LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 14 juin 2013), que de l'union de M. X... et Mme Y... sont nés Kevin et Benjamin X..., respectivement les 4 novembre 1996 et 4 octobre 1997 ; qu'ils ont été placés dès leur plus jeune âge par le juge des enfants ; que le père a cessé toute relation avec eux à compter de novembre 2006 ; que, par requête du 16 mars 2012, le président du conseil général a saisi un juge aux affaires familiales afin de voir déléguer au conseil général l'exercice de l'autorité parentale sur les mineurs, demande qui a été accueillie après avis favorable du procureur de la République et du juge des enfants ;
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt d'ordonner une délégation partielle de l'exercice de l'autorité parentale au conseil général et de dire que celui-ci exercera tous les attributs de l'autorité parentale à l'égard des deux enfants, à l'exception de ceux relatifs à leur scolarité et leur orientation, conservés par leur mère ;
Attendu que la cour d'appel a relevé que les enfants avaient rapidement exprimé le souhait de ne plus rencontrer leur mère, de sorte que les visites avaient définitivement cessé à compter du mois d'août 2008, que si Mme Y... signait très ponctuellement des autorisations pour les deux mineurs, elle ne se rendait pas aux convocations du juge des enfants et ne se manifestait que très rarement à leur égard en leur adressant des lettres, que les mineurs, qui évoluaient bien, refusaient tout contact avec leur mère, formant des projets pour eux-mêmes sans lien avec leur famille et rejetant toute idée d'une intervention de Mme Y..., à qui ils ne reconnaissaient aucune légitimité à ce titre, que néanmoins, il ne pouvait plus être soutenu que Mme Y... se désintéressait totalement de ses enfants contrairement à une période passée, ni qu'elle ne pouvait exercer ponctuellement l'autorité parentale si elle était invitée à le faire et accompagnée, dès lors qu'aidée et soutenue, elle était en mesure de prendre des nouvelles de ses enfants et de rencontrer les services de l'aide sociale à l'enfance ; qu'ayant ainsi caractérisé l'impossibilité pour la mère d'exercer, en partie, l'autorité parentale, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a pu décider, sans méconnaître les exigences conventionnelles du droit au respect de la vie familiale, que l'exercice de l'autorité parentale devait être partiellement délégué au conseil général, Mme Y... conservant la possibilité de l'exercer pour le suivi scolaire et l'orientation des enfants ; que le moyen, qui critique en sa deuxième branche des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour Mme Y...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR ordonné une délégation partielle de l'autorité parentale au Conseil général du Maine et Loire qui exercera tous les attributs de l'autorité parentale à l'égard des deux enfants à l'exception de leur scolarité et de leur orientation conservés par leur mère ;
AUX MOTIFS QUE « par requête déposée le 16 mars 2012, le président du conseil général du Maine et Loire, représenté par Madame Z..., inspecteur de l'enfance a saisi le juge aux affaires familiales aux fins de voir déléguer l'exercice de l'autorité parentale à l'égard des enfants Benjamin et Kevin au conseil général de Maine et Loire. Le juge des enfants et le procureur de la République ont donné un avis favorable à cette demande les 26 mars et 4 avril 2012. Aux termes du 2ème alinéa de l'article 377 du code civil, " en cas de désintérêt manifeste ou si les parents sont dans l'impossibilité d'exercer tout ou partie de l'autorité parentale, le particulier, l'établissement ou le service départemental de I'aide sociale à l'enfance qui a recueilli l'enfant ou un membre de sa famille peut également saisir le juge aux fins de ses faire déléguer totalement ou partiellement l'exercice de l'autorité parentale ". De l'union de Monsieur Joachim X... et de Madame Manuella Y... sont nés : Benjamin, Joaquim, Pedro X... né le 4 octobre 1997 à Cholet reconnu par ses deux parents-Kévin, Joaquim X... né le 4 novembre 1996 à Angers reconnu également par ses deux parents. La situation familiale a été connue du juge des enfants très rapidement. Compte tenu des difficultés du couple, de l'instabilité du couple, de la fragilité et de l'errance de Madame Y..., Kévin était placé très rapidement de sorte qu'il n'a jamais vécu avec ses parents ; Benjamin était quant à lui placé en 1999 dans un contexte très difficile compte tenu de la violence régnant au sein du couple. Le couple finissait par se séparer en 2000. Le placement des deux mineurs était régulièrement renouvelé et les liens entre les parents et les enfants étaient notés comme difficiles. Si dans un premier temps, Monsieur X... se montrait régulier dans ses liens avec son fils, il cessait toute visite à compter du mois de novembre 2006 et ne donnait plus aucune nouvelle à ses enfants. Il cessait absolument toute relation et ne signait aucun document relatif les concernant. Madame Y... malgré ses difficultés venait à quelques visites mais il s'avérait que les rencontres mère-enfants se révélaient très angoissantes pour les deux enfants. Ces derniers exprimaient rapidement le souhait de ne plus la rencontrer de sorte que les visites cessaient définitivement à compter du mois d'août 2008. Ce n'est que très ponctuellement que Madame Y... signait différentes autorisations pour les deux mineurs, pour autant elle ne se rendait pas aux convocations du juge des enfants et ne se manifestait que très rarement à l'égard des deux mineurs en leur adressant des courriers que ces derniers ne lisaient d'ailleurs pas. Les deux mineurs évoluaient bien et refusaient tout lien avec leur mère, formant des projets pour eux mêmes et ne voulant pas de lien avec leur famille. Ils rejettent toute idée d'une intervention de leur mère et ne lui reconnaissent aucune légitimité en tant que mère. Sur ce : A ce jour, il ne peut qu'être constaté que Madame Y... se mobilise à la hauteur de ses moyens pour ses enfants. Soutenue et aidée, elle est en mesure de prendre régulièrement des nouvelles de ces derniers et respecte le fait qu'ils ne souhaitent pas la rencontrer. Les services de l'aide sociale à l'enfance ont désormais la possibilité de rencontrer Madame Y... qui est elle-même en mesure de répondre à cette attente. Il ne peut être soutenu que Madame Y... se désintéresse totalement de ses enfants contrairement à une période passée ; il ne peut non plus être soutenu qu'elle n'est pas en mesure d'exercer ponctuellement son autorité parentale si elle y est invitée et accompagnée. En conséquence, afin d'une part de rassurer les mineurs qui doivent pouvoir être protégés rapidement notamment lorsqu'ils ont besoin d'autorisations de soins tout en permettant à Madame Y... d'être associée aux décisions relatives à la scolarité des mineurs, il y a lieu d'ordonner une délégation partielle de l'autorité parentale aux services du conseil général et de laisser à Madame Y... la possibilité d'exercer son autorité parentale uniquement pour le suivi et l'orientation de ses enfants en sachant qu'en cas de nouvelle défaillance, le juge des enfants pourrait alors exercer les attributions lui permettant de garantir les projets des deux jeunes mineurs. C'est en ce sens que la décision sera réformée » ;
ALORS QU'aux termes de l'article 377 alinéa 2 du code civil, en cas de désintérêt manifeste ou si les parents sont dans l'impossibilité d'exercer tout ou partie de l'autorité parentale, le service départemental de l'Aide sociale à l'enfance qui a recueilli l'enfant peut saisir le juge aux fins de se faire déléguer totalement ou partiellement l'exercice de l'autorité parentale ; que la cour d'appel a ordonné une délégation partielle de l'autorité parentale au Conseil général du Maine et Loire consistant à exercer tous les attributs de l'autorité parentale à l'égard des deux enfants à l'exception de leur scolarité et de leur orientation, bien qu'elle ait relevé qu'au jour de la demande de délégation d'autorité parentale, la mère se mobilisait à la hauteur de ses moyens pour ses enfants, que soutenue et aidée elle était en mesure de prendre régulièrement de leurs nouvelles et que les services de l'Aide sociale à l'enfance avaient désormais la possibilité de rencontrer Madame Y... qui elle-même, était en mesure de répondre à cette attente ; que la cour d'appel aurait du déduire de ses énonciations que l'impossibilité pour Madame Y... d'exercer en partie son autorité parentale n'était pas établie ; que la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 377 alinéa 2 du code civil ;
ET ALORS que les juges du fond doivent caractériser l'impossibilité pour le père ou la mère d'exercer tout ou partie de l'autorité parentale ; que pour ordonner une délégation partielle de l'autorité parentale au Conseil général du Maine et Loire, la cour d'appel s'est bornée à affirmer qu'il convenait de rassurer les enfants qui ne souhaitaient pas rencontrer leur mère et qui devaient pouvoir être protégés rapidement notamment lorsqu'ils ont besoin d'autorisation de soins ; qu'en statuant par ces motifs qui ne sont pas de nature à caractériser l'impossibilité pour Madame Y... d'exercer, en partie, son autorité parentale à l'égard de ses enfants, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 377 alinéa 2 du code civil ;
ALORS, PAR AILLEURS, QU'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ; qu'il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi, qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui et que la mesure est proportionnée au but poursuivi ; que la délégation même partielle de l'exercice de l'autorité parentale, prévue par la loi, constitue une ingérence certaine dans le respect de la vie privée et familiale puisqu'elle est une atteinte incontestable aux droits parentaux ; que dès lors cette mesure doit être strictement nécessaire et proportionnée au but légitime de la protection de l'enfant ; que la cour d'appel a ordonné une délégation partielle d'autorité parentale au Conseil général du Maine et Loire, lors même qu'elle a constaté que l'intéressée se mobilisait à la hauteur de ses moyens pour ses enfants, que soutenue et aidée elle était en mesure de prendre régulièrement de leurs nouvelles et que les services de l'Aide sociale à l'enfance avaient désormais la possibilité de rencontrer Madame Y... qui elle-même, était en mesure de répondre à cette attente ; qu'il en résultait que la délégation partielle d'autorité parentale ordonnée qui n'était ni nécessaire, ni proportionnée au but légitime de protection des deux enfants portait atteinte à la vie privée et familiale de ces derniers et de leur mère ; que la cour d'appel a violé l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
ET ALORS ENFIN QUE l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme met à la charge de l'Etat des obligations positives inhérentes au respect effectif de la vie familiale ; que l'Etat doit agir de manière à permettre au lien familial de se développer ; qu'en accordant au Conseil général du Maine et Loire une délégation partielle d'autorité parentale consistant à exercer tous les attributs de l'autorité parentale à l'égard des deux enfants à l'exception de leur scolarité et de leur orientation sans vérifier, ainsi qu'elle y était pourtant invitée par Madame Y... dans ses conclusions, si cette mesure n'était pas directement contraire à l'obligation de l'Etat de prendre toutes les mesures nécessaires au développement du lien familial entre Madame Y... et ses enfants qui se mobilisait pour eux, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.