La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/06/2014 | FRANCE | N°13-15405

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 juin 2014, 13-15405


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 18 février 2013), que M. X..., engagé le 1er septembre 1997 par la société Malosse en qualité de grutier maçon, a été licencié pour faute grave par lettre du 18 mai 2009 ; Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner au paiement de diverses sommes, alors, selon le moyen :

1°/ que les juges du fond ne peuvent se fonder sur l'absence de précision qua

nt à la date des griefs allégués par l'employeur pour conclure à l'absence de cause ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 18 février 2013), que M. X..., engagé le 1er septembre 1997 par la société Malosse en qualité de grutier maçon, a été licencié pour faute grave par lettre du 18 mai 2009 ; Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner au paiement de diverses sommes, alors, selon le moyen :

1°/ que les juges du fond ne peuvent se fonder sur l'absence de précision quant à la date des griefs allégués par l'employeur pour conclure à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ; qu'en se fondant dès lors sur l'erreur de date des faits fautifs commise par la société Malosse dans la lettre de notification du licenciement pour conclure au caractère injustifié de cette mesure, quand faute d'être tenu de dater ces faits, l'employeur ne pouvait se voir opposer son erreur, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6, L. 1235-1 et L. 1234-1 du code du travail ;
2°/ qu'en retenant, pour conclure à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement de M. X..., l'erreur commise par la société Malosse dans la datation des différents contrôles qui avaient eu lieu afin de s'assurer que le salarié, employé en qualité de grutier, portait bien son casque, quand elle avait elle-même constaté qu'il avait adressé à son employeur une lettre rappelant qu'il avait eu affaire, le 29 avril 2009, tant à l'agent de la CRAM qu'à M. Y..., conducteur de travaux, de sorte que la réalité même desdits contrôles n'était pas contestée par le salarié ce qui privait d'intérêt la question de savoir s'ils avaient eu lieu le 28, le 29 ou le 30 avril, la cour d'appel a violé les articles L. 1235-1 et L. 1234-1 du code du travail ;
3°/ qu'en retenant, pour conclure à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement de M. X..., que le refus par le salarié de porter un casque à l'issue des différents contrôles qui auraient eu lieu n'était pas établi, quand le salarié ne contestait ni la réalité desdits contrôles, ni le fait qu'il ait travaillé sans casque pendant douze ans, en utilisant une casquette coquée à la place, de sorte qu'il incombait uniquement à la cour de rechercher si le refus de porter cette protection était ou non de nature à justifier son licenciement, elle a encore violé les articles L. 1235-1 et L. 1234-1 du code du travail ;

4°/ que subsidiairement, la poursuite par un salarié d'un fait fautif autorise l'employeur à se prévaloir de faits similaires, y compris ceux ayant été sanctionnés, pour caractériser une faute grave ; qu'en affirmant, pour conclure à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement pour faute grave de M. X..., que seul le refus qu'il avait opposé à l'agent de la CRAM de porter un casque sur le chantier était avéré, de sorte qu'il ne pouvait être considéré que les refus réitérés de port d'éléments de sécurité invoqués par l'employeur étaient établis, quand il était constant que le salarié avait déjà été sanctionné à plusieurs reprises pour des manquements à son obligation de sécurité et que la société Malosse lui avait en particulier notifié un avertissement moins de trois ans auparavant pour ce motif, la cour d'appel a violé l'article L. 1332-4 du code du travail ;
5°/ qu'en excluant la réitération de faits fautifs justifiant le licenciement pour faute grave de M. X... au motif qu'il n'y aurait pas eu, de sa part, de refus réitérés « de port d'élément de sécurité », quand la lettre de notification du licenciement évoquait les refus réitérés « d'exécuter les instructions (...) données pour lui éviter de se placer en situation d'insécurité », ce qui ne se réduisait pas à la seule question du port d'un casque, mais plus généralement à celle d'une mise potentielle en danger, la cour d'appel a dénaturé ce document et violé en conséquence l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu que le moyen sous couvert d'un grief non fondé de violation de la loi, ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve par lesquels la cour d'appel a retenu, dans le cadre des limites du litige fixées par la lettre de licenciement et sans dénaturation, que l'employeur ne rapportait pas la preuve de refus réitérés de port du casque de sécurité reprochés au salarié ; que le moyen, qui manque en fait en sa première branche et est nouveau et mélangé de fait et de droit et partant irrecevable en sa quatrième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Malosse aux dépens ;Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit juin deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.Moyen produit par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour la société Malosse.
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné en conséquence la Société MALOSSE à lui verser les sommes de 4.174 € au titre de l'indemnité de préavis, de 417,40 € au titre des congés payés afférents, de 1.458 € à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied, de 145 € au titre des congés payés afférents, de 4.132,20 € au titre de l''indemnité de licenciement, de 18.300 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu'en outre, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, c'est à l'employeur qu'il revient d'apporter la preuve de la faute grave qu'il invoque ; qu'après un rappel de la chronologie, la Société MALOSSE a, dans la lettre de licenciement du 18 mai 2009 qu'elle a adressée à Monsieur Julio X..., indiqué : « il résulte de ces faits que dans l'exercice de vos fonctions, vous avez manqué gravement à une obligation de sécurité élémentaire, par ailleurs visée aux dispositions de l'article L. 230-3 du Code du travail. Plus précisément encore, il est établi que vous avez réitéré à plusieurs reprises un refus fautif d'exécuter les instructions qui vous ont été données pour vous éviter de vous placer en position d'insécurité. Un tel comportement est inacceptable. La persistance de votre attitude ne permet pas à l'entreprise de vous maintenir à votre poste, même le temps du préavis puisque malgré les instructions qui vous sont données par votre hiérarchie et dont la légitimité vous a été confirmée par un préposé de l'administration dûment autorisé, votre attitude ne varie pas. Nous vous notifions donc par la présente votre licenciement pour faute grave » ; qu'il en ressort que la faute grave résulte pour l'employeur d'un refus réitéré du salarié d'exécuter les instructions qui lui ont été données et non seulement du défaut de port du casque de protection le jour du passage du contrôleur de la CRAM ; que selon la chronologie reprise par l'employeur dans la lettre de licenciement les faits se seraient déroulés de la façon suivante : - le 28 avril 2009 un contrôle de la Caisse Régionale d'Assurance Maladie (ci-après la CRAM) a eu lieu sur chantier auquel Monsieur Julio X... était employé, à cette occasion, l'agent de la Caisse Régionale d'Assurance Maladie aurait relevé que Monsieur Julio X... n'était pas porteur de casque de sécurité, il aurait alors adressé une demande de port de casque à Monsieur Julio X... qui aurait refusé, - le même jour, le chef de chantier, alerté par l'agent de la CRAM, aurait demandé au salarié de porter le casque sans obtenir satisfaction, il s'en serait ouvert le soir même au conducteur de travaux, Monsieur Y..., - le lendemain, soit le mercredi 29 avril, Monsieur Y..., qui aurait constaté que Monsieur Julio X... n'était pas porteur du casque dès le matin, lui aurait demandé de s'en équiper et, face au refus du salarié motivé par l'absence de casque à portée, lui en aurait fourni un qui aurait été nonchalamment revêtu par-dessus une casquette, - le même jour, dans l'après-midi, lors d'une visite destinée à s'assurer du respect des consignes de sécurité, Monsieur Y... aurait de nouveau constaté l'absence de port de casque, face à un tel comportement, Monsieur Y... aurait notifié verbalement au salarié une mise à pied conservatoire immédiate ; que ces faits ont conduit l'employeur à considérer qu'ils étaient d'une gravité telle que le maintien du salarié pendant la durée du préavis était impossible ; que cependant, la lecture des pièces du dossier permet de contredire la chronologie ainsi dressée ; qu'en effet, il ressort tant du courrier établi le 25 août 2009 par Monsieur Z... (ingénieur conseil chef de secteur BTP au sein de la CRAM) que des témoignages établis par le chef de chantier Monsieur Rui A... et Monsieur Vincent B... co-gérant de la Société MALOSSE, tous trois versés par la Société MALOSSE, que la visite de l'agent de la CRAM a eu lieu non le 28 avril mais le 29 avril 2009, ce qui, au demeurant, n'est contesté par aucune des parties ; que par ailleurs, la lecture de la lettre de mise à pied conservatoire, précédée d'une mise à pied verbale, permet de constater que la mesure a pris effet le jour où la lettre a été expédiée soit le 29 avril 2009 ; qu'il en résulte que le salarié mis à pied, n'était pas présent sur le chantier le 30 avril 2009 ; que dans ces conditions, le témoignage de Monsieur Y..., conducteur de travaux, produit par la Société MALOSSE, qui date précisément les faits dont il témoigne du lendemain de la visite de l'agent de la CRAM, soit le 30 avril 2009, journée au cours de laquelle Monsieur Julio X... aurait, à deux reprises (le matin, puis l'après-midi), manifesté son intention de se soustraire à l'obligation du port de casque de sécurité, ne peut être considéré comme probant ; qu'il sera d'ailleurs relevé que, dans une lettre non datée, adressée à son employeur à la suite de l'envoi de la lettre de licenciement, Monsieur Julio X... a immédiatement contesté la chronologie des faits rappelant qu'ils s'étaient tous déroulés le 29 avril 2009 date à laquelle il a eu affaire tant à l'agent de la CRAM qu'à Monsieur Y... ; qu'il reste dès lors à apprécier si l'employeur rapporte la preuve, comme il l'invoque, de refus réitérés de porter les éléments de sécurité ; qu'à cet égard, la lecture du courrier dressé par Monsieur Z... permet de constater que, face au contrôleur présent sur le chantier, qui a rappelé et commenté à Monsieur Julio X... son obligation de port de casque, ce dernier n'a pas obtempéré ; qu'aucun élément dans le dossier et en particulier le témoignage de Monsieur Rui A..., chef de chantier, ne permet de considérer, comme l'affirme l'employeur dans la lettre de licenciement, que Monsieur Julio X... a, postérieurement à l'intervention de l'agent de la CRAM, opposé un refus de port de casque au chef de chantier, puisque ce dernier déclare uniquement en avoir référé au conducteur de travaux ; qu'en ce qui concerne les faits qui se seraient produits avec Monsieur Y..., non le 30 mais le 29 avril dans la journée, Monsieur Julio X..., qui ne conteste pas avoir rencontré ce dernier à plusieurs reprises dans la journée, conteste l'affirmation suivant laquelle il aurait refusé de porter un casque conforme aux normes de sécurité à plusieurs reprises affirmant uniquement qu'un casque non conforme lui aurait été remis dans le courant de l'après-midi du 29 avril ; que comme il l'a été rappelé, c'est à l'employeur, qui invoque l'existence d'une faute grave, d'en rapporter la preuve, ce que la Société MALOSSE échoue à faire dans la mesure où le témoignage de Monsieur Y... est dénué de force probante et où aucun autre élément ne permet de corroborer les affirmations de l'employeur ; qu'en définitive, il résulte des éléments versés aux débats que seul un refus opposé à l'agent de la CRAM est avéré ce qui ne permet pas de considérer que les refus réitérés de port d'élément de sécurité invoqués par l'employeur à l'appui de sa décision de licenciement pour faute grave sont établis ; que dans ces conditions, il convient de considérer que la mise à pied immédiate de Monsieur Julio X... est infondée et que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; ALORS, D'UNE PART, QUE les juges du fond ne peuvent se fonder sur l'absence de précision quant à la date des griefs allégués par l'employeur pour conclure à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ; qu'en se fondant dès lors sur l'erreur de date des faits fautifs commise par la Société MALOSSE dans la lettre de notification du licenciement pour conclure au caractère injustifié de cette mesure, quand faute d'être tenu de dater ces faits, l'employeur ne pouvait se voir opposer son erreur, la Cour d'appel a d'ores et déjà violé les articles L. 1232-6, L. 1235-1 et L. 1234-1 du Code du travail ;ALORS D'AUTRE PART, QU'en retenant, pour conclure à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement de Monsieur X..., l'erreur commise par la Société MALOSSE dans la datation des différents contrôles qui avaient eu lieu afin de s'assurer que le salarié, employé en qualité de grutier, portait bien son casque, quand elle avait elle-même constaté (arrêt p. 4, § 8) qu'il avait adressé à son employeur une lettre rappelant qu'il avait eu affaire, le 29 avril 2009, tant à l'agent de la CRAM qu'à Monsieur Y..., conducteur de travaux, de sorte que la réalité même desdits contrôles n'était pas contestée par le salarié ce qui privait d'intérêt la question de savoir s'ils avaient eu lieu le 28, le 29 ou le 30 avril, la Cour d'appel a violé les articles L. 1235-1 et L. 1234-1 du Code du travail ; ALORS, ENSUITE, QU'en retenant, pour conclure à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement de Monsieur X..., que le refus par le salarié de porter un casque à l'issue des différents contrôles qui auraient eu lieu n'était pas établi, quand le salarié ne contestait ni la réalité desdits contrôles, ni le fait qu'il ait travaillé sans casque pendant 12 ans, en utilisant une casquette coquée à la place, de sorte qu'il incombait uniquement à la Cour de rechercher si le refus de porter cette protection était ou non de nature à justifier son licenciement, elle a encore violé les articles L. 1235-1 et L. 1234-1 du Code du travail ; ALORS, ENCORE (et subsidiairement), QUE la poursuite par un salarié d'un fait fautif autorise l'employeur à se prévaloir de faits similaires, y compris ceux ayant été sanctionnés, pour caractériser une faute grave ; qu'en affirmant, pour conclure à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement pour faute grave de Monsieur X..., que seul le refus qu'il avait opposé à l'agent de la CRAM de porter un casque sur le chantier était avéré, de sorte qu'il ne pouvait être considéré que les refus réitérés de port d'éléments de sécurité invoqués par l'employeur étaient établis, quand il était constant que le salarié avait déjà été sanctionné à plusieurs reprises pour des manquements à son obligation de sécurité et que la Société MALOSSE lui avait en particulier notifié un avertissement moins de trois ans auparavant pour ce motif, la Cour d'appel a violé l'article L. 1332-4 du Code du travail ; ET ALORS, ENFIN, QU'en excluant la réitération de faits fautifs justifiant le licenciement pour faute grave de Monsieur X... au motif qu'il n'y aurait pas eu, de sa part, de refus réitérés « de port d'élément de sécurité », quand la lettre de notification du licenciement évoquait les refus réitérés « d'exécuter les instructions (...) données pour lui éviter de se placer en situation d'insécurité », ce qui ne se réduisait pas à la seule question du port d'un casque, mais plus généralement à celle d'une mise potentielle en danger, la Cour d'appel a dénaturé ce document et violé en conséquence l'article 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-15405
Date de la décision : 18/06/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 18 février 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 jui. 2014, pourvoi n°13-15405


Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.15405
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award