LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte aux sociétés Covea Fleet et Hoegger Alpina France du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la Société marseillaise de transports routiers et de transit et la société IMTC ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 24 octobre 2012) et les productions, qu'au mois de juin 2005 la société Hoegger Alpina France a confié à la Société française de transports Gondrand frères (la société Gondrand), commissionnaire de transport, l'organisation du transport aller-retour de marchandises de la France vers le Maroc ; que pour l'organisation du retour de ces marchandises, la société Gondrand s'est substituée diverses sociétés, dont pour le transport maritime la société IMTC, qui a émis un connaissement le 18 juin 2005 pour un acheminement des marchandises à bord du navire « Aknoul », dans quatre remorques bâchées, à destination de Marseille ; qu'à l'arrivée du navire, le 22 juin 2005, il a été constaté que les marchandises avaient été endommagées ; que lors de leur livraison en Suisse le 13 juillet et à Sainte-Marie-aux-Mines les 12 et 19 juillet 2005, des réserves ont été émises par la société Hoegger Alpina France ; que celle-ci et son assureur, la société Covea Fleet, ont assigné en dommages-intérêts la société Gondrand qui s'est prévalue des limitations d'indemnisation du transporteur maritime par application de l'article 2.1 de la Convention de Genève du 19 mai 1956 relative au contrat de transport international de marchandises par route, dite CMR ;
Attendu que les sociétés Hoegger Alpina France et Covea Fleet font grief à l'arrêt d'avoir limité la condamnation de la société Gondrand au paiement de diverses sommes, alors, selon le moyen :
1°/ que ce n'est que « dans la mesure où il est prouvé qu'une perte, une avarie ou un retard à la livraison de la marchandise qui est survenu au cours du transport par l'un des modes de transport autre que la route n'a pas été causé par un acte ou une omission du transporteur routier et qu'il provient d'un fait qui n'a pu se produire qu'au cours et en raison du transport non routier », que la responsabilité du transporteur routier est déterminée « de la façon dont la responsabilité du transporteur non routier eût été déterminée si un contrat de transport avait été conclu entre l'expéditeur et le transporteur non routier (¿) » ; que le juge doit constater, au regard des faits, que le dommage a été réalisé non seulement au cours mais aussi en raison du transport par mer ; qu'en se contentant de relever que « le dommage s'est produit en mer du fait des clandestins montés à bord de l'Aknoul », sans déterminer à quel moment les clandestins avaient embarqué, si la présence des clandestins n'était pas préexistante à la traversée maritime et ne résultait pas d'un défaut de surveillance du véhicule par le transporteur routier avant l'embarquement de son chargement sur le navire, la cour d'appel a violé l'article 2 de la Convention relative au contrat de transport international de marchandises par route (CMR) ;
2°/ qu'il appartient au commissionnaire de transport invoquant en cas de transport combiné par route et par mer la limitation de responsabilité du transporteur maritime de rapporter la preuve que le dommage s'est produit au cours et en raison dudit transport par mer ; qu'en considérant qu'il était suffisant pour l'application de la limitation de responsabilité au bénéfice de la société Gondrand, commissionnaire de transport, qu'il soit constaté que « le dommage s'est produit en mer du fait des clandestins montés à bord de l'Aknoul », sans qu'il soit nécessaire pour ladite société de justifier que la montée des clandestins à bord des remorques bâchées s'était réalisée postérieurement à l'embarquement du chargement sur le navire et n'impliquait aucune faute préalable de surveillance du véhicule par le transporteur routier, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, et partant, violé l'article 1315 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt constate que les quatre remorques ont été chargées par le transporteur maritime sans réserve et en bon état apparent sur le navire « Aknoul » ; qu'il relève que les bâches des remorques ont été découpées par des passagers montés clandestinement à bord du navire qui ont détérioré et sali le matériel ; qu'il retient que la preuve n'est pas rapportée d'un dommage autre que celui constaté au terme du transport maritime à Marseille, les remorques ayant été plombées pour la suite du transport ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont elle a pu déduire que les dommages s'étaient produits au cours et en raison du transport maritime, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Et attendu, d'autre part, que, sous le couvert d'un grief non fondé d'inversion de la charge de la preuve, le moyen ne tend, en sa seconde branche, qu'à instaurer devant la Cour de cassation une discussion de pur fait ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Covea Fleet et Hoegger Alpina France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la Société française de transports Gondrand frères la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Tiffreau, Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour les sociétés Cova Fleet et Hoegger Alpina France.
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR limité la condamnation de la Société GONDRAND au paiement à la Société HOEGGER ALPINA FRANCE et à son assureur la Société COVEA FLEET, et selon les modalités fixées dans les motifs de l'arrêt avec affectation prioritaire à la créance de l'assuré, d'une somme totale équivalente à 21.140 DTS au cours au jour de l'arrêt, plus 6.785,63 ¿ le tout avec intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 2006 ;
AUX MOTIFS QUE « conformément à l'article 2 de la convention CMR, la responsabilité du transporteur routier est déterminée par application des règles relatives à la responsabilité du transporteur non routier en cas de transport combiné, notamment par route et mer, s'il est établi que le dommage s'est produit au cours du transport non routier ; que tel est bien le cas en l'espèce, et qu'il est établi que le dommage s'est produit en mer du fait des clandestins montés à bord de l'AKNOUL ; que le destinataire indique qu'il n'y a pas de preuve que le dommage n'ait pas été aggravé par un fait ultérieur, mais qu'il ne désigne précisément aucun dommage qui n'ait pas été constaté à Marseille ; que si le transporteur maritime fait état pour sa part de quelques articles (du petit outillage apparemment) qui aurait disparu, il paraît s'agir plus vraisemblablement d'une erreur d'orientation dans le cadre du reconditionnement après les expertises qui ont eu lieu à Marseille ; qu'en effet les remorques ont été plombées pour la suite du voyage ; que par ailleurs la présence de clandestins sur un bateau ne peut pas être considérée comme un évènement non imputable au transporteur au sens de l'article 27 de la loi de 1966, actuellement codifiée au Code des transports ; que l'usage de remorques bâchées n'était pas anormalement risqué et qu'il n'y a pas d'erreur particulière du chargeur ; que le transporteur maritime et les personnes qui ont recours à lui ne peuvent donc pas être déchargées de la responsabilité du sinistre ; qu'il n'est pas contesté que la responsabilité du commissionnaire emprunte sa mesure à celle des transporteurs substitués ; (¿) que la compagnie maritime IMTC a fait un calcul précis des limitations de responsabilité (2 DTS par Kg) applicables conformément à la loi de 1966 codifiée au Code des transports ; que son calcul article par article n'est pas contesté, pas plus dans son principe que dans son résultat ; que les responsables se verront par conséquent imputer un montant de 21.140 DTS d'après le cours au moment de l'arrêt, plus 6.785,63 ¿ (¿) »
ALORS QUE 1°) ce n'est que « dans la mesure où il est prouvé qu'une perte, une avarie ou un retard à la livraison de la marchandise qui est survenu au cours du transport par l'un des modes de transport autre que la route n'a pas été causé par un acte ou une omission du transporteur routier et qu'il provient d'un fait qui n'a pu se produire qu'au cours et en raison du transport non routier », que la responsabilité du transporteur routier est déterminée « de la façon dont la responsabilité du transporteur non routier eût été déterminée si un contrat de transport avait été conclu entre l'expéditeur et le transporteur non routier (¿) » ; que le juge doit constater, au regard des faits, que le dommage a été réalisé non seulement au cours mais aussi en raison du transport par mer ; qu'en se contentant de relever que « le dommage s'est produit en mer du fait des clandestins montés à bord de l'AKNOUL », sans déterminer à quel moment les clandestins avaient embarqué, si la présence des clandestins n'était pas préexistante à la traversée maritime et ne résultait pas d'un défaut de surveillance du véhicule par le transporteur routier avant l'embarquement de son chargement sur le navire, la Cour d'appel a violé l'article 2 de la Convention relative au contrat de transport international de marchandises par route (CMR) ;
ALORS QU' 2°) il appartient au commissionnaire de transport invoquant en cas de transport combiné par route et par mer la limitation de responsabilité du transporteur maritime de rapporter la preuve que le dommage s'est produit au cours et en raison dudit transport par mer ; qu'en considérant qu'il était suffisant pour l'application de la limitation de responsabilité au bénéfice de la Société GONDRAND, commissionnaire de transport, qu'il soit constaté que « le dommage s'est produit en mer du fait des clandestins montés à bord de l'AKNOUL », sans qu'il soit nécessaire pour ladite Société de justifier que la montée des clandestins à bord des remorques bâchées s'était réalisée postérieurement à l'embarquement du chargement sur le navire et n'impliquait aucune faute préalable de surveillance du véhicule par le transporteur routier, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve, et partant, violé l'article 1315 du Code civil.