LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° G 13-17. 171 et J 13-17. 172 ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° G 13-17. 171 :
Vu les articles 1844-5, alinéa 3, du code civil et 8, alinéa 2, du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978, ensemble l'article 584 du code de procédure civile ;
Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes qu'en cas de dissolution d'une société unipersonnelle dont l'associé unique est une personne morale, la personnalité de celle-ci prend fin de plein droit à l'issue du délai de trente jours ouvert aux créanciers pour faire opposition à cette dissolution, sauf opposition de la part d'un créancier dans ce délai, lequel court à compter de la publication de la dissolution dans un journal habilité à recevoir les annonces légales ; que, lorsque le jugement statuant sur cette opposition est attaqué par voie de tierce opposition, il n'y a pas lieu, même en cas d'indivisibilité, d'appeler en la cause une société ayant perdu sa personnalité morale ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que la société RM 2845 Vermögensverwaltungs GmbH (société RM), associée unique de la société Inter sécurité services (société ISS), a procédé à la dissolution de celle-ci par une décision publiée le 19 novembre 2009 dans l'Écho d'Île de France, journal habilité à recevoir les annonces légales, la dissolution étant inscrite au registre du commerce et des sociétés le 29 décembre suivant ; que, le 28 janvier 2010, M. X..., en qualité de créancier de la société ISS, a fait opposition à cette dissolution ; qu'après que cette opposition a été accueillie par un premier jugement du 7 avril 2010, ayant retenu que le délai d'opposition n'avait couru qu'à compter de l'inscription au registre du commerce et des sociétés, un second jugement, du 13 avril 2010, a ouvert la liquidation judiciaire de la société ISS et désigné M. Y... liquidateur ; que ces jugements ont fait l'objet, respectivement, d'une tierce opposition et d'un appel de la société RM ; que la tierce opposition ayant été déclarée irrecevable par jugement du 7 septembre 2011, la société RM en a interjeté appel ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable la tierce opposition, l'arrêt RG n° 11/ 07372 retient que, par l'effet du jugement du 7 avril 2010, assorti de l'exécution provisoire, ayant accueilli l'opposition de M. X..., la société ISS n'a pas perdu sa personnalité morale, de sorte qu'elle devait être appelée à l'instance sur tierce opposition, en la personne de son liquidateur judiciaire ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'un côté, que la personnalité morale de la société ISS avait disparu trente jours après la publication, le 19 novembre 2009, de la dissolution, l'inscription modificative au registre du commerce et des sociétés effectuée le 29 décembre 2009 ayant eu pour seul effet de rendre définitive et opposable aux tiers la dissolution, sans que le jugement du 7 avril 2010 ait pu conférer à nouveau à la société ISS une existence légale, et de l'autre, que ce délai était expiré à la date de l'opposition de M. X..., la cour d'appel, qui n'a pas retenu que la publication du 19 novembre 2009 était irrégulière ou que le processus de dissolution mis en oeuvre par la société RM était frauduleux, a violé les textes susvisés ;
Et attendu que la cassation de l'arrêt RG n° 11/ 07372 entraîne, par voie de conséquence, celle de l'arrêt RG n° 10/ 03038 qui, en ouvrant la liquidation judiciaire de la société ISS au motif qu'elle avait conservé sa personnalité morale en raison de l'irrecevabilité de la tierce opposition au jugement du 7 avril 2010, se rattache à l'arrêt cassé sur ce point par un lien de dépendance nécessaire au sens de l'article 625 du code de procédure civile ; PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er mars 2012 dans l'affaire RG n° 11/ 07372, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
DIT n'y avoir lieu à statuer sur le pourvoi n° J 13-17. 172 ;
Constate l'annulation de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 1er mars 2012 prononcé dans l'affaire RG n° 10/ 03038 ;
Remet en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne MM. X...et Y..., ce dernier ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y..., ès qualités ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société RM 2845 Vermogensverwaltungs Gmbh, demanderesse au pourvoi n° G 13-17. 171.
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir dit la tierce opposition irrecevable pour défaut d'assignation de toutes les parties au jugement attaqué ;
Aux motifs propres que « le jugement du 7 avril 2010 contre lequel la société RM 2845 a formé tierce opposition a été rendu entre M. X..., demandeur, et la société ISS, défendeur, non comparant, dont le gérant a adressé une lettre au tribunal ; que la société RM 2845 a formé tierce opposition contre ce jugement en assignant le seul M. X...le 17 septembre 2010 ; qu'il résulte de la combinaison des articles 584 et du code de procédure civile qu'en cas de tierce opposition, le jugement primitif conserve ses effets entre les parties, même sur les chefs annulés ; qu'il n'en est autrement qu'en cas d'indivisibilité absolue lorsqu'il est impossible d'exécuter en même temps les deux décisions ; qu'en l'espèce, il serait impossible d'exécuter en même temps le jugement du 7 avril 2010 suspendant les effets de la transmission universelle de patrimoine vis-à -vis de la société ISS et le jugement rendu sur tierce opposition reconnaissant le cas échéant son bien-fondé et donnant ses pleins effets à la transmission universelle de patrimoine de la même société ISS vis-à -vis de M. X...; qu'en tout état de cause, il ne peut être statué sur la transmission universelle de patrimoine et la dissolution de la société ISS en dehors de la présence de celle-ci ; que dès lors l'indivisibilité imposait d'appeler à l'instance sur la tierce opposition la société ISS qui n'avait pas perdu sa personnalité morale par les effets mêmes du jugement du 7 avril 2010 qui avait ordonné l'exécution provisoire ; que la société ISS ayant été mise en liquidation judiciaire par jugement du 13 avril 2010 également revêtu de l'exécution provisoire, qui avait désigné Me Y... liquidateur, il incombait à la société RM 2845 d'assigner ce dernier, seul habilité à représenter la société ISS ; qu'en conséquence, le tribunal a exactement déduit de l'absence de mise en cause de Me Y..., ès qualités, l'irrecevabilité de la tierce opposition de la société RM 2845 » ;
Et aux motifs réputés adoptés qu'« il ressort du jugement prononcé le 7 avril 2010 par le tribunal de commerce de Nanterre que l'ancien gérant d'I2S a envoyé un courrier au greffe reçu le 24 février 2010 confirmant les faits exposés dans l'assignation ; qu'en conséquence, il est établi que I2S est intervenue à l'instance devant les premiers juges ; que la tierce opposition doit être formée contre toutes les parties au jugement attaqué ; que même si la société RM 2845 conteste la validité de l'opposition formée selon lui hors délai par M. X..., elle ne peut faire abstraction du jugement rendu le 13 avril 2010 ayant prononcé la liquidation judiciaire d'I2S et désigné Me Y... en qualité de liquidateur, l'appel interjeté n'étant pas suspensif ; qu'ainsi, la tierce opposition formée par la société RM 2845 n'ayant pas été signifiée à I2S, en la personne de son liquidateur, le tribunal dira la tierce opposition irrecevable » ;
Alors qu'il y a disparition de la personnalité morale d'une société ayant fait l'objet d'une décision de dissolution par son associé unique à l'expiration d'un délai d'opposition de trente jours ouvert aux créanciers à compter de la publication de l'acte dans un journal d'annonces légales ; que cette disparition de la personnalité est rendue opposable à tous les tiers par la publication de l'acte au registre du commerce et des sociétés ; que la société qui a ainsi perdu sa personnalité ne peut être partie à un jugement, de sorte que le tiers à ce jugement qui le frappe de tierce opposition n'a pas à l'appeler à l'instance, peu important que cette société ait été mentionnée comme partie au jugement et qu'un liquidateur judiciaire ait ensuite été nommé pour la représenter ; qu'en jugeant irrecevable la tierce opposition formée par la société RM 2845 contre le jugement du 7 avril 2010, faute d'avoir appelé à l'instance la société I2S, figurant comme partie au jugement et son liquidateur judiciaire, quand cette société ne pouvait être partie à ce jugement dès lors qu'elle avait perdu sa personnalité morale par décision de dissolution publiée dans un journal d'annonces légales le 19 novembre 2009, puis au registre du commerce et des sociétés le 29 décembre 2009, de sorte qu'au 28 janvier 2010, date de l'introduction de l'instance ayant abouti au jugement frappé de tierce opposition, cette dissolution avait produit tous ses effets, peu important qu'une liquidation judiciaire ait ensuite été ouverte par erreur à l'encontre de cette société, la cour d'appel a violé les articles 1844-5 du code civil et 584 et 591 du code de procédure civile.