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07/05/2014 | FRANCE | N°12-29421

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 mai 2014, 12-29421


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 11 octobre 2012), que M. X..., engagé le 2 janvier 1990 en qualité de journaliste professionnel par la société La Nouvelle République du Centre-Ouest, a, après avoir occupé la fonction de directeur départemental du Loir-et-Cher, à Blois, puis, à compter du 1er janvier 2008, celle de directeur départemental de la Vienne, à Poitiers, été licencié pour motif économique le 27 novembre 2009 dans le cadre d'un licenciement collectif ;
Attendu

que la société La Nouvelle République du Centre-Ouest fait grief à l'arrêt ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 11 octobre 2012), que M. X..., engagé le 2 janvier 1990 en qualité de journaliste professionnel par la société La Nouvelle République du Centre-Ouest, a, après avoir occupé la fonction de directeur départemental du Loir-et-Cher, à Blois, puis, à compter du 1er janvier 2008, celle de directeur départemental de la Vienne, à Poitiers, été licencié pour motif économique le 27 novembre 2009 dans le cadre d'un licenciement collectif ;
Attendu que la société La Nouvelle République du Centre-Ouest fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour non respect des critères d'ordre des licenciements, alors, selon le moyen, que l'employeur n'a pas à appliquer l'ordre des licenciements lorsque le salarié licencié est le seul de sa catégorie professionnelle ; que la catégorie professionnelle qui sert de base à l'établissement de l'ordre des licenciements regroupe l'ensemble des salariés qui exercent dans l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune et qui sont interchangeables ; qu'en l'espèce, l'employeur soulignait que le salarié avait lui-même reconnu dans ses conclusions de première instance que son poste de directeur de département de la Vienne était unique en termes d'intérêt et de responsabilités, ce dont il résultait qu'il n'y avait pas de permutabilité avec les autres directeurs départementaux ; que la cour d'appel a elle-même constaté qu'il n'était pas sérieusement contesté que Poitiers était la seule capitale régionale de sa zone de diffusion, que son édition de la Vienne avait le plus fort tirage et que le directeur de ce département avait une prime de responsabilité supérieure ; que dès lors, en se bornant ensuite, pour juger que le salarié n'était pas seul dans sa catégorie professionnelle et que celle-ci comprenait les sept directeurs départementaux, à affirmer péremptoirement et par des motifs d'ordre général, que tous les postes de directeur départemental étaient de même nature, peu important le tirage de chaque édition départemental et en corollaire le nombre de salariés subordonnés, et que tel directeur départemental avait les capacités professionnelles lui permettant de remplacer l'un de ses collègues d'un autre département, sans justifier en fait en quoi la différence de niveau de responsabilités existant entre le poste de directeur départemental de la Vienne et les autres postes de directeur départemental ne faisait pas obstacle à l'interchangeabilité des salariés en cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-5 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant constaté, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que tous les postes de directeur départemental étaient équivalents, car de même nature, et que le niveau pertinent d'application des critères définis pour la mise en oeuvre de l'ordre des licenciements était celui des sept directeurs départementaux, en sorte que le salarié n'était pas le seul de sa catégorie professionnelle, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société La Nouvelle République du Centre-Ouest aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société La Nouvelle République du Centre-Ouest et condamne celle-ci à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept mai deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société La Nouvelle République du Centre-Ouest
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société LA NOUVELLE REPUBLIQUE DU CENTRE OUEST à payer à Monsieur X... les sommes de 100. 000 € de dommages et intérêts pour non-respect des critères de l'ordre des licenciement et 2. 400 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel,
AUX MOTIFS QUE « la société ayant connu de sérieuses difficiles économiques a été amenée à mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi entraînant la suppression de 116 postes, don celui de M. X.... C'est ainsi qu'il a été licencié pour motif économique le 27 novembre 2009. Il ne conteste que les critères de licenciement, le litige posant diverses questions qu'il convient d'analyser successivement.
FALLAIT-IL APPLIQUER DES CRITÈRES ?
Cette obligation existe dès lors qu'il y a un choix à opérer entre plusieurs salariés, le nombre des licenciements envisagés étant inférieur au nombre de salariés occupant un poste identique ou quasiment identique et ainsi potentiellement concernés. Les salariés ayant le titre de directeur départemental étaient au nombre de 7, et le plan prévoyait la suppression de 3 de ces postes (et non d'un seul comme le soutient l'appelant), dont celui de la VIENNE. La société affirme qu'il n'y avait pas de critères à appliquer dès lors que le poste de directeur départemental de la VIENNE était selon elle unique) car :
- POITIERS est la seule capitale régionale de sa zone de diffusion
-son édition de la VIENNE avait le plus fort tirage
-le directeur de ce département avait une prime de responsabilité supérieure
Ces faits ne sont pas sérieusement contestés mais ils ne font pas pour autant du poste litigieux un poste unique ; tous les postes de directeur départemental étaient équivalents car de même nature, peu important le tirage différent, de chaque édition départementale, avec pour corollaire un nombre de salariés subordonnés qui n'était pas le même. Quant au fait que POITIERS soit la seule capitale régionale, l'argument manque totalement de sérieux. Pour déterminer s'il faut appliquer des critères, il faut que, si cette application aboutit au licenciement d'un salarié dont ce n'est pas le poste qui est supprimé, celui dont le poste est supprimé mais qui est conservé puisse prendre la place de son collègue évincé. Tel était bien le cas ici : tel directeur départemental avait les capacités professionnelles lui permettant de remplacer l'un de ses collègues d'un autre département.
En conclusion :
- il fallait bien appliquer des critères
-le niveau d'appréciation pertinent était celui des 7 directeurs départementaux, parmi lesquels il convenait de choisir les 3 à licencier.
LES CRITÈRES DÉTERMINÉS PAR LE PSE ET EFFECTIVEMENT APPLIQUÉS L'APPLICATION GÉNÉRALE
Le PSE précise que, dès lors que le poste supprimé n'est pas unique, les critères appliqués seront les suivants :
- l'ancienneté-la situation de famille-le handicap, reconnu par la MAISON DU HANDICAP-la qualité professionnelle, subdivisée en plusieurs sous critères.

Ce sont ces critères qui ont été effectivement appliqués.
La société fait grand cas d'une ordonnance de référé du 27 octobre 2009 qui a refusé d'annuler le PSE à la demande du comité d'entreprise, alors que la question de la détermination des critères n'était pas posée par cette action, puisque de toute façon une irrégularité à ce niveau n'aurait pas été de nature à entraîner la nullité du plan. Cette décision est donc sans intérêt dans le présent litige. L'article L 1233-5 alinéa 3 du code du travail dispose que les critères prennent notamment en compte « la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ». Si l'employeur peut ajouter des critères non prévus par le texte (en raison du mot « notamment »), il doit prendre en compte tous les critères légaux ; et ne peut en écarter un, même partiellement. Or, en réduisant les caractéristiques sociales rendant la réinsertion professionnelle particulièrement difficile au seul handicap, écartant celle tenant à l'âge, la société a méconnu la règle susvisée. Elle ne craint pas de soutenir que c'est à bon droit qu'elle l'a fait car le PSE prévoit des mesures particulières au bénéfice des salariés de 55 ans et plus. Il s'agit évidemment de 2 niveaux d'appréciation différents ; ces mesures spécifiques, destinées à mieux reclasser ou indemniser les salariés âgés qui seraient licenciés, ne la dispensaient pas d'appliquer le critère de l'âge en amont, afin de déterminer qui devait être licencié ou non. Quant aux statistiques sur les critères appliqués à l'ensemble des journalistes, tendant à prouver que globalement les salariés âgés n'ont pas été désavantagés, elles ne prouvent rien, car ceux-ci auraient été encore mieux placés si l'âge avait été pris en compte. Si les autres critiques ne sont pas fondées (l'employeur pouvant privilégier le critère des qualités professionnelles, ce qu'il a fait en lui attribuant une importance de l'ordre de 80 pour 100 dans la note finale, dès lors qu'il les prenait tous en compte, et peu important que la distinction entre polyvalence et polyaptitude soit quelque peu artificielle), cette absence de prise en compte d'un critère légal suffit pour invalider l'ordre établi.
L'APPLICATION PARTICULIERE
LE NOMBRE D'ENFANTS À CHARGE
Ce critère est pondéré à 1, 5. Un couple sans enfant à charge a 1 point. Un couple avec 1 ou 2 enfants à charge en a 2. L'appelant a été considéré comme sans enfant à charge, alors qu'en définitive il n'est pas contesté qu'il en avait 2. Le 22 juillet 2009 lui est envoyé un document lui demandant une mise à jour de sa situation de famille pour appliquer les critères. Il a certes eu tort de ne pas répondre à ce questionnaire. Il n'en reste pas moins qu'après 19 ans dans l'entreprise, la hiérarchie ne pouvait ignorer sa situation familiale. Plus que cela, plusieurs membres de la hiérarchie lui ont adressé des félicitations pour la naissance de son fils Joseph, né fin 1996 :
- Monsieur
Y...
, président du directoire-M. Z..., président du conseil de surveillance (qui prend connaissance que Joseph est le cinquième des enfants)- M. A..., vice-président du directoire-M. B..., rédacteur en chef L'existence de Joseph, 13 ans lors du licenciement, était ainsi connue de tous ; il appartenait donc à celui qui avait envoyé le questionnaire de relancer M. X... pour qu'il le remplisse, à défaut de le créditer d'office d'un enfant à charge, ce qui aurait suffi pour lui attribuer la note de 2x 1, 5 égale 3, au lieu de 1, 5, soit une différence de 1, 5.

L'ANCIENNETÉ DE M. C...

Celle de 0 à 9 ans donne 1 point. Celle de 10 à 22 ans en donne 2. M. C... a eu 2 points car il a été considéré que son ancienneté remontait au 30 mai 1993. Il est engagé le 2 janvier 2008, mais, par avenant du 27 février 2008, il a été convenu que, pour le seul calcul de sa prime d'ancienneté, celle-ci remontait au 30 mai 1993, compte tenu de son emploi précédent à l'EST RÉPUBLICAIN. Or l'alinéa 2 de l'article L 1233-5 parle de l'ancienneté « de service » dans l'établissement ou l'entre prise.
Cette rédaction exclut ainsi une reprise d'ancienneté chez un employeur précédent, d'autant plus qu'ici cette reprise était exclusivement limitée au calcul de la prime d'ancienneté. M. C... n'aurait donc dû avoir qu'1 point. En définitive, le classement retenu pour déterminer le troisième licencié est le suivant :
- M. X... : 37, 5 (licencié)- M. C... : 42, 5 Il aurait dû être le suivant :- M. X... : 39- M. E...: 40, 5- Monsieur C... : 41, 5 Si ces rectifications ne suffisent pas pour modifier le résultat, elles ont malgré tout pour effet de resserrer les écarts. En outre, en cas de conte station, il appartient à l'employeur de communiquer au juge les éléments objectifs sur lesquels il s'est appuyé pour arrêter son choix. Cette règle s'applique aussi aux qualités professionnelles, et il en est d'autant plus ici qu'en raison des pondérations retenues il avait une importance privilégiée. L'employeur peut rapporter cette preuve par divers moyens (attestations des supérieurs hiérarchiques, notation).

Ici :- en polyaptitude, M. X... a une note de 3, et M. C... de 6
- en aptitude au travail en équipe, M. X... à une note de 2, et Messieurs E..., C... et F...de 4. Il a donc 2 points de moins que M. E..., et 5 de moins que M. C.... S'il avait obtenu des note ; équivalentes à ceux-ci, le résultat aurait basculé en sa faveur. Or la société ne produit aucun élément concret pour valider ces chiffres. Il est d'ailleurs particulièrement étonnant que M. X..., à qui a été confié, à sa demande la direction départementale de la VIENNE, présentée comme le département le plus important, ce qui ne peut s'expliquer que par des qualités professionnelles reconnues, obtienne les notes précitées, et que Monsieur C..., qui était arrivé depuis moins de 2 ans, obtient d'emblée des notes très supérieures. En conclusion, cette absence d'éléments objectifs pour valider les notes de qualité professionnelle constitue aussi un non-respect des critères qui a causé à l'appelant un préjudice allant jusqu'à la perte injustifiée de son emploi. Selon ses derniers bulletins de paie, son salaire brut moyens était de 67668 plus 4025 égale 71 693/ 12 égale 5974 euros. Il a adhéré, le 8 décembre 2009, au congé de reclassement de 4 mois qui l'a indemnisé. Il soutient être ensuite resté au chômage de façon continue mais ne produit pour autant que des justifications parcellaires : des relevés d'attestation Pôle Emploi pour les seuls mois d'août 2011 et mai 2012. Il précise avoir créé une EURL VERBATIM CONSEIL qui en 2011 lui a procuré un revenu de 1833 euros selon les éléments financiers officiels (et non de 15000 euros comme il l'indique) qu'il peut cumuler avec ses indemnités de chômage. La perte injustifiée de son emploi lui a causé un préjudice matériel et moral, sans qu'il y ait lieu d'accorder 2 sommes distinctes. Il sera évalué à 100 000 euros »

ALORS QUE l'employeur n'a pas à appliquer l'ordre des licenciements lorsque le salarié licencié est le seul de sa catégorie professionnelle ; que la catégorie professionnelle qui sert de base à l'établissement de l'ordre des licenciements regroupe l'ensemble des salariés qui exercent dans l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune et qui sont interchangeables ; qu'en l'espèce, l'employeur soulignait que le salarié avait lui-même reconnu dans ses conclusions de première instance que son poste de directeur de département de la Vienne était unique en termes d'intérêt et de responsabilités, ce dont il résultait qu'il n'y avait pas de permutabilité avec les autres directeurs départementaux (conclusions d'appel de l'exposante, p. 10-11) ; que la Cour d'appel a elle-même constaté qu'il n'était pas sérieusement contesté que POITIERS était la seule capitale régionale de sa zone de diffusion, que son édition de la Vienne avait le plus fort tirage et que le directeur de ce département avait une prime de responsabilité supérieure ; que dès lors, en se bornant ensuite, pour juger que le salarié n'était pas seul dans sa catégorie professionnelle et que celle-ci comprenait les sept directeurs départementaux, à affirmer péremptoirement et par des motifs d'ordre général, que tous les postes de directeur départemental étaient de même nature, peu important le tirage de chaque édition départemental et en corollaire le nombre de salariés subordonnés, et que tel directeur départemental avait les capacités professionnelles lui permettant de remplacer l'un de ses collègues d'un autre département, sans justifier en fait en quoi la différence de niveau de responsabilités existant entre le poste de directeur départemental de la Vienne et les autres postes de directeur départemental ne faisait pas obstacle à l'interchangeabilité des salariés en cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-5 du Code du travail ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-29421
Date de la décision : 07/05/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 11 octobre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 mai. 2014, pourvoi n°12-29421


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.29421
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