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12/06/2014 | FRANCE | N°13-15139

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 juin 2014, 13-15139


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 1er février 2013), que Mme X... a été engagée le 4 juillet 2000 en qualité d'opératrice système par la société Imprimerie Sailley, dont l'unique établissement était situé sur la commune du Thillot ; qu'à la suite de l'acquisition de cette société, son nouvel employeur, la société Deklic graphique l'a mutée à Saint-Nabord ; qu'après avoir refusé cette affectation, elle a été licenciée ; que contestant cette mesure, elle a saisi l

a juridiction prud'homale ; que la société Deklic graphique a été placée en redresseme...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 1er février 2013), que Mme X... a été engagée le 4 juillet 2000 en qualité d'opératrice système par la société Imprimerie Sailley, dont l'unique établissement était situé sur la commune du Thillot ; qu'à la suite de l'acquisition de cette société, son nouvel employeur, la société Deklic graphique l'a mutée à Saint-Nabord ; qu'après avoir refusé cette affectation, elle a été licenciée ; que contestant cette mesure, elle a saisi la juridiction prud'homale ; que la société Deklic graphique a été placée en redressement judiciaire ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que le comportement d'une partie ne peut être retenu contre elle comme constituant un aveu que s'il porte sur un point de fait et non sur un point de droit ; que, pour dire sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme X..., motivé par son refus de changement de lieu de travail, la cour d'appel a estimé qu'en proposant la conclusion d'un avenant comportant une clause de mobilité, la société Deklic graphique avait implicitement admis que la mutation de la salariée à Saint-Nabord constituait une modification de son contrat de travail ; qu'en statuant ainsi, quand la reconnaissance de l'employeur relative à la qualification juridique du changement de lieu de travail porte sur un point de pur droit, la cour d'appel a violé l'article 1354 du code civil, ensemble l'article 1134 du même code ;
2°/ que le changement de lieu de travail intervenant dans le même secteur géographique constitue un simple changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l'employeur ; qu'il appartient aux juges du fond de caractériser en quoi le nouveau lieu de travail du salarié est situé dans un secteur géographique différent du précédent ; qu'en se bornant à constater, pour dire que les communes du Thillot et de Saint-Nabord ne se trouvaient pas dans le même secteur géographique, que la distance séparant les deux communes étaient de trente kilomètres et qu'elles étaient situées dans « une région de basse montagne où la circulation est parfois difficile », sans indiquer précisément ni les moyens de transport desservant ces deux sites, ni le temps de trajet nécessaire pour se rendre de l'un à l'autre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
3°/ que le changement du lieu de travail doit être apprécié de manière objective ; qu'en se fondant, pour dire que la mutation de la salariée à Saint-Nabord constituait une modification de son contrat de travail, que le changement de lieu de travail était de nature à porter atteinte à la vie personnelle et familiale de la salariée dans la mesure où il en serait résulté un allongement considérable de ses trajets professionnels l'empêchant notamment de rentrer chez elle pendant la pause déjeuner, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant tenant à la situation personnelle de la salariée, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la première et la troisième branches, relevé que la nouvelle affectation, distante de trente kilomètres du précédent lieu de travail de la salariée et reliée à celui-ci par une route sur laquelle la circulation était parfois difficile en hiver, n'était pas dans le même secteur géographique, la cour d'appel en a exactement déduit que le changement d'affectation constituait une modification de son contrat de travail que la salariée n'était pas tenue d'accepter ; qu'elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :REJETTE le pourvoi ;Condamne la société Deklic graphique aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Deklic graphique à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société Deklic graphiqueIl est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le licenciement de madame X... sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR fixé la créance de la salariée au passif de la société Deklic Graphique à la somme de 15.000 euros, à titre de dommages-intérêts et d'AVOIR déclaré le CGEA-AGS de Nancy tenu à garantir la créance de la salariée ainsi fixée, en l'absence de fonds disponibles et dans la limite des plafonds réglementaires et légaux ; AUX MOTIFS PROPRES QUE le contrat de travail à durée indéterminée signé le 29 décembre 2000 stipule que les fonctions de madame Agnès X... "seront exercées au siège social de la société situé 3 rue des Forts à Le Thillot" ; que, cependant, la mention du lieu de travail dans le contrat de travail a valeur d'information à moins qu'il soit stipulé par une clause claire et précise que le salarié exécutera son travail exclusivement dans ce lieu ; qu'en l'espèce, la rédaction de la clause litigieuse ne fait pas ressortir de façon claire et précise que le travail devait s'exécuter exclusivement dans la commune du Thillot ; qu'il convient toutefois de rechercher si, comme le soutient madame Agnès X..., en proposant un avenant comportant une clause de mobilité la société Deklic Graphique n'a pas admis que la modification du lieu de travail nécessitait l'accord de la salariée ; que la proposition comportait deux articles dont l'un était relatif au lieu de travail et l'autre aux horaires de travail, à savoir une réduction de la durée hebdomadaire de travail de 39 heures à 35 heures ; que madame Agnès X... soutient, sans être réellement contredite sur ce point, que l'horaire hebdomadaire de travail était déjà fixé à 35 heures avant cette proposition, ainsi que cela résulte notamment de son bulletin de salaire du mois de juillet 2007 (pièce n° 22) menti onnant un horaire mensuel de 152,25 heures auquel se sont ajoutées 17,35 heures supplémentaires, ainsi que de l'attestation Assedic remise par l'employeur ; qu'il en résulte que la modification du contrat de travail n'était pas nécessaire sur ce point ; que l'article relatif au lieu de travail était ainsi rédigé : "Madame X... exercera ses fonctions à l'établissement de Le Thillot, 3 rue des Forts. Toutefois, le salarié déclare accepter par avance toute modification temporaire ou durable de son lieu de travail sur la région Lorraine, et notamment au siège de la société à Saint-Nabord, si les circonstances amenaient la direction de la société à prendre une telle décision" ; que la société Deklic Graphique a soutenu à l'audience que cette clause n'était pas seulement destinée à affecter madame Agnès X... à Saint-Nabord mais également dans toutes les sociétés du groupe auquel elle appartient et qui sont implantées en Lorraine ; qu'elle a produit en cours de délibéré, par une note qu'elle avait été autorisée à communiquer, des documents tendant à démontrer l'existence d'un groupe constitué avec la société d'imprimerie Erka Print, dont le siège est à Stiring Wendel (57350) et qui a pour dirigeant monsieur Denis Y..., également à la tête de la société Deklic Graphique ; que la clause de mobilité qui était proposée à madame Agnès X... n'évoquait pas une éventuelle mutation au sein d'une autre société que la société Deklic Graphique, étant au surplus observé qu'une telle clause aurait été illicite en vertu du principe selon lequel un salarié ne peut accepter par avance un changement d'employeur ; qu'il apparaît en définitive que cette clause avait uniquement pour objet d'obtenir l'accord de madame Agnès X... sur le transfert de son lieu de travail au siège de la société Deklic Graphique dont le seul établissement se trouvait à Saint-Nabord ; que la salariée est donc bien fondée à soutenir que l'employeur avait ainsi admis implicitement que sa mutation à Saint-Nabord nécessitait la modification de son contrat de travail ; qu'indépendamment de ce projet d'avenant, il ressort des éléments produits aux débats que la distance séparant les communes du Thillot et de Saint-Nabord est de 30 kilomètres et qu'elles ne font donc pas partie de la même aire géographique, d'autant plus qu'il s'agit d'une région de basse montagne où la circulation est parfois difficile l'hiver ; qu'en outre, la distance qu'aurait dû parcourir madame Agnès X... pour se rendre depuis son domicile de Bussang à son travail à Saint-Nabord aurait été de 43 kilomètres, au lieu de 13 kilomètres lorsqu'elle travaillait au Thillot, de sorte que cette modification était de nature à porter atteinte à sa vie personnelle et familiale puisqu'il en serait résulté un allongement considérable de ses trajets professionnels l'empêchant notamment de pouvoir rentrer chez elle pendant la pause du déjeuner ; que madame Agnès X... était par conséquent bien fondée à soutenir qu'il s'agissait d'un changement de secteur géographique de son lieu de travail qui emportait une modification de son contrat de travail et non un simple changement de ses conditions de travail ; que dans la mesure où le refus opposé par Mme Agnès X... à la modification unilatérale de son contrat de travail n'était pas fautif, le licenciement intervenu dans ces conditions était dépourvu de cause réelle et sérieuse ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les motifs du licenciement pour faute réelle et sérieuse portent sur le refus de madame X... d'aller travailler sur le site de Saint-Nabord considérant cela comme une modification de son contrat de travail et non comme une modification des conditions de travail ; qu'un avenant au contrat de travail pour cause de mobilité avait été proposé à madame X... en février 2008 ; que madame X... avait refusé la modification de son contrat de travail en février 2008 sans autres mesures de la part de la société Deklic Graphique ; que la société Deklic Graphique avait proposé cet avenant au contrat de travail en reconnaissant de fait qu'il y avait bien modification dudit contrat de travail et non modification des conditions de travail ; qu'il existe une modification du secteur géographique littéralement puisque distant de 30 kilomètres et nécessitant un changement de vallée ; qu'à la lecture de ce qui précède, le conseil de prud'hommes au regard des pièces et conclusions apportées par les parties et au regard du code du travail, dit qu'il requalifie le licenciement pour cause réelle et sérieuse de madame X... en licenciement sans cause réelle et sérieuse ; 1°) ALORS QUE le comportement d'une partie ne peut être retenu contre elle comme constituant un aveu que s'il porte sur un point de fait et non sur un point de droit ; que, pour dire sans cause réelle et sérieuse le licenciement de madame X..., motivé par son refus de changement de lieu de travail, la cour d'appel a estimé qu'en proposant la conclusion d'un avenant comportant une clause de mobilité, la société Deklic Graphique avait implicitement admis que la mutation de la salariée à Saint-Nabord constituait une modification de son contrat de travail ; qu'en statuant ainsi, quand la reconnaissance de l'employeur relative à la qualification juridique du changement de lieu de travail porte sur un point de pur droit, la cour d'appel a violé l'article 1354 du code civil, ensemble l'article 1134 du même code ; 2°) ALORS QUE le changement de lieu de travail intervenant dans le même secteur géographique constitue un simple changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l'employeur ; qu'il appartient aux juges du fond de caractériser en quoi le nouveau lieu de travail du salarié est situé dans un secteur géographique différent du précédent ; qu'en se bornant à constater, pour dire que les communes du Thillot et de Saint-Nabord ne se trouvaient pas dans le même secteur géographique, que la distance séparant les deux communes étaient de trente kilomètres et qu'elles étaient situées dans « une région de basse montagne où la circulation est parfois difficile », sans indiquer précisément ni les moyens de transport desservant ces deux sites, ni le temps de trajet nécessaire pour se rendre de l'un à l'autre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;3°) ALORS QUE le changement du lieu de travail doit être apprécié de manière objective ; qu'en se fondant, pour dire que la mutation de la salariée à Saint-Nabord constituait une modification de son contrat de travail, que le changement de lieu de travail était de nature à porter atteinte à la vie personnelle et familiale de la salariée dans la mesure où il en serait résulté un allongement considérable de ses trajets professionnels l'empêchant notamment de rentrer chez elle pendant la pause déjeuner, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant tenant à la situation personnelle de la salariée, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-15139
Date de la décision : 12/06/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 01 février 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jui. 2014, pourvoi n°13-15139


Composition du Tribunal
Président : Mme Vallée (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.15139
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