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08/07/2014 | FRANCE | N°13-18955

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 08 juillet 2014, 13-18955


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Euridis ingénierie (la société Euridis), qui exerce depuis 2000 une activité d'assistance aux maîtres d'oeuvre et aux maîtres d'ouvrage dans le secteur industriel, a employé MM. X... et Y... en qualité de salariés à compter de l'année 2005 ; que leur contrat de travail, suspendu en juillet 2008 lors de leur nomination en qualité de cogérants de la société, a été contractuellement rompu aux termes d'un protocole d'accord du 26 mars 2010 les autorisant

à se rétablir librement, sous réserve de ne pas utiliser les données conçu...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Euridis ingénierie (la société Euridis), qui exerce depuis 2000 une activité d'assistance aux maîtres d'oeuvre et aux maîtres d'ouvrage dans le secteur industriel, a employé MM. X... et Y... en qualité de salariés à compter de l'année 2005 ; que leur contrat de travail, suspendu en juillet 2008 lors de leur nomination en qualité de cogérants de la société, a été contractuellement rompu aux termes d'un protocole d'accord du 26 mars 2010 les autorisant à se rétablir librement, sous réserve de ne pas utiliser les données conçues et acquises au cours de la période d'activité commune, à l'exception d'affaires et de fichiers limitativement désignés dans l'acte ; que la société Euridis, estimant que MM. X... et Y... avaient violé leur engagement contractuel au profit de la société Oreka Ouest (la société Oreka) créée en avril 2010 pour exercer une activité concurrente, et que cette dernière avait engagé sa responsabilité délictuelle à son égard, les a assignés pour concurrence déloyale ; Sur le moyen unique, pris en sa première branche :Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour rejeter les demandes de la société Euridis, l'arrêt retient que le courrier de M. Z... de la société Areva du 16 juin 2010 révèle certes que MM. X... et Y... disposaient d'informations et pouvaient même détenir des données sur des dossiers traités pour ces sociétés, mais qu'il ne caractérise pas d'utilisation illicite de ces données ; Attendu qu'en statuant ainsi, alors que par ce courrier, M. Z..., responsable du secteur des achats de la société Areva, informait la société Euridis que la société Oreka, venue lui proposer ses prestations, avait effectué une présentation dans laquelle figuraient ou étaient citées "des informations correspondant en réalité à des documents, des livrables et des prises de vues issus de contrats conclus entre Areva et Euridis", et demandait des explications à cette dernière, compte tenu des clauses de confidentialité portées dans les contrats conclus entre elles deux, précisant que les éléments d'information et documents en possession de la société Oreka "proviennent indiscutablement d¿Euridis", de sorte qu'il résultait des termes clairs et précis de ce courrier que la société Oreka avait utilisé des données confidentielles acquises par la société Euridis aux fins de démarcher la société Areva, la cour d'appel a dénaturé ce document et violé le texte susvisé ; Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche :Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que, pour statuer comme il fait, l'arrêt retient que la lettre du 26 mars 2010 du responsable des achats de la société Areva ne caractérise pas une utilisation illicite des données traitées pour cette société ; Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'aux termes de l'article 12-3 du protocole d'accord du 26 mars 2010, les parties étaient convenues de s'abstenir de toute utilisation des données conçues et acquises au cours de la période d'activité commune, à l'exception de l'utilisation d'affaires et fichiers limitativement énumérés parmi lesquels ne figurait pas la société Areva, la cour d'appel a dénaturé cet acte et violé le texte susvisé ;PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 mars 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen, autrement composée ; Condamne MM. X... et Y... et la société Oreka Ouest aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer une somme globale de 3 000 euros à la société Euridis ingénierie et rejette leur demande ;Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la société Euridis ingénierie
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société EURIDIS INGENIERIE de ses demandes ; AUX MOTIFS QUE par arrêt du 8 novembre 2012, la Cour a rétracté l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Cherbourg ayant commis un huissier aux fins de constatations et de saisies documentaires au siège de la société Oreka ; qu'il s'en évince que le procès-verbal de constat et de saisie de Maître Bazin en date du 21 mai 2012 a été dressé dans un lieu privé sans autorisation judiciaire valable ; cette irrégularité fait grief à la société Oreka ainsi qu'à messieurs X... et Y..., dès lors que la société Euridis fondait devant les premiers juges sa demande essentiellement sur cette pièce ; ce procèsverbal sera donc annulé ; il conviendra en conséquence d'ordonner la restitution des documents saisis, sans toutefois qu'il y ait matière à assortir cette condamnation d'une astreinte ; qu'aux termes de l'article 12-3 du protocole d'accord du 26 mars 2010, les parties sont convenues de laisser messieurs X... et Y... libres de se rétablir dans une activité concurrente avec pour seule limite « la prohibition de tous actes de concurrence déloyale, convenant notamment de s'abstenir de tout acte de dénigrement, d'utilisation des données conçues et acquises au cours de la période d'activité commune à l'exception de l'utilisation (¿) possible de toutes les images et dossiers antérieurs à la création d'Euridis Ingénierie » ainsi que de diverses affaires spécialement désignées ; qu'outre le rappel surabondant des règles légales relatives à la concurrence déloyale, cette clause s'analyse en un accord de confidentialité interdisant essentiellement à messieurs X... et Y... d'utiliser des données conçues ou obtenues entre 2006, date à laquelle la société Euridis est devenue la société Euridis Ingénierie lors de l'entrée de messieurs X... et Y... dans le capital, et 2010, date à laquelle ces derniers ont été démis leurs mandats sociaux et ont accepté une rupture conventionnelle de leurs contrats de travail ; que la société Euridis fonde ses demandes sur la prétendue violation par messieurs X... et Y... de cette clause, de nature à engager leur responsabilité contractuelle ainsi que la responsabilité délictuelle de la société Oreka, tiers complice ayant, selon elle, tiré profit de cette violation ; elle reproche plus précisément à la société Oreka d'avoir assuré sa promotion auprès de la clientèle en exploitant des documents ou en se prévalant de références couvertes par la clause de confidentialité ainsi que d'avoir utilisé des plans lui appartenant pour mener à bien l'étude d'agencement de la salle des commandes d'un réacteur nucléaire ; l'attestation de monsieur A..., selon qui monsieur X... aurait réclamé à son départ de l'entreprise une copie des données informatiques de celle-ci, ne suffit pas à établir la violation de l'engagement contractuel des appelants, dès lors que le témoin est uni à la société Euridis par un lien de subordination qui doit conduire à considérer ses propos avec une précaution et qu'en outre elle est contredite par celle de monsieur B... qui confirme avoir été sollicité pour réaliser cette copie dans le contexte d'un projet de séparation et de répartition des activités de la société Euridis entre les associés mais prétend aussi que cette copie intégrale, techniquement irréalisable, n'a en définitive pas été faite ; la société Euridis invoque par ailleurs une plaquette promotionnelle de la société Oreka reproduisant des images lui appartenant, mais elle prétend sans le démontrer que celles-ci étaient extraites de dossiers couverts par la clause de confidentialité ; de même, le courriel de monsieur C... de la société Saint-Gobain Nucléaire du 7 mai 2010, et le courrier de monsieur Z... de la société Areva du 16 juin 2010 révèlent certes que les appelants disposaient d'informations et pouvaient même détenir des dossiers traités pour ces sociétés mais elles ne caractérisent pas d'utilisation illicites de ces données ; qu'enfin, il n'est pas davantage démontré par la production du catalogue CERN 2012, rédigé en langue anglaise sans qu'une traduction ait été produite aux débats, d'utilisation illicite de données protégées par la clause de confidentialité ; qu'en effet, alors que les appelants soutiennent que ces dossiers avaient été traités antérieurement à la création de la société Euridis Ingénierie ou postérieurement à leur départ de l'entreprise, et que certaines données prétendument détournées leurs ont été transmises par des tiers, l'intimée n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que l'utilisation de données ou de références était bien relative à des dossiers traités au cours de la période d'activité de messieurs X... et Y... dans son entreprise que ces derniers s'étaient engagés à ne pas utiliser ; qu'en outre, monsieur Y... s'était engagé à assurer une assistance à la société Euridis après son départ de l'entreprise, et l'exécution de sa mission justifiait qu'il continue à détenir des données de l'entreprise ; enfin, rien ne démontre que les utilisations de données ou de références alléguées aient été de nature à créer une confusion dans l'esprit d'une clientèle composée de sociétés spécialisées opérant sur un marché étroit ; d'autre part, il n'est pas davantage prouvé que les plans du mobilier de la salle des commandes du réacteur nucléaire de Taishan aient été établis en utilisant ceux dressés par la société Euridis pour la centrale nucléaire de Flamanville, alors que la société Oreka soutient avoir reçu de son donneur d'ordre, l'entreprise d'ébénisterie James qui intervient déjà à Flamanville, divers documents à partir desquels elle a, avec des relevés sur pièces et des visites sur le site de Flamanville, recréé ses propres fichiers et édité ses propres plans ; qu'au demeurant, l'examen comparatif des plans litigieux montre qu'ils ne sont pas identiques et que la société Oreka a pris en compte les modifications techniques et dimensionnelles demandées par l'exploitant de la centrale de Taishan ; que les similitudes des plans porte en réalité davantage sur leur mise en forme et peut en outre ne résulter que des exigences de l'exploitant et du savoir-faire de Monsieur Y... qui a développé une longue expérience professionnelle dans le domaine de l'aménagement de salles de conduite ; qu'à cet égard, le courrier de la société James du 22 mai 2012 confirme que la société Oreka a bien établi les plans du mobilier sur la base des éléments fournis par son donneur d'ordre et ne contredit pas les explications des appelants ; 1° ALORS QUE dans son courrier du 16 juin 2010, le responsable du secteur des achats de la société AREVA indiquait que « dernièrement AREVA a vait été démarchée par des personnes de la société OREKA OUEST » et que « le contenu de la présentation qui leur a vait été faite par OREKA les a vait interpelé au plus haut point ; ¿ ; des informations correspondant en réalité à des documents, des livrables et des prises de vue issus de contrat conclus entre AREVA NC et EURIDIS figuraient ou étaient cités dans cette présentation » de la société OREKA (pièce n°16 selon bordereau de communication de pièce joint aux écritures d'appel de la société EURIDIS) ; qu'en affirmant que ce courrier révélait que la société OREKA OUEST et Messieurs X... et Y... « disposaient d'informations et pouvaient même détenir des données sur des dossiers traités pour » la société AREVA « mais ne caractéris ait pas d'utilisations illicites de ces données » (arrêt, p. 6, §2) quand il résultait des termes clairs et précis de ce courrier que la société OREKA utilisait au contraire ces données aux fins de démarcher la société AREVA, la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce courrier et ainsi violé l'article 1134 du Code civil ; 2° ALORS QUE l'article 12-3 du protocole d'accord du 26 mars 2010 prohibait toute « utilisation des données conçues et acquises au cours de la période d'activité commune » (pièce n°7 selon bordereau de communication de pièces joint aux écritures d'appel de la société EURIDIS INGENIERIE ; qu'en jugeant que l'utilisation, par la société OREKA, des données traitées par la société EURIS INGENIERIE pour la société AREVA à des fins de démarcher cette dernière société « ne caractéris ait pas d'utilisations illicites de ces données » (arrêt, p. 6, §2), la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'article 12-3 du protocole d'accord du 26 mars 2010 et ainsi violé l'article 1134 du Code civil ;3° ALORS QUE dans leurs conclusions d'appel, la société OREKA et Messieurs X... et Y... reconnaissaient eux-mêmes que Monsieur Y... avait, lorsqu'il travaillait au sein de la société EURIDIS INGENIERIE, élaboré une étude et un devis sur le dossier GANIL et qu'il s'était même engagé « à assurer une assistance à EURIDIS INGENIERIE après son départ de la société pour la gestion de plusieurs dossiers dont le dossier GANIL » (conclusions d'appel de la société OREKA et de Messieurs X... et Y..., p. 17, §6) ; qu'en jugeant que la société EURIDIS INGENIERIE « n'apport ait pas la preuve, qui lui incomb ait , que l'utilisation de données ou de références sur la catalogue CERN 2012 étaient relatives à des dossiers traités au cours de la période d'activité de messieurs X... et Y... » (arrêt, p. 6, §2), quand ce fait était reconnu par la société OREKA et Messieurs X... et Y..., au moins s'agissant du dossier GANIL et qu'il n'était ainsi pas litigieux, la Cour d'appel a dénaturé les termes du litige et ainsi violé l'article 4 du Code de procédure civile ; 4° ALORS QUE l'article 12-3 du protocole d'accord du 26 mars 2010 prohibait la seule « utilisation des données conçues et acquises au cours de la période d'activité commune » (pièce n°7 selon bordereau de communication de pièces joint aux écritures d'appel de la société EURIDIS INGENIERIE) ; qu'en jugeant, pour exclure la responsabilité de la société OREKA et de Messieurs X... et Y... au titre de l'utilisation des données du dossier GANIL dans le catalogue CERN 2012, que « monsieur Y... s'était engagé à assurer une assistance à la société Euridis après son départ de l'entreprise, et l'exécution de la mission justifiait qu'il continue à détenir des données de l'entreprise » (arrêt, p. 6, §3), quand la seule utilisation de ces données était fautive, peu important les conditions dans lesquelles elles avaient été obtenues, la Cour d'appel a dénaturé le protocole d'accord du 26 mars 2010 et ainsi violé l'article 1134 du Code civil ; 5° ALORS QU'en matière de concurrence déloyale, l'existence d'un préjudice s'infère nécessairement des actes déloyaux constatées ; qu'en jugeant que « rien ne démontr ait que les utilisations de données ou de références allégués aient été de nature à créer un confusion dans l'esprit d'une clientèle composée de sociétés spécialisées opérant sur un marché étroit » (arrêt, p. 6, §3) quand la seule violation des accords de confidentialité à des fins de démarchage générait un préjudice pour la société EURIDIS INGENIERIE, la Cour d'appel a, s'agissant des rapports avec Messieurs X... et Y..., violé l'article 1147 du Code civil. 6° ALORS QU'en matière de concurrence déloyale, l'existence d'un préjudice s'infère nécessairement des actes déloyaux constatées ; qu'en jugeant que « rien ne démontr ait que les utilisations de données ou de références allégués aient été de nature à créer un confusion dans l'esprit d'une clientèle composée de sociétés spécialisées opérant sur un marché étroit » (arrêt, p. 6, §3) quand la seule violation des accords de confidentialité à des fins de démarchage générait un préjudice pour la société EURIDIS INGENIERIE, la Cour d'appel a, s'agissant des rapports avec la société OREKA, violé l'article 1382 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-18955
Date de la décision : 08/07/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 28 mars 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 08 jui. 2014, pourvoi n°13-18955


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Fabiani et Luc-Thaler

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.18955
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