La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/07/2014 | FRANCE | N°13-60267;13-60268

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 juillet 2014, 13-60267 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° B 13-60.267 et C 13-60.268 ;Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Lyon, 21 octobre 2013) que l'Union locale des syndicats CGT de Lyon Vaise (l'Union) a désigné le 12 août 2013, M. X... en qualité de représentant de la section syndicale au sein de la société Jentel ; que cette dernière a demandé l'annulation de cette désignation ; Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :Attendu que M. X... et l'Union font grief au jugement

d'annuler la désignation, alors, selon le moyen : 1°/ que lorsque l'...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° B 13-60.267 et C 13-60.268 ;Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Lyon, 21 octobre 2013) que l'Union locale des syndicats CGT de Lyon Vaise (l'Union) a désigné le 12 août 2013, M. X... en qualité de représentant de la section syndicale au sein de la société Jentel ; que cette dernière a demandé l'annulation de cette désignation ; Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :Attendu que M. X... et l'Union font grief au jugement d'annuler la désignation, alors, selon le moyen : 1°/ que lorsque l'employeur conteste la désignation d'un représentant de section syndicale en alléguant que l'effectif de l'entreprise est inférieur à cinquante salariés, il lui appartient de communiquer les éléments de preuve relatifs à cet effectif sur la période de référence prévue à l'article L. 2143-3 du code du travail, y compris ceux concernant les salariés mis à disposition de l'entreprise ; que pour annuler la désignation de M. X... après avoir rejeté la demande de M. X... et de l'union locale CGT tendant à obtenir la communication de tous les contrats de travail et de mise à disposition régularisés depuis novembre 2009, le tribunal a retenu qu'il « n'est pas apporté la preuve par M. X... et le syndicat CGT, ni même un commencement de preuve, de ce que certains salariés susceptibles d'être inclus dans le calcul des effectifs de l'entreprise auraient été omis ou exclus ; il n'est pas justifié d'ailleurs, en dehors d'allégations sans fondement objectif, de la réalité de salariés mis à disposition de la société Jentel » ; qu'en statuant comme il l'a fait alors que la charge de la preuve incombait à la société Jentel, le tribunal a violé l'article 1315 du code civil ; 2°/ que M. X... et le syndicat CGT se sont prévalus d'une attestation de Mme Z... datée du 15 novembre 2012 qui déclarait être salariée par UPTO France et mise à disposition de la société Jentel (attestation qui avait été produite par la société Jentel dans le cadre d'un autre litige) ; que le tribunal a affirmé qu'il « n'est pas justifié d'ailleurs, en dehors d'allégations sans fondement objectif, de la réalité de salariés mis à disposition de la société Jentel¿» ; qu'en statuant comme il l'a fait sans examiner ni s'expliquer sur l'attestation de Mme Z... datée du 15 novembre 2012 qui déclarait être salariée par UPTO France et mise à disposition de la société Jentel, le tribunal d'instance n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; Mais attendu que, sous le couvert de grief non fondé de vice de motivation, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine portée par le juge du fond, qui au vu des éléments de fait et de preuve produits devant lui et sans inverser la charge de la preuve, a constaté que le seuil d'effectifs au-delà duquel est reconnu aux organisations syndicales non représentatives le droit de désigner un représentant de la section syndicale n'était pas atteint ; que le moyen n'est pas fondé ;Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Attendu que M. X... et l'Union font grief au jugement d'annuler la désignation, alors, selon le moyen, que, d'une part, le droit fondamental relatif à l'information et à la consultation des travailleurs, reconnu par l'article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, tel que précisé par les dispositions de la Directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2002, établissant un cadre général relatif à l'information et à la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, peut être invoqué dans un litige entre particuliers aux fins de vérifier la conformité d'une mesure nationale de transposition de la directive ; que, d'autre part, le seuil à prendre en compte, s'agissant des entreprises ne comptant qu'un seul établissement, pour l'application de ladite directive, est celui de l'établissement, soit vingt travailleurs ; que le tribunal d'instance, qui a annulé la désignation de M. X... aux motifs que l'effectif était inférieur à cinquante salariés, a violé les articles 27 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et L. 2142-1-1 du code du travail interprété à la lumière des articles 1, 2 et 3 de la Directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 ; Mais attendu que la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 15 janvier 2014, AMS, affaire C-176/12), a dit pour droit que l'article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, seul ou en combinaison avec les dispositions de la directive du 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, doit être interprété en ce sens que, lorsqu'une disposition nationale de transposition de cette directive est incompatible avec le droit de l'Union, cet article de la Charte ne peut pas être invoqué dans un litige entre particuliers afin de laisser inappliquée ladite disposition nationale ;Qu'il en résulte que le tribunal a exactement décidé que les dispositions de la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2002, ne pouvaient être invoquées dans un litige entre particulier ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne :REJETTE les pourvois ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.Moyen commun produit aux pourvois n° B 13-60.267 et C 13-60.268 par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour le syndicat Union locale CGT de Lyon Vaise et M. X.... Le moyen reproche au jugement attaqué d'AVOIR reçu la contestation de la SARL JENTEL et annulé la désignation de Monsieur Rachid X... par l'Union locale des syndicats CGT 5e et 9e, en qualité de représentant de section syndicale ; AUX MOTIFS QUE la désignation d'un représentant syndical dans l'entreprise ou dans l'établissement par les organisations syndicales, soit en application de l'article L. 2142-1-1 du Code du travail s'agissant des organisations syndicales non représentatives, soit en application de l'article L. 2143-3 du Code du travail, s'agissant des organisations syndicales représentatives, est subordonnée à la présence au sein de l'entreprise ou de l'établissement de cinquante salariés ou plus ; le 12 août 2013, l'Union locale des Syndicats CGT Lyon 5e et 9e ont désigné Rachid X... en qualité de représentant de section syndicale ; de la jurisprudence constante, il ressort que la régularité de la désignation d'un représentant de la section syndicale doit s'apprécier au regard des articles L 2142-1 et -1-1, à la date de sa désignation ; de même, selon une jurisprudence désormais établie, et non contestée par les parties, lorsque le syndicat fait valoir que les salariés s'opposent à la révélation de leur adhésion, le Juge peut aménager le contradictoire en autorisant le syndicat à lui fournir non contradictoirement les éléments nominatifs de preuve dont il dispose ; ainsi, des pièces remises par le Syndicat CGT, il apparaît qu'à la date du 12 août 2013, date de désignation de Monsieur X..., le syndicat pouvait compter parmi ses membres, l'adhésion d'au moins deux salariés justifiée par la production des bulletins d'adhésion et du paiement de la cotisation afférente ; c'est l'article L 1111-2 du Code du travail qui précise les modalités de décompte des salariés de l'entreprise ; il sera rappelé que le Conseil des Prud'hommes a compétence exclusive pour décider d'une requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et que si au cas d'espèce, elle a pu, étant saisie d'une demande d'autorisation de fin de CDD, considérer que la relation liant Monsieur X... à la société JENTEL pouvait être qualifiée de CDI, l'autorité administrative que constitue la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi n'a pas d'attribution de requalification et son appréciation ne saurait préjuger de la décision d'une juridiction judiciaire ; au surplus, force est de constater qu'il n'est pas justifié d'instances en cours tendant à la reconnaissance de CDI ; par ailleurs, ni Monsieur X... ni la section locale CGT n'ont qualité pour agir au nom et pour le compte de salariés qui pourraient être concernés par une telle requalification ; enfin, conformément aux dispositions de l'article 49 du Code de procédure civile, il n'appartient pas à ce tribunal, saisi d'une demande d'annulation d'une désignation de représentant de section syndicale, de se prononcer sur ces éventuelles et hypothétiques requalifications concernant des salariés dont l'identité est totalement inconnue, seul les défendeurs alléguant, de façon péremptoire mais sans justification, de cas multiples similaires à celui de Monsieur X... ; il s'ensuit de manière évidente que ces salariés non identifiés exerçant sous contrat à durée déterminée ne peuvent être considérés comme faisant partie des effectifs de l'entreprise ; Et AUX MOTIFS QUE par ailleurs, Monsieur X... et la section CGT considèrent que le seuil de 20 salariés tel qu'il est défini par la directive 2002/14/CE a vocation à s'appliquer en tout état de cause ; néanmoins, force est de rappeler que, si comme pour toute directive, la directive 2002/14/CE peut jouer « à l'encontre de toute disposition nationale non conforme à la directive ou encore en tant qu'elles sont de nature à définir des droits que les particuliers sont en mesure de faire valoir à l'égard de l'État », d'après la jurisprudence de la CJCE, elle ne peut en revanche, produire un effet direct "horizontal" parce qu'il est de jurisprudence constante qu'« une directive ne peut pas par elle-même créer d'obligations dans le chef d'un particulier et qu'une disposition d'une directive ne peut donc pas être invoquée en tant que telle à rencontre d'une telle personne » ; par ailleurs, s'il existe une instance pendante devant la Cour de Justice de l'Union Européenne saisie d'une question préjudicielle par la Cour de cassation, sur la conformité de des exclusions des calculs d'effectifs de l'article L 1111-3 du Code de travail, il n'existe à ce jour aucune décision rendue par cette juridiction, et en l'état, le calcul des effectifs doit être regardé à l'aune des normes législatives et réglementaires nationales ; en conséquence, en l'état du droit actuel, à défaut de transposition de la directive en droit interne, seules les dispositions du Code du travail ont vocation à s'appliquer dans l'appréciation du calcul des effectifs d'une entreprise ; au présent cas, la société JENTEL produit l'intégralité du registre unique du personnel, en original ; il n'appartient pas à ce tribunal d'en apprécier la validité ; néanmoins, il sera relevé que de manière formelle, ce registre n'est sujet à aucune critique et qu'il constitue un élément pertinent pour la détermination des effectifs de la société ; les défendeurs critiquent la force probante de l'attestation du Cabinet Orial, expert comptable de la société JENTEL, selon laquelle l'effectif de cette société est inférieur à 50 salariés sur la période 2010, 2011 et 2012 ; toutefois, ils n'apportent aucun élément de nature à suspecter cette sincérité ; d'autant que la lecture approfondie du registre unique du personnel de même que le tableau établi par l'employeur, détaillant mois après mois sur la période janvier 2010 à août 2013, en y intégrant conformément aux dispositions légales, les "équivalents temps plein", les CDD pour le remplacement de salariés absents et les contrats d'intérim pour le remplacement de salariés absents confortent l'attestation d'Orial en ce qu'à aucun moment sur cette période, la société JENTEL n'a dépassé le seuil de 50 salariés ; il n'est pas apporté la preuve par Monsieur X... et le Syndicat CGT, ni même un commencement de preuve, de ce que certains salariés susceptibles d'être inclus dans le calcul des effectifs de l'entreprise auraient été omis ou exclus ; il n'est pas justifié d'ailleurs, en dehors d'allégations sans fondement objectif, de la réalité de salariés mis à disposition de la société JENTEL ; pour ces raisons, la demande des défendeurs tendant à obtenir la communication de tous les contrats de travail et de mise à disposition régularisés depuis novembre 2009 sera purement et simplement rejetée ; il est donc amplement démontré par les pièces produites par JENTEL que celle-ci compte un effectif de moins de 50 salariés ; il s'en déduit que faute pour Monsieur X... d'avoir été élu en qualité de délégué du personnel et faute de démontrer l'existence de conventions ou accords collectifs comportant des clauses plus favorables, sa désignation en tant que représentant de section syndicale est irrégulière ; elle sera en conséquence annulée ; ALORS QUE lorsque l'employeur conteste la désignation d'un représentant de section syndicale en alléguant que l'effectif de l'entreprise est inférieur à cinquante salariés, il lui appartient de communiquer les éléments de preuve relatifs à cet effectif sur la période de référence prévue à l'article L. 2143-3 du code du travail, y compris ceux concernant les salariés mis à disposition de l'entreprise ; que pour annuler la désignation de Monsieur JENTEL après avoir rejeté la demande de Monsieur JENTEL et de l'union locale CGT tendant à obtenir la communication de tous les contrats de travail et de mise à disposition régularisés depuis novembre 2009, le tribunal a retenu qu'il « n'est pas apporté la preuve par Monsieur X... et le Syndicat CGT, ni même un commencement de preuve, de ce que certains salariés susceptibles d'être inclus dans le calcul des effectifs de l'entreprise auraient été omis ou exclus ; il n'est pas justifié d'ailleurs, en dehors d'allégations sans fondement objectif, de la réalité de salariés mis à disposition de la société JENTEL » ; qu'en statuant comme il l'a fait alors que la charge de la preuve incombait à la sté JENTEL, le tribunal a violé l'article 1315 du code civil ; Et ALORS QUE Monsieur X... et le Syndicat CGT se sont prévalus d'une attestation de Mademoiselle Stéphanie Z... datée du 15 novembre 2012 qui déclarait être salariée par UPTO France et mise à disposition de la SARL JENTEL (attestation qui avait été produite par la société JENTEL dans le cadre d'un autre litige) ; que le tribunal a affirmé qu'il « n'est pas justifié d'ailleurs, en dehors d'allégations sans fondement objectif, de la réalité de salariés mis à disposition de la société JENTEL¿ » ; qu'en statuant comme il l'a fait sans examiner ni s'expliquer sur l'attestation de Mademoiselle Stéphanie Z... datée du 15 novembre 2012 qui déclarait être salariée par UPTO France et mise à disposition de la SARL JENTEL (attestation visée dans les conclusions et produite aux débats), le tribunal d'instance n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; ALORS, par ailleurs, QUE d'une part, le droit fondamental relatif à l'information et à la consultation des travailleurs, reconnu par l'article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, tel que précisé par les dispositions de la Directive 2002/ 14/ CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2002, établissant un cadre général relatif à l'information et à la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, peut être invoqué dans un litige entre particuliers aux fins de vérifier la conformité d'une mesure nationale de transposition de la directive ; que d'autre part, le seuil à prendre en compte, s'agissant des entreprises ne comptant qu'un seul établissement, pour l'application de ladite directive, est celui de l'établissement, soit 20 travailleurs ; que le tribunal d'instance, qui a annulé la désignation de Monsieur X... aux motifs que l'effectif était inférieur à 50 salariés, a violé les articles 27 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et L 2142-1-1 du code du travail interprété à la lumière des articles 1, 2 et 3 de la Directive 2002/ 14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-60267;13-60268
Date de la décision : 09/07/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Lyon, 21 octobre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 jui. 2014, pourvoi n°13-60267;13-60268


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP de Nervo et Poupet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.60267
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award