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14/05/2014 | FRANCE | N°13-11379

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 mai 2014, 13-11379


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 7111-3, L. 7112-1 du code du travail, ensemble l'article 1315 du code civil ;
Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources, et que selon le deuxième, toute convention par laquelle une en

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 7111-3, L. 7112-1 du code du travail, ensemble l'article 1315 du code civil ;
Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources, et que selon le deuxième, toute convention par laquelle une entreprise de presse s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a travaillé en qualité de journaliste pigiste à compter de l'année 2001 pour le journal France football, titre détenu par la société L'Equipe (la société), puis, à compter de la fin de l'année 2003, pour le journal L'Equipe ; qu'il travaillait également pour la radio RTL ; que la société l'a informé, par lettre du 30 juillet 2008, de ce qu'elle ne ferait plus appel à ses services pour le journal France football à compter du 1er août 2008, et téléphoniquement le 11 juillet 2009, de ce que sa collaboration avec le journal l'Equipe cessait également ; que M. X..., revendiquant l'existence d'un contrat de travail, a saisi la juridiction prud'homale de différentes demandes liées à l'exécution et la rupture de celui-ci ;
Attendu que pour le débouter de l'ensemble de ses demandes, l'arrêt retient, d'une part, que le journaliste n'établit pas tirer l'essentiel de ses ressources des rémunérations versées par la publication à l'égard de laquelle il entend invoquer la présomption de salariat, d'autre part, s'agissant des conditions d'exercice de l'activité, qu'il produit deux courriers du 8 juillet 2009 qui mentionnent l'envoi de « plannings prévisionnels » sans que ces plannings ne soient versés aux débats ni aucun élément qui permette de vérifier que, comme il le soutient, il ait été contraint de respecter des directives précises de la rédaction du journal quant au choix des sujets et du contenu des articles rédigés ;
Qu'en statuant ainsi, alors, d'abord, que la qualité de journaliste professionnel s'acquiert au regard des ressources que l'intéressé tire principalement de l'exercice de la profession de journaliste sans se limiter à celles provenant de l'entreprise de presse, publication ou agence de presse à laquelle il collabore, et alors ensuite, que lorsqu'est établie l'activité principale, régulière et rétribuée du journaliste tirant le principal de ses ressources de cette activité, c'est à l'entreprise de presse de combattre la présomption d'existence d'un contrat de travail en résultant, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne la société L'Equipe aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mai deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE l'article L.7111-3 du code du travail dispose : « Est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources. Le correspondant, qu'il travaille sur le territoire français ou à l'étranger, est un journaliste professionnel s'il perçoit des rémunérations fixes et remplit les conditions prévues au premier alinéa », que l'article L.7112-1 du même code dispose : « Toute convention par laquelle une entreprise de presse s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention des parties » ; qu'en l'espèce, M. X... indique qu'il était rémunéré à la tâche par la SNC l'Equipe et qu'il bénéficiait nécessairement du statut de salarié ; qu'il produit des attestations de paie pour la période allant de mai 2004 à décembre 2008 qui mentionnent un emploi de « Pigiste journaliste » ; qu'il affirme qu'il devait se conformer aux directives de son employeur et qu'il était notamment tenu de respecter des plannings prévisionnels ; qu'en application de l'article L.7112-1 précité de code du travail, M. X... est fondé à se prévaloir d'une présomption simple de contrat de travail que l'employeur présumé peut renverser en rapportant la preuve de ce que le journaliste travaillait en toute indépendance, qu'il disposait du libre choix des sujets traités par lui, que son activité n'avait pas de caractère permanent et régulier, qu'elle ne lui procurait pas enfin l'essentiel de sa rémunération ; que s'il n'est pas contesté que M. X... a collaboré pendant près de huit années aux publications de la SNC l'Equipe, en l'occurrence les journaux France Football et l'Equipe, il résulte du tableau des rémunérations versées entre 2004 et 2009 que celles-ci étaient variables, la moyenne mensuelle variant dans les proportions suivantes : - Année 2004 (avril à décembre) : 614,58 euros, - Année 2005 : 1.001,72 euros, - Année 2006 : 929,53 euros, - Année 2007 : 471,51 euros, Année 2008 : 377,54 euros, - Année 2008 : 201,69 euros ; que l'examen des attestations de paie permet également de constater une grande variabilité du nombre des prestations effectuées et des rémunérations versées d'un mois sur l'autre, ce dont il résulte que la SNC l'Equipe n'avait pas l'obligation d'assurer à M. X... la parution et la rémunération d'un nombre d'articles déterminé chaque mois ; qu'en outre, les déclarations de revenus versées aux débats et leur présentation synthétique sous forme de tableau par la SNC l'Equipe démontrent que les piges versées par cette dernière en contrepartie des prestations fournies par M. X... ne constituaient pas l'essentiel de la rémunération de l'intéressé, ¿ ; que si le journaliste professionnel est libre de travailler dans une ou plusieurs entreprises de presse au sens des dispositions de l'article L.7111-3, encore faut-il, pour que soit établie l'existence d'un contrat de travail, que l'intéressé tire l'essentiel de ses ressources des rémunérations versées par la publication à l'égard de laquelle il entend invoquer la présomption de salariat ; que tel n'est manifestement pas le cas en l'espèce ; que s'agissant des conditions d'exercice de l'activité, M. X... produit deux courriers en date du 8 juillet 2009 qui mentionnent l'envoi de « plannings prévisionnels » sans que ces planning ne soient versés aux débats ni aucun élément qui permette de vérifier que, comme il le soutient, l'intéressé ait été contraint de respecter des directives précises de la rédaction du journal quant au choix des sujets et du contenu des articles rédigés ; qu'aucun article n'est d'ailleurs versé aux débats alors que la SNC l'Equipe soutient pour sa part, sans être utilement contredite sur ce point, que le détail des attestations de paie permet de constater que les prestations effectuées sont en majorité des brèves et non des articles ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, il doit être considéré que la SNC l'Equipe renverse utilement la présomption de salariat établie par l'article L.7112-1 du code du travail ;
1/ ALORS QUE la fourniture régulière de travail à un journaliste professionnel, même pigiste, pendant une longue période, fait de lui un collaborateur régulier qui doit bénéficier à ce titre des dispositions légales applicables aux journalistes professionnels et de la présomption de contrat de travail posée par l'article L.7112-2 du code du travail ; que cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ; que la variabilité des rémunérations versées et du nombre de prestations effectuées, de même que la nature de celles-ci sous forme de brèves au lieu d'articles, ne détruisent pas cette présomption ; que la cour d'appel a constaté une collaboration de près de 8 années entre M. X... et la SNC L'Equipe avec le versement des rémunérations afférentes sous forme de piges ; qu'en refusant de retenir l'existence d'un contrat de travail à raison de la variabilité des rémunérations perçues, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et violé les articles L.7111-3 et L.7112-2 du code du travail ;
2/ ALORS QUE dès lors qu'un journaliste démontre qu'il a collaboré de façon régulière avec une ou plusieurs entreprises de presse, il appartient à celle qui s'opposerait à l'application, au titre de cette collaboration, de la présomption de contrat de travail de démontrer que le journaliste n'avait pas pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse et qu'il n'en tirait pas le principal de ses ressources ; que la circonstance que cette entreprise ne procure pas au journaliste l'essentiel de ses ressources est inopérante ; qu'en énonçant l'existence d'un contrat de travail entre M. X... et la SNC l'Equipe, pour écarter l'essentiel de ses ressources des rémunérations versées par SNC L'EQUIPE, la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne pose pas et violé les articles L.7112-2 et L.7111-3 du code du travail ;
3/ ALORS QUE la fourniture régulière de travail à un journaliste professionnel, même pigiste, pendant une longue période fait de lui un collaborateur régulier qui doit bénéficier à ce titre des dispositions légales applicables aux journalistes professionnels ; qu'en refusant à M. X... le bénéfice d'un contrat de travail, après s'être limitée à l'examen des justifications de revenus produites par M. X... et lui avoir reproché de ne pas avoir établi qu'il ait été contraint de respecter des directives précises de la rédaction du journal quant au choix des sujets et du contenu des articles rédigés, la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve sur le journaliste et a violé l'article les articles 1315 du code civil et L. 7112-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-11379
Date de la décision : 14/05/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 30 novembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 mai. 2014, pourvoi n°13-11379


Composition du Tribunal
Président : Mme Vallée (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.11379
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