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02/07/2014 | FRANCE | N°12-28021

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 juillet 2014, 12-28021


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 3 octobre 2013), que Mme X... a été engagée le 24 août 1992 en qualité de visiteuse médicale par la société Promothera aux droits de laquelle se trouve la société Phytocom ; qu'elle a été élue membre du comité d'entreprise, puis désignée en qualité de secrétaire de ce comité en mars 2008 ; qu'elle a été licenciée pour inaptitude sans possibilité de reclassement le 31 mars 2010 ; que le 8 juin 2010, elle a saisi la juridiction prud'hom

ale de diverses demandes, notamment de dommages-intérêts pour harcèlement moral...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 3 octobre 2013), que Mme X... a été engagée le 24 août 1992 en qualité de visiteuse médicale par la société Promothera aux droits de laquelle se trouve la société Phytocom ; qu'elle a été élue membre du comité d'entreprise, puis désignée en qualité de secrétaire de ce comité en mars 2008 ; qu'elle a été licenciée pour inaptitude sans possibilité de reclassement le 31 mars 2010 ; que le 8 juin 2010, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes, notamment de dommages-intérêts pour harcèlement moral ; que parallèlement à cette action, Mme X... et la fédération UNSA chimie pharmacie pétrole, ont fait citer l'employeur devant le tribunal correctionnel pour des faits de délit d'entrave au fonctionnement du comité d'entreprise et, pour certains de ces faits, subsidiairement, de discrimination syndicale ; que par jugement du 30 mai 2011, le tribunal correctionnel a relaxé l'employeur du délit de discrimination syndicale ; Attendu que la société Phytocom fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée des dommages-intérêts pour harcèlement moral, alors, selon le moyen :1°/ que l'autorité de la chose jugée au pénal s'impose au juge civil relativement aux faits constatés qui constituent le soutien nécessaire de la condamnation pénale ; que par jugement du 30 mai 2011, le tribunal correctionnel de Toulon a débouté Mme X... de ses demandes de dommages-intérêts pour discrimination syndicale, retenant que n'étaient pas caractérisés les faits reprochés à la société Phytocom et à son gérant ; que, fondée sur des allégations identiques de Mme X... à l'encontre du gérant de la société Phytocom, la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral formée à l'encontre de la société Phytocom devant la juridiction prud'homale se heurtait donc à l'autorité de la chose jugée au pénal comme reposant sur des faits que le juge pénal a considérés comme n'étant pas établis ; qu'en se fondant néanmoins, pour écarter l'autorité de la chose jugée au civil du jugement devenu définitif du tribunal correctionnel de Toulon du 30 mai 2011, sur le motif inopérant tiré de ce que « les faits allégués à l'appui des demandes en dommages-intérêts pour harcèlement et manquement à l'obligation de résultat concernent une période plus large et Mme X..., en son nom personnel, et les demande présentées n'ont pas le même objet », la cour d'appel a violé le principe de l'autorité, au civil, de la chose jugée au pénal, ensemble les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ; 2°/ qu'en retenant que « les faits allégués à l'appui des demandes en dommages-intérêts pour harcèlement et manquement à l'obligation de résultat concernent une période plus large » pour écarter l'autorité de la chose jugée au civil du jugement du tribunal correctionnel écartant les griefs allégués par Mme X... à l'encontre de la société Phytocom et de son gérant, quand les griefs retenus à l'encontre de la société Phytcocom pour déduire le harcèlement moral sont identiques à ceux qui avaient été invoqués devant le juge répressif au soutien de l'action en discrimination syndicale et concernent la même période postérieure à la désignation de la salariée en qualité de secrétaire du comité d'entreprise le 20 mars 2008, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de Mme X..., le jugement du tribunal correctionnel de Toulon du 30 mai 2011 et la citation directe de la société Promothera et de M. Y... devant le tribunal correctionnel, et a violé l'article 4 du code de procédure civile ; Mais attendu que la décision du juge pénal prononçant une relaxe pour des faits de discrimination syndicale commis le 1er janvier 2008 n'empêchait pas la juridiction prud'homale de se prononcer sur les faits de harcèlement moral invoqués par la salariée, au titre des années 2008 et 2009 ; que le moyen n'est pas fondé ;PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Phytocom aux dépens ;Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Phytocom et condamne celle-ci à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

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Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Phytocom. Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR décidé que la salariée avait été victime d'un harcèlement moral dans le cadre de ses relations salariales avec la Société PHYTOCOM, d'AVOIR condamné la Société PHYTOCOM à lui payer la somme de 32.000 ¿ à titre de dommages et intérêts et d'AVOIR condamné la Société PHYTOCOM au paiement de la somme de 1.500 ¿ au titre des frais irrépétibles de première instance et de 1.000 ¿ au titre des frais irrépétibles d'appel ;AUX MOTIFS QU'« il ressort de l'examen de l'ensemble des éléments de la cause que les faits de harcèlement moral invoqués devant la juridiction prud'homale ne se confondent pas avec ceux invoqués devant le Tribunal Correctionnel de Toulon, ayant donné lieu au jugement rendu le 30 mai 2011,suite à des poursuites pour discrimination syndicale et entrave au fonctionnement du comité d'entreprise, commis le 1er janvier 2008, jugement qui a relaxé M. Y... du chef de discrimination, a retenu sa culpabilité relativement au délit d'entrave et a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de Mme X.... En effet, les faits allégués à l'appui des demandes en dommages et intérêts pour harcèlement et manquement à l'obligation de sécurité de résultat concernent une période plus large et Mme X..., en son nom personnel, et les demandes présentées n'ont pas le même objet. Il apparaît qu'à compter de l'année 2008, à partir de laquelle Mme X... a vu accroître ses responsabilités en qualité de représentante du personnel, devenant membre de la délégation unique du comité d'entreprise, membre active d'un nouveau syndicat au sein de l'entreprise (l'UNSA), puis secrétaire du comité d'entreprise, cette salariée a fait l'objet d'une recrudescence de courriers d'observations et d'avertissements de la part de son employeur et d'une demande de modification de son secteur d'activité, alors que depuis son embauche, en 1992, elle était considérée comme donnant parfaitement satisfaction, étant relevé que les quelques courriers d'observation produits, pour la période antérieure, correspondent à des notes circulaires adressées à plusieurs salariés, souvent relatives à des produits spécifiques et que l'évaluation de l'intéressée en février 2008, effectuée par sa supérieure hiérarchique directe, Mme Z..., était globalement très positive et concluait à une éventuelle augmentation de salaire en juillet. Il est constant que la modification de secteur proposée en janvier 2009, même si elle pouvait être favorable à un autre salarié, avait pour effet de réduire de moitié le secteur d'activité de Mme X... et de rendre impossible l'atteinte de ses objectifs, ce que confirme Mme Z... dans son attestation, précisant avoir fait part à la direction de son désaccord sur cette mesure qui n'a, en définitive, pas été décidée, une autre solution ayant été trouvée par l'employeur. Lors de la réunion du comité d'entreprise du 20 juin 2008, il a été décidé de recourir à une expertise comptable relativement aux comptes de la société Promothera, ce qui a entraîné l'opposition de M. Y... qui, comme le relate le témoin, Freddy A..., s'est emporté en qualifiant les membres du comité d'entreprise de "mauvais" a quitté la réunion en claquant la porte et lors de la réunion suivante du 11 juillet 2008 a pris la parole, "avant l'énoncé de l'ordre du jour", pour s'en prendre à Mme X... en disant notamment : "Claire veut nous couper la tête". Le fait que le procès-verbal de la réunion du 11 juillet 2008, ne mentionne pas ces propos s'explique par le fait qu'ils ont été tenus, comme l'indique le témoin, avant l'énoncé de l'ordre du jour. Le procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 7 janvier 2009 relate les propos tenus par M. Y... à l'égard de Mme X... en ces termes : "elle ferait mieux de travailler au lieu de s'occuper du problème de ses collègues vu ses résultats" et l'intervention de M. Y... précisant : "je peux dire ce que je veux à mes salariés". Le procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 29 septembre 2009 relate également les propos de M. Y... à l'égard de Mme X... : "Je veux une réponse écrite de Claire. Elle écrit que je lui reproche d'être un mauvais élément... C'est vrai, sûrement elle l'est oui. De trop s'occuper de ses collègues, oui elle y passe trop de temps. De ne pas passer assez de temps sur le terroir et d'avoir de mauvais résultats... C'est vrai aussi... Mais il lui faudra des preuves. Et de vouloir couper la tête du patron, il semble qu'elle ne puisse plus le nier." Alors qu'il ressort de l'évaluation professionnelle de l'intéressée et des attestations de ses supérieurs hiérarchiques, Mme Pascale B..., ancienne directrice régionale, et Mme Z..., que Mme X... était considérée comme un excellent élément, il apparaît qu'entre le 19 juin et le 23 septembre 2009, divers courriers de reproches lui ont été adressés par l'employeur, sans que des griefs avérés ne soient caractérisés en l'état du dossier. Le courrier du 19 juin 2009 fait ainsi état de résultats "toujours aussi médiocres" qui ne sont corroborés par aucun élément du dossier. Quant au refus allégué des directives, il s'agit d'une distribution de bouteilles de champagne et de muguet aux médecins, qui a été effectuée pour la première par l'intéressée avec un léger retard sans aucune incidence et qui n'a pu être faite pour le muguet pour des raisons pratiques de disponibilité de ces fleurs après le 1er mai. D'autre salariés se sont heurtés aux mêmes difficultés et n'ont pas fait l'objet d'observations de l'employeur. Le courrier de M. Y... du 22 juillet 2009 mentionne que la distribution du champagne a été effectuée et relève, en ce qui concerne le muguet : "même si nous recevons votre réponse, nous restons néanmoins perplexes, compte tenu de la singularité par rapport à l'ensemble de vos collègues. Cela ne nous étonne pas puisque vous êtes une adepte de la singularité dans de nombreux domaines". M. Y... concluait ce courrier de la façon suivante : `jusqu'à présent, nous respectons le droit et la dignité de chacun, contrairement à ce que vous pouvez affirmer sans aucune preuve. Aussi, nous vous invitons à en faire de même, pour enfin quitter la bassesse dans laquelle vous semblez vous complaire pour alimenter de façon stérile nos échanges". Par courrier du 24 juillet 2009, la société Phytocom reproche à Mme X... de ne pas saisir de commentaire `produit" dans son "palm" et Mme X... a, par courrier en réponse, relevé que jusqu'à présent la demande de commentaires était limitée aux produits Sérelys et qu'elle prenait note de cette nouvelle demande à laquelle elle allait satisfaire. Au vu de l'ensemble de ces considérations, il apparaît que Mme X... a, à compter de sa participation active à la vie syndicale de l'entreprise et de son élection en qualité de secrétaire du comité d'entreprise, fait l'objet d'agissements répétés de son employeur, tels des reproches injustifiés, des remarques humiliantes et publiques, une tentative de modification de secteur, qui relèvent d'un harcèlement moral. Ces agissements ont entraîné une dégradation des conditions de travail de la salariée et ont porté atteinte à sa santé. Ainsi, Mme X... a alerté à plusieurs reprises l'inspecteur du travail, notamment le 28 septembre 2009 en soulignant qu'elle supportait de plus en plus mal la façon lamentable dont elle était traitée, reproches infondés, propos calomnieux, et en relevant "tout est bon pour me déstabiliser". Mme X... a ainsi fait l'objet d'un premier arrêt de travail pour maladie, en relation avec un syndrome dépressif, le 5 octobre 2009, prorogé jusqu'au 17 décembre suivant, et a, ensuite, été déclarée inapte à tout poste dans l'entreprise. La psychologue du service de médecine du travail a relevé le 30 novembre 2009 que Mme X... présentait des signes manifestes d'une souffrance psychologique au travail et qu'elle développait une conduite de retrait de son poste, avec présence d'une forte angoisse. Alors que Mme X... n'avait jamais connu préalablement de graves problèmes de santé, la dégradation de son état est apparue consécutivement aux agissements dont elle a été victime dans le cadre de son travail. Les attestations produites par l'employeur, faisant notamment état d'une bonne ambiance dans l'entreprise, ne permettent pas de démentir les éléments précis du dossier caractérisant la réalité des manquements commis à l'égard de Mme X.... Il ne peut valablement être soutenu que Mme X... souhaitait rompre la relation salariale pour créer sa propre entreprise, alors que la dégradation de son état de santé en relation avec le harcèlement moral est établie ; le fait qu'elle ait pu, quelques mois après la rupture, se reconvertir, montre seulement qu'elle a réussi, au moins en partie, à retrouver un certain équilibre. Dans ces conditions il apparaît que Mme X... a subi dans le cadre des relations de travail un harcèlement moral qui lui a causé un préjudice qui doit être réparé par l'octroi d'une somme de 32.000 ¿ à titre de dommages et intérêts » ; ALORS D'UNE PART QUE l'autorité de la chose jugée au pénal s'impose au juge civil relativement aux faits constatés qui constituent le soutien nécessaire de la condamnation pénale ; que par jugement du 30 mai 2011, le tribunal correctionnel de Toulon a débouté Madame X... de ses demandes de dommages-intérêts pour discrimination syndicale, retenant que n'étaient pas caractérisés les faits reprochés à la Société PHYTOCOM et à son gérant ; que, fondée sur des allégations identiques de Madame X... à l'encontre du gérant de la Société PHYTOCOM, la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral formée à l'encontre de la Société PHYTOCOM devant la juridiction prud'homale se heurtait donc à l'autorité de la chose jugée au pénal comme reposant sur des faits que le juge pénal a considérés comme n'étant pas établis ; qu'en se fondant néanmoins, pour écarter l'autorité de la chose jugée au civil du jugement devenu définitif du tribunal correctionnel de Toulon du 30 mai 2011, sur le motif inopérant tiré de ce que « les faits allégués à l'appui des demandes en dommages-intérêts pour harcèlement et manquement à l'obligation de résultat concernent une période plus large et Madame X..., en son nom personnel, et les demande présentées n'ont pas le même objet », la cour d'appel a violé le principe de l'autorité, au civil, de la chose jugée au pénal, ensemble les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ; ALORS, D'AUTRE PART, QU'en retenant que « les faits allégués à l'appui des demandes en dommages-intérêts pour harcèlement et manquement à l'obligation de résultat concernent une période plus large » pour écarter l'autorité de la chose jugée au civil du jugement du tribunal correctionnel écartant les griefs allégués par Madame X... à l'encontre de la Société PHYTOCOM et de son gérant, quand les griefs retenus à l'encontre de la Société PHYTOCOM pour déduire le harcèlement moral sont identiques à ceux qui avaient été invoqués devant le juge répressif au soutien de l'action en discrimination syndicale et concernent la même période postérieure à la désignation de la salariée en qualité de secrétaire du comité d'entreprise le 20 mars 2008, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de Madame X..., le jugement du tribunal correctionnel de Toulon du 30 mai 2011 et la Citation directe de la société PROMOTHERA et de Monsieur Y... devant le tribunal correctionnel, et a violé l'article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-28021
Date de la décision : 02/07/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 02 octobre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 jui. 2014, pourvoi n°12-28021


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.28021
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