LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 30 mai 2012), que la société Crédit mutuel Lyon Maréchal Lyautey (la caisse) a consenti à Mme X..., épouse Y... (l'emprunteur), le 21 octobre 2003, un prêt de 83 000 euros pour l'acquisition d'un fonds de commerce, puis, le 6 octobre 2005, un prêt «de restructuration » d'un montant de 75 000 euros remboursable en 120 mensualités de 559,88 euros chacune ; que ces échéances étant restées impayées, la caisse a assigné en exécution de ses engagements l'emprunteur, qui a recherché sa responsabilité, notamment pour manquement à son devoir de mise en garde ; que la caisse, ayant été désintéressée, s'est désistée de ses demandes ;
Attendu que l'emprunteur fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de condamnation de la caisse à lui payer la somme de 158 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que la banque qui consent un prêt à un emprunteur non averti est tenu à son égard, lors de la conclusions du contrat, d'un devoir de mise en garde en considération des « charges du prêt », de ses capacités financières et des risques de l'endettement né de l'octroi du prêt ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si, avant d'octroyer le prêt du 21 octobre 2003 destiné à permettre l'acquisition d'un fonds de commerce à l'emprunteur afin de commencer son activité, la caisse avait sollicité des documents comptables prévisionnels lui permettant d'apprécier l'adaptation de ce crédit aux capacités financières de l'emprunteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
2°/ que la banque qui consent un prêt à un emprunteur non averti est tenu à son égard, lors de la conclusions du contrat, d'un devoir de mise en garde en considération des « charges du prêt », de ses capacités financières et des risques de l'endettement né de l'octroi du prêt ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément retenu que s'agissant du prêt dit « de restructuration » souscrit le 6 octobre 2005, les relevés de compte courant professionnel de l'emprunteur de l'année 2005 faisaient apparaître, outre un loyer de 521,73 euros, plus 20 euros de charges, des échéances d'un montant de 1 187,33 euros au titre du prêt du 21 octobre 2003 et des mensualités de 559,88 euros au titre d'un troisième prêt consenti fin 2004 ; qu'ils faisaient également apparaître une trésorerie tendue se manifestant à compter de juillet 2005 par une défaillance dans le remboursement des échéances des prêts de 2003 et 2004 ; que le chiffre d'affaires de l'emprunteur pour l'année 2005 s'établissait à 84 906,06 euros, en baisse de 20 % par rapport à 2004 ; qu'il résultait de ces constatations et appréciations l'existence d'un risque lors de l'octroi du nouveau prêt de 75 000 euros du 6 octobre 2005, impliquant une mise en garde de l'emprunteur ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt relève, d'un côté, par motifs adoptés, que l'emprunteur ne produit aucune pièce attestant que le fonds de commerce dont il s'était rendu acquéreur n'aurait pas été viable, puis, par motifs propres, que le loyer du local dans lequel était exploité ce fonds s'élevait à 521,73 euros par mois, outre 20 euros de charges, et que les échéances mensuelles du prêt du 21 octobre 2003 étaient de 1 187,33 euros, et, de l'autre, que le chiffre d'affaires des deux premières années a atteint environ 8 600 euros par mois pendant quinze mois, que l'emprunteur, ne produisant aucune pièce comptable, ne justifie pas que ce chiffre d'affaires ne suffisait pas à faire face à ses charges et que le crédit a été remboursé sans incident jusqu'en juillet 2005 ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que le prêt, au jour où il a été octroyé, était adapté aux capacités financières de l'emprunteur, et rendant inopérante la recherche visée à la première branche, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Attendu, d'autre part, qu'après avoir relevé que le prêt de restructuration avait été utilisé au remboursement par anticipation d'un prêt souscrit en 2004 à concurrence de 49 090 euros et à l'apurement à concurrence d'environ 4 100 euros des échéances impayées de ce prêt et de celui de 2003, ainsi qu'à combler à concurrence d'environ 22 000 euros le déficit de l'année 2005, et qu'il avait été remboursé sans incident pendant plus d'un an, l'arrêt retient que ce prêt n'a pas aggravé le passif antérieur de l'entreprise, de sorte que son caractère excessif n'était pas démontré ; qu'ayant ainsi fait ressortir l'absence de risque d'endettement né de l'octroi dudit prêt, de sorte que la banque n'était pas tenue à l'égard de l'emprunteur d'un devoir de mise en garde, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf avril deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour Mme X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme X... de sa demande tendant à voir condamner la CCM de Lyon à lui payer la somme de 158.000 ¿ à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, le devoir de mise en garde implique un risque de crédit excessif ; que s'agissant du premier prêt de 83.000 euros souscrit le 21 octobre 2003 pour l'acquisition du fonds de commerce, il résulte des pièces communiquées que le fonds de commerce acquis par Mme X... était exploité dans un local de 15,84 m², avenue du maréchal de Saxe à Lyon 6ème acquis moyennant le prix de 84.000 ¿ ; que le montant du loyer s'élevait à 521,73 euros par mois, outre 20 euros de charges par mois ; que les échéances du prêt s'élevaient à 1.187,33 euros par mois ; que les chiffres d'affaires (HT) réalisés par Mme X... les deux premières années ont été les suivants : du 1er octobre 2003 au 31 décembre 2003 : 24.960 euros (pour 3 mois d'activité), du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2004, 104.897,98 euros, le bénéfice était de 16.156,71 euros ;qu'en conséquence, le chiffre d'affaires moyen mensuel s'est élevé à environ 8.600 euros pendant 15 mois ; que Mme X..., qui ne produit aucune pièce comptable, ne justifie pas que ce chiffre d'affaires était insuffisant pour faire face aux charges de son activité ; que ce crédit a d'ailleurs été remboursé sans incident jusqu'en juillet 2005 ; que le caractère excessif de ce prêt n'est donc pas démontré ; que s'agissant du second prêt de 75.000 euros dit de restructuration souscrit le 6 octobre 2005, la CCM produit un relevé de compte courant professionnel de Mme X... du 31 décembre 2004 au 31 décembre 2005 faisant apparaître l'existence d'un troisième prêt n° 6451 remboursable par mensualités de 559,88 euros, consenti fin 2004, sur lequel les parties ne s'expliquent pas ; que le relevé de compte fait également apparaître une trésorerie tendue se manifestant à compter de janvier 2005 par des impayés et à compter de juillet 2005 par une défaillance dans le remboursement des échéances des deux prêts en cours ; que le chiffre d'affaires de Mme X... pour l'année 2005 s'est élevé à 84.906,06 euros, en baisse de 20% par rapport au chiffre d'affaires de l'année 2004 ; que le résultat de l'année 2005 s'est établi à -18.401,45 euros au lieu de + 16.156,71 euros en 2004 ; que le prêt de restructuration d'un montant de 75.000 euros consenti en octobre 2005 a été employé au remboursement par anticipation du prêt de 2004 n° 6451, à hauteur de 49.090 euros ainsi qu'à l'apurement à hauteur d'environ 4.100 euros des échéances impayées des prêts de 2003 et 2004 ; que le solde disponible du prêt de restructuration, soit environ 22.000 euros, a été employé à combler le déficit de l'année 2005 ; que le prêt de restructuration a été remboursé sans incident pendant plus d'un an ; qu'il résulte de ces éléments que le prêt a été octroyé en octobre 2005 à l'apparition des premières difficultés sérieuse de l'entreprise, et ce, après une année 2004 plutôt bonne et donc à une époque où la situation n'apparaissait pas irrémédiablement compromise et que le prêt de restructuration n'a pas aggravé le passif de l'entreprise qui existait antérieurement au prêt pour l'essentiel ; que le caractère excessif de ce deuxième prêt n'est donc pas démontré ; qu'en conséquence, il convient d'écarter toute responsabilité de la banque fondée sur un manquement au devoir de mise en garde dans la mesure où l'une des conditions préalables, à savoir l'existence d'un crédit excessif fait défaut ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE si un établissement bancaire a une obligation de mise en garde, Mme X... ne produit aucune pièce attestant d'une part qu'elle n'avait jamais exercé une activité commerciale et d'autre part que le fonds de commerce qu'elle avait acheté n'aurait pas été viable en particulier lorsque la CCM lui a accordé un second crédit et que cette dernière en aurait été parfaitement informée ; que le fait que la CCM ait exigé l'engagement de caution de M. Y... révèle que Mme X... épouse Y... ne pouvait elle-même apporter des garanties suffisantes mais n'implique pas que l'octroi du crédit serait abusif ; que les relevés de 2005, s'ils établissent des difficultés de trésorerie du fonds de commerce, en l'absence d'autres données financières, ne justifient pas qu'il était dans une situation irrémédiablement compromise ; qu'il n'est donc pas établi que lors de l'octroi des deux crédits, la CCM aurait agi avec une légèreté blâmable en incitant Mme X... épouse Y... à prendre des engagements qu'il était certain qu'elle ne pourrait pas tenir ;
1) ALORS QUE la banque qui consent un prêt à un emprunteur non averti est tenu à son égard, lors de la conclusions du contrat, d'un devoir de mise en garde en considération des « charges du prêt », de ses capacités financières et des risques de l'endettement né de l'octroi du prêt ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si, avant d'octroyer le prêt du 21 octobre 2003 destiné à permettre l'acquisition d'un fonds de commerce à Mme X... afin de commencer son activité, la Caisse de Crédit Mutuel de Lyon avait sollicité des documents comptables prévisionnels lui permettant d'apprécier l'adaptation de ce crédit aux capacités financières de l'emprunteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
2) ALORS QUE la banque qui consent un prêt à un emprunteur non averti est tenu à son égard, lors de la conclusions du contrat, d'un devoir de mise en garde en considération des « charges du prêt », de ses capacités financières et des risques de l'endettement né de l'octroi du prêt ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément retenu que s'agissant du prêt dit « de restructuration » souscrit le 6 octobre 2005, les relevés de compte courant professionnel de Mme X... de l'année 2005 faisaient apparaître, outre un loyer de 521,73 ¿, plus 20 ¿ de charges, des échéances d'un montant de 1.187,33 ¿ au titre du prêt du 21 octobre 2003 et des mensualités de 559,88 ¿ au titre d'un troisième prêt consenti fin 2004 ; qu'ils faisaient également apparaître une trésorerie tendue se manifestant à compter de juillet 2005 par une défaillance dans le remboursement des échéances des prêts de 2003 et 2004 ; que le chiffre d'affaires de Mme X... pour l'année 2005 s'établissait à 84.906,06 ¿, en baisse de 20% par rapport à 2004 ; qu'il résultait de ces constatations et appréciations l'existence d'un risque lors de l'octroi du nouveau prêt de 75.000 ¿ du 6 octobre 2005, impliquant une mise en garde de Mme X... ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1147 du code civil.