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02/04/2014 | FRANCE | N°13-81063

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 02 avril 2014, 13-81063


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme Anissa X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER , chambre correctionnelle, en date du 22 janvier 2013, qui, pour fraudes ou fausses déclarations pour obtenir des prestations indues, l'a condamnée à une amende de 3 000 euros et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 19 février 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, p

résident, M. Germain, conseiller rapporteur, Mme Nocquet, conseiller de la cha...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme Anissa X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER , chambre correctionnelle, en date du 22 janvier 2013, qui, pour fraudes ou fausses déclarations pour obtenir des prestations indues, l'a condamnée à une amende de 3 000 euros et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 19 février 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, M. Germain, conseiller rapporteur, Mme Nocquet, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Leprey ;
Sur le rapport de M. le conseiller GERMAIN, les observations de la société civile professionnelle POTIER de la VARDE et BUK-LAMENT, et de la société civile professionnelle GATINEAU et FATTACCINI, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général VALDÈS BOULOUQUE ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 114-13 du code de la sécurité sociale, 1er et 2 de la première partie et 11 du chapitre I du titre XVI de la deuxième partie de la nomenclature générale des actes professionnels, 156, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme X... coupable du chef de fraude ou fausse déclaration pour l'obtention de prestation ou allocation indues versées par un organisme de protection sociale et l'a condamnée à payer une amende délictuelle de 3 000 euros ;
"aux motifs qu'en l'état, la Caisse a procédé par analyse statistique en fondant son étude sur les facturations AIS (actes infirmiers de soins) réellement produits ; que, selon la prévenue, la consultation du protocole de démarche de soins infirmiers (DSI) acceptée par la Caisse interdirait toute contestation ; qu'il sera rappelé que cette démarche concerne essentiellement les patients en état de dépendance et de maintien à domicile, ce qui n'apparaît pas être le cas de la totalité des patients et n'inclut pas les AMI, et qu'ainsi, toute discussion sur le caractère prétendument acquis de ces protocoles n'apparaît pas utilement développée, étant précisé que la contestation de ce chef relève de la compétence d'une autre juridiction apparemment non saisie ; qu'en outre, Mme X... ne peut sans contradiction se prévaloir d'un accord préalable tacite de la Caisse quant à la cotation proposée, pour les cas concernés, alors que deux éléments viennent infléchir une telle position, en ce que, d'une part, aucune expertise judiciaire n'a été sollicitée permettant un nécessaire travail de vérification détaillée et comparative des cotations retenues seule à même de faire ressortir la cohérence de cotation et, d'autre part, qu'il apparaît, de l'aveu implicite de Mme X... qu'elle a pu facturer des actes AIS dans l'incompréhension prétendue du fonctionnement de la NGAP, impliquant ainsi et nécessairement des erreurs de cotation qui, en l'espèce, se révèlent être en sa faveur ; qu'enfin, et en tout état de cause, si l'entente préalable est une condition nécessaire au remboursement de certains actes paramédicaux, cette circonstance demeure sans effet sur la réalisation de l'infraction dès lors qu'il y a fraude ou fausse déclaration sur les prestations ; que, sur un plan plus général des actes facturés, il devra malgré tout être tenu compte du fait que pour une période donnée, l'activité professionnelle de Mme X... est techniquement incompatible avec des durées horaires de travail normal ; que ces éléments temporels non véritablement contredits mais simplement discutés sur des aspects qui ne relèvent pas du débat, permettent de mettre en exergue le caractère incompatible des actes facturés dont la nature fictive ne peut qu'apparaître ; qu'en effet, cette cotation AIS s'attache principalement à l'appartenance de la profession d'infirmier libéral au dispositif conventionnel constitué par la convention nationale du 22 juin 2007 approuvée le 18 juillet 2007 réglant ses rapports avec la caisse primaire d'assurance maladie ; qu'à cet effet, il convient de rappeler que la cotation AIS3 répond dans son fonctionnement à deux conditions fixées par l'article 11 § 2 et 4 de la NGAP le forfait horaire et l'absence de cumul avec d'autres cotations ; que la discussion sur la proportionnalité ou la ventilation des cumuls autorisés ou du caractère forfaitaire des prestations, telle que le prévenu a voulu l'instaurer se heurte cependant aux dispositions de l'article L. 162-12-l et 2 et L.162-l-7 du code de la sécurité sociale et à celles de l'article 5 -4 de la convention prévoyant : « Les infirmièr(e)s s'engagent à respecter les dispositions prévues à la liste mentionnée à l'article L. 162-l-7 du code de la sécurité sociale et à en utiliser les cotations. Les parties signataires rappellent que le maintien de la distribution de soins à un haut niveau de qualité s'accompagne d'une révision d'ensemble puis d'une adaptation régulière de la nomenclature générale des actes professionnels » ; qu'il ne peut être négligé que la reconstitution de l'activité de Mme X..., pour les seules AIS, met en évidence des incohérences flagrantes ; qu'ainsi, à titre d'illustration, le rapport d'enquête prend pour exemple la journée du 23 juin 2008 au cours de laquelle cette infirmière a facturé 95 AIS soit 48 heures de travail pour les seuls soins infirmiers hors temps de déplacements ou autres actes et uniquement au régime général ; que pour 2007, il ressort des facturations des seules séances de soins infirmiers ou AIS (hygiène et prévention) telles que définies au Titre XVI, article 11 de la NGAP il ressortait que cette infirmière aurait travaillé 330 jours de l'année civile dont 178 journées sont égales ou supérieures à 24 heures ; que, dans ce même cadre, elle aurait alors travaillé tous les jours de l'année 2008 sans exception dont 188 journées sont égales ou supérieures à 24 heures ; qu'il est en effet impossible de travailler au-delà de 24 heures et très difficilement probable, d'exercer des journées de travail de plus de 20 heures ; que cette démonstration de temps de travail supérieur à 24 heures et pour autant facturé amène donc à considérer comme acquis une facturation d'actes fictifs et de déplacements non réalisés et pour autant facturés et un non-respect des conditions réglementaires de réalisation des actes prévues à la nomenclature générale laissant supposer une mauvaise qualité des soins dispensés et des risques en terme de santé publique ; que, quant à l'évaluation des frais de déplacement, le rapport d'enquête s'est fondé sur un temps de déplacement moyen de cinq minutes par cotations de déplacement (IFA) ; qu'ainsi, Mme X... aurait travaillé plus de 41 heures par jour sur 44 journées en 2008 et se serait déplacé entre 55 et 69 fois par jour ; que, dès lors, sous la qualification retenue dépourvue de la recherche de tous éléments de droit commun, il conviendra de considérer que le tribunal a procédé à une analyse pertinente et suffisante des faits de la cause et qu'il conviendra de confirmer la décision sur la culpabilité et sur la peine qui en fonction des bons renseignements produits mais eu égard à l'ampleur de la fraude, correspond à une juste application de la loi pénale ;
"1°) alors qu'il appartient aux juges correctionnels d'ordonner d'office les mesures d'information dont ils reconnaissent la nécessité ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait relevé que seule une expertise judiciaire, permettant un nécessaire travail de vérification détaillée et comparative des cotations retenues, aurait été à même de faire ressortir la cohérence des cotations de l'infirmière, s'est contentée de constater, pour ne pas ordonner cette expertise, que celle-ci n'avait pas été sollicitée, a méconnu l'étendue de ses pouvoirs ;
"2°) alors que, en tout état de cause, la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que la cour d'appel qui, après avoir relevé qu'aucune expertise judiciaire n'avait eu lieu et retenu que seule cette expertise, permettant un nécessaire travail de vérification détaillée et comparative des cotations retenues, aurait été à même de faire ressortir la cohérence des cotations de l'infirmière, a néanmoins retenu la culpabilité de Mme X..., a méconnu les textes susvisés ;
"3°) alors qu'aucune disposition de la NGAP n'impose que la séance de soins infirmiers cotée AIS3 ait une durée strictement égale à trente minutes ou à un multiple de cette durée ; qu'en adoptant néanmoins les calculs de la caisse primaire d'assurance maladie, qui, pour conclure à une activité de l'infirmière pouvant dépasser 24 heures par jour, se fondaient sur une durée théorique des soins de trente minutes indivisibles, sans rechercher quelle avait été, pour chaque acte coté, la durée effective des soins dispensés, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"4°) alors que le délit de fraude ou fausse déclaration pour l'obtention de prestation ou allocation indues versées par un organisme de protection sociale ne sanctionne pas la mauvaise qualité des soins dispensés ; qu'en se fondant, pour retenir la culpabilité de Mme X..., sur la circonstance inopérante que la démonstration de ce que le temps de travail de l'infirmière pouvait dépasser 24 heures par jour laissait supposer une mauvaise qualité de soins dispensés et des risques pour la santé publique, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des 1382 du code civil, L. 114-13 du code de la sécurité sociale, 1er et 2 de la première partie et 11 du chapitre I du titre XVI de la deuxième partie de la nomenclature générale des actes professionnels, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Mme X... à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault la somme de 251 769,04 euros à titre de réparation du préjudice subi du fait des droits fraudés ;
"aux motifs qu'il sera rappelé tout d'abord que le contrôle de la Caisse ne concernait que les seuls affiliés du régime général représentant 80 % de l'activité totale de l'infirmière, cette dernière procédait également à la facturation d'actes auprès du régime des travailleurs indépendants (PSI) comme auprès du régime de la mutualité sociale agricole (MSA) et autres régimes spéciaux ; que cette reconstitution d'activité ne tenait pas compte de ces facturations complémentaires qui viennent alors accroître son temps d'activité ; que la méthodologie par rapprochement apparaît en tout état de cause recevable à défaut, dans le cadre d'un régime déclaratif, de pouvoir pointer précisément chacune des prestations ; qu'ainsi, devant l'impossibilité matérielle pour la caisse primaire d'assurance maladie de contrôler la réalisation de chacun des actes facturés en 2007 et 2008 par Mme X..., seule sera retenue la reconstitution faite selon l'assiette suivante :- la prise en compte des heures situées au-delà de 20 heures de travail journaliers : 229 585 euros ;-l'intégration de facturations en présence de l'impossibilité d'y avoir procédé (témoins, hospitalisation) : 584,04 euros ; - la prise en compte du non-respect des règles de non cumul : 21 600 euros ; qu'il n'apparaît en effet pas suffisamment justifiés les actes surcotés ou le complément de dépôt de plainte allégués soit la somme de 1 566,34 euros ; que le préjudice subi sera fixé à la somme de 251 769,04 euros ; qu'en conséquence, il y aura lieu d'infirmer le jugement ayant limité la démonstration du dommage à la seule preuve pour chaque acte du préjudice certain et rejetant le raisonnement par extrapolation, même si le tribunal admet le principe du préjudice acquis ; que, dans ces conditions, il convient de condamner Mme X... au paiement de la somme de 251 769,04 euros au titre du préjudice subi du fait des droits fraudés ;
"alors que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; qu'en estimant que le préjudice de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault pouvait être évalué sur la base d'une reconstitution ne tenant pourtant pas compte de chacun des actes facturés en 2007 et 2008 par Mme X..., la cour d'appel, qui a ainsi évalué de manière forfaitaire le préjudice, a méconnu les textes susvisés" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré la prévenue coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 3 000 euros la somme que Mme X... devra payer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le deux avril deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 13-81063
Date de la décision : 02/04/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 22 janvier 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 02 avr. 2014, pourvoi n°13-81063


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.81063
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