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07/05/2014 | FRANCE | N°13-14017

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 mai 2014, 13-14017


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. X..., engagé à compter du 1er février 1991 par l'Association des résidences pour personnes âgées dite AREPA et exerçant en dernier lieu les fonctions de rédacteur administratif et comptable dans deux résidences de l'association, a été licencié pour faute lourde le 9 octobre 2006 ;
Attendu que pour dire que n'étaient caractérisés ni motif réel et sérieux de lic

enciement ni a fortiori une faute lourde ou grave, l'arrêt retient que s'il est ét...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. X..., engagé à compter du 1er février 1991 par l'Association des résidences pour personnes âgées dite AREPA et exerçant en dernier lieu les fonctions de rédacteur administratif et comptable dans deux résidences de l'association, a été licencié pour faute lourde le 9 octobre 2006 ;
Attendu que pour dire que n'étaient caractérisés ni motif réel et sérieux de licenciement ni a fortiori une faute lourde ou grave, l'arrêt retient que s'il est établi que le salarié a accepté d'être désigné comme bénéficiaire des contrats d'assurance vie de deux résidentes de l'AREPA, il est cependant constant que cette libéralité n'a finalement pas été régularisée, qu'elle n' a pas pris effet et que le salarié n'en a donc pas profité, le simple fait pour lui d'avoir accepté le principe de ce changement de bénéficiaire ne pouvant constituer un motif réel et sérieux de licenciement ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle relevait que le salarié avait accepté d'être bénéficiaire de contrats d'assurance vie de deux personnes âgées résidant dans un établissement dans lequel il était employé, qu'il avait lui-même dactylographié les courriers exprimant le souhait des personnes, considérées comme vulnérables, de le voir désigner comme bénéficiaire, et que si l'opération n'avait pas été menée à son terme, ce n'était que grâce à la vigilance du personnel de l'établissement bancaire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a condamné l'Association des résidences pour personnes âgées à payer à M. X... la somme de 65 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2012, l'arrêt rendu le 16 janvier 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept mai deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour l'Association de résidences pour personnes âgées
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. X... était sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR en conséquence condamné l'association AREPA à lui payer les sommes de 2.094,17 € à titre de rappel de salaires sur la période de mise à pied, outre 209,42 € au titre des congés payés correspondants, de 4.550,28 € à titre d'indemnité de préavis, outre 455,03 ¿ au titre des congés payés correspondants, de 9.883,89 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, et de 25.000 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'AVOIR ordonné le remboursement par l'AREPA aux organismes concernés des indemnités de chômage qu'ils ont versés le cas échéant à Monsieur X... à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de 6 mois ;
AUX MOTIFS QUE «le grief allégué à l'appui du licenciement de M. X... par son employeur est le fait que celui-ci aurait violé l'obligation professionnelle lui interdisant d'avoir avec les personnes âgées accueillies au sein des résidences, de quelconque rapport d'argent, d'intervenir d'une quelconque façon dans le fonctionnement des comptes des résidents, ni d'accepter notamment de délégation, procuration, legs. Outre que le salarié fait valoir que l'AREPA n'est pas recevable à se prévaloir de faits qui ne sont pas évoqués dans la lettre de licenciement, celui-ci soutient qu'en tout état de cause il n'a pas enfreint de dispositions légales à l'occasion des faits reprochés et que les notes de service alléguées par son employeur, et dont le conseil a retenu qu'il ne les avait pas respectées, ne lui sont pas opposables et ne peuvent fonder la sanction prononcée à son encontre. S'il est exact qu'il ne figure dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige qu'un seul exemple du grief allégué par l'employeur, il appartient cependant à la cour d'examiner, outre le fait lié aux contrats d'assurance vie de mesdames Z..., les faits que l'AREPA développe dans ses conclusions et qui ne sont que d'autres illustrations de ce même grief, à savoir les procurations que M. X... avait sur les comptes de mesdames Z... et la remise de chèques à l'ordre du salarié par plusieurs résidents, sous la condition néanmoins qu'il soit établi que l'AREPA avait connaissance de ces faits lorsqu'elle a décidé du licenciement de M. X.... S'il ressort de la plainte adressée au procureur de la République le 21 septembre 2006 que l'AREPA avait été informée à cette date que M. X... avait procuration sur certains comptes de résidents, les éléments du dossier et notamment le réquisitoire définitif produit sous la pièce 26 établissent au contraire que ce n'est qu'au cours de la procédure d'instruction et après analyse des comptes bancaires de M. X... qu'il est apparu qu'entre 2003 et 2008 un nombre important de chèques émis par des résidents de l'AREPA ou par l'association elle- même avaient été déposés sur le compte courant de M. X..., et notamment un chèque de 200 euros établi par une résidente Mme A..., évoqué en page 8 des conclusions de l'intimée; un réquisitoire supplétif a d'ailleurs été délivré le 16 octobre 2008 à la suite de la découverte de ces faits. Dès lors que l'AREPA n'a eu connaissance de ces faits que postérieurement au licenciement, elle ne peut valablement les invoquer à l'appui de la rupture du contrat de travail, étant observé au surplus que les investigations menées au cours de l'instruction ont établi que M. X... n'avait commis aucune malversation à l'occasion de la remise de ces chèques, le salarié ayant expliqué, qu'avec l'accord des familles de plusieurs résidents dont notamment M. B..., neveu de Mme A..., s'il déposait ces chèques sur son compte, il en retirait le montant en espèces afin de permettre d'assurer les petites dépenses quotidiennes et personnelles des résidents ; il est noté au réquisitoire définitif que les pièces justificatives des différentes opérations ont toutes été retrouvées dans les dossiers personnels des résidents et M. X... n'a d'ailleurs pas été renvoyé devant la juridiction correctionnelle pour les faits d'abus de confiance pour lesquels l'instruction avait été également ouverte. S'agissant des faits connus de l'AREPA à la date du licenciement, il est établi que :* comme elle en a été informée par la Poste par courrier du 12 septembre 2006, deux résidentes de l'AREPA, Mesdames Odette et Irène Z... respectivement âgées de 95 et 97 ans à cette époque, ont entendu modifier le bénéficiaire des contrats d'assurance vie dont elles étaient titulaires et désigner en cette qualité M. X..., présent au cours du rendez-vous du 21 juillet 2006 au cours duquel les dames Z... ont confirmé au conseiller de la Poste leur volonté de le désigner, volonté qu'elles avaient déjà manifestée par courrier ;* cette opération n'a finalement pas eu lieu; le conseiller de la Poste qui avait eu des doutes sur sa légalité, a en effet averti son responsable et la société La Poste a refusé d'accéder à la demande des dames Z... ;* ces deux personnes ainsi qu'une troisième résidente, Mme D..., ont donné procuration à M. X... sur leurs comptes.Sur ce dernier reproche, l'instruction a établi que M. X... n'a aucunement profité à titre personnel de ces procurations et qu'il n'a fait usage qu'une seule fois d'une des procurations pour opérer un transfert d'argent d'un compte à un autre d'une de ses mandantes ; il n'est pas établi par l'AREPA qu'il ait été porté à la connaissance de M. X... la note de service du 28 décembre 2004 interdisant à tout salarié des différents établissements de l'AREPA d'intervenir dans le fonctionnement des comptes personnels des résidents ni d'accepter procuration. Cette note n'a donc aucun caractère contractuel; son non respect par le salarié ne peut fonder le manquement à l'obligation professionnelle alléguée à son encontre. L'acceptation d'une procuration ne peut davantage constituer un manquement aux dispositions des articles L 331-4 et 909 du code civil qui prohibent les libéralités par les résidents des maisons de retraites au profit notamment des salariés de ces établissements et en conséquence; l'acceptation de ces procurations ne peut donc être retenue à l'encontre du salarié à l'appui de son licenciement. S'il est établi que M. X..., comme il l'écrit dans le courrier écrit le 24 octobre 2006 à son employeur, a accepté d'être désigné comme bénéficiaire des contrats d'assurance vie de deux résidentes de l'AREPA et si l'instruction a également établi qu'il n'avait pas été aussi passif qu'il l'a indiqué puisqu'il est constant qu'il s'est enquis auprès du conseiller de la société La Poste des modalités pour modifier le bénéficiaire des contrats d'assurance vie souscrits par les soeurs Z... et qu'il a lui-même dactylographié les courriers exprimant le souhait de ces personnes de le voir désigner comme bénéficiaire, courriers qu'il a adressés à La Poste avant l'entretien du mois de juillet 2006, il est cependant constant que cette libéralité n'a finalement pas été régularisée, qu'elle n'a pas pris effet et que l'appelant n'en a donc pas profité ; dès lors il ne peut être reproché à M. X... d'avoir méconnu les dispositions légales de l'article L 331-4 du code de l'action sociale dans sa rédaction applicable à l'époque des faits, qui prévoient que les personnes physiques propriétaires, administrateurs ou employés des établissements hébergeant notamment à titre onéreux des personnes âgées ne peuvent profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires faites en leur faveur par des personnes hébergées dans le ou les établissements qu'elles exploitent ou dans lesquels elles sont employées que dans les conditions fixées à l'article 909 du code civil, c'est-à-dire uniquement dans le cadre des dispositions rémunératoires faites à titre particulier eu égard aux facultés du disposant et aux services rendus et des dispositions universelles uniquement dans le cas de parenté jusqu'au 4éme degré. Même si effectivement, ce n'est qu'en raison de la vigilance du personnel de la société La Poste que le changement du bénéficiaire des contrats d'assurance vie en la personne de M. X... n'a pu s'effectuer, il est cependant constant que le salarié n'a- de ce fait-pas enfreint la prohibition légalement instituée de profiter d'une libéralité hors des conditions autorisées par l'article 909 du code de procédure civile. L'AREPA n'établissant pas que la directive du 16 octobre 1997 interdisant à tout le personnel des différents établissements l'AREPA d'accepter notamment des dons ait été portée à la connaissance de M. X... qui exerçait dans l'établissement de la résidence Sainte Lucie, le simple fait pour lui d'avoir accepté le principe de ce changement de bénéficiaire ne peut constituer un motif réel et sérieux de licenciement, faute pour l'AREPA d'établir un manquement à une obligation professionnelle contractuelle. Dès lors, il n'est caractérisé à l'encontre de M. X... ni motif réel et sérieux de licenciement ni a fortiori une faute lourde ou grave » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE constitue une faute grave le fait pour un salarié exerçant les fonctions de comptable au sein d'un établissement hébergeant des personnes âgées d'avoir accepté d'être désigné bénéficiaire de contrats d'assurance vie de résidents âgés de 95 et 97 ans à l'époque des faits, et d'avoir entrepris toutes les démarches pour que cette désignation aboutisse ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que M. X... avait « accepté d'être désigné comme bénéficiaire des contrats d'assurance vie de deux résidentes de l'AREPA » et que « l'instruction pénale a également établi qu'il n'avait pas été aussi passif qu'il l'a indiqué puisqu'il est constant qu'il s'est enquis auprès du conseiller de la société La Poste des modalités pour modifier le bénéficiaire des contrats d'assurance vie souscrits par les soeurs Z... et qu'il a lui-même dactylographié les courriers exprimant le souhait de ces personnes de le voir désigner comme bénéficiaire, courriers qu'il a adressé à La Poste avant l'entretien du mois de juillet 2006», et que «ce n'est qu'en raison de la vigilance du personnel de la société La Poste que le changement du bénéficiaire des contrats d'assurance vie en la personne de M. X... n'a pu s'effectuer» ; qu'il en résultait que M. X... avait enfreint les dispositions de l'article L. 331-4 du code de l'action sociale et des familles interdisant notamment aux employés d'établissements d'hébergement d'adultes de profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires faites en leur faveur par des personnes hébergées dans le ou les établissements dans lesquels ils sont employées hors des conditions autorisées par l'article 909 du code civil ; qu'en considérant cependant que le comportement de M. X... n'était pas fautif au motif inopérant que «cette libéralité n'a finalement pas été régularisée, qu'elle n'a pas pris effet et que (M. X...) n'en a donc pas profité», la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ensemble l'article L. 331-4 du code de l'action sociale et des familles ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la gravité d'une faute n'est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est résulté ; qu'en l'espèce, pour juger que le licenciement de M. X... ne reposait pas sur une faute grave, ni même sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel se fonde sur la seule circonstance que l'acceptation de M. X... pour être désigné bénéficiaire des assurances vies de Mmes Irène et Odette Z... et les démarches entreprises à cette fin n'ont finalement pas abouti, de telle sorte que M. X... n'a pas été désigné bénéficiaire des assurances vie et n'a donc pas enfreint la prohibition légalement instituée de profiter d'une libéralité ; qu'en statuant de la sorte, par un motif inopérant et impuissant à écarter le caractère fautif des agissements reprochés au salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ensemble l'article L. 331-4 du code de l'action sociale et des familles ;
ALORS, ENFIN, QUE le salarié doit exercer son contrat de travail de bonne foi et loyalement ; que les obligations de l'article L. 331-4 du code de l'action sociale et des familles selon lesquelles toute personne travaillant au contact de personnes âgées vulnérables ne peut accepter des libéralités de leur part et notamment accepter d'être désignée bénéficiaire de leur contrat d'assurance vie s'appliquent de plein droit, sans qu'il soit nécessaire de les rappeler dans le contrat de travail ou le règlement intérieur ; qu'en retenant que l'association AREPA n'établirait pas que la directive du 16 octobre 1997 interdisant à tout le personnel de l'AREPA d'accepter notamment des dons, pourboires et legs, ait été portée à la connaissance de M. X..., pour décider que le licenciement de ce dernier ne reposait pas sur une faute grave, ni même sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a violé les articles L. 1221-1, L. 1222-1, L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ensemble l'article L. 331-4 du code de l'action sociale et des familles.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-14017
Date de la décision : 07/05/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 16 janvier 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 mai. 2014, pourvoi n°13-14017


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.14017
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