LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les deux moyens réunis :
Vu les articles L. 1226-14 et L. 1226-15 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 2 janvier 2007 par la société Eva paysage, a été victime d'un accident du travail le 15 juin 2007 ; qu'à l'issue d'arrêts de travail et d'une visite unique en date du 30 avril 2007, le médecin du travail a, avec mention d'un danger immédiat, déclaré le salarié « inapte à tout poste dans l'entreprise » ;
Attendu que pour refuser d'allouer au salarié des dommages-intérêts et une indemnité de préavis en application des articles L. 1226-14 et L. 1226-15 du code du travail, l'arrêt, après avoir relevé que l'entreprise n'appartient pas à un groupe et que le médecin du travail a déclaré ce salarié « inapte à tout poste dans l'entreprise », retient d'abord que seules importent en l'espèce les énonciations de l'avis du médecin du travail et que M. X... ne pouvait, compte tenu de cet avis et du danger immédiat que présentait, selon ce médecin, son maintien dans l'entreprise, occuper les postes de conducteur de travaux ou d'ouvrier disponibles, ensuite que lorsque l'inaptitude n'a pas de cause dans un accident du travail ou une maladie professionnelle, l'indemnité de préavis n'est pas due lorsque le salarié n'est pas, comme en l'espèce, en mesure d'effectuer le préavis ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors que la mention, par l'avis du médecin du travail visant un danger immédiat, d'une inaptitude du salarié à tout poste dans l'entreprise, ne dispense pas l'employeur de procéder lui-même à la recherche de reclassement, la cour d'appel, qui, procédant par simple affirmation sur l'origine non professionnelle de l'inaptitude, n'a pas caractérisé l'impossibilité effective, pour l'employeur de reclasser le salarié, au besoin par des mesures telles que transformations de poste ou aménagement du temps de travail, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il refuse d'allouer au salarié, en application des articles L. 1226-14 et L. 1226-15 du code du travail, des sommes à titre de dommages-intérêts et d'indemnité de préavis, l'arrêt rendu le 26 octobre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la société Eva paysage aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Eva paysage à payer à Me Balat la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente avril deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande tendant au paiement de la somme de 30.000 ¿ à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles L. 1226-14 et L. 1226-15 du code du travail ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'obligation de reclassement demeure une obligation de moyen et doit être appréciée en fonction de la dimension et de la structure de l'entreprise ; qu'en l'espèce, la société Eva Paysage n'appartient à aucun groupe et ne compte que six salariés ; que si des postes de conducteur de travaux ou d'ouvriers étaient disponibles en son sein, M. X... ne pouvait les occuper compte tenu de l'avis susrappelé et du danger immédiat que présentait, du point de vue du médecin du travail, son maintien dans l'entreprise ; que son reclassement dans l'entreprise ne pouvait donc être envisagé ; que par ailleurs, le non-respect de l'obligation de motiver par écrit l'impossibilité de reclassement ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le médecin du travail écrit que M. X... était « inapte à tout poste dans l'entreprise » (conclusions du docteur Y... du 30 avril 2008 = inapte à tous poste dans l'entreprise - danger immédiat - pas de nécessité de visite à 15 jours) ; que compte tenu de ce qui précède et de l'impossibilité de proposer à M. X... un autre poste dans l'entreprise du fait de son « inaptitude à tout poste », l'entreprise ne se voyait nullement dans l'obligation de lui chercher un nouveau poste ; qu'en outre, il s'avère que la société Eva Paysage a fait connaître par écrit les motifs qui ne lui permettent pas de proposer un poste dans l'entreprise ;
ALORS QUE l'avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout emploi dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur de rechercher une possibilité de reclassement au sein de l'entreprise, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste ou aménagement du temps de travail ; qu'en estimant que le reclassement de M. X... dans l'entreprise ne pouvait être envisagé par la société Eva Paysage, au motif que cette dernière ne faisait pas partie d'un groupe et que les postes disponibles n'étaient pas compatibles avec les restrictions médicales émises par le médecin du travail, sans constater que l'employeur avait recherché une possibilité de reclassement par aménagement de poste ou d'horaire, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-10 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande tendant à la condamnation de la société Eva Paysage à lui payer la somme de 2.576,70 ¿ au titre de l'indemnité compensatrice prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail ;
AUX MOTIFS QUE lorsque l'inaptitude n'a pas sa cause dans un accident du travail ou une maladie professionnelle, l'indemnité de préavis n'est pas due lorsque le salarié n'était pas en mesure d'effectuer le préavis ce qui est le cas lorsque le médecin du travail a constaté, comme en l'espèce, l'existence d'un danger immédiat pour le salarié lui-même ou pour les tiers ; que le salarié ne peut davantage prétendre au remboursement des droits à congés payés afférents à cette période ;
ALORS, D'UNE PART, QU' en affirmant que l'inaptitude n'avait pas sa cause dans un accident du travail ou une maladie professionnelle, tout en constatant que M. X... avait « subi un accident du travail le 15 juin 2007 pour lequel il a été arrêté jusqu'au 16 septembre 2007 », qu'il avait « subi un nouvel arrêt de travail le 20 février 2008 prorogé jusqu'au 29 avril 2009 » et que « le 30 avril, à l'occasion de la visite médicale de reprise, le médecin du travail l'a(vait) déclaré "inapte à tout poste dans l'entreprise" » (arrêt attaqué, p. 2, alinéas 3 à 5), ce dont il résultait que cette inaptitude était la conséquence d'un accident du travail, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 1226-14 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'application des règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail n'est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie du lien de causalité entre l'accident du travail et l'inaptitude, ces règles s'appliquant dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; qu'en se bornant à affirmer que l'inaptitude n'avait pas sa cause dans un accident du travail ou une maladie professionnelle, sans rechercher elle-même si l'inaptitude n'avait pas un lien, même partiel, avec l'accident du travail dont M. X... avait été la victime le 15 juin 2007, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-14 du code du travail.