mise à disposition », relatif à la mission devant être accomplie par Jean Max X... pour son compte, sur le chantier de l'extension du PORT EST, du 23/01/2006 au 31/01/2006 inclus, comporte la mention « le terme de la mission prévu dans le contrat initial ou dans l'avenant de prolongation peut être aménagé dans les conditions prévues aux articles L.1251-30 et L.1251-31 » suivie d'autres paragraphes faisant référence aux articles L.1251-24 et L.1251-36 ; que cette numérotation est issue du Code du travail recodifié par l'ordonnance du 12 mars 2007, ratifiée par la loi du 21 janvier 2008 et les décrets du 7 mars 2008 et n'est entrée en vigueur que le 1er mai 2008 ; que ce document communiqué par l'intimée en pièce n° 6 sous l'intitulé « contrat de mise à disposition entre AXION et la SBTPC pour la période allant du 23 au 31 janvier 2006 » et portant mention de numéros d'articles du Code du travail qui n'existaient pas avant le 1er mai 2008 n'a donc été établi que postérieurement à cette date ; qu'il s'en déduit que la SBTPC est défaillante à produire le premier contrat de mise à disposition, expressément demandé par la Cour, qu'elle devait établir, conformément à l'article L.124-3 ancien du Code du travail applicable à l'espèce, avec la Société AXION, et qui devait mentionner le motif pour lequel elle faisait appel à un salarié temporaire, et, en l'absence duquel la relation de travail entre la SBTPC et Jean Max X..., effective à compter du 23 janvier 2006, ce qui n'est pas contestée, a débuté en méconnaissance des dispositions légales relatives au recours au travail temporaire ; que de plus, il appartient à l'entreprise utilisatrice de démontrer la réalité du motif énoncé dans le contrat de mission temporaire, peu important qu'elle ne soit pas partie à ce contrat ; que la SBTPC se contente d'affirmer que le démarrage du chantier du PORT EST nécessitait le recours à une main-d'oeuvre importante mais ne verse aux débats aucun document relatif à son activité de nature à justifier, d'une part du caractère exceptionnel de ce chantier, alors que comme le fait remarquer le salarié le démarrage d'un chantier entre forcément dans l'activité permanente de la Société, et d'autre part de ce que, ainsi qu'elle le prétend, les chantiers des PORTS EST et OUEST ont entraîné des travaux exceptionnels sortant du cadre de son activité habituelle ; qu'ainsi la relation de travail entre la SBTPC et Jean Max X... qui a débuté le 23 janvier 2006 sans respecter les dispositions prescrites par les articles L.124-2 et L.124-2-1 anciens du Code du travail alors applicable, doit être requalifiée en un contrat à durée indéterminée de droit commun à compter de cette date selon les termes de l'article L.124-7 alinéa 2 devenu l'article L1251-40 dudit Code ; que la requalification ouvre droit, aux termes de l'article L.1245-2 du Code du travail, pour le salarié, à l'octroi d'une indemnité de requalification ne pouvant être inférieure à un mois de salaire et que la Cour fixe, au vu des éléments du dossier à la somme réclamée de 2.198,79 ¿, montant non contesté dans son quantum, même à titre subsidiaire, par l'intimée ; que la décision déférée est réformée en ce sens ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en affirmant, pour requalifier les contrats de travail temporaire de Monsieur X... en un contrat à durée indéterminée, que la Société SBTPC aurait méconnu les dispositions de l'article L.1251-35 du Code du travail dans la mesure où elle aurait renouvelé deux fois le contrat initial alors que ce texte n'autorisait qu'un seul renouvellement, sans rechercher si c'était bien le contrat initial qui avait été renouvelé ou s'il n'y avait pas eu en réalité, ainsi que le soulignait la Société, conclusion de contrats de missions successifs qui devaient uniquement être soumis au respect du délai de carence prévu par l'article L.1251-36 du Code du travail, la Cour d'appel a d'ores et déjà privé sa décision de base légale au regard de ces textes ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en retenant, pour requalifier les contrats de travail temporaire de Monsieur X... en un contrat à durée indéterminée, que les contrats de mise à disposition communiqués portant mention de numéros d'articles du Code du travail qui n'existaient pas lors de la conclusion desdits contrats auraient été établis postérieurement à la relation contractuelle, quand la Société SBTPC, société utilisatrice, n'était pas rédactrice des contrats de mise à disposition qui avaient été rédigés par la Société AXION, société de travail temporaire, de sorte qu'elle ne pouvait être tenue pour responsable du fait que cette dernière ait pu rééditer des contrats dont elle avait égaré l'original en utilisant une matrice postérieure à la nouvelle numérotation du Code du travail, la Cour d'appel a violé l'article L.1251-42 dudit Code ;
ET ALORS, ENFIN, QU'en retenant, pour requalifier les contrats de travail temporaire de Monsieur X... en un contrat à durée indéterminée, que la réalité du motif énoncé dans ces contrats n'était pas établie, quand la Société SBTPC avait démontré que le façonnage et l'attache de la ferraille constituaient bien des tâches précises et ponctuelles liées aux seules phases de préparation et de démarrage du chantier et qui correspondaient bien à un accroissement temporaire d'activité, la Cour d'appel a violé les articles L.1251-6 et L.1251-39 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de Monsieur X... par la Société SBTPC était dénué de cause réelle et sérieuse et d'avoir, en conséquence, condamné l'employeur à verser au salarié les sommes de 15.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 500 ¿ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE sur la rupture du contrat de travail, l'appelant expose que lors de la signature du contrat de chantier le 29 mars 2006, il ignorait que la relation de travail pouvait être requalifiée en contrat à durée indéterminée, que s'il en avait été informé, il aurait refusé de signer ce contrat de chantier, que son consentement est entaché d'une erreur au sens de l'article 1110 du Code civil et que dès lors, son licenciement, fondé sur la fin du chantier, est nécessairement dénué de cause réelle et sérieuse ; que la SBTPC répond que Jean Max X... ne démontre pas l'existence de manoeuvres dolosives susceptibles de remettre en cause la validité du contrat de chantier signé par le salarié après la mention lu et approuvé écrite de sa main ; que le contrat de chantier est un contrat à durée indéterminée dont la rupture pour fin de chantier échappe aux règles relatives au licenciement économique ; qu'il s'en déduit que le contrat de chantier signé le 29 mars 2006, qui est un contrat dérogatoire au droit commun et prive le salarié du bénéfice des dispositions relatives au licenciement économique, ne saurait être considéré comme une modification librement consentie par le salarié d'une relation de travail qui a été requalifiée en un contrat à durée indéterminée de droit commun prenant effet antérieurement audit contrat de chantier, lequel se trouve, par conséquent, inopérant ; que dès lors, la rupture du contrat de travail de Jean Max X... le 24 décembre 2008, notifiée par courrier du 21 novembre 2008 dans lequel le seul motif invoqué est une fin de chantier est dénuée de cause réelle et sérieuse, ce qui justifie la condamnation de la SBTPC à lui verser une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dont le montant, compte tenu de son ancienneté supérieure à deux ans et de l'effectif de la société d'au moins onze salariés ne peut être inférieur aux six derniers mois de salaire et que la cour fixe, au vu des éléments du dossier, à la somme de 15.000 € ;
ALORS, D'UNE PART, QUE ces motifs seront censurés par voie de conséquence de la cassation à intervenir sur le premier moyen, par application de l'article 625 du Code de procédure civile ;
ET ALORS, D'AUTRE PART (et subsidiairement), QUE pour constituer une cause de nullité du contrat, l'erreur doit affecter une qualité substantielle dudit contrat, déterminante de l'engagement pris ; qu'en se bornant à déclarer « inopérant » le contrat de chantier conclu entre Monsieur X... et la Société SBTPC le 29 mars 2006, sans caractériser quelle qualité substantielle, déterminante de l'engagement pris, aurait été affectée en l'occurrence, alors que le salarié avait apposé sa signature sur ce contrat ainsi que la mention « lu et approuvé » et que ce document comportait l'ensemble des informations nécessaires pour que l'intéressé n'ait pas une idée fausse de la nature de ses droits, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article susvisé.