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07/05/2014 | FRANCE | N°13-10552

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 mai 2014, 13-10552


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé par contrat du 31 mars 2008 par l'association UGO PREV en qualité de moniteur éducateur, a été licencié pour faute grave le 17 décembre 2008 ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur qui est préalable :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal du salarié :
Vu les articles L. 1152-3, L. 1235-3 et L. 1235-5 du code d

u travail ;
Attendu que pour réduire à la somme de 8 000 euros les indemnités ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé par contrat du 31 mars 2008 par l'association UGO PREV en qualité de moniteur éducateur, a été licencié pour faute grave le 17 décembre 2008 ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur qui est préalable :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal du salarié :
Vu les articles L. 1152-3, L. 1235-3 et L. 1235-5 du code du travail ;
Attendu que pour réduire à la somme de 8 000 euros les indemnités que l'employeur a été condamné à payer pour licenciement nul et préjudice moral subi, l'arrêt retient que le salarié justifie d'une ancienneté de neuf mois ;
Attendu cependant que le salarié victime d'un licenciement nul et qui ne réclame pas sa réintégration a droit, quelle que soit son ancienneté dans l'entreprise, d'une part, aux indemnités de rupture, d'autre part, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaire ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait jugé que le licenciement du salarié était nul pour avoir été prononcé en raison des accusations de harcèlement moral qu'il avait proférées et qu'il résultait de ses constatations que le salaire mensuel moyen du salarié était de 1 897 euros brut, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé à la somme de 8 000 euros l'indemnité dues par l'employeur au salarié au titre de la nullité du licenciement et du préjudice moral subi, l'arrêt rendu le 21 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne l'association UGO PREV aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'association UGO PREV et condamne celle-ci à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept mai deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Tiffreau, Corlay et Marlange, avocat aux Conseils, pour M. X....
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité à la somme de 8.000 euros la condamnation de l'Association UGO PREV à verser à M. X... au titre de l'indemnité pour licenciement nul et préjudice moral avec les intérêts au taux légal à compter dudit arrêt.
AUX MOTIFS QUE : « M. X... justifie d'une ancienneté de 9 mois ; qu'il lui sera alloué la somme de 8.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul et le préjudice moral subi ; qu'en application de l'article L.1234-1 du Code du travail, M. X... percevra les sommes de 1.897 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de 190 euros bruts au titre des congés payés y afférents ; que le jugement sera réformé sur le montant des dommages et intérêts alloués » (arrêt attaqué p.3 et 4)
ALORS QUE : le salarié victime d'un licenciement nul et qui ne réclame pas sa réintégration a droit, quelle que soit son ancienneté dans l'entreprise, d'une part, aux indemnités de rupture, d'autre part, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaires ; qu'en limitant à la somme en principal de 8.000 euros, l'indemnité de M. X... pour licenciement nul et préjudice moral, ce qui représentait moins de six mois de salaire, la Cour d'appel a violé les articles L. 1152-3, L. 1235-3 et L. 1235-5 du Code du travail.

Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour l'association UGO PREV.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement qui a dit nul le licenciement de M. X...,
AUX MOTIFS QUE "Monsieur X... a été licencié pour faute grave en raison des accusations de harcèlement moral portées à l'encontre de sa responsable hiérarchique et de la directrice de l'association, accusations qui selon l'employeur se seraient avérées infondées après deux enquêtes menées d'une part par le médecin du travail et d'autre part par l'association elle-même.
Considérant qu'il n'y a pas lieu d'analyser si les faits évoqués par Monsieur X... sont constitutifs d'un harcèlement moral; qu'en effet, il est constant que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi; qu'ainsi, cette mauvaise foi ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis et elle ne se déduit pas de la seule diffusion d'accusations auprès d'autorités et organismes; qu'il conviendra donc de rechercher si la mauvaise foi de M. X... peut être retenue;
Considérant qu'aux termes de courriers en date des 19 et 30 septembre 2008 émanant du médecin du travail et adressées au médecin traitant, il est indiqué que "votre patient exprime une souffrance au travail liée à un conflit hiérarchique avec troubles digestifs et insomnies. Merci de le mettre en arrêt maladie. Je prends contact avec la nouvelle directrice pour trouver une solution dans l'entreprise" (courrier du 19 septembre) et "souffrance au travail avec équivalence pré DN (dépression nerveuse) troubles digestifs et troubles du sommeil. Confirmation par test stress HAD" (courrier du 30 septembre); que le fait que le salarié ait été ensuite déclaré apte à son poste ne démontre pas la mauvaise foi de ce dernier et de d'autant plus que cette reprise d'activité est "sous réserve d'un suivi médical", le médecin du travail ayant indiqué qu'il devait revoir le salarié dans un mois (fiche d'aptitude du 30 septembre 2008); qu'ainsi, Monsieur X... sera en arrêt maladie, quasiment sans interruption, du 19 septembre 2008 au 12 janvier 2009;
Considérant que l'employeur ne peut valablement s'appuyer sur des imprécisions ou des divergences dans les courriers adressés par Monsieur X... à sa hiérarchie pour voir écarter les prétentions de ce dernier; qu'en effet, la preuve de la mauvaise foi suppose que le salarié connaissait clairement la fausseté de son propos lorsqu'il l'a énoncé ou qu'il a agi avec une légèreté ou avec excès; qu'ainsi, l'emploi maladroit ou inapproprié de certains termes et/ou d'imprécisions ne peut être suffisant pour établir l'existence de la mauvaise foi du salarié, compte tenu par ailleurs du contenu des fiches médicales susmentionnées;
Qu'enfin, il ne saurait être tenu compte de la chronologie des faits qui selon l'employeur révèlerait la véritable intention de Monsieur X..., à savoir obtenir un départ prématuré pour suivre une formation; qu'en effet, au regard des éléments sus-évoqués, cette affirmation, non corroborée au demeurant par des éléments tangibles, ne saurait suffire à retenir la mauvaise foi du salarié;
Considérant que c'est par des motifs justes et pertinents que la Cour adopte que les premiers juges ont relevé l'absence de mauvaise foi de Monsieur X..., après avoir procédé à une analyse du contexte professionnel dans lequel évoluait Monsieur X...; que par conséquent, il conviendra de confirmer le jugement déféré en déclarant nul le licenciement de Monsieur X..." (arrêt p. 4 et 5),
ET AUX MOTIFS ADOPTES, QU'"il sera retenu, en préambule, que l'employeur dans l'énoncé de la lettre de licenciement n'évoque pas la mauvaise foi de son salarié, mais également et en tout état de cause, que la conjonction de la notification d'un avertissement, le 16 septembre 2008 et l'annonce le même jour que la formation d'éducateur spécialisé qu'il devait entreprendre était repoussée, ainsi que les difficultés relationnelles évidentes rencontrées dans l'exercice de ses missions avec sa supérieure hiérarchique peuvent tout à faire expliquer le ressenti d'une situation de harcèlement et justifient ainsi que la mauvaise foi ne soit pas retenue, que de même les propos qu'auraient tenus la chef de service de M. X... à son encontre tout au long de leur relation de travail, et que celui-ci rapporte dans ses courriers des 22 septembre et 10 octobre 2008, ont de toute évidence participé au processus de sentiment de harcèlement moral et qu'il convient de préciser là que l'enquête menée par l'association ne conclut nullement à l'inexistence des faits rapportés par Mr X... et notamment ne conclut pas quant au fait que ces propos n'auraient jamais été tenus" (jugement, p. 7),
ALORS, D'UNE PART, QUE si un salarié ne peut en principe être licencié pour avoir relaté ou dénoncé des faits de harcèlement moral, sa mauvaise foi, qui résulte du caractère mensonger des faits dénoncés, peut néanmoins justifier une telle mesure ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que le licenciement de M. X..., qui était motivé par le fait qu'il avait porté des accusations mensongères à l'encontre de de ses supérieures hiérarchiques nouvellement embauchées, devait être annulé en l'absence de mauvaise foi du salarié; qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur la question de savoir si les faits dont M. X... s'était prétendu victimes étaient ou non avérés et s'il n'avait pas menti en les relatant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail,
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la mauvaise foi du salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral résulte du caractère mensonger desdits faits et ne peut donc être exclue que si ces faits sont avérés; qu'en l'espèce, les premiers juges ont considéré, pour dire que la mauvaise foi de M. X... n'était pas établie, que l'enquête menée par l'association ne concluait pas à l'inexistence des faits qu'il avait rapportés; qu'en adoptant ces motifs, inopérants car impropres à établir la réalité des faits dénoncés par le salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail,
ALORS, EGALEMENT, QUE le juge ne doit pas dénaturer les éléments de la cause; qu'en l'espèce, la cour d'appel a adopté les motifs de premiers juges, qui ont considéré que la lettre de licenciement (prod. 4) n'évoquait pas la mauvaise foi du salarié; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de celle-ci qu'il était reproché à M. X... d'avoir proféré des accusations non fondées, et donc mensongères, à l'encontre de ses supérieures hiérarchiques, ce dont il s'évince que sa mauvaise foi était bien invoquée, la cour d'appel a dénaturé la lettre de licenciement en violation de l'article 1134 du code civil,
ALORS, DE SURCROIT, QUE le fait qu'un salarié entretienne des relations professionnelles difficiles avec sa supérieure hiérarchique ne l'autorise pas à lui imputer de façon mensongère des faits injustifiés et n'exclut pas sa mauvaise foi concernant la relation mensongère desdits faits; qu'en considérant que les difficultés relationnelles évidentes rencontrées dans l'exercice de ses missions avec sa supérieure hiérarchique justifiaient le ressenti d'une situation de harcèlement et excluaient la mauvaise foi de M. X..., la cour d'appel a violé les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail,
ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le juge doit s'expliquer sur les éléments qu'il retient au soutien de sa décision; qu'en considérant que M. X... rencontrait des difficultés relationnelles évidentes avec sa supérieure hiérarchique justifiant un ressenti de harcèlement moral, sans expliquer sur les éléments pris en considération pour retenir l'existence de ces difficultés, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile,
ALORS, ENFIN, QUE tout jugement doit comporter des motifs propres à le justifier et des motifs hypothétiques équivalent à une absence de motifs; qu'en l'espèce, le conseil de prud'hommes a retenu, pour considérer que M. X... n'était pas de mauvaise foi, que "les propos qu'auraient tenus la chef de service de M. X... à son encontre tout au long de leur relation de travail, et que celui-ci rapporte dans ses courriers des 22 septembre et 10 octobre 2008, ont de toute évidence participé au processus de harcèlement" ; qu'en adoptant ces motifs, hypothétiques quant à la réalité des propos que la chef de service de M. X... aurait tenu à son encontre, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-10552
Date de la décision : 07/05/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 21 novembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 mai. 2014, pourvoi n°13-10552


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Tiffreau, Marlange et de La Burgade

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.10552
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