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03/06/2014 | FRANCE | N°13-80885

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 juin 2014, 13-80885


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Frédéric X..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 13 décembre 2012, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 9 mai 2012, n° 11-83. 334), l'a débouté de ses demandes, après relaxe de M. Antoine Y...des chefs de blessures involontaires contraventionnelles et infraction à la réglementation sur la sécurité des travailleurs ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 8 avril 2014 où ét

aient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédu...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Frédéric X..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 13 décembre 2012, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 9 mai 2012, n° 11-83. 334), l'a débouté de ses demandes, après relaxe de M. Antoine Y...des chefs de blessures involontaires contraventionnelles et infraction à la réglementation sur la sécurité des travailleurs ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 8 avril 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Beauvais, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Straehli, conseiller rapporteur, M. Guérin, conseiller de la chambre ; Greffier de chambre : Mme Zita ; Sur le rapport de M. le conseiller STRAEHLI, les observations de la société civile professionnelle POTIER DE LA VARDE et BUK-LAMENT, de la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CORDIER ;

Vu les mémoire en demande, en défense, et les observations complémentaires produits ; Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et R. 625-2 du code pénal, L. 4321-1, L. 4741-1 et R. 4321-1 du code du travail, 388, 470, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ; " en ce que l'arrêt attaqué a relaxé M. Y...des fins de la poursuite ; " aux motifs que l'employeur de M. X... est la société MTVL dont M. Y...est un des trois co-gérants ; que le mandement de citation comporte deux incriminations ; que M. Y...est d'abord recherché en sa qualité de responsable de l'entreprise pour avoir, par sa faute personnelle, omis de respecter les mesures d'hygiène et de sécurité imposées à l'employeur : article L. 4741-1 du code du travail ; que cette faute serait d'avoir mis à la disposition du salarié un escabeau-qualifié d'équipement de travail inadapté-devant suppléer au dysfonctionnement d'une commande filaire ; que même si la commande filaire n'est pas, ainsi que le fait valoir M. Y..., un élément indispensable à l'utilisation d'un hayon arrière en présence d'une télécommande située à l'extérieur du véhicule et répondant aux exigences légales de sécurité, il est constant que le camion utilisé de façon régulière par M. X... comportait cette commande filaire, laquelle faisait donc partie intégrante de l'instrument de travail ; qu'en raison de dysfonctionnement de cette commande filaire, M. X... était obligé-quand le hayon était en position haute, soit à une hauteur de 1, 20 mètre-de se hisser à la force du poignet sur la plate-forme ou d'en descendre en sautant, à défaut de s'asseoir pour sauter d'une hauteur moindre ; que la procédure n'établit pas clairement qui du salarié ou de l'employeur a suggéré l'usage d'un escabeau, partie civile et prévenu étant sur ce point en opposition, même si un témoin a attesté que c'était le salarié qui l'avait suggéré en exigeant de plus de son employeur un écrit, ce sous la « menace » de ne pas exécuter son travail ; qu'il est établi en toute hypothèse que M. Y...s'est engagé par écrit le 19 octobre 2009 en précisant « vous trouverez à votre disposition un escabeau vous permettant de monter et de descendre de la caisse du véhicule sans avoir besoin de sauter ou de grimper sur le hayon » ; que ce faisant, il acceptait de remplacer la commande filaire par un escabeau lequel devenait-à tout le moins le temps de la réparation-partie intégrante de l'instrument de travail ; que ceci étant, un escabeau à trois marches, la plus haute étant à 70 centimètres du sol, ne présente intrinsèquement aucun risque dans son utilisation et il n'est nullement invoqué et a fortiori établi que celui mis à disposition ait présenté quelques défectuosités susceptibles d'avoir affecté son équilibre ; que par ailleurs, il avait été utilisé pendant les deux jours précédents sans que M. X... ait soutenu avoir couru un quelconque risque ; qu'en toute hypothèse, il ne l'invoque pas ; que par voie de conséquence, il ne peut être retenu que cette mise à disposition à un salarié de cet escabeau par M. Y...ès-qualités soit constitutive de sa part d'une faute personnelle susceptible d'engager la responsabilité de la société dont il est le gérant ; que, dès lors, et pour les motifs qui précèdent, M. Y...ès-qualités doit être relaxé de l'infraction à la réglementation générale sur l'hygiène et la sécurité au travail et le jugement du 17 septembre 2010 doit être confirmé de ce chef ; que M. Y...est ensuite recherché pour avoir involontairement causé un accident dans le cadre du travail, ce pour avoir remis à un salarié un équipement inadapté (conséquence de la première infraction) ; que sont expressément ici invoqués les seuls textes fondant la responsabilité morale des personnes morales, à savoir les articles R. 625-5, R. 625-2, 121-2, 131-41 du code pénal ; que M. Y...ne peut à titre personnel être condamné sur le fondement de ces textes, avec la précision supplémentaire que l'article L. 4741-2 du code du travail (tout aussi expressément invoqué) est manifestement inapplicable au cas d'espèce puisqu'il vise une possible condamnation de l'employeur en cas de faute commise par un préposé, ce que n'est pas M. Y...; qu'en toute hypothèse, aucune faute n'a été retenue contre lui ; qu'en conséquence de ce qui précède, il convient également de confirmer le jugement en ce qu'il a écarté la responsabilité de M. Y...du chef de la contravention de blessures involontaires dans le cadre du travail ; " 1°) alors que la sécurité des équipements de travail ne s'apprécie pas en elle-même mais doit être analysée dans le contexte du travail à accomplir ; qu'en se fondant, pour dire que le prévenu n'avait pas commis de faute en mettant l'escabeau litigieux à la disposition de M. X..., sur la circonstance qu'un escabeau dont la plus haute des trois marches est située à 70 centimètres du sol ne présente « intrinsèquement » aucun risque dans son utilisation et sur le fait qu'il n'était pas établi que celui mis à la disposition du salarié ait été affecté de défectuosités, sans rechercher si eu égard aux conditions dans lesquelles il avait été concrètement utilisé, à savoir par temps de pluie pour permettre à M. X... de descendre du hayon, situé à 1, 20 mètre du sol en position haute, sans avoir à sauter, cet escabeau ne présentait pas un danger, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ; " 2°) alors que l'employeur, qui met à la disposition d'un salarié un équipement de travail dont l'utilisation présente un danger pour sa santé et sa sécurité, commet une faute quand bien même le salarié ne lui aurait pas signalé l'existence d'un danger ; que, dès lors, en se fondant encore, pour dire que le prévenu n'avait pas commis de faute en mettant l'escabeau litigieux à la disposition de M. X..., sur la circonstance que cet escabeau avait été utilisé les deux jours ayant précédé l'accident sans que M. X... ait soutenu avoir couru un quelconque risque, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant, privant ainsi une fois de plus sa décision de base légale ; " 3°) alors que le juge correctionnel, qui n'est pas lié par la qualification donnée à la prévention, ne peut prononcer une décision de relaxe qu'autant qu'il a vérifié que les faits dont il est saisi ne sont constitutifs d'aucune infraction ; qu'en se fondant encore, pour relaxer le prévenu des faits de la poursuite, sur la circonstance que les textes visés à la prévention ne lui étaient pas applicables dès lors qu'ils concernaient, s'agissant des articles R. 624-5, R. 625-2, 121-2 et 131-41 du code pénal, la responsabilité des personnes morales et, s'agissant de l'article L. 4741-2 du code du travail, la responsabilité de l'employeur en cas de faute commise par un préposé sans rechercher si les faits qui lui étaient déférés n'entraient pas dans les prévisions des articles 121-3 et R. 625-2 du code pénal et L. 4321-1, L. 4741-1 et R. 4321-1 du code du travail, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ; Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, des pièces de procédure et du rapport de l'inspection du travail, base de la poursuite, que M. X..., chauffeur-livreur, employé par la société Y...transport locations, dont M. Y...est l'un des gérants, a été victime d'un accident du travail, lors du déchargement d'un camion, par temps de pluie, en perdant l'équilibre et en recevant sur lui des bacs de courrier, alors qu'il descendait du hayon élévateur de son camion au moyen d'un escabeau mis à sa disposition par son employeur pour pallier la panne de la télécommande prévue pour actionner la montée et la descente dudit hayon ; que M. Y..., poursuivi des chefs de blessures involontaires et d'infraction à la réglementation sur la sécurité des travailleurs, a été relaxé par le tribunal ; que la partie civile et le ministère public ont relevé appel du jugement ; Attendu que, pour confirmer cette décision et débouter la partie civile de ses demandes, l'arrêt relève qu'en mettant à la disposition de son salarié, pendant le temps de la réparation de la télécommande, l'escabeau devant lui permettre d'accéder au hayon élévateur du camion, M. Y...a accepté d'en faire une partie intégrante de l'instrument de travail ; que les juges ajoutent que cet escabeau, comportant trois marches et haut de soixante-dix centimètres, et exempt de défectuosité susceptible d'avoir affecté son équilibre, ne présentait en lui-même aucun risque dans son utilisation ; qu'ils en déduisent qu'aucun manquement à une obligation de sécurité ne peut être reproché à M. Y...et que, par voie de conséquence, sa responsabilité pénale n'est pas engagée dans l'accident dont a été victime M. X... ; Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si l'équipement temporaire mis à la disposition de M. X... par l'employeur ne présentait pas, pour ce salarié, un danger particulier de déséquilibre par temps de pluie, qu'il convenait de prévenir, compte tenu de la différence de niveau entre le hayon et l'escabeau, ainsi que de la fréquence et de la durée des tâches à accomplir, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ; D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Angers, en date du 13 décembre 2012, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, sur les seuls intérêts civils ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de d'Angers et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trois juin deux mille quatorze ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 13-80885
Date de la décision : 03/06/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 13 décembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 jui. 2014, pourvoi n°13-80885


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.80885
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