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23/09/2014 | FRANCE | N°13-20364

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 23 septembre 2014, 13-20364


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant exactement retenu que la résiliation du bail pour contravention aux obligations dont le preneur était tenu en application de l'article L. 411-37 du code rural et de la pêche maritime ne pouvait être prononcée que si celle-ci était de nature à porter préjudice au bailleur et souverainement écarté l'existence d'une fraude des preneurs, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, abstraction

faite d'un motif erroné mais surabondant, a pu décider qu'en l'absen...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant exactement retenu que la résiliation du bail pour contravention aux obligations dont le preneur était tenu en application de l'article L. 411-37 du code rural et de la pêche maritime ne pouvait être prononcée que si celle-ci était de nature à porter préjudice au bailleur et souverainement écarté l'existence d'une fraude des preneurs, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant, a pu décider qu'en l'absence de préjudice établi ou même allégué par le bailleur, la résiliation du bail n'était pas encourue ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... épouse Y...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... épouse Y...; la condamne à payer à M. et Mme Z... et à la société MR Finance la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mme X... épouse Y...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Mme Marguerite X..., épouse Y..., de sa demande de résiliation du bail du 26 juillet 1993 ;

AUX MOTIFS QUE sur les manquements imputés à M. Alain Z..., la bailleresse fait en premier lieu grief à M. Alain Z... de ne pas l'avoir informée de la cessation de son activité d'exploitant agricole alors que le bail lui faisant obligation de l'aviser de tous changements intervenus en cours d'exécution de celui-ci dans sa situation d'exploitant ; que cependant il résulte de l'article " Déclaration du Preneur " figurant en page 13 du bail du 26 juillet 1993 que l'information de la bailleresse n'était requise que dans le seul but de satisfaire aux exigences de l'article 188-6 du code rural de sorte que l'obligation d'information mise à la charge des preneurs n'avait pas de valeur contractuelle indépendante des dispositions de ce texte légal qui devenu, avec la loi n° 93-934 du 22 juillet 1993, l'article L331-11 du code rural ne mettait à la charge des preneurs aucune obligation d'information à l'égard de la bailleresse en cours de bail ; que Mme Marguerite X...ne peut utilement faire grief à M. Alain Z... de ne pas l'avoir avisée de la cessation de son activité d'exploitant agricole en se fondant sur la méconnaissance par celui-ci d'une stipulation du bail ; que Mme Marguerite X...impute ensuite à M. Alain Z... une violation de l'une des obligations essentielles du bail justifiant la résiliation de celui-ci commise en se retirant de la SCEA du Coreau à la disposition de laquelle les biens faisant l'objet du bail sont mis et en cessant ainsi de se consacrer à leur mise en valeur ; que la sanction sollicitée par la bailleresse doit être écartée dès lors que, selon l'article L 411-46 al. 2 du code rural, en cas de départ de l'un des conjoints co-preneurs du bail, ce qui est le cas en l'espèce, celui qui poursuit l'exploitation a droit au renouvellement du bail ce dont il s'évince que l'abandon par l'un des époux co-preneurs de l'exploitation des biens qui leur ont été affermés ne permet pas au bailleur d'obtenir la résiliation du bail ; que la demande de résiliation du bail formée par Mme Marguerite X...ne peut prospérer sur le fondement des manquements allégués de M. Alain Z... à ses obligations contractuelles ; Que sur l'application de l'article L. 411-37 du code rural, selon acte sous seing privé du 28 avril 2009 les époux Z...-D... ont mis à la disposition de la SCEA Du Coreau dont ils étaient tous deux associés-exploitants les biens faisant l'objet du bail du 26 juillet 1993 ; que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception datée du 5 mai 2009 mais postée le 25 mai suivant ils ont avisé la bailleresse de cette mise à disposition ayant pris effet le 1er avril précédent ; que celle-ci, laquelle n'est pas soumise à l'agrément du bailleur est intervenue dans des conditions conformes aux dispositions des alinéas 1 et 2 de l'article L411-37 du code rural, la modification, à effet du 1er juin 2009, de la répartition du capital social de la personne morale en bénéficiant n'en affectant pas, par elle-même, la régularité dès lors que Mme Catherine D..., épouse Z..., conservait une participation supérieure à la moitié du capital social (722 parts sur 1440 soit 50, 13 %) ; que les premiers Juges ne pouvaient prononcer la résiliation du bail en qualifiant improprement l'opération intervenue entre les preneurs et la SCEA Du Coreau d'apport du droit du bail à cette dernière effectué sans l'agrément du bailleur exigé par l'article L411-38 du code rural ce qui était contraire aux productions des parties et n'était pas invoqué, et ne l'est pas davantage devant la Cour, par Mme Marguerite X...; que cette dernière ne peut utilement faire valoir à l'encontre des preneurs un défaut d'information quant au retrait de M. Alain Z... de la SCEA Du Coreau ; qu'en effet les modifications concernant la composition de la communauté des associés et la répartition du capital social ne sont pas de celles dont l'alinéa 2 de l'article L411-37 du code rural impose qu'elles soient portées à la connaissance du bailleur, une telle information n'étant exigée que pour les changements affectant le nom de la société bénéficiant de la mise à disposition, la désignation du tribunal de commerce auprès duquel celle-ci est immatriculée et les parcelles mises à disposition ; que Mme Marguerite X...ne peut davantage prétendre à la résiliation du bail en raison du retrait de M. Alain Z..., co-preneur de la personne morale bénéficiant de la mise à disposition des parcelles affermées, étant relevé qu'en cas de solidarité l'article 1200 du code civil dispose que le paiement fait par un seul des débiteurs solidaires libère les autres envers le créancier, et de l'abandon consécutif par celui-ci de l'exploitation personnelle desdits biens, au regard d'une part, des dispositions de l'article L411-46 al. 2 du code rural pour les motifs énoncés ci-avant à l'occasion de l'examen des manquements à ses obligations contractuelles reprochés à M. Alain Z... et, d'autre part, de celles de l'article L 411-31 Il 3° du même code, issues de l'ordonnance n° 2006-870 du 13 juillet 2006 applicables en vertu de l'article 16 de celle-ci aux baux en cours, selon lesquelles la résiliation du bail pour contravention aux obligations dont le preneur est tenu en application de l'article L 411-37 ne peut être prononcée que si celle-ci est de nature à porter préjudice au bailleur ce qui n'est en l'espèce pas établi ni même, au demeurant, allégué par la bailleresse ; qu'aucune violation des dispositions de l'article L 411-37 du code rural imputable aux preneurs de nature à justifier la résiliation du bail n'est caractérisée par la bailleresse ; Que sur l'application de l'article L. 411-35 du code rural, l'article L. 411-35 du code rural prohibe, sous réserve des dispositions particulières aux baux cessibles hors du cadre familial sans application en l'espèce et sous les exceptions qu'il énonce au profit de certains membres de la famille du preneur dont la mise en oeuvre implique l'agrément du bailleur ou, à défaut, l'autorisation du tribunal paritaire, toute cession de bail et l'article L 411-31 Il 1 du même code sanctionne toute cession irrégulière par la résiliation du bail ; qu'il ressort des écritures de Mme Marguerite X...que celle-ci, alors que la Cour a retenu ci-avant que les biens faisant l'objet du bail du 26 juillet 1993 étaient régulièrement mis à la disposition de la SCEA Du Coreau et que par ailleurs il ne peut être tiré aucune conséquence de nature à justifier la résiliation de ce bail de ce que la société MR Finance, devenue associée-non exploitante de la société précitée ait été désignée en qualité de co-gérante, une telle désignation ne pouvant en aucun cas lui transférer le bénéfice du bail portant sur les parcelles mises à la dispositions de la société qu'elle co-gère, veut trouver la preuve d'une cession de bail par M. Alain Z... au profit de la société MR Finance dans la cession des parts sociales qu'il détenait de la SCEA Du Coreau à celle-ci au motif que les apports faits à la SCEA Du Coreau à la disposition de laquelle les biens faisant l'objet du bail litigieux étaient mis par M. Z... au titre desquels 718 parts sociales lui avaient été attribuées lors de la constitution de cette personne morale étaient composés des améliorations que les époux Z...-D... avaient apportées au fonds qui leur était donné à bail de sorte que, la SCEA du Coreau étant, en application de l'article L 411-74 al. 4 et 5, subrogée dans les droits à l'indemnité que M. Z... aurait pu exercer en fin de bail à son encontre, la société MR Finance en devenant cessionnaire des parts sociales appartenant à M. Z... a, selon elle, acquis les droits personnels du bail de M. Z... ; que cependant, alors même que par ailleurs les améliorations au fonds loué apportées à la SCEA Du Coreau par les époux Z...-D... ne représentent que 9, 92 % des apports qu'ils ont faits à cette société (17750 ¿ sur 179. 000 ¿), les droits à l'indemnité correspondante due en fin de bail aux preneurs ayant été transférés à la SCEA du Coreau antérieurement à la cession de ses parts sociales par M. Alain Z... à la société MR Finance, cette dernière par l'effet de cette cession n'a pas acquis les droits personnels du cédant du bail mais un droit de créance à l'encontre de la SCEA du Coreau lui conférant un droit sur le patrimoine de celle-ci lequel ne comprend pas le droit au bail du 26 juillet 1993 dont il ne lui a pas été fait apport ; qu'aucune cession de bail au profit de la société MR Finance n'est établie ; Que sur l'application de l'article L. 411-74 du code rural, qu'en l'absence de cession de bail et de changement d'exploitant, cette dernière qualité demeurant celle de la SCEA du Coreau, bénéficiaire de la mise à disposition des parcelles données à bail, les dispositions de l'article L 411-74 du code rural, dont au demeurant la violation éventuelle ne peut justifier la résiliation du bail au regard du statut du fermage, sont sans application de sorte qu'il n'y a pas lieu de surseoir à statuer en raison de la plainte déposée sur le fondement de ce texte auprès des services de la Gendarmerie Nationale de Boisemont le 28 mars 2012 ;

1) ALORS QUE le preneur d'un fonds rural ne peut mettre celui-ci à la disposition d'une société à objet principalement agricole que s'il en est associé et qu'autant qu'il le demeure ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. Z... a mis les terres par lui prises à bail à la disposition de la SCEA du Coreau puis qu'il s'est entièrement retiré de cette société après avoir cédé l'intégralité de ses parts à la SARL MR Finance ; qu'en refusant de prononcer la résiliation du bail, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 411-35 et L. 411-37 du code rural et de la pêche maritime ;
2) ALORS QUE le preneur d'un fonds rural étant tenu de l'exploiter, s'il met celui-ci à la disposition de la société à objet principalement agricole dont il doit être associé, il a, restant seul titulaire du bail, l'obligation de continuer à se consacrer à sa mise en valeur en participant aux travaux de façon effective et permanente ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. Z... a mis les terres par lui prises à bail à la disposition de la SCEA du Coreau, qu'il s'est ensuite entièrement retiré de cette société au profit de la SARL MR Finance et qu'il a cessé de se consacrer à l'exploitation et à la mise en valeur des biens faisant l'objet du bail ; qu'en refusant de prononcer la résiliation du bail, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi les articles L. 411-35 et L. 411-37 du code rural et de la pêche maritime ;
3) ALORS QUE la clause de solidarité inclue dans un bail permet au bailleur d'exiger indifféremment de l'un ou l'autre des preneurs l'exécution de toutes les obligations du bail ; que la cour d'appel a constaté que les biens loués avaient été mis à la disposition de la SCEA du Coreau dont M. Z... avait cessé d'être associé en même temps qu'il renonçait à se consacrer à la mise en valeur des biens loués ; qu'en refusant d'admettre que les copreneurs avaient ainsi manqué à l'une des obligations essentielles du bail et que ce manquement suffisait à justifier la résiliation du bail en raison de l'importance de l'obligation méconnue au motif en réalité inopérant que Catherine Z..., cotitulaire du bail, demeurait associée de la SCEA du Coreau, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 411-35 et L. 411-37 du code rural et de la pêche maritime ;
4) ALORS QUE dans ses conclusions, Mme X... faisait valoir qu'il n'était pas justifié que Mme Z... avait continué à exploiter personnellement les terres litigieuses après le départ de son mari de la SCEA du Coreau ; qu'elle observait que le matériel vif et mort servant à l'exploitation avait été transféré sur une autre exploitation dont M. E..., gérant de la société MR Finance, était propriétaire (concl. de Mme X..., du 12 février 2013, p. 7) ; qu'en omettant de s'expliquer sur ce point pourtant essentiel, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L. 411-35 et L. 411-37 du code rural et de la pêche maritime ;
5) ALORS, en toute hypothèse, QUE l'infirmation d'un jugement, dont la confirmation est demandée par l'intimé qui s'en approprie dès lors les motifs, doit être motivée ; que pour résilier le bail litigieux, le tribunal paritaire des baux ruraux d'Amiens avait retenu que « l'opération consistant pour M. Z... à céder quelques semaines après la création de la Scea du Coreau, la totalité de ses parts à la Sarl MR Finance, à cesser concomitamment de participer de manière effective et permanente à la mise en valeur du fonds loué tout en omettant d'en avise Mme Margueritte X... épouse Y...alors que ces changements étaient nécessairement programmés dès l'origine s'analyse en une cession prohibée du droit au bail à une Scea en fraude des droits de la bailleresse nés du statut d'ordre public du fermage » ; qu'en infirmant le jugement entrepris et déboutant ensuite Mme X... de sa demande de résiliation du bail sans s'expliquer sur le caractère frauduleux de l'opération ourdie par les époux Z..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6) ALORS QUE la fraude corrompt tout ; qu'en l'espèce, Mme X... démontrait que la SCEA du Coreau n'avait été créée par les époux Z..., que pour permettre à M. Z... de se retirer frauduleusement et moyennant finances de l'exploitation des terres qu'il avait prises à bail le 26 juillet 1993, et ce en mettant d'abord à la disposition de la société du Coreau les terres objets du bail rural, puis en s'en retirant moins de deux mois après par le rachat de l'intégralité de ses parts sociales par la SARL MR Finance, le tout sans avertir la bailleresse (concl. du 12 février 2013, p. 4) ; qu'en omettant de rechercher, comme cela lui était pourtant demandé, si ce montage n'était pas destiné à déguiser l'interdiction de mettre les terres affermées à la disposition d'une société dont le preneur n'est pas associé et par là à contourner frauduleusement la prohibition d'ordre public de cession des baux ruraux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 411-35 et L. 411-37 du code rural et de la pêche maritime ;
7) ALORS QUE la fraude corrompt tout ; qu'en l'espèce, Mme X... démontrait que les apports faits par les époux Z... à la SCEA du Coreau étaient composés des indemnités d'améliorations réalisées par les preneurs sur le fonds loué le 26 juillet 1993 et mis à sa disposition ; qu'ainsi, en substituant purement et simplement la SARL MR Finance à M. Z... dans la SCEA du Coreau par la cession de l'intégralité de ses parts, M. Z... abandonnait de fait à un tiers, même indirectement, ses droits personnels sur le bail du 26 juillet 1993, ce qui démontrait là encore l'existence d'une cession de bail prohibée (concl. du 12 février 2013, p. 6) ; qu'en écartant toute cession de bail illicite au seul motif que la créance d'indemnité à l'égard du bailleur n'existait qu'au profit de la SCEA du Coreau et non directement à celui de la SARL MR Finance sans rechercher si le montage opéré n'était pas destiné à contourner frauduleusement la prohibition d'ordre public de cession des baux ruraux, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles L. 411-35 et L. 411-37 du code rural et de la pêche maritime.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 13-20364
Date de la décision : 23/09/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 30 avril 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 23 sep. 2014, pourvoi n°13-20364


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.20364
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