LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° G 13-16.895 et F 13-16.893 ;Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 25 octobre 2012), rendu sur renvoi après cassation (3e civ., 5 octobre 2011 pourvoi n° 10-17.234) , que le 12 octobre 1999, Mme X... a vendu à la société civile immobilière de Chevigny (la société de Chevigny) un château, diverses dépendances et parcelles et la nue-propriété d'une parcelle CE 48 sur laquelle s'exerçait un droit de passage au profit de M. Y..., titulaire d'un bail rural portant sur des parcelles de terre et des bâtiments d'exploitation et d'habitation attenants, consenti le 27 mars 1987 et renouvelé le 6 décembre 1995 ; que par le même acte, elle a constitué un pacte de préférence au profit de cette société portant sur l'ensemble des parcelles dont elle restait propriétaire, y compris celles faisant l'objet du bail rural, sous réserve du droit de préemption du locataire, le non-respect de ce pacte de préférence étant sanctionné par une clause pénale ; que, par un « compromis » du 3 mai 2005, les consorts Z..., héritiers de Mme X..., ont vendu à M. Y... les biens faisant l'objet du bail rural ainsi que les autres biens libres, sans notifier au préalable une offre de vente à la société de Chevigny, qui s'est opposée à la régularisation de cette vente ; qu'après rejet par le tribunal paritaire des baux ruraux de sa demande d'extension du bail rural aux biens que Mme X... avait gardé libres, M. Y... a assigné les consorts Z... pour faire déclarer la vente parfaite ; que la société de Chevigny est intervenue volontairement à la procédure pour obtenir l'annulation du « compromis » de vente intervenu en fraude de ses droits, la condamnation in solidum de M. Y... et des consorts Z... à des dommages-intérêts, la condamnation des consorts Z... au versement de la clause pénale et l'interdiction de tout passage sur la parcelle CE 48 et la création d'un chemin d'accès à la ferme sur une autre parcelle ; Sur le premier moyen du pourvoi n° F 13-16.893 :Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de déclarer parfaite la vente par les consorts Z... à la SCI de Chevigny de la parcelle n° 51, alors, selon le moyen : 1°/ qu'en déclarant parfaite, dans le dispositif de son arrêt, une vente dont elle constatait, dans les motifs de sa décision, qu'elle ne pouvait pas être conclue en l'état, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;2°/ que la vente est parfaite entre les parties dès qu'on est convenu de la chose et du prix ; que le prix doit être déterminé et désigné par les parties ; qu'en déclarant parfaite la vente de la parcelle CE 51 à la SCI de Chevigny après avoir pourtant constaté qu'il n'existait pas, en l'état, d'accord des parties sur le prix et qu'il y ait lieu, à cet égard, d'attendre les résultats d'une expertise relative à l'évaluation des biens dépendant de cette parcelle, la cour d'appel a violé les articles 1583 et 1591 du code civil ;
3°/ que dans ses conclusions d'appel, M. Y... faisait valoir que compte tenu du droit de préemption qu'il tenait de son bail rural et du caractère indivisible de la parcelle CE 51, cet immeuble ne pouvait être ni déduite ni amputée à l'occasion de sa vente, ni attribuée à la SCI de Chevigny ; qu'en déclarant la vente de la parcelle CE 51 parfaite entre les consorts Z... et la SCI de Chevigny sans répondre au moyen tiré du droit de préemption susceptible d'être exercé, sur l'ensemble de ce bien, par M. Y... en sa qualité de preneur rural, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; Mais attendu qu'ayant constaté que, par arrêt du 10 novembre 2006, la cour d'appel avait confirmé le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux ayant jugé que la parcelle CE n° 51 n'était pas soumise au statut du bail rural, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer une recherche sur l'existence d'un droit de préemption que ses constatations rendaient inopérante, a exactement retenu, sans se contredire ni violer les dispositions des articles 1583 et 1591 du code civil applicables entre le vendeur et l'acquéreur, que la vente de la parcelle à la SCI de Chevigny était parfaite sous réserve des droits d'usage de biens situés sur cette parcelle ;D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les moyens du pourvoi n° G 13-16.895 et sur le second moyen du pourvoi n° F 13-16.893 qui ne seraient pas de nature à permettre l' admission de ces pourvois ; PAR CES MOTIFS :REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi n° F 13-16.893 par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré parfaite la vente par les consorts Z... à la SCI de Chevigny de la parcelle cadastrée commune de Decize, section CE n° 51, sous réserve des droits de M. Y... preneur du bail à ferme au titre des biens décrits par le bail et situés sur cette parcelle dont il bénéficie de l'usage et de l'expertise portant sur l'état de division de ces biens confiés à M. Brigand, d'une part, et sur la valeur desdits biens confiée à Mme A..., d'autre part, par le juge des référés de Nevers le 26 juin 2012 ; AUX MOTIFS QUE, sur la vente de la parcelle CE 51, il ressort des actes produits, et notamment de l'arrêt de la cour d'appel de Bourges du 10 novembre 2006, que si la parcelle CE 51 en nature de sol d'une contenance de 35 a 90 ca, n'est pas incluse dans le bail dont bénéficie M. Y..., plusieurs des éléments de cette parcelle sont cependant expressément visés dans le bail signé le 27 mars 1987 et reconduit depuis, et notamment, par mention manuscrite rajoutée : « - bâtiment de la grange et les écuries attenantes, - écuries du jardin du domaine avec le hangar y attenant, - maison d'habitation face au bâtiment de la grange, composée sur cave de : cuisine, trois pièces, salle de bains, wc et débarras » ; que cependant, cette parcelle est expressément visée dans l'acte de vente du 12 octobre 1999 entre Mme X... , vendeur, et la SCI de Chevigny, acquéreur, contenant « pacte de préférence » au profit de cette dernière en cas de vente ultérieure ; que, dans ces conditions, la vente de cette parcelle CE 51 à la SCI de Chevigny ne peut être conclue en l'état ; qu'en effet, il apparaît nécessaire, sauf accord des parties, d'attendre l'évaluation des biens dépendant de la parcelle CE 51 comme l'a demandé le juge des référés à l'expert, Mme A..., par ordonnance du 26 juin 2012 ; ALORS, 1°), QU'en déclarant parfaite, dans le dispositif de son arrêt, une vente dont elle constatait, dans les motifs de sa décision, qu'elle ne pouvait pas être conclue en l'état, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;ALORS, 2°), QUE la vente est parfaite entre les parties dès qu'on est convenu de la chose et du prix ; que le prix doit être déterminé et désigné par les parties ; qu'en déclarant parfaite la vente de la parcelle CE 51 à la SCI de Chevigny après avoir pourtant constaté qu'il n'existait pas, en l'état, d'accord des parties sur le prix et qu'il y ait lieu, à cet égard, d'attendre les résultats d'une expertise relative à l'évaluation des biens dépendant de cette parcelle, la cour d'appel a violé les articles 1583 et 1591 du code civil ;ALORS, 3°), QUE, dans ses conclusions d'appel (p. 7), M. Y... faisait valoir que compte tenu du droit de préemption qu'il tenait de son bail rural et du caractère indivisible de la parcelle CE 51, cet immeuble ne pouvait être ni déduite ni amputée à l'occasion de sa vente, ni attribuée à la SCI de Chevigny ; qu'en déclarant la vente de la parcelle CE 51 parfaite entre les consorts Z... et la SCI de Chevigny sans répondre au moyen tiré du droit de préemption susceptible d'être exercé, sur l'ensemble de ce bien, par M. Y... en sa qualité de preneur rural, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR constaté que la servitude de passage sur la parcelle CE 48 est éteinte ;AUX MOTIFS QUE par l'effet de la vente suivant le compromis du 3 mai 2005 à M. Y..., les parcelles cadastrées CE 37, 40, 47, 49, 64, 69, 70 et 71, où ce dernier exploitait la propriété de Mme X..., ont désormais, par les parcelles 47 et 49, un accès direct sur « la voie communale n° 1 dite route de Chevigny », comme le montre le plan cadastral de la commune de Decize ; que, dès lors, les conditions de l'extinction de la servitude consentie par l'acte de vente de 1999 sont réunies par l'effet de la vente séparée des parcelles relevant de l'exploitation de la propriété, pour partie à la SCI de Chevigny et pour partie à M. Y... ; ALORS QUE l'acte de vente conclu le 12 octobre 1999 entre Mme X... et la SCI de Chevigny stipulait que la servitude créée sur la parcelle CE 48 s'éteindrait en cas de vente séparée de l'une ou l'autre des parcelles dépendant de l'exploitation de la propriété restant appartenir à Mme X... et dans la mesure où lesdites parcelles pourront avoir un accès direct sur un chemin public sans pour autant que cet accès entraîne des frais d'installation d'un chemin privatif pour parvenir jusqu'à la voie publique ; que, dès lors, en considérant que la servitude de passage grevant la parcelle CE 48 s'était éteinte par l'effet de la vente consentie à M. Y... le 3 mai 2005, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée (cf. conclusions de M. Y..., p. 8), si la condition d'extinction de la servitude tenant à l'absence de frais d'installation d'un chemin privatif pour parvenir jusqu'au chemin public était remplie, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134 du code civil.Moyens produits au pourvoi n° G 13-16.895 par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la SCI de Chevigny.