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07/05/2014 | FRANCE | N°13-10808

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 mai 2014, 13-10808


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 20 novembre 2012), que Mme X..., engagée le 1er septembre 1998 par la société Nergeco France en qualité d'ouvrière spécialisée, a été licenciée le 4 mai 2009 pour motif économique ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la condamner à indemniser la salariée à ce titre, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il ne peut pas être reproché à un employeur d'avoir manqué à s

on obligation de reclassement sans vérifier si, comme il le soutenait, il ne justifiait pas...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 20 novembre 2012), que Mme X..., engagée le 1er septembre 1998 par la société Nergeco France en qualité d'ouvrière spécialisée, a été licenciée le 4 mai 2009 pour motif économique ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la condamner à indemniser la salariée à ce titre, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il ne peut pas être reproché à un employeur d'avoir manqué à son obligation de reclassement sans vérifier si, comme il le soutenait, il ne justifiait pas de l'absence de poste disponible ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir que Mme X... ne pouvait être reclassée, non seulement parce que les essais dans d'autres emplois n'avaient pas été concluants, mais encore et surtout parce qu'il n'existait dans l'entreprise aucun poste disponible (conclusions d'appel page 13 in fine), étant entendu qu'aucune permutation de personnel n'était possible avec les autres entreprises du groupe ; qu'il justifiait de l'impossibilité du reclassement en versant aux débats non seulement le registre du personnel de l'entreprise, mais encore ceux de toutes les sociétés du groupe ; qu'en reprochant cependant à l'employeur d'avoir manqué à son obligation de reclassement sans rechercher s'il ne justifiait pas de l'absence de poste disponible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;
2°/ que le juge ne peut pas dénaturer les termes du litige ; qu'en l'espèce, les parties s'accordaient pour dire que le licenciement était intervenu pour motif économique, le débat s'étant noué sur la question du respect par l'employeur de son obligation de reclassement ; que l'employeur faisait valoir qu'il avait tenté de reclasser la salariée en l'affectant à plusieurs postes qui s'étaient avérés incompatibles avec sa qualification et qu'il n'existait aucun poste disponible, la salariée lui reprochant quant à elle de ne lui avoir fait bénéficier d'aucune formation ou accompagnement pour lui permettre de s'adapter ; qu'en affirmant qu'il résultait de la lettre de licenciement que celui-ci avait été prononcé pour insuffisance professionnelle de la salariée dans les postes essayés, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
3°/ que la seule circonstance que l'employeur fasse réaliser des essais professionnels à un salarié en vue d'envisager son reclassement n'établit pas que les postes correspondants sont conformes à sa qualification ; qu'en l'espèce, l'employeur avait affecté la salariée à différents postes pour tenter d'éviter son licenciement, ceux-ci s'avérant en réalité incompatibles avec sa qualification et ses compétences ; qu'ainsi, Mme X..., ouvrière spécialisée affectée à l'atelier montage de fins de courses, avait été successivement affectée aux postes de montage des équerres composites, à la découpe et à la préparation des câbles, au magasin ; que dès lors, en se bornant à relever que ces postes avaient été « estimés par l'employeur compatibles avec sa qualification et ses compétences » sans se prononcer elle-même sur la compatibilité des postes occupés à l'essai par la salariée avec sa qualification, quand l'employeur établissait par la production du curriculum vitae que Mme X... n'avait aucune compétence technique lui permettant d'occuper lesdits postes sans une formation de base à laquelle il n'était pas tenu, la cour d'appel a privé sa décision de base au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;
4°/ que lorsque l'employeur affecte un salarié à différents postes en vue d'éviter son licenciement, ni l'absence d'information du salarié de ce que son licenciement est envisagé et de ce que ces affections sont opérées dans le cadre de l'obligation de reclassement de l'employeur, ni l'absence d'offre écrite de reclassement, ne rendent le licenciement sans cause réelle et sérieuse, dès lors que ces affectations ne s'avèrent pas concluantes et qu'il n'existe aucun poste disponible ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'employeur avait tenté de reclasser la salariée en l'affectant à différents postes (montage des équerres en composite, à la découpe et à la préparation des câbles) ; qu'en reprochant cependant à l'employeur l'absence de proposition écrite de reclassement ou d'information donnée à la salariée de ce que son licenciement était envisagé, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant constaté, sans modifier l'objet du litige, que la salariée avait occupé durant cinq mois un poste à titre de reclassement, sans que la société ait mis en oeuvre tous les efforts de formation et d'adaptation nécessaires, et qu'aucune proposition de reclassement écrite et précise n'avait été adressée à la salariée, la cour d'appel en a exactement déduit que la société n'avait pas accompli son obligation de reclassement avec loyauté et que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Nergéco France aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de la société Nergéco France et condamne celle-ci à payer à Me Carbonnier la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept mai deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Nergéco France.
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR dit que le licenciement de madame X... est sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société NERGECO FRANCE à payer à madame X... la somme de 15 000 euros de dommages et intérêts, outre une somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et d'AVOIR ordonné le remboursement par la SAS NERGECO FRANCE au Pôle Emploi Auvergne des indemnités chômage versées à madame Marie-Ligne X... dans la limite de six mois d'indemnités ;
AUX MOTIFS QUE « L'article L. 1233-4 dispose quant à lui que "le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent. À défaut et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises." En l'espèce Mme X... ne conteste pas la réalité des difficultés économiques invoquées par la société NERGECO, mais seulement le respect par ladite société de son obligation de reclassement. Si l'on se réfère aux termes de la lettre de licenciement et aux explications fournies par l'employeur, les tâches exécutées par Mme X... auraient été externalisées et confiées à un centre d'aide par le travail et la salariée affectée dans le cadre de tentatives de reclassement à différents postes de travail, à savoir au montage des équerres en composite, à la découpe et à la préparation des câbles, postes estimés par l'employeur compatibles avec sa qualification et ses compétences. Or force est de constater que Mme X... n'a reçu à l'occasion de ces changements d'affectation aucune proposition écrite de reclassement telle qu'exigée par l'article L 1233-4 du Code du travail et que rien ne permet de retenir, qu'à la date de ces changements d'affectation intervenus à partir de janvier 2009, soit plus de six mois avant la mise en oeuvre de la procédure de licenciement, elle ait même été informée de ce que son licenciement était envisagé et que ces changements de postes intervenaient dans le cadre d'une recherche de reclassement. Toujours si l'on s'en tient à la lettre de licenciement, l'impossibilité de reclasser Mme X... ne réside pas dans l'absence de poste disponible dans la même catégorie que celui occupé par la salariée, mais dans l'insuffisance professionnelle de celle-ci dans les postes essayés, sans toutefois que l'employeur ne caractérise en rien les difficultés qu'aurait pu rencontrer la salariée et qu'aucun élément ne vienne confirmer ou corroborer que celle-ci était inapte à occuper ces postes alors par ailleurs que les parties s'accordent pour reconnaître qu'il s'agissait de tâches simples et que la société NERGECO ne justifie pas des efforts de formation exigés par l'article L. 1233-4 précité. Dans ces conditions la société NERGECO ne s'étant pas acquittée de manière complète et loyale de son obligation de reclassement, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que le licenciement de madame X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Compte tenu des éléments d'appréciation versés aux débats, de l'ancienneté de la salariée dans l'entreprise, de son salaire et des justificatifs fournis, le préjudice subi par Mme X... du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse sera réparé de manière plus complète, par l'allocation d'une somme de 15.000 € à titre de dommages-intérêts » ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTES QU'« Il ressort de l'article L. 1233-4 du Code du travail que l'obligation de reclassement est un préalable à tout licenciement pour motif économique collectif ou individuel, elle présente un caractère préventif et le licenciement ne peut être notifié qu'après que l'employeur ait épuisé les possibilités de reclassement. Le reclassement du salarié doit être recherché au sein même de l'entreprise ou au sein du groupe auquel elle appartient. L'essai de reclassement qui a été mis en oeuvre auprès de madame Marie-Ligne X... durant 5 mois début 2009, peut correspondre à l'offre prévue à l'article L. 1233-4 alinéa 3 du Code du travail, mais il n'a pas fait l'objet d'une offre écrite et précise. De ce fait, il peut aussi s'apparenter à une restructuration interne, dictée par des considérations économiques, et préalable à l'externalisation des tâches de madame Marie-Ligne X... dans la mesure où les premières factures du CAT Ste Marie sont datées de fin mai 2009. Cet essai prouve dès lors la possibilité de reclassement de madame Marie-Ligne X... en interne dans un poste d'ouvrière spécialisée correspondant à sa qualification, les tâches décrites dans la lettre de licenciement ayant été accomplies durant 5 mois, sans accompagnement particulier et sans qu'aucun grief n'ait été formulé à son égard, ni qu'aucune formation particulière ne lui ait été délivrée. Le conseil de la SAS NERGECO FRANCE a d'ailleurs débuté sa plaidoirie par la phrase suivante : "Personne n'a jamais eu à se plaindre d'elle". La SAS NERGECO FRANCE ne peut dès lors alléguer l'absence de possibilité de reclassement en se retranchant derrière les insuffisances professionnelles de madame Marie-Ligne X..., alors que l'employeur, en application de l'article L. 1233-4 alinéa 1 du Code du travail, doit mettre en oeuvre tous les efforts de formation et d'adaptation de son salarié ce qui n'a pas été le cas pour la salariée, que ce soit entre 1998 et 2008, ou lors de son "essai de reclassement" début 2009. L'employeur n'a donc pas accompli son obligation de reclassement avec loyauté et le licenciement sera déclaré sans cause réelle et sérieuse » ;

1) ALORS QU'il ne peut pas être reproché à un employeur d'avoir manqué à son obligation de reclassement sans vérifier si, comme il le soutenait, il ne justifiait pas de l'absence de poste disponible ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir que madame X... ne pouvait être reclassée, non seulement parce que les essais dans d'autres emplois n'avaient pas été concluants, mais encore et surtout parce qu'il n'existait dans l'entreprise aucun poste disponible (conclusions d'appel page 13 in fine), étant entendu qu'aucune permutation de personnel n'était possible avec les autres entreprises du groupe (conclusions page 12 § 1°) ; qu'il justifiait de l'impossibilité du reclassement en versant aux débats non seulement le registre du personnel de l'entreprise, mais encore ceux de toutes les sociétés du groupe (pièces d'appel n° 7-1 à 7-3) ; qu'en reprochant cependant à l'employeur d'avoir manqué à son obligation de reclassement sans rechercher s'il ne justifiait pas de l'absence de poste disponible, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du Code du travail ;
2) ALORS en outre QUE le juge ne peut pas dénaturer les termes du litige ; qu'en l'espèce, les parties s'accordaient pour dire que le licenciement était intervenu pour motif économique, le débat s'étant noué sur la question du respect par l'employeur de son obligation de reclassement ; que l'employeur faisait valoir qu'il avait tenté de reclasser la salariée en l'affectant à plusieurs postes qui s'étaient avérés incompatibles avec sa qualification et qu'il n'existait aucun poste disponible, la salariée lui reprochant quant à elle de ne lui avoir fait bénéficier d'aucune formation ou accompagnement pour lui permettre de s'adapter ; qu'en affirmant qu'il résultait de la lettre de licenciement que celui-ci avait été prononcé pour insuffisance professionnelle de la salariée dans les postes essayés, la Cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;
3) ALORS QUE la seule circonstance que l'employeur fasse réaliser des essais professionnels à un salarié en vue d'envisager son reclassement n'établit pas que les postes correspondants sont conformes à sa qualification ; qu'en l'espèce, l'employeur avait affecté la salariée à différents postes pour tenter d'éviter son licenciement, ceux-ci s'avérant en réalité incompatibles avec sa qualification et ses compétences ; qu'ainsi, madame X..., ouvrière spécialisée affectée à l'atelier montage de fins de courses, avait été successivement affectée aux postes de montage des équerres composites, à la découpe et à la préparation des câbles, au magasin ; que dès lors, en se bornant à relever que ces postes avaient été « estimés par l'employeur compatibles avec sa qualification et ses compétences » sans se prononcer elle-même sur la compatibilité des postes occupés à l'essai par la salariée avec sa qualification, quand l'employeur établissait par la production du curriculum vitae que madame X... n'avait aucune compétence technique lui permettant d'occuper lesdits postes sans une formation de base à laquelle il n'était pas tenu, la Cour d'appel a privé sa décision de base au regard de l'article L. 1233-4 du Code du travail ;
4) ALORS QUE lorsque l'employeur affecte un salarié à différents postes en vue d'éviter son licenciement, ni l'absence d'information du salarié de ce que son licenciement est envisagé et de ce que ces affections sont opérées dans le cadre de l'obligation de reclassement de l'employeur, ni l'absence d'offre écrite de reclassement, ne rendent le licenciement sans cause réelle et sérieuse, dès lors que ces affectations ne s'avèrent pas concluantes et qu'il n'existe aucun poste disponible ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que l'employeur avait tenté de reclasser la salariée en l'affectant à différents postes (montage des équerres en composite, à la découpe et à la préparation des câbles) ; qu'en reprochant cependant à l'employeur l'absence de proposition écrite de reclassement ou d'information donnée à la salariée de ce que son licenciement était envisagé, la Cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-10808
Date de la décision : 07/05/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 20 novembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 mai. 2014, pourvoi n°13-10808


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Carbonnier, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.10808
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