LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 11 mai 2012), que M. X... ayant fait délivrer à la société Saint Charles négoce et représentation (la société SCNR) un commandement de payer visant la clause résolutoire pour un local qu'il lui avait donné à bail, cette société a quitté les lieux en y laissant diverses marchandises ; que M. X... ayant fait pratiquer une saisie-vente sur celles-ci, la société Bred Banque populaire (la banque), se prévalant d'un droit de gage, les a fait vendre ; que M. X... a assigné la banque devant un juge de l'exécution pour obtenir la restitution du prix de vente ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de sa condamnation à signifier à M. X... le procès-verbal de vente et à lui restituer le prix de vente dans la limite d'une certaine somme, le tout sous astreinte, alors, selon le moyen, qu'en application des articles 87 et 99 du décret du 31 juillet 1992, la saisie peut être faite en tout lieu où se trouvent les biens mobiliers appartenant au débiteur et l'huissier de justice peut notamment saisir entre les mains d'un tiers les biens que celui-ci détient pour le compte du débiteur ; qu'en se bornant à relever que « le débiteur n'étant plus dans les lieux, donc plus détenteur des biens saisis, ceux-ci sont donc, comme prévu par l'article 87 du décret du 31 juillet 1992, saisis entre les mains d'un tiers qui se trouve être M. X..., propriétaire des lieux », sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le propriétaire des lieux avait bien la qualité de tiers détenteur au sens des articles 87 et 99 du décret du 31 juillet 1992, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ces textes ;
Mais attendu qu'il résulte des conclusions de la banque que celle-ci avait demandé à la cour d'appel de juger que M. X... ne pouvait cumuler les qualités de créancier et de tiers détenteur, de sorte qu'elle ne l'avait pas invitée à rechercher si celui-ci avait la qualité de tiers détenteur ; que le moyen manque en fait ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a déclaré le gage et sa réalisation inopposables à M. X..., alors, selon le moyen :
1°/ qu'en application de l'article 2337 du code civil, le gage est opposable par la dépossession entre les mains du créancier ou d'un tiers convenu du bien qui en fait l'objet ; qu'en se bornant à énoncer que, s'il est exact que les parties ont institué la société Segage comme tiers détenteur, « cette dernière a déclaré détenir les biens gagés dans les magasins du constituant, ce qui a pour effet d'annuler l'effet de publicité de la dépossession, en rendant celle-ci fictive », sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si les mentions apposées aussi bien sur les lieux où étaient entreposées les marchandises gagées que sur ces marchandises, mentions qui avaient été expressément constatées par huissier, ne suffisaient pas à donner à la dépossession un caractère d'apparence suffisant destiné à informer les tiers du dessaisissement de celui qui avait constitué le gage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2337 du code civil ;
2°/ que le contrat de bail signé entre M. X... et la société SCNR énonçait, en son article 7, que « le Preneur ne pourra dans aucun cas et sous aucun prétexte céder son droit au présent bail, ni sous-louer tout ou partie les locaux loués, sans le consentement exprès et par écrit du Bailleur » ; qu'en énonçant, pour juger que la présence d'un affichage dans et sur les locaux repris par le bailleur constituait un acte intervenu en fraude des droits du bailleur, que la société SCNR avait contrevenu aux dispositions de son bail pour avoir mis à la disposition une partie des locaux loués à la société Segage, acte qui n'était pourtant nullement interdit par le contrat de bail signé le 22 février 2008, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce contrat et a, dès lors, violé les dispositions de l'article 1134 du code civil ;
3°/ que, selon l'article 128 du décret du 31 juillet 1992, le tiers qui se prétend propriétaire d'un bien saisi peu demander au juge de l'exécution d'en ordonner la distraction ; qu'en énonçant, pour juger que M. X... n'avait aucun moyen de douter de l'efficacité de sa saisie, que le texte précité ouvrait une action en distraction devant le juge de l'exécution à la banque, qui ne revendiquait pourtant pas la qualité de propriétaire des biens, mais seulement celle de créancier gagiste, la cour d'appel a violé, par fausse application, les dispositions de ce texte ;
4°/ que la banque avait produit aux débats le procès-verbal d'expulsion du 30 septembre 2009, établi à la demande de M. X..., dans lequel était expressément constatée la présence de marchandises stockées au profit de la société Segage en sa qualité de tiers détenteur, ainsi que le procès-verbal de constat du 15 octobre 2009, établi par la SCP Parent et Desneuf, dans lequel cet huissier de justice, également rédacteur de l'acte de saisie vente du 20 octobre 2009, avait procédé aux mêmes constatations et, enfin, la lettre qu'elle avait adressée, le 17 novembre 2009, à ce même huissier de justice en lui précisant sa « qualité de créancier inscrit titulaire d'un gage spécial sur le stock de marchandises objet de cette saisie » ; que la cour d'appel qui, après avoir rappelé que l'article 130 du décret du 31 juillet 1992 permettait à la banque de saisir de sa contestation sur la saisissabilité des biens au regard de son droit de gage, l'huissier qui lui-même devait saisir le juge de l'exécution de cette difficulté d'exécution, a néanmoins jugé qu'à défaut de toute manifestation de la banque en vertu, notamment, du texte rappelé, M. X... n'avait aucun moyen de douter de l'efficacité de sa saisie, a dénaturé les pièces régulièrement versées aux débats par l'exposante, en violation de l'article 1134 du code civil ;
5°/ que la procédure d'opposition prévue par les articles 118 et 119 du décret du 31 juillet 1992 n'est applicable qu'aux créanciers visés par l'article 50 de la loi du 9 juillet 1992 et ne s'applique pas, en conséquence, aux créanciers bénéficiaires d'un droit de gage avec dépossession lesquels peuvent, en application de l'article 2347 du code civil, se voir attribuer le bien en pleine propriété ; qu'en énonçant, par motifs adoptés des premiers juges, qu'à défaut d'avoir dénoncé à M. X... une opposition dans les formes des articles 118 et 119 du décret du 31 juillet 1992, la banque ne pouvait participer à la distribution du prix des marchandises vendues, la cour d'appel a violé, par fausse application, les dispositions de ces textes ;
Mais attendu qu'ayant retenu que c'est en contrevenant aux dispositions de son titre locatif, qu'elle n'a pas dénaturées, que la société SCNR avait mis à la disposition de la société Segage une partie des locaux que lui donnait à bail M. X... afin d'y détenir les marchandises gagées au profit de la banque, la cour d'appel a, dans l'exercice de son pouvoir souverain, considéré que c'est en fraude des droits du bailleur que la société SCNR avait ainsi consenti à cette modalité d'exécution du gage ; que, par ce seul motif, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. X... la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que la cassation à intervenir sur le premier moyen qui s'attaque au chef de l'arrêt ayant confirmé le jugement déféré en ce qu'il avait condamné la banque à signifier à M. X... le procès-verbal de vente et à lui restituer le produit de la vente dans la limite de 48 125,56 euros, le tout sous astreinte de 300 euros par jour de retard passé un délai de huit jours suivant la signification du jugement, entraînera, par voie de conséquence, en application de l'article 625 du code de procédure civile la censure de ce chef de l'arrêt ;
2°/ que la cassation à intervenir sur le deuxième moyen qui s'attaque au chef de l'arrêt ayant confirmé le jugement déféré en ce qu'il avait déclaré le gage et sa réalisation inopposables à la procédure de saisie-vente initiée par M. X..., entraînera, également par voie de conséquence, en application de l'article 625 du code de procédure civile la censure de ce chef de l'arrêt ;
Mais attendu que les deux premiers moyens ayant été rejetés, le moyen qui invoque la cassation par voie de conséquence est devenu inopérant ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Bred Banque populaire aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Bred.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il avait condamné la BRED à signifier à Monsieur X... le procès-verbal de vente et à lui restituer le produit de la vente dans la limite de 48.125,56 euros, le tout sous astreinte de 300 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours suivant la signification du jugement ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la procédure de saisie-vente engagée par Monsieur X... est fondée sur une ordonnance de référé du Tribunal de grande instance de FORT de FRANCE en date du 7 août 2009, dûment signifiée à la société SCNR le 17 août 2009, qui notamment, condamne cette société à verser au bailleur une somme provisionnelle de 26 723,16 euros à titre de loyers arriérés, une indemnité mensuelle d'occupation de 6.680,79 euros courant depuis le 1er juin 2009, et une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; que la voie d'exécution a été initiée par la délivrance d'un commandement aux fins de saisie-vente le 19 août 2009, portant sur une somme de 48.125,56 euros, correspondant en principal, à l'indemnité provisionnelle, à l'indemnité d'occupation liquidée, et à l'indemnité pour frais irrépétibles ; que le commandement a été suivi d'un procès-verbal de saisie vente en date du 20 octobre 2009, délivré entre les mains d'un tiers se trouvant être le propriétaire du local dans lequel était entreposée la marchandise sur laquelle le créancier entendait faire porter la saisie ; que, pour répondre à l'objection de la BRED, il sera observé que le débiteur n'étant plus dans les lieux, donc plus détenteur des biens saisis, ceux-ci sont donc, comme prévu par l'article 87 du décret du 31 juillet 1992, saisis entre les mains d'un tiers qui se trouve être Monsieur X..., propriétaire des lieux ; qu'il n'y a aucune irrégularité à ce titre susceptible d'entacher la saisie de nullité ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE, sur la régularité de la saisie, qu'il est de principe constant que le créancier qui en remplit les conditions peut opérer une saisie entre ses propres mains ; que la BRED ne produit pas d'élément de droit justifiant de l'impossibilité pour le créancier de saisir les biens appartenant à son débiteur qu'il détient ; que, d'autre part, la saisie vente est possible entre les mains de tout détenteur des biens du débiteur, y compris lorsqu'il est un détenteur précaire ; qu'aucune disposition de la loi n'interdit au bailleur de procéder à la saisie des biens appartenant au débiteur dans les lieux donnés en location ; que le moyen de prétendues irrégularités de la saisie n'est donc pas justifié ;
ALORS Qu'en application des articles 87 et 99 du décret du 31 juillet 1992, la saisie peut être faite en tout lieu où se trouvent les biens mobiliers appartenant au débiteur et l'huissier de justice peut notamment saisir entre les mains d'un tiers les biens que celui-ci détient pour le compte du débiteur ; qu'en se bornant à relever que « le débiteur n'étant plus dans les lieux, donc plus détenteur des biens saisis, ceux-ci sont donc, comme prévu par l'article 87 du décret du 31 juillet 1992, saisis entre les mains d'un tiers qui se trouve être Monsieur X..., propriétaire des lieux », sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le propriétaire des lieux avait bien la qualité de tiers détenteur au sens des articles 87 et 99 du décret du 31 juillet 1992, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ces textes.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il avait déclaré le gage et sa réalisation inopposables à la procédure de saisie-vente initiée par Monsieur X... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le créancier ayant pris soin de vérifier si le fonds de commerce de la SCNR était grevé d'inscriptions, le procès-verbal de saisie-vente a été signifié dès le 26 octobre 2009 à l'ensemble des créanciers inscrits parmi lesquels figure la BRED ; que l'acte lui a été remis à personne habilitée ; que, par l'effet de la saisie les biens litigieux ont été rendus indisponibles ; que l'article 54 de la loi du 9 juillet 1991 prévoit que seuls sont admis à faire valoir leur droits sur le prix de vente les créanciers saisissants ou opposants qui se sont manifestés avant vérification des biens saisis et ceux qui, avant la saisie, ont procédé à une mesure conservatoire sur les mêmes biens ; que, par ailleurs, l'article 128 du décret du 31 juillet 1992 ouvrait à la BRED une action en distraction devant le Juge de l'exécution, ou l'article 130 du même décret lui permettait de saisir de sa contestation sur la saisissabilité des biens au regard de son droit de gage, l'huissier qui lui-même devait saisir le juge de l'exécution de cette difficulté d'exécution ; qu'il convient d'observer à ce stade que l'état total des inscriptions ne mentionne nullement la sûreté dont entend se prévaloir la BRED, et que l'état spécial des inscriptions de gage sur stocks, notamment porte la mention néant ; que, si la sûreté avait été inscrite, l'huissier saisissant, aurait soit pris l'initiative de saisir le juge de la difficulté d'exécution, soit dressé un procès-verbal de carence ; qu'à défaut de cette mention et de toute manifestation de la BRED en vertu des dispositions ainsi rappelées, Monsieur X... n'avait aucun moyen de douter de l'efficacité de sa saisie ; que la BRED prétend qu'en réalité Monsieur X... avait parfaitement connaissance du gage inscrit par la société SEGAGE au nom de la banque, d'une part, par le biais de l'affichage visible à la fois sur la façade du local et sur le film emballant les marchandises constituant l'objet du gage, et, d'autre part, par l'opposition qui a été faite par la BRED entre les mains de l'huissier saisissant ; que le document produit pour valoir opposition est un courrier recommandé du 17 novembre 2009, adressé à l'huissier, qui ne remplit aucune des conditions imposées à peine de nullité par l'article 119 du décret du 31 juillet 1992 ; qu'il ne pouvait en aucun cas permettre à la BRED de se joindre à la saisie ; que, par ailleurs, il manifeste que la BRED avait quant à elle bien compris l'existence de la saisie-vente ce qui ne l'a pas empêchée 6 jours après et au mépris de l'indisponibilité des biens, de les retirer du local d'autorité pour les confier à son commissaire-priseur ; que la BRED soutient en outre que les dispositions des articles L 527-1 et suivants du Code de commerce relatives au gage spécifique des stocks ne s'applique pas à la convention de gage du 23 avril 2008, au seul motif que ces dispositions n'instituent qu'un gage sans dépossession, rendant sa publicité nécessaire ; qu'en réalité, l'examen de l'acte sous seing privé du 23 avril 2008 ne permet de faire échapper le gage litigieux à ces dispositions que parce qu'il n'a pas été consenti à l'occasion de la souscription d'un crédit par la SCNR, mais pour garantir l'ensemble de ses engagements de nature commerciale envers la banque, ce qui n'entre pas dans le champ d'application des articles L. 527-1 et suivants du code de commerce ; que la BRED en tire argument pour soutenir d'une part que le gage commercial de droit commun dont elle bénéficie se prouve par tous moyens par renvoi de l'article L. 521-1 du Code de commerce aux dispositions de l'article L. 110-3 du même Code, en échappant donc au formalisme imposé par le code civil, et d'autre part, que l'institution d'un tiers détenteur d'un commun accord par le constituant et le créancier gagiste, la dispensait de toute autre formalité de publicité ; que, cependant, le présent litige ne concerne nullement une contestation de la validité du gage par le constituant, le liquidateur de la SCNR n'étant d'ailleurs pas intervenu pour remettre en cause la sûreté consentie, et revendiquer les biens ; que l'invocation des règles de preuve est donc inopérante, pour résoudre la question de l'opposabilité du gage à Monsieur X..., en sa qualité de tiers, créancier saisissant ; que l'article 2337 du Code civil dispose que le gage est opposable aux tiers par la publicité qui en est faite, il l'est également par la dépossession entre les mains du créancier ou d'un tiers convenu, du bien qui en fait l'objet ; qu'il est exact qu'en l'espèce les parties ont institué la société SEGAGE comme tiers détenteur ; que, cependant cette dernière a déclaré détenir les biens gagés dans les magasins du constituant, ce qui a pour effet d'annuler l'effet de publicité de la dépossession, en rendant celle-ci fictive ; qu'il n'en eut été autrement au cas d'espèce qu'en faisant intervenir à l'acte le bailleur lui-même pour qu'il autorise la mise à disposition d'une partie des locaux à la société SEGAGE ; qu'à défaut de quoi, en consentant à cette modalité d'exécution du gage, la SCNR a contrevenu aux dispositions de son bail pourtant conclu le 22 février 2008, soit à peine 2 mois auparavant ; que, dans ces conditions, la présence d'un affichage dans et sur les locaux repris par le bailleur après l'expulsion du preneur qui ne manifeste qu'un acte intervenu en fraude des droits du bailleur, le peut suffire à assurer l'opposabilité du gage à Monsieur X... ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE, sur la constitution et l'opposabilité du gage, qu'il résulte d'une jurisprudence constante que, pour être opposable aux tiers, la constitution d'un gage doit être assortie de la dépossession effective, apparente, permanente et non équivoque du débiteur sur les biens gagés (Cour de cassation - chambre commerciale : 19 mars 1969 et 3 novembre 1980 - chambre civile 1: 4 janvier 1995) ; que ces conditions n'ont pas été remises en cause par les dispositions nouvelles issues de l'ordonnance du 23 mars 2006 portant réforme du droit des sûretés ; que l'article 2337 nouveau du Code civil pose, au contraire, la règle que « le gage est opposable aux tiers par la publicité qui en est faite », instituant ainsi un principe de publicité pour l'opposabilité du gage aux tiers ; que le deuxième alinéa de cet article, selon lequel le gage « est également opposable par la dépossession entre les mains du créancier ou d'un tiers convenu du bien qui ont fait l'objet» renforce l'expression de la volonté du législateur de conférer une visibilité à la constitution des gages ; que ces dispositions s'appliquent également aux gages commerciaux, dont les particularités concernent seulement la preuve de l'existence du gage et les conditions simplifiées de réalisation des biens gagés en cas de défaillance du débiteur ; qu'il résulte de la lettre et de l'esprit de la loi nouvelle que les tiers doivent être en mesure d'avoir connaissance de l'existence du gage sur les biens du débiteur, afin d'assurer la protection de leurs droits et la sécurité des obligations; qu'une dépossession occulte des biens du débiteur, soit entre les mains du créancier gagiste, soit entre les mains d'un tiers, ne répond pas aux exigences de la loi ; qu'en l'espèce, la convention du 23 avril 2008 par laquelle la SARL SAINT CHARLES NEGOCE ET REPRESENTATION a donné en gage à la BRED, en garantie de ses obligations envers la banque, les marchandises garnissant son fonds de commerce et stipulant, d'une part, que « les marchandises affectées en gage sont déposées dans les lieux de stockage de la société SEGAGE chez la SARL SAINT CHARLES NEGOCE ET REPRESENTATION, la société SEGAGE intervenant en qualité de tiers détenteur », d'autre part, « lieu d'entreposition : la société SEGAGE chez la SARL SAINT CHARLES NEGOCE ET REPRESENTATION faisant l'objet d'un prêt à usage en date du 16 mai 2007 passé entre la société et la société SEGAGE ». n a pas fait l'objet de la publicité prévue par l'article 2337, alinéa premier, du Code civil, réglée par le décret n° 2006-1804 du 23 décembre 2006 ; que pour être opposable aux tiers, le gage ainsi constitué devait être accompagné de la dépossession effective, apparente, permanente et non équivoque du débiteur sur les biens gagés, l'ordonnance du 23 mars 2006 n'ayant pas modifié les conditions de la dépossession du débiteur ayant constitué le gage, mais ayant au contraire entendu renforcer la protection des tiers en organisant une publicité des gages de droit commun ; or que la constitution du gage en cause stipule que les biens resteront dans les magasins de la débitrice, la SARL SAINT CHARLES NEGOCE ET REPRESENTATION, mais en possession de la société SEGAGE, laquelle est censée en avoir la possession en ce lieu pour le compte de la BRED, en vertu d'un contrat de prêt à usage qui n'est, au demeurant, pas produit aux débats ; qu'il n'est pas discuté, en l'espèce, que la société SEGAGE ne disposait à la Martinique ni d'entrepôts, ni de personnel susceptibles d'assurer une véritable mise en possession des biens gagés, qui nécessite, selon les termes mêmes de la condition de dépossession, que ceux-ci ne soient plus sous la détention et à la disposition du seul débiteur; que tel n'était manifestement pas le cas en l'espèce, la dépossession étant en outre fondée sur un prétendu contrat de prêt à usage qui donnait toute latitude à la société débitrice d'user pour son propre intérêt et à sa propre convenance des biens dont elle était pourtant prétendument dépossédée ; que la dépossession invoquée par la BRED est fictive ainsi, que le gage constitué par la SARL SAINT CHARLES NEGOCE ET REPRESENTATION au profit de la BRED ne répond à aucune des conditions de l'article 2337 du Code civil pour le rendre opposable aux tiers ; que le juge de l'exécution a le pouvoir de statuer sur toute difficulté de fond résultant de la contestation dont il est saisi ; que le 4 décembre 2009, la BRED a signé une réquisition de vente des marchandises gagées avec la société de ventes aux enchères publiques VOUTIER Associés ; que la vente, dont le procès-verbal n'est pas communiqué aux débats, était prévu aux enchères publiques menées les 7 et 8 décembre 2009 à Rivière Salée et semble s'être déroulée à cette date, au vu de l'article de presse communiqué par le demandeur décrivant des marchandises "bradées" ; que le produit de la vente est inconnu, mais paraît avoir porté sur la totalité des 185 palettes de jouets que la SARL SAINT CHARLES NEGOCE ET REPRESENTATION avaient entreposées dans les locaux loués à Monsieur X... et saisies par lui ; que la saisie des biens les rendait indisponibles en application de l'article 91 du décret du 31 juillet 1992 ; que la vente aux enchères publiques opérée à la réquisition de la BRED par le commissaire-priseur VOUTIER Associés est inopposable à Monsieur X..., faute pour la banque de disposer d'un droit de gage régulier lui même opposable à M. X... ; que l'opposabilité de la vente irrégulièrement réalisée n'entraîne pas la nullité de celle-ci, mais oblige la BRED à replacer Monsieur X... dans les droits tirés de la procédure de saisie-vente qu'il n'a pu exercer ; que ces droits portent, avant tout, sur l'appréhension du produit de la vente aux enchères des biens qui aurait du être réalisée au profit du créancier saisissant ; que, par ailleurs, à défaut d'avoir dénoncé à Monsieur X... une opposition dans les formes des articles 118 et 119 du décret du 31 juillet 1992, la BRED ne peut participer à la distribution du prix des marchandises vendues ; qu'en conséquence, Monsieur X... est bien-fondé à revendiquer le versement de l'intégralité du produit de la vente indûment encaissé par la BRED ; que compte tenu des termes et circonstances du litige, il convient d'assortir la condamnation d'une astreinte d'un montant suffisant pour en garantir l'exécution diligente effective ;
ALORS, D'UNE PART, Qu'en application de l'article 2337 du Code civil, le gage est opposable par la dépossession entre les mains du créancier ou d'un tiers convenu du bien qui en fait l'objet ; qu'en se bornant à énoncer que, s'il est exact que les parties ont institué la société SEGAGE comme tiers détenteur, « cette dernière a déclaré détenir les biens gagés dans les magasins du constituant, ce qui a pour effet d'annuler l'effet de publicité de la dépossession, en rendant celle-ci fictive », sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si les mentions apposées aussi bien sur les lieux où étaient entreposées les marchandises gagées que sur ces marchandises, mentions qui avaient été expressément constatées par huissier, ne suffisaient pas à donner à la dépossession un caractère d'apparence suffisant destiné à informer les tiers du dessaisissement de celui qui avait constitué le gage, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2337 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le contrat de bail signé entre Monsieur X... et la société SCNR énonçait, en son article 7, que « le PRENEUR ne pourra dans aucun cas et sous aucun prétexte céder son droit au présent bail, ni sous-louer tout ou partie les locaux loués, sans le consentement exprès et par écrit du BAILLEUR » ; qu'en énonçant, pour juger que la présence d'un affichage dans et sur les locaux repris par le bailleur constituait un acte intervenu en fraude des droits du bailleur, que la SNCR avait contrevenu aux dispositions de son bail pour avoir mis à la disposition une partie des locaux loués à la société SEGAGE, acte qui n'était pourtant nullement interdit par le contrat de bail signé le 22 février 2008, la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce contrat et a, dès lors, violé les dispositions de l'article 1134 du Code civil ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE, selon l'article 128 du décret du 31 juillet 1992, le tiers qui se prétend propriétaire d'un bien saisi peu demander au juge de l'exécution d'en ordonner la distraction ; qu'en énonçant, pour juger que Monsieur X... n'avait aucun moyen de douter de l'efficacité de sa saisie, que le texte précité ouvrait une action en distraction devant le Juge de l'exécution à la BRED, qui ne revendiquait pourtant pas la qualité de propriétaire des biens, mais seulement celle de créancier gagiste, la Cour d'appel a violé, par fausse application, les dispositions de ce texte ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE la BRED avait produit aux débats le procès-verbal d'expulsion du 30 septembre 2009 (pièce n° 9), établi à la demande de Monsieur X..., dans lequel était expressément constatée la présence de marchandises stockées au profit de la société SEGAGE en sa qualité de tiers détenteur, ainsi que le procès-verbal de constat du 15 octobre 2009 (pièce n° 10), établi par la SCP PARENT et DESNEUF, dans lequel cet huissier de justice, également rédacteur de l'acte de saisie vente du 20 octobre 2009, avait procédé aux mêmes constatations et, enfin, la lettre qu'elle avait adressée, le 17 novembre 2009, à ce même Huissier de justice en lui précisant sa « qualité de créancier inscrit titulaire d'un gage spécial sur le stock de marchandises objet de cette saisie » (pièce n° 7) ; que la Cour d'appel qui, après avoir rappelé que l'article 130 du décret du 31 juillet 1992 permettait à la BRED de saisir de sa contestation sur la saisissabilité des biens au regard de son droit de gage, l'huissier qui lui-même devait saisir le juge de l'exécution de cette difficulté d'exécution, a néanmoins jugé qu'à défaut de toute manifestation de la BRED en vertu notamment du texte rappelé, Monsieur X... n'avait aucun moyen de douter de l'efficacité de sa saisie, a dénaturé les pièces régulièrement versées aux débats par l'exposante, en violation de l'article 1134 du Code civil.
ALORS, ENFIN, QUE la procédure d'opposition prévue par les articles 118 et 119 du décret du 31 juillet 1992 n'est applicable qu'aux créanciers visés par l'article 50 de la loi du 9 juillet 1992 et ne s'applique pas, en conséquence, aux créanciers bénéficiaires d'un droit de gage avec dépossession lesquels peuvent, en application de l'article 2347 du Code civil, se voir attribuer le bien en pleine propriété ; qu'en énonçant, par motifs adoptés des premiers juges, qu'à défaut d'avoir dénoncé à Monsieur X... une opposition dans les formes des articles 118 et 119 du décret du 31 juillet 1992, la BRED ne pouvait participer à la distribution du prix des marchandises vendues, la Cour d'appel a violé, par fausse application, les dispositions de ces textes.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la BRED à payer à Monsieur X... la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE, la totalité des développements ci-dessus, caractérise la déloyauté et la mauvaise foi dont a fait preuve la BRED pour parvenir à ses fins à savoir la vente forcée des biens régulièrement saisis par un tiers et donc indisponibles au mépris de toutes les règles procédurales applicables, qui auraient dû conduire les parties à faire trancher par la juridiction compétente le litige relatif à la saisissabilité des biens ou à la primauté du gage sur le privilège du bailleur, avant la vente des biens et la distribution équitable du prix de vente entre les créanciers ; que la faute de la BRED a causé à Monsieur X... un préjudice consistant en la remise en cause de l'efficacité de sa saisie, la nécessité de recourir à la présente procédure, puis la privation pendant plusieurs mois de la somme qui aurait dû lui revenir ; que ce préjudice peut être évalué à la somme de 5.000 euros qui lui sera allouée à titre de dommages-intérêts, mais sur le fondement de l'article 24 alinéa 2 de la loi du 9 juillet 1991, et non pas l'article 31 du décret du 31 juillet 1992 qui ne concerne que la sanction de la partie qui saisit abusivement le premier président d'une demande de sursis à exécution ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen qui s'attaque au chef de l'arrêt ayant confirmé le jugement déféré en ce qu'il avait condamné la BRED à signifier à Monsieur X... le procès-verbal de vente et à lui restituer le produit de la vente dans la limite de 48.125,56 euros, le tout sous astreinte de 300 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours suivant la signification du jugement, entraînera, par voie de conséquence, en application de l'article 625 du Code de procédure civile la censure de ce chef de l'arrêt ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la cassation à intervenir sur le deuxième moyen qui s'attaque au chef de l'arrêt ayant confirmé le jugement déféré en ce qu'il avait déclaré le gage et sa réalisation inopposables à la procédure de saisie-vente initiée par Monsieur X..., entraînera, également par voie de conséquence, en application de l'article 625 du Code de procédure civile la censure de ce chef de l'arrêt.