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06/05/2014 | FRANCE | N°13-10197

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 mai 2014, 13-10197


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 1er octobre 1996 par la société Xotis en qualité d'assistante de gestion ; qu'en arrêt de travail pour maladie depuis le 3 novembre 2009, elle a été licenciée le 2 juin 2010 en raison des perturbations apportées à l'entreprise par son absence prolongée nécessitant son remplacement ; qu'elle a contesté le bien fondé de son licenciement en soutenant que son absence résultait d'un état dépressif réactionnel à un harcèlement moral ;
Sur

le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur :
Attendu que l'employeur fa...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 1er octobre 1996 par la société Xotis en qualité d'assistante de gestion ; qu'en arrêt de travail pour maladie depuis le 3 novembre 2009, elle a été licenciée le 2 juin 2010 en raison des perturbations apportées à l'entreprise par son absence prolongée nécessitant son remplacement ; qu'elle a contesté le bien fondé de son licenciement en soutenant que son absence résultait d'un état dépressif réactionnel à un harcèlement moral ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement de dommages-intérêts réparant le préjudice résultant de la communication des pièces 9, 10 et11, alors, selon le moyen :
1°/ que n'est pas déloyal le fait pour une partie de communiquer une pièce en la désignant dans le bordereau de communication de pièces « pièce écartée des pièces » a fortiori si ladite pièce est par ailleurs communiquée par la partie adverse qui n'est donc plus fondée à critiquer une telle communication ; qu'il était en l'espèce constant que la société Xotis avait communiqué une pièce faisant état d'une sanction amnistiée tout en prenant soin de la désigner dans son bordereau de « pièce écartée des débats » ; que cette pièce était par ailleurs communiquée aux débats par la partie adverse (cf. pièce d'appel adverse n° 6) ; qu'en affirmant que la société Xotis avait été déloyale dans la communication d'une pièce désignée « pièce écartée des débats », la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
2°/ que l'employeur peut invoquer en défense la matérialité de faits, fussent-ils amnistiés ou prescrits au plan disciplinaire, mais susceptibles de constituer un élément d'appréciation de l'exécution, par le salarié, de ses obligations contractuelles et le cas d'échéant, de remettre en cause l'objectivité de pièces vantant ses mérites professionnels ; qu'en l'espèce, la société Xotis avait communiqué des pièces qui faisaient allusion à des sanctions amnistiées et/ou prescrites, de nature à démontrer que l'attestation de l'ancien gérant, M. Y..., qui sur sollicitation de la salariée avait vanté ses qualités professionnelles, tandis qu'il lui avait notifié dans les faits plusieurs sanctions disciplinaires, était une attestation de pure complaisance ; qu'en sanctionnant la société Xotis pour un manquement inexistant tiré de la communication de pièces faisant allusion à des sanctions amnistiées et prescrites, la cour d'appel a violé les articles 11, 12 et 13 de la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie et l'article L. 1332-5 du code du travail, ensemble l'article 1382 du code civil ;
3°/ que l'octroi de dommages-intérêts suppose l'existence d'un préjudice qu'il appartient aux juges du fond de caractériser ; qu'en se bornant à allouer à la salariée la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice résultant de la communication de certaines pièces faisant état de sanctions disciplinaires amnistiées et prescrites sans caractériser l'existence d'un préjudice subi par la salariée distinct de celui déjà indemnisé par le retrait des pièces des débats, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant constaté que l'employeur avait communiqué une pièce rappelant une sanction disciplinaire amnistiée, présentée sur le bordereau de communication de pièces comme étant "écartée des débats", la cour d'appel a retenu à bon droit que l'employeur avait commis une faute par la communication d'une pièce rappelant une sanction amnistiée, dont il n'était pas soutenu qu'elle était nécessaire à sa défense, et a, par la seule évaluation qu'elle en a fait, caractérisé le préjudice en résultant pour la salariée ; que le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit en sa première branche en ce qu'il invoque la communication de la pièce litigieuse par la salariée elle-même en réponse à la communication de cette pièce par l'employeur, et en sa deuxième branche et dès lors irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi principal :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de le condamner à payer de dommages-intérêts à ce titre et pour harcèlement moral, alors, selon le moyen :
1°/ que ne saurait laisser présumer des agissements de harcèlement moral le fait unique de l'employeur de s'abstenir de répondre au courrier d'un salarié contestant un rappel à l'ordre et se plaignant de la dégradation de ses conditions de travail, le salarié placé en arrêt maladie produirait-il des éléments médicaux relatant des troubles d'anxiété liés à un conflit d'ordre professionnel ; que dès lors, en se bornant à relever que le courrier de contestation de la salariée du 4 novembre 2009 n'avait suscité aucune réaction de l'employeur et qu'était ainsi établi un managment sans communication ayant rendu malade la salariée à compter du 3 novembre 2009, laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
2°/ qu'il appartient au salarié d'établir la matérialité des faits qu'il allègue comme faisant présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en l'espèce, Mme Z... affirmait que son absence prolongée, ayant justifié son remplacement définitif, était la conséquence du harcèlement moral dont elle aurait fait l'objet, lequel se serait manifesté par « des pratiques d'isolement, un retrait de fonctions, des critiques incessantes et des allégations humiliantes » ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas présenter les éléments retenus concrètement pour justifier le rappel à l'ordre du 2 novembre 2009 et de ne pas utilement contester les accusations relatives aux conditions de travail dégradées, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et en conséquence a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Mais attendu d'une part qu'ayant constaté que, dans sa lettre de réponse du 4 novembre 2009, la salariée mettait en cause le comportement de l'employeur qu'elle accusait de dégrader ses conditions de travail, ce qui était à l'origine d'une atteinte à la santé médicalement constatée, en cherchant à l'écarter, notamment en lui supprimant certaines tâches, que la plainte de la salariée n'avait suscité aucune réaction de la part de l'employeur, qu'il résultait par ailleurs des éléments médicaux présentés par la salariée, en particulier du certificat d'un psychiatre, que depuis le 24 novembre 2009 la salariée avait bénéficié de soins, prenant la forme d'un traitement pharmacologique et de mesures psychothérapiques pour des troubles d'anxiété généralisée « liés à des conflits d'ordre professionnel », la cour d'appel a pu en déduire que la salariée, qui n'était pas entendue quand elle contestait, de manière circonstanciée, les reproches professionnels dont elle avait fait l'objet et imputait la dégradation de ses conditions de travail à une situation qui concernait sa place dans l'entreprise, établissait ainsi des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que l'employeur ne présentait pas les éléments retenus concrètement pour justifier le rappel à l'ordre adressé à une salariée dont la compétence professionnelle avait été reconnue pendant quinze ans et qu'il se bornait à contester les accusations relatives aux conditions de travail dégradées quand il lui incombait de présenter l'organisation du travail mise en place pour démontrer qu'il n'y avait pas eu de changement au niveau des attributions confiées à la salariée de nature à provoquer sa déstabilisation, la cour d'appel, qui en a déduit que l'employeur ne prouvait pas que les faits dénoncés par la salariée étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le troisième moyen du pourvoi principal de l'employeur :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement de dommages et intérêts pour perte de chance d'une reprise du travail après maladie, alors, selon le moyen, qu'interdiction est faite au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement indiquait qu'à « la date de la première présentation de cette lettre manquera le point de départ de votre préavis de deux mois qui compte tenu de ce que vous avez déclaré lors de l'entretien ne sera pas exécuté non de notre fait mais en raison de votre état de santé » ce dont il résultait que l'employeur avait dispensé le salarié de l'exécution de son préavis ; qu'en affirmant que dans la lettre de licenciement, l'employeur ne dispensait pas sa salariée de l'exécution de son préavis mais anticipait sur une éventuelle prolongation de l'arrêt de travail de l'intéressée, la cour d'appel qui a dénaturé cette lettre, a violé le principe prohibant la dénaturation des documents de la cause ;
Mais attendu qu'en retenant que, par la mention dans la lettre de licenciement selon laquelle « la date de la première présentation de cette lettre marquera le point de départ de votre préavis de deux mois qui, compte tenu de ce que vous avez déclaré lors de l'entretien ne sera pas exécuté, non de notre fait mais en raison de votre état de santé », l'employeur n'avait pas dispensé la salariée de l'exécution de son préavis, la cour d'appel n'a pas dénaturé la lettre de licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident de la salariée :
Vu les articles L. 6323-17 et L. 6323-19 du code du travail ;
Attendu que l'employeur doit, dans la lettre de licenciement, sauf faute lourde, informer la salariée de la possibilité qu'elle a de demander, jusqu'à l'expiration du préavis, que celui-ci soit ou non exécuté, ou pendant une période égale à celle du préavis qui aurait été applicable, à bénéficier d'une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en paiement de dommages-intérêts, l'arrêt retient que la rédaction de la lettre de licenciement, en ce qui concerne les droits en matière de droit individuel à la formation d'une salariée qui n'exécute pas son préavis, ne fait pas apparaître d'insuffisance au regard des exigences posées par l'article L. 6323-17 du code du travail ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi principal ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour inobservation de l'information en matière de droit individuel à la formation, l'arrêt rendu le 7 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne la société Xotis aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Xotis à payer à Mme Z... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six mai deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Xotis, demanderesse au pourvoi principal.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société XOTIS à payer à Mme Delphine Z... la somme de 1.000 ¿ à titre de dommages et intérêts réparant le préjudice résultant de la communication des pièces 9, 10 et11 ;
AUX MOTIFS QUE « Sur l'incident de communication de pièces :La communication des pièces 9,10 et 11 de la société XOTIS donne lieu à une contestation qu'il est nécessaire de trancher pour déterminer si les éléments litigieux doivent ou non être pris en considération dans le débat sur le fond.Le bordereau qui énumère les pièces de la société XOTIS indique au numéro 9 « pièce écartée des débats » mais il est constaté que cette pièce figure dans l'ensemble de celles communiquées, ce qui caractérise une déloyauté dans la communication doublée d'un fait illicite consistant à rappeler une sanction amnistiée.Il est constant que les pièces 10 et 11 sont relatives à une sanction disciplinaire antérieure de plus de trois ans à l'engagement de la procédure de licenciement qui résulte d'une lettre du 17 mai 2010, alors que les dispositions de l'article L 1332-5 interdisent de prendre en considération des faits de plus de trois ans à l'appui d'une nouvelle sanction, ce qui vaut également quand la cause de licenciement n'est pas disciplinaire.Les pièces en question seront écartées des débats et, en réparation du préjudice résultant d'une communication irrégulière, il sera alloué à Mme Z... une indemnité dont le montant sera précisé dans la décision qui suit » ;
1. ALORS QUE n'est pas déloyal le fait pour une partie de communiquer une pièce en la désignant dans le bordereau de communication de pièces « pièce écartée des pièces » a fortiori si ladite pièce est par ailleurs communiquée par la partie adverse qui n'est donc plus fondée à critiquer une telle communication ; qu'il était en l'espèce constant que la société XOTIS avait communiqué une pièce faisant état d'une sanction amnistiée tout en prenant soin de la désigner dans son bordereau de « pièce écartée des débats » ; que cette pièce était par ailleurs communiquée aux débats par la partie adverse (cf. pièce d'appel adverse n°6) ; qu'en affirmant que la société XOTIS avait été déloyale dans la communication d'une pièce désignée « pièce écartée des débats », la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
2. ALORS QUE l'employeur peut invoquer en défense la matérialité de faits, fussent-ils amnistiés ou prescrits au plan disciplinaire, mais susceptibles de constituer un élément d'appréciation de l'exécution, par le salarié, de ses obligations contractuelles et le cas d'échéant, de remettre en cause l'objectivité de pièces vantant ses mérites professionnels ; qu'en l'espèce, la société XOTIS avait communiqué des pièces qui faisaient allusion à des sanctions amnistiées et/ou prescrites, de nature à démontrer que l'attestation de l'ancien gérant, Monsieur Y..., qui sur sollicitation de la salariée avait vanté ses qualités professionnelles, tandis qu'il lui avait notifié dans les faits plusieurs sanctions disciplinaires, était une attestation de pure complaisance ; qu'en sanctionnant la société XOTIS pour un manquement inexistant tiré de la communication de pièces faisant allusion à des sanctions amnistiées et prescrites, la Cour d'appel a violé les articles 11, 12 et 13 de la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie et l'article L. 1332-5 du Code du travail, ensemble l'article 1382 du Code civil ;
3. ALORS QUE l'octroi de dommages et intérêts suppose l'existence d'un préjudice qu'il appartient aux juges du fond de caractériser ; qu'en se bornant à allouer à la salariée la somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice résultant de la communication de certaines pièces faisant état de sanctions disciplinaires amnistiées et prescrites sans caractériser l'existence d'un préjudice subi par la salariée distinct de celui déjà indemnisé par le retrait des pièces des débats, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société XOTIS à payer à Madame Z... les sommes suivantes 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 3000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral subi au travail, d'AVOIR condamné la société XOTIS à payer à Madame Z... la somme de 2000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile et d'AVOIR condamné la société XOTIS aux entiers dépens ;
AUX MOTIFS QUE Sur la contestation du bien-fondé du licenciement Il résulte des débats et du dossier que l'arrêt de travail de Mme Z... débute le lendemain de la réception d'un courrier par lequel l'employeur l'informe qu'il n'est pas satisfait des prestations réalisées, au motif que sont commises des erreurs dues au manque d'organisation dans la tenue des comptes et qu'elle doit réagir.Dans son courrier de réponse du 4 novembre 2009, Mme Z... non seulement conteste le grief d'insuffisance professionnelle en fournissant ses explications relatives à la répartition des responsabilités au sein de l'entreprise mais elle met en cause le comportement de l'employeur qu'elle accuse de dégrader ses conditions de travail, ce qui est à l'origine d'une atteinte à la santé médicalement constatée, parce qu'il cherche à l'écarter, notamment en lui supprimant certaines tâches.
Il est acquis aux débats que la plainte de la salariée n'a suscité aucune réaction de la part de l'employeur.Il résulte par ailleurs des éléments médicaux présentés dans les conclusions de la salariée, en particulier du certificat du docteur A..., psychiatre, que depuis le 24 novembre 2009 Mme Z... a bénéficié de soins, prenant la forme d'un traitement pharmacologique et de mesures psychothérapiques pour des troubles d'anxiété généralisée « liés à des conflits d'ordre professionnel», ce traitement associé à l'arrêt des activités professionnelles ayant eu pour résultat une amélioration de son état thymique.La salariée qui n'est pas entendue quand elle conteste, de manière circonstanciée, les reproches professionnels dont elle fait l'objet et impute la dégradation de ses conditions de travail à une situation qui concerne sa place dans l'entreprise, établit ainsi des faits de management sans communication, qui la rendent malade, ce qui permet de présumer l'existence d'un harcèlement moral au travail.Dans ce litige relatif à l'application de l'article L1152-1 du code du travail, la société Xotis ne présente pas les éléments retenus concrètement pour justifier le rappel à l'ordre adressé à une salarié dont la compétence professionnelle avait été reconnue pendant 15 ans, de mai 1991 à juin 2008, selon les termes du courrier que l'ancien gérant, M. Y..., lui a adressé le 20 décembre 2010 pour souligner ses performances au niveau du «pré bilan »remis à l'expert-comptable auquel il ne restait plus à effectuer qu'«une révision très limitée».Le reproche fonctionnel était donc injuste.L'employeur se borne à contester les accusations relatives aux conditions de travail dégradées quand il lui incombait de présenter l'organisation du travail mise en place pour démontrer qu'il n'y avait pas eu de changement au niveau des attributions confiées à la salariée de nature à provoquer sa déstabilisation.Il sera retenu que l'employeur ne prouve pas que les faits dénoncés par la salariée dans son courrier du 4 novembre 2009 étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.Dans une telle situation, l'absence prolongée de la salariée était la conséquence du harcèlement moral dont elle avait été l'objet, ce qui excluait la possibilité pour l'employeur de se prévaloir de la perturbation que son absence prolongée avait causé dans le fonctionnement de l'entreprise.La décision qui a jugé le licenciement justifié par le motif invoqué dans la lettre de licenciement sera infirmée et l'employeur condamné à verser des dommages et intérêts à la salariée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.Il résulte de l'attestation pour l'indemnisation du chômage remise à la salariée qu'au 31 décembre 2009 l'effectif de l'entreprise était de 12 salariés.La salariée sollicite l'attribution de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ce qui justifie l'application des dispositions de l'article L 1235-3 code du travail.En considération de sa situation particulière et eu égard notamment à son âge, à l'ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer la réparation qui lui est due à la somme qui sera indiquée dans la décision qui suit Il est établi que pendant 7 mois, à compter de la cristallisation de la situation de harcèlement moral, le 4 novembre 2009, la santé de la salariée s'est trouvée altérée.Son préjudice sera réparé par l'attribution d'une somme dont le montant sera indiqué dans la décision qui suit » ;
1. ALORS QUE ne saurait laisser présumer des agissements de harcèlement moral le fait unique de l'employeur de s'abstenir de répondre au courrier d'un salarié contestant un rappel à l'ordre et se plaignant de la dégradation de ses conditions de travail, le salarié placé en arrêt maladie produirait-il des éléments médicaux relatant des troubles d'anxiété liés à un conflit d'ordre professionnel ; que dès lors, en se bornant à relever que le courrier de contestation de la salariée du 4 novembre 2009 n'avait suscité aucune réaction de l'employeur et qu'était ainsi établi un managment sans communication ayant rendu malade la salariée à compter du 3 novembre 2009, laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral, la Cour d'appel a violé les articles L 1152-1 et L 1154-1 du Code du travail ;
2. ALORS subsidiairement QU'il appartient au salarié d'établir la matérialité des faits qu'il allègue comme faisant présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en l'espèce, Madame Z... affirmait que son absence prolongée, ayant justifié son remplacement définitif, était la conséquence du harcèlement moral dont elle aurait fait l'objet, lequel se serait manifesté par « des pratiques d'isolement, un retrait de fonctions, des critiques incessantes et des allégations humiliantes » (v. conclusions p. 13) ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas présenter les éléments retenus concrètement pour justifier le rappel à l'ordre du 2 novembre 2009 et de ne pas utilement contester les accusations relatives aux conditions de travail dégradées, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve et en conséquence a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société XOTIS à payer à Madame Z... la somme de 1000 € à titre de dommages et intérêts pour perte de chance d'une reprise du travail après maladie et la somme de 2000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile et d'AVOIR condamné la société XOTIS aux entiers dépens ;
AUX MOTIFS QUE « La lettre de licenciement, en ce qui concerne le préavis, est rédigée comme suit :« la date de la première présentation de cette lettre marquera le point de départ de votre préavis qui compte tenu de ce que vous avez déclaré lors de l'entretien ne sera pas exécuté, non de notre fait mais à raison de votre état de santé».
Contrairement à la thèse présentée par l'employeur, il se déduit des termes qu'il utilise non pas qu'il dispense la salariée de l'exécution de son préavis, mais qu'il anticipe sur une éventuelle prolongation de l'arrêt de travail de l'intéressée, postérieurement à la date prévue du 10 juin 2010, selon le dernier certificat de prolongation porté à sa connaissance, voire sur les résultats de la visite de reprise dont la salariée devrait bénéficier s'il elle exécutait son préavis.Le versement d'une indemnité compensatrice ne fait pas disparaître le préjudice subi par la salariée quand, de fait, l'employeur considère la reprise impossible à cause de l'état de santé de la salariée.Selon le certificat du docteur A... déjà évoqué, l'amélioration de l'état de santé permettait d'envisager son retour dans l'entreprise à la date du 11 juin 2010.L'éviction immédiate de l'entreprise en lien avec l'état de santé supposé de la salariée occasionne à l'intéressée un préjudice spécifique tenant au fait qu'elle perd la possibilité d'exercer ses droits à la reprise du travail après maladie.En réparation il sera alloué une indemnité dont le montant sera indiqué dans la décision qui suit.En revanche, la réception de la lettre de licenciement qui formalise la rupture sans permettre l'exécution du préavis n'autorisait pas la salariée à se présenter au travail dans le but de faire plier l'employeur sur le préavis» ;
ALORS QU'interdiction est faite au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement indiquait qu'à « la date de la première présentation de cette lettre manquera le point de départ de votre préavis de deux mois qui compte tenu de ce que vous avez déclaré lors de l'entretien ne sera pas exécuté non de notre fait mais en raison de votre état de santé » ce dont il résultait que l'employeur avait dispensé le salarié de l'exécution de son préavis ; qu'en affirmant que dans la lettre de licenciement, l'employeur ne dispensait pas sa salariée de l'exécution de son préavis mais anticipait sur une éventuelle prolongation de l'arrêt de travail de l'intéressée, la Cour d'appel qui a dénaturé cette lettre, a violé le principe prohibant la dénaturation des documents de la cause.Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme Z..., demanderesse au pourvoi incident.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté madame Z... de sa demande de dommages et intérêts en réparation de l'absence de mention dans la lettre de licenciement du droit d'utiliser les heures acquises au titre du droit individuel à la formation pendant le préavis ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la lettre de licenciement mentionne que la salariée avait acquis cent vingt heures au titre du droit individuel à la formation ; que la lettre de licenciement, en ce qui concerne les droits en matière de droit individuel à la formation d'une salariée qui n'exécute pas son préavis, ne fait pas apparaître d'insuffisance au regard des exigences posées par l'article L.6323-17 du code du travail ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, vu la lettre de licenciement informant madame Z... du nombre d'heures dont elle était bénéficiaire au titre du droit individuel à la formation ; qu'il ne sera pas fait droit à cette demande ;
ALORS QUE l'employeur doit informer le salarié, s'il y a lieu, dans la lettre de licenciement, de la possibilité de demander pendant le préavis à bénéficier d'une action de formation, de bilan de compétences ou de validation des acquis de l'expérience ; qu'en retenant que la lettre de licenciement mentionnait que la salariée avait acquis cent vingt heures au titre du droit individuel à la formation, sans rechercher si elle mentionnait la possibilité pour madame Z... d'utiliser son droit individuel à la formation pendant la durée de son préavis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.6323-19 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-10197
Date de la décision : 06/05/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 07 novembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 mai. 2014, pourvoi n°13-10197


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.10197
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