LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée, le 29 janvier 2001, en qualité de visiteur médical par la société Eveil Intellect Medic, a été employée à partir du 12 octobre 2001 par le Laboratoire Lafon, aux droits duquel est venue la société Cephalon France ; que, le 21 novembre 2009, elle a refusé une proposition de modification de son secteur d'affectation ; que la société lui a notifié, le 24 février 2010, son licenciement pour motif économique ;
Attendu que pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la société Cephalon France, aux droits de laquelle vient la société Téva santé, à payer à la salariée diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de congés payés afférents et ordonner le remboursement des indemnités de chômage à l'organisme concerné, l'arrêt retient que dans la lettre de licenciement et dans ses écritures, la société expose qu'elle projette d'avoir une organisation optimale en ce qui concerne la sectorisation des visiteurs médicaux, l'objectif à atteindre au 31 décembre 2009 étant, afin d'opérer une répartition équilibrée en termes de poids du secteur de prospection, d'avoir une seule personne par secteur sur un réseau national composé de quatre vingt-trois secteurs, que la société qui se réfère seulement, à la nécessité d'optimiser son organisation pour rester compétitive, face à une concurrence acharnée dans la branche de l'industrie pharmaceutique, considération générale pouvant être avancée par quasiment toutes les entreprises de la branche concernée, n'explique en rien en quoi elle serait plus mal positionnée sur le marché que ses concurrentes ni en quoi sa compétitivité serait menacée ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la société soutenait dans ses conclusions que la concurrence nouvelle représentée par les médicaments génériques et le déremboursement de certaines prescriptions médicales dans la gamme de produits qu'elle commercialisait, dans un contexte de croissance quasi nulle de la consommation des médicaments fragilisant l'industrie pharmaceutique, l'exposait à un risque financier auquel elle entendait remédier en procédant à un redéploiement des visiteurs médicaux sur les onze secteurs vacants, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société et violé le premier des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 décembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf avril deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour la société Téva santé
La société Céphalon France fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de Mlle X..., prononcé le 22 février 2010 pour motif économique, était dépourvu de cause réelle et sérieuse, et de l'avoir en conséquence condamnée à payer à cette dernière les sommes de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 5.3330 euros à titre d'indemnité et de 533 euros à titre de congés payés y afférents et le remboursement à Pôle Emploi d'indemnités de chômage ;
AUX MOTIFS QUE sur le motif économique ; que tant dans la lettre de licenciement que dans ses écritures, la société CEPHALON expose son projet d'avoir, après une étude approfondie ayant abouti à un besoin de 1000 visites par an et par visiteur médical, une organisation optimale en ce qui concerne la sectorisation des visiteurs médicaux, l'objectif à atteindre au 31 décembre 2009 étant afin d'opérer une répartition équilibrée en termes de poids du secteur de prospection, d'avoir personne par secteur sur un réseau national composé de 83 secteurs ; que s'il n'appartient pas à la cour d'apprécier l'opportunité et l'intérêt pour l'entreprise d'une telle réorganisation, il n'en demeure pas moins qu'elle ne devient un motif économique de licenciement que si elle est justifiée par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, ce qui suppose que celle-ci est menacée ; que la société CEPHALON qui se réfère seulement, à la nécessité d'optimiser son organisation pour rester compétitive, face à une concurrence acharnée dans la branche de l'industrie pharmaceutique, considération générale pouvant être avancée par quasiment toutes les entreprises de la branche concernée, n'explique en rien en quoi elle serait plus mal positionnée sur le marché que ses concurrentes ni en quoi sa compétitivité serait menacée ; que par ailleurs, contrairement à ce qu'a estimé le Conseil de Prud'hommes, le fait que dans l'article 5 du contrat de travail, l'employeur se soit réservé la possibilité de modifier les secteurs attribués à la salariée, n'a pas à être pris en considération dans le présent litige, puisqu'il n'est pas invoqué par la société CEPHALON qui se fonde uniquement sur le caractère économique du licenciement ; que dans ces conditions le motif économique invoqué n'apparaissant pas devoir être retenu, le licenciement de Madame X... ne peut qu'être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
1°) ALORS QU'il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'en énonçant, pour dire que le licenciement économique de Mlle X... était sans cause réelle et sérieuse, que la société Céphalon se réfère seulement à la nécessité d'optimiser son organisation pour rester compétitive, face à une concurrence acharnée dans la branche de l'industrie pharmaceutique, sans expliquer en quoi sa compétitivité serait menacée, quand précisément, dans ses écritures (p. 20-22), la société Céphalon faisait valoir et démontrait que la concurrence nouvelle représentée par les médicaments génériques dans les gammes de produits qu'elle commercialisait, la baisse des prix des médicaments remboursables, le déremboursement dans certaines indications, ainsi que la croissance quasi nulle de la consommation des médicaments l'exposaient à subir un risque financier important qui l'avait amenée à y remédier en procédant au redéploiement des visiteurs médicaux sur les 11 secteurs vacants, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des écritures d'appel de la société Céphalon et a ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; que répond à ce critère la mise en place d'une réorganisation qui, compte tenu du secteur fortement concurrentiel dans lequel l'entreprise intervient, procède d'une gestion prévisionnelle des emplois destinée à prévenir des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l'emploi ; que dès lors, en se bornant, pour dire que le licenciement économique de Mlle X... était sans cause réelle et sérieuse, à énoncer que la nécessité, pour la société Céphalon, d'optimiser son organisation pour rester compétitive face à une concurrence acharnée dans la branche de l'industrie pharmaceutique n'expliquait ni en quoi elle serait plus mal positionnée sur le marché que ses concurrents, ni en quoi sa compétitivité serait menacée, sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée (v. p. 20-22 de ses écritures), si la concurrence nouvelle représentée par les médicaments génériques dans les gammes de produits qu'elle commercialisait, la baisse des prix des médicaments remboursables, les déremboursements dans certaines indications ainsi que la croissance quasi nulle de la consommation des médicaments ne plaçaient pas la société Céphalon dans l'obligation de redéployer ses équipes de visite médicale pour prévenir, sur des marchés où elle était déjà très attaquée, le risque de perte significative de son chiffre d'affaires et ne lui imposait donc pas de se réorganiser à cette fin, ce dont il résultait que cette nouvelle organisation, qui procédait d'une gestion prévisionnelle des emplois destinée à prévenir des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l'emploi, était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail.