LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 juillet 2013), rendu après cassation (1re Civ., 6 octobre 2011, pourvoi n° 10-23. 606), que les 14, 16, 17 et 21 juin 2010, le site internet du journal en ligne Médiapart, publication dirigée par M. X..., a diffusé un article intitulé « Y..., D..., fraude fiscale : les secrets volés de l'affaire Z... », signé de MM. A... et B..., et relatant les agissements du maître d'hôtel de Mme Z..., lequel, voulant « piéger la milliardaire et son entourage », avait, dans la salle de son hôtel particulier où elle tenait ses réunions d'affaires, capté, du mois de mai 2009 au mois de mai 2010, au moyen d'un appareil enregistreur, les propos échangés entre elle-même et certains de ses proches, dont M. C..., gestionnaire de sa fortune ; que l'article reprenait plusieurs de ces propos en les regroupant en quatre actes, respectivement titrés « les interférences de l'Elysée », « les relations avec Eric et Florence D... », « les comptes suisses secrets », « la succession de Liliane Z... » ; que d'autres extraits furent mis en ligne les 16, 17, 21 juin 2010, sous les titres : « Madame D... », « On lui donnera de l'argent parce que c'est trop dangereux », « Affaire Z... », « j'ai peur que le fisc tire un fil », « Trois chèques, trois questions » ; que le 22 juin 2010, M. C..., invoquant en référé un trouble manifestement illicite au regard des articles 226-1 et 226-2 du code pénal, a, en référé, fait assigner la société Médiapart, MM. X..., A... et B..., en injonction de retrait et non-publication ultérieure des transcriptions précitées ; que l'arrêt accueille ces demandes ;
Sur le premier moyen : Attendu que la société Médiapart, MM. X..., A... et B... soutiennent qu'une déclaration d'inconstitutionnalité des articles 226-1 et 226-2 du code pénal, à intervenir à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par eux, doit priver l'arrêt de tout fondement juridique ;
Mais attendu que par arrêt du 5 février 2014 (n° 237 F-D), la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu à renvoi devant le Conseil constitutionnel ; d'où il suit que le moyen est devenu sans objet ;
Sur le second moyen, pris en ses trois premières branches :
Attendu que la société Médiapart, MM. X..., A... et B... font grief à l'arrêt d'ordonner, sous astreinte, le retrait du site www. mediapart. fr de toute publication de tout ou partie de la retranscription des enregistrements illicites réalisés au domicile de Mme Z..., de faire injonction à la société Médiapart de ne plus publier tout ou partie des enregistrements illicites réalisés au domicile de Mme Z... sur tous supports, électronique, papier ou autre, édités par elle et/ ou avec son assistance directe ou indirecte et de condamner in solidum la société Mediapart, MM. X..., A... et B... à verser à M. C... la somme de 1 000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice moral, alors, selon le moyen :
1°/ que l'interdiction de publication prescrite par l'article 226-2 du code pénal ne peut résulter exclusivement des conditions d'obtention des enregistrements, mais suppose aussi que, dans leur contenu, les propos diffusés portent effectivement atteinte à l'intimité de la vie privée ; qu'en se bornant à constater, pour dire que la diffusion des enregistrements effectués au domicile de Mme Z... caractérisait un trouble manifestement illicite, que ces enregistrements provenaient d'une intrusion dans la sphère intime de Mme Z... et de la violation du caractère confidentiel des paroles échangées par M. C..., sans rechercher si le contenu des extraits diffusés sur le site de Médiapart portait atteinte à l'intimité de la vie privée des personnes concernées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 226-1 et 226-2 du code pénal, ensemble l'article 809 du code de procédure civile ;
2°/ que, bien que confidentielle, une conversation professionnelle entre un gestionnaire de patrimoine et sa cliente ne relève pas de l'intimité de la vie privée du premier, même lorsque celui-ci y exprime des jugements de valeur ou des attentes personnelles ; qu'à supposer que la cour d'appel ait entendu déduire l'existence d'une atteinte à l'intimité de la vie privée de M. C... de ce que les propos diffusés par Mediapart exprimaient ponctuellement des sentiments ou des jugements de valeur, ou traduisaient des attentes personnelles de M. C... vis-à-vis de Liliane Z..., et de ce que l'intéressé ne les avait tenus que parce qu'il était assuré du caractère confidentiel des échanges auxquels il avait participé, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une atteinte à l'intimité de la vie privée, a violé les articles 226-1 et 226-2 du code pénal ;
3°/ qu'en se fondant sur les circonstances inopérantes que la société Mediapart et ses journalistes « savaient » que ces enregistrements provenaient d'une intrusion dans la sphère intime de Mme Z... et de la violation du caractère confidentiel des paroles échangées par M. C..., pour dire que leur diffusion constituer un trouble manifestement illicite et en ordonner le retrait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 226-2 du code pénal, ensemble l'article 809 du code de procédure civile ;
Mais attendu que les constatations de l'arrêt établissent que, quels qu'aient été les intitulés médiatiques qui les présentaient, les propos publiés, issus de captations sanctionnées par l'article 226 ¿ 2 du code pénal, texte de droit commun, opérées au domicile de Mme Z..., à son insu et pendant un an, puis diffusées sans son consentement, et en pleine connaissance de leur provenance, étaient, en outre, relatives tant à des utilisations qu'elle décidait de sa fortune qu'à des sentiments, jugements de valeur et attentes personnelles de M. C... à son endroit ; que la cour d'appel a ainsi caractérisé l'atteinte à l'intimité de la vie privée de M. C... et de Mme Z..., la conscience du caractère délictueux des agissements litigieux, et le trouble manifestement illicite qui en résultait ; que la décision est ainsi légalement justifiée ;
Sur le même moyen, pris en ses cinq dernières branches :
Attendu que la société Médiapart, MM. X..., A... et B... font grief à l'arrêt de statuer ainsi qu'il le fait, alors, selon le moyen :
1°/ que la diffusion par voie de presse d'enregistrements, même lorsqu'ils portent atteinte à l'intimité de la vie privée des personnes intéressées, ne constitue pas un trouble manifestement illicite quand elle est justifiée par l'exercice légitime du droit à la liberté d'expression ; qu'en se fondant, pour retenir que la diffusion des enregistrements litigieux constituait un trouble manifestement illicite, sur la seule constatation d'une atteinte à l'intimité de la vie privée, sans rechercher si cette publication ne relevait pas de l'exercice légitime de la liberté de la presse, en permettant à la société Mediapart d'établir l'exactitude des informations diffusées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809 du code de procédure civile ;
2°/ que lorsque sont en conflit le droit au respect de la vie privée et le droit à la liberté d'expression, il convient, pour déterminer lequel de ces deux droits doit primer sur l'autre, de mettre en balance, d'une part, l'intérêt public s'attachant à la publication et, d'autre part, l'impératif de la protection de la vie privée ; que cette mise en balance suppose nécessairement une analyse du contenu des informations publiées ; qu'en jugeant que l'exigence d'information du public dans une société démocratique ne pouvait, en aucun cas, légitimer la diffusion, même par extraits, d'enregistrements obtenus en violation du droit au respect de la vie privée d'autrui, la cour d'appel a violé l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°/ que pour effectuer la mise en balance entre l'intérêt public s'attachant à la publication et l'impératif de la protection de la vie privée, les juges doivent prendre en compte, en priorité, la contribution des informations litigieuses à un débat d'intérêt public ; que les demandeurs au pourvoi faisaient valoir dans leurs conclusions d'appel que les enregistrements diffusés concernaient trois questions au coeur de la vie publique, à savoir une possible fraude fiscale par l'actionnaire majoritaire de l'un des principaux groupes industriels français, un conflit d'intérêts, résultant des liens entre cette personne et la femme de M. D..., ministre du budget, le financement de partis politiques et de campagnes électorales, notamment celle de M. Y..., dont M. D... était le trésorier ; qu'en se fondant, pour faire primer le droit au respect de la vie privée sur le droit à l'information du public, sur les seules conditions d'obtention des enregistrements litigieux, sans rechercher si le contenu des extraits diffusés ne contribuait pas à un débat d'intérêt général, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4°/ que l'article 10 de la Convention européenne protège le droit des journalistes à communiquer des informations sur des questions d'intérêt général, dès lors qu'ils s'expriment de bonne foi, sur la base de faits exacts et fournissent des informations « fiables et précises » dans le respect de l'éthique journalistique ; que les journalistes sont libres de communiquer le support de leurs informations, lorsqu'il sert à en asseoir la crédibilité ; qu'en se fondant, pour justifier l'interdiction de la diffusion des enregistrements réalisés au domicile de Mme Z..., sur le fait que l'information du public aurait pu être satisfaite par un travail d'investigation et d'analyse mené sous le bénéfice du droit au secret des sources, sans rechercher si la publication des verbatim des enregistrements ne visait pas à asseoir la crédibilité d'informations portant sur des questions d'intérêt général, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
5°/ qu'à supposer même que les enregistrements litigieux caractérisent une atteinte à la vie privée de nature à justifier une restriction à la liberté d'expression, les sanctions prononcées doivent être proportionnées au but poursuivi et être dépourvues d'effet dissuasif quant à l'exercice de cette liberté ; qu'en ordonnant, sous astreinte, le retrait du site de Médiapart de toute publication de tout ou partie de la retranscription des enregistrements illicites réalisés au domicile de Mme Z..., et en interdisant à la société Médiapart toute nouvelle publication desdits enregistrements, quand elle constatait que les informations concernées avaient été reprises, analysées et commentées par la presse, la cour d'appel, qui a prononcé des sanctions disproportionnées par rapport au but poursuivi, a violé l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que l'arrêt, après avoir rappelé que l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que la liberté de recevoir et communiquer des informations peut être soumise à des restrictions prévues par la loi et nécessaires, dans une société démocratique, à la protection des droits d'autrui afin d'empêcher la divulgation d'informations confidentielles, retient exactement qu'il en va particulièrement ainsi du droit au respect de la vie privée, lui-même expressément affirmé par l'article 8 de la même Convention, lequel, en outre, étend sa protection au domicile de chacun ; qu'il s'ensuit que, si, dans une telle société, et pour garantir cet objectif, la loi pénale prohibe et sanctionne le fait d'y porter volontairement atteinte, au moyen d'un procédé de captation, sans le consentement de leur auteur, de paroles prononcées à titre privé ou confidentiel, comme de les faire connaître du public, le recours à ces derniers procédés constitue un trouble manifestement illicite, que ne sauraient justifier la liberté de la presse ou sa contribution alléguée à un débat d'intérêt général, ni la préoccupation de crédibiliser particulièrement une information, au demeurant susceptible d'être établie par un travail d'investigation et d'analyse couvert par le secret des sources journalistiques, la sanction par le retrait et l'interdiction ultérieure de nouvelle publication des écoutes étant adaptée et proportionnée à l'infraction commise, peu important, enfin, que leur contenu, révélé par la seule initiative délibérée et illicite d'un organe de presse de les publier, ait été ultérieurement repris par d'autres ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Médiapart, MM. X..., A... et B... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société Médiapart, MM. X..., A... et B....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné, sous astreinte, le retrait du site www. mediapart. fr de toute publication de tout ou partie de la retranscription des enregistrements illicites réalisés au domicile de Mme Liliane Z..., d'AVOIR fait injonction à la société Mediapart de ne plus publier tout ou partie des enregistrements illicites réalisés au domicile de Mme Liliane Z... sur tous supports, électronique, papier ou autre, édités par elle et/ ou avec son assistance directe ou indirecte et d'AVOIR condamné in solidum la société Mediapart, MM. X..., A... et B... à verser à M. C... la somme de 1. 000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice moral ; AUX MOTIFS QUE, en premier lieu, il n'est pas contesté par les défendeurs que les enregistrements ont été effectués dans un lieu privé, à l'insu des personnes qui s'y trouvaient, et notamment de M. C..., pendant une période qui s'est étendue de mai 2009 à mai 2010, au moyen de la pose d'un appareil enregistreur par le maître d'hôtel de Liliane Z... ; qu'il n'est pas davantage contesté que les défendeurs à la saisine avaient conscience du caractère illicite de la provenance des enregistrements, le journal Mediapart se référant à des enregistrements « clandestins » ou « pirates » et qualifiant le procédé de « moralement-sinon pénalement-condamnable » ; que ces enregistrements, pratiqués de façon clandestine, ont, par leur localisation et leur durée, nécessairement conduit leur auteur à pénétrer dans l'intimité des personnes concernées et de leurs interlocuteurs ; qu'il importe peu que les défendeurs aient procédé à un tri au sein des enregistrements pour ne rendre publics que les éléments ne portant pas atteinte, selon eux, à la vie privée des personnes concernées ; que la cour observe, surabondamment, que les propos tenus par M. C..., qui expriment ponctuellement des sentiments ou jugements de valeur, ou traduisent des attentes personnelles vis-à-vis de Mme Liliane Z..., ne l'ont été que parce que l'intéressé était assuré du caractère confidentiel des échanges auxquels il a participé ; que la diffusion par les défendeurs d'enregistrements qu'ils savaient provenir d'une intrusion dans la sphère intime de Mme Liliane Z... et de la violation du caractère confidentiel des paroles échangées par M. C... avec l'intéressée et d'autres personnes caractérise le trouble manifestement illicite exigé par l'article 809 du code de procédure civile, au regard des articles 226-1 et 226-2 du code pénal, visés dans l'assignation ; qu'il résulte par ailleurs de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que l'exercice de la liberté de recevoir ou de communiquer des informations comporte des responsabilités et peut être soumis à certaines restrictions, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ; que l'exigence de l'information du public dans une société démocratique énoncée à l'article 10 de la convention susvisée, qui aurait pu être satisfaite par un travail d'investigation et d'analyse mené sous le bénéfice du droit au secret des sources, ne peut légitimer la diffusion, même par extraits, d'enregistrements obtenus en violation du droit au respect de la vie privée d'autrui, affirmé par l'article 8 de ladite convention ; qu'il importe peu, enfin, que, depuis leur diffusion, les informations concernées aient été reprises, analysées et commentées par la presse, dès lors qu'il résulte de l'accès aux enregistrements litigieux par le biais du site de Mediapart un trouble persistant à l'intimité de la vie privée de M. C... ; qu'il convient, en conséquence, d'infirmer l'ordonnance entreprise, et de prescrire les mesures sollicitées dans les termes énoncés au dispositif du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner la publication d'un communiqué ; ALORS QUE la déclaration d'inconstitutionnalité des articles 226-1 et 226-2 du code pénal, qui interviendra à la suite de la question prioritaire formée par un mémoire distinct, privera l'arrêt attaqué de tout fondement juridique.SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné, sous astreinte, le retrait du site www. mediapart. fr de toute publication de tout ou partie de la retranscription des enregistrements illicites réalisés au domicile de Mme Liliane Z..., d'AVOIR fait injonction à la société Mediapart de ne plus publier tout ou partie des enregistrements illicites réalisés au domicile de Mme Liliane Z... sur tous supports, électronique, papier ou autre, édités par elle et/ ou avec son assistance directe ou indirecte et d'AVOIR condamné in solidum la société Mediapart, MM. X..., A... et B... à verser à M. C... la somme de 1. 000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice moral ; AUX MOTIFS QUE, en premier lieu, il n'est pas contesté par les défendeurs que les enregistrements ont été effectués dans un lieu privé, à l'insu des personnes qui s'y trouvaient, et notamment de M. C..., pendant une période qui s'est étendue de mai 2009 à mai 2010, au moyen de la pose d'un appareil enregistreur par le maître d'hôtel de Liliane Z... ; qu'il n'est pas davantage contesté que les défendeurs à la saisine avaient conscience du caractère illicite de la provenance des enregistrements, le journal Mediapart se référant à des enregistrements « clandestins » ou « pirates » et qualifiant le procédé de « moralement-sinon pénalement-condamnable » ; que ces enregistrements, pratiqués de façon clandestine, ont, par leur localisation et leur durée, nécessairement conduit leur auteur à pénétrer dans l'intimité des personnes concernées et de leurs interlocuteurs ; qu'il importe peu que les défendeurs aient procédé à un tri au sein des enregistrements pour ne rendre publics que les éléments ne portant pas atteinte, selon eux, à la vie privée des personnes concernées ; que la cour observe, surabondamment, que les propos tenus par M. C..., qui expriment ponctuellement des sentiments ou jugements de valeur, ou traduisent des attentes personnelles vis-à-vis de Mme Liliane Z..., ne l'ont été que parce que l'intéressé était assuré du caractère confidentiel des échanges auxquels il a participé ; que la diffusion par les défendeurs d'enregistrements qu'ils savaient provenir d'une intrusion dans la sphère intime de Mme Liliane Z... et de la violation du caractère confidentiel des paroles échangées par M. C... avec l'intéressée et d'autres personnes caractérise le trouble manifestement illicite exigé par l'article 809 du code de procédure civile, au regard des articles 226-1 et 226-2 du code pénal, visés dans l'assignation ; qu'il résulte par ailleurs de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que l'exercice de la liberté de recevoir ou de communiquer des informations comporte des responsabilités et peut être soumis à certaines restrictions, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ; que l'exigence de l'information du public dans une société démocratique énoncée à l'article 10 de la convention susvisée, qui aurait pu être satisfaite par un travail d'investigation et d'analyse mené sous le bénéfice du droit au secret des sources, ne peut légitimer la diffusion, même par extraits, d'enregistrements obtenus en violation du droit au respect de la vie privée d'autrui, affirmé par l'article 8 de ladite convention ; qu'il importe peu, enfin, que, depuis leur diffusion, les informations concernées aient été reprises, analysées et commentées par la presse, dès lors qu'il résulte de l'accès aux enregistrements litigieux par le biais du site de Mediapart un trouble persistant à l'intimité de la vie privée de M. C... ; qu'il convient, en conséquence, d'infirmer l'ordonnance entreprise, et de prescrire les mesures sollicitées dans les termes énoncés au dispositif du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner la publication d'un communiqué ; 1°) ALORS QUE l'interdiction de publication prescrite par l'article 226-2 du code pénal ne peut résulter exclusivement des conditions d'obtention des enregistrements, mais suppose aussi que, dans leur contenu, les propos diffusés portent effectivement atteinte à l'intimité de la vie privée ; qu'en se bornant à constater, pour dire que la diffusion des enregistrements effectués au domicile de Mme Z... caractérisait un trouble manifestement illicite, que ces enregistrements provenaient d'une intrusion dans la sphère intime de Mme Z... et de la violation du caractère confidentiel des paroles échangées par M. C..., sans rechercher si le contenu des extraits diffusés sur le site de Mediapart portait atteinte à l'intimité de la vie privée des personnes concernées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 226-1 et 226-2 du code pénal, ensemble l'article 809 du code de procédure civile ; 2°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE, bien que confidentielle, une conversation professionnelle entre un gestionnaire de patrimoine et sa cliente ne relève pas de l'intimité de la vie privée du premier, même lorsque celui-ci y exprime des jugements de valeur ou des attentes personnelles ; qu'à supposer que la cour d'appel ait entendu déduire l'existence d'une atteinte à l'intimité de la vie privée de M. C... de ce que les propos diffusés par Mediapart exprimaient ponctuellement des sentiments ou des jugements de valeur, ou traduisaient des attentes personnelles de M. C... vis-à-vis de Liliane Z..., et de ce que l'intéressé ne les avait tenus que parce qu'il était assuré du caractère confidentiel des échanges auxquels il avait participé, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une atteinte à l'intimité de la vie privée, a violé les articles 226-1 et 226-2 du code pénal ; 3°) ALORS QU'en se fondant sur les circonstances inopérantes que la société Mediapart et ses journalistes « savaient » que ces enregistrements provenaient d'une intrusion dans la sphère intime de Mme Z... et de la violation du caractère confidentiel des paroles échangées par M. C..., pour dire que leur diffusion constituer un trouble manifestement illicite et en ordonner le retrait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 226-2 du code pénal, ensemble l'article 809 du code de procédure civile ; 4°) ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE la diffusion par voie de presse d'enregistrements, même lorsqu'ils portent atteinte à l'intimité de la vie privée des personnes intéressées, ne constitue pas un trouble manifestement illicite quand elle est justifiée par l'exercice légitime du droit à la liberté d'expression ; qu'en se fondant, pour retenir que la diffusion des enregistrements litigieux constituait un trouble manifestement illicite, sur la seule constatation d'une atteinte à l'intimité de la vie privée, sans rechercher si cette publication ne relevait pas de l'exercice légitime de la liberté de la presse, en permettant à la société Mediapart d'établir l'exactitude des informations diffusées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809 du code de procédure civile ; 5°) ALORS, PAR AILLEURS, QUE lorsque sont en conflit le droit au respect de la vie privée et le droit à la liberté d'expression, il convient, pour déterminer lequel de ces deux droits doit primer sur l'autre, de mettre en balance, d'une part, l'intérêt public s'attachant à la publication et, d'autre part, l'impératif de la protection de la vie privée ; que cette mise en balance suppose nécessairement une analyse du contenu des informations publiées ; qu'en jugeant que l'exigence d'information du public dans une société démocratique ne pouvait, en aucun cas, légitimer la diffusion, même par extraits, d'enregistrements obtenus en violation du droit au respect de la vie privée d'autrui, la cour d'appel a violé l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
6°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE pour effectuer la mise en balance entre l'intérêt public s'attachant à la publication et l'impératif de la protection de la vie privée, les juges doivent prendre en compte, en priorité, la contribution des informations litigieuses à un débat d'intérêt public ; que les exposants faisaient valoir dans leurs conclusions d'appel que les enregistrements diffusés concernaient trois questions au coeur de la vie publique, à savoir une possible fraude fiscale par l'actionnaire majoritaire de l'un des principaux groupes industriels français, un conflit d'intérêts, résultant des liens entre cette personne et la femme de M. D..., ministre du budget, le financement de partis politiques et de campagnes électorales, notamment celle de M. Y..., dont M. D... était le trésorier ; qu'en se fondant, pour faire primer le droit au respect de la vie privée sur le droit à l'information du public, sur les seules conditions d'obtention des enregistrements litigieux, sans rechercher si le contenu des extraits diffusés ne contribuait pas à un débat d'intérêt général, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 7°) ALORS QUE l'article 10 de la Convention européenne protège le droit des journalistes à communiquer des informations sur des questions d'intérêt général, dès lors qu'ils s'expriment de bonne foi, sur la base de faits exacts et fournissent des informations « fiables et précises » dans le respect de l'éthique journalistique ; que les journalistes sont libres de communiquer le support de leurs informations, lorsqu'il sert à en asseoir la crédibilité ; qu'en se fondant, pour justifier l'interdiction de la diffusion des enregistrements réalisés au domicile de Mme Z..., sur le fait que l'information du public aurait pu être satisfaite par un travail d'investigation et d'analyse mené sous le bénéfice du droit au secret des sources, sans rechercher si la publication des verbatim des enregistrements ne visait pas à asseoir la crédibilité d'informations portant sur des questions d'intérêt général, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 8°) ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QU'à supposer même que les enregistrements litigieux caractérisent une atteinte à la vie privée de nature à justifier une restriction à la liberté d'expression, les sanctions prononcées doivent être proportionnées au but poursuivi et être dépourvues d'effet dissuasif quant à l'exercice de cette liberté ; qu'en ordonnant, sous astreinte, le retrait du site de Mediapart de toute publication de tout ou partie de la retranscription des enregistrements illicites réalisés au domicile de Mme Liliane Z..., et en interdisant à la société Mediapart toute nouvelle publication desdits enregistrements, quand elle constatait que les informations concernées avaient été reprises, analysées et commentées par la presse, la cour d'appel, qui a prononcé des sanctions disproportionnées par rapport au but poursuivi, a violé l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.