LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée (Toulouse, 29 mars 2012) et les pièces de la procédure, que M. Abdelkrim X..., de nationalité algérienne, a, le 23 mars 2012 à 16 heures 25, fait l'objet d'un contrôle en application de l'article 78-2-2 du code de procédure pénale puis a consenti à rester librement à la disposition des gendarmes lors de son audition de 17 heures 10 à 20 heures 30, heure à laquelle il a été placé en rétention administrative ; qu'un juge des libertés et de la détention a prolongé cette rétention ;
Attendu que M. X... fait grief à l'ordonnance de confirmer cette décision et de prolonger sa rétention, alors, selon le moyen :
1°/ que dans sa décision 2011-191 QPC du 18 novembre 2011 le Conseil constitutionnel n'a validé les dispositions de l'article 62, alinéa 1, du code de procédure pénale que sous réserve que soit notifié à l'intéressé « son droit de quitter à tout moment les locaux de police ou de gendarmerie » ; qu'il ne résulte pas en l'espèce des mentions du procès-verbal du 23 mars 2012 de l'adjudant chef Noël Y...du peloton autoroutier d'Issoire qu'une telle notification ait été faite, la mention selon laquelle l'intéressé « reconnaît n'avoir subi aucune contrainte » étant à cet égard insuffisante ; que l'ordonnance attaquée a donc violé l'article 62, alinéa 1, du code de procédure pénale ;
2°/ que dans ses conclusions d'appel l'exposant soutenait pour la première fois, au vu de l'ordonnance du juge des libertés du 27 mars 2012, que l'audition de l'exposant avait excédé la limite des quatre heures invoquée par l'article 62 du code de procédure pénale, que l'ordonnance d'appel attaquée en disant que les moyens étaient absolument identiques à ceux développés en première instance n'a pas répondu aux conclusions, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ qu'en ne recherchant pas, en application de l'article L. 552-13 du CESEDA si le dépassement du délai de 4 heures imposé par l'article 62 du code de procédure pénale constaté par l'ordonnance de première instance avait « eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger » condition préalable à l'éventuelle mainlevée du placement en rétention, l'ordonnance attaquée manque de base légale au regard du texte susvisé ;
4°/ que l'article L. 551-2 du CESEDA prévoit que le procureur de la République doit être informé immédiatement de la décision de placement en rétention ; qu'en l'espèce, le procureur de la République n'ayant été informé qu'à 21 h 10 du placement en rétention notifié à 20 h 30, comme le soutenait l'exposant dans ses conclusions d'appel, l'ordonnance attaquée aurait dû rechercher si ce délai de 40 minutes était excessif au vu de l'article L. 551-2 qui exige une notification « immédiate » et si au vu de l'article L. 552-13 il y avait eu « atteinte aux droits » ; que ne l'ayant pas fait, l'ordonnance attaquée manque de base légale au regard de ces deux textes ;
5°/ que l'ordonnance attaquée relève que le procureur de la République avait été informé qu'une décision de placement en rétention allait être prise à l'encontre de l'exposant et en a déduit que tout autre avis était inutile ; qu'un tel motif s'avère triplement erroné et viole les articles L. 552-1 du CESEDA et 62-2 du code de procédure pénale dès lors que l'information due au procureur de la République n'a pas été donnée ; qu'en l'espèce, il n'y a pas eu de garde à vue et donc pas de mainlevée de garde à vue et enfin qu'en toute hypothèse une mainlevée de garde à vue ne saurait avoir pour « conséquence » nécessaire un placement en rétention ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 62 du code de procédure pénale, l'audition d'une personne qui n'a fait l'objet d'aucune mesure coercitive mais déclare avoir suivi de son plein gré les gendarmes, n'avoir subi aucune contrainte de leur part et accepter de rester à leur disposition le temps de l'audition sans garde à vue, est régulière ; qu'après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, que M. X... avait consenti à rester librement à la disposition des gendarmes depuis le début de son audition, à 17 heures 10 et jusqu'à son placement en rétention, à 20 heures 30, le premier président, qui en a exactement déduit que la procédure était régulière, n'avait pas à procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes ;
Attendu, en deuxième lieu, que l'ordonnance retient que les faits de l'espèce sont parfaitement résumés dans la décision déférée d'où il ressortait que le temps de l'audition était inférieur à quatre heures ; que le premier président a ainsi répondu aux conclusions invoquées ;
Attendu, en troisième lieu, qu'ayant relevé que le parquet avait été avisé le 23 mars 2012 à 20 heures 30 du placement en rétention de M. X..., le premier président, qui n'avait pas à procéder à la recherche prétendument omise, a pu en déduire que le procureur de la République n'avait pas à être informé davantage de cette mesure ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'ordonnance confirmative attaquée d'AVOIR ordonné que M. Abdelkrim X... sera maintenu dans les locaux du centre de rétention administrative ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire et dit que l'application de cette mesure prendra fin au plus tard à l'expiration d'un délai de 20 jours à compter de l'expiration du délai de 5 jours, suivant la décision initiale de placement en détention, sous réserve de la décision de M. le président du tribunal administratif compétent éventuellement saisi ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « les faits de l'espèce sont parfaitement résumés dans l'ordonnance déférée. Les moyens soulevés devant le juge d'appel sont absolument identiques à ceux développés devant le juge des libertés et de la détention. Ce magistrat a apporté une réponse juridique précise, pertinente et circonstanciée que la cour adopte intégralement, étant précisé en outre que s'agissant de l'information du procureur de la République du placement en rétention : il résulte du procès-verbal que l'adjudant-chef Noël Y...du peloton autoroutier d'Issoire établi le 23 mars 2012 à 20 h 30 a informé le procureur de la République de Clermont-Ferrand de ce qu'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français assorti d'une décision de placement en rétention allait être pris à l'encontre de Abdelkrim Bouter ; c'est dans ce contexte que le procureur de la République a donné instruction de mettre fin à la garde à vue, cette mainlevée ayant nécessairement pour conséquence de placer Abdelkrim X... en rétention administrative. Ainsi, le procureur de la République n'avait pas à être informé plus encore d'une mesure, conséquence directe de celle qu'il venait de prendre (..) aux termes de l'article L. 552-1 et L. 552-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le juge des libertés et de la détention saisi par le préfet aux fins de la prolongation de la rétention statue sur l'une des deux mesures suivantes :- la prolongation du maintien dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire-à titre exceptionnel, lorsque l'étranger dispose de garanties de représentation effectives, l'assignation à résidence après la remise à un service de police ou de gendarmerie du passeport et de tout document justificatif de l'identité. En l'espèce, la condition de remise de passeport en cours de validité à la police n'est pas réalisée ».
ET AUX MOTIFS ADOPTES de l'ordonnance du 27 mars 2012 QUE : « le conseil de la personne retenue soulève trois moyens de nullité :- la personne retenue n'a pas été avisée de son droit à quitter librement la gendarmerie dès son interpellation : M. X... a été interpellé le 23 mars 2012 à Sainte Yvoine (63) à 16 h 25 sur réquisitions du procureur de la République en application de l'article 78-2-2 du code de procédure pénale ; qu'il a été invité à suivre de son plein gré les gendarmes ; que selon procès-verbal en date du 23 mars 2012 à 17 h 10 un interprète en langue arabe a procédé téléphoniquement à la traduction du motif de la procédure établie à l'encontre de M. X... et notamment que ce dernier a « consenti à rester librement » à la disposition des gendarmes ; que lors de son audition le 23 mars 2012 à 18 h 10 M. X... a indiqué : « je reconnais avoir suivi de mon plein gré les gendarmes et n'avoir subi aucune contrainte de leur part. Je suis venu avec mon ami dans son fourgon jusqu'à la gendarmerie. J'accepte de rester à votre disposition le temps de mon audition sans garde à vue » ; qu'en conséquence, la procédure apparaît régulière.- il n'a pas été indiqué à M. X... ses droits à la clôture de la procédure : en application de l'article 78-3 du code de procédure pénale les droits à la personne retenue lui ont bien été notifiés à la fin de son audition par les gendarmes le 23 mars 2012 à 18 h 30 concernant la communication des données à caractère personnel ; les services de la préfecture n'ont pas fait preuve de diligence suffisantes auprès des autorités espagnoles : il résulte de la procédure que les policiers ont pris contact avec leurs homologues espagnols qui leur ont confirmé que M. X... n'était pas titulaire d'un titre de séjour régulier en Espagne ; que dès lors sa réadmission dans ce pays s'avérait impossible et qu'en conséquence les services de la préfecture n'avaient pas à solliciter les autorités espagnoles en vue de la réadmission de M. X... ; que ce moyen de nullité doit être rejeté. SUR LE FOND : la personne retenue dépourvue de tout document d'identité et n'ayant pas déposé de passeport en cours de validité entre les mains des policiers, ne peut bénéficier d'une assignation à résidence. Il est, dès lors, nécessaire d'ordonner la prolongation de la rétention administrative de M. Abdelkrim X... ».
ALORS 1°) QUE dans sa décision 2011-191 QPC du 18 novembre 2011 le Conseil Constitutionnel n'a validé les dispositions de l'article 62 al. 1 du code de procédure pénale que sous réserve que soit notifié à l'intéressé « son droit de quitter à tout moment les locaux de police ou de gendarmerie » ; qu'il ne résulte pas en l'espèce des mentions du procès-verbal du 23 mars 2012 de l'adjudant chef Noël Y...du peloton autoroutier d'Issoire qu'une telle notification ait été faite, la mention selon laquelle l'intéressé « reconnaît n'avoir subi aucune contrainte » étant à cet égard insuffisante ; que l'ordonnance attaqué a donc violé l'article 62 alinéa 1 du code de procédure pénale ;
ALORS 2°) QUE dans ses conclusions d'appel (p. 2) l'exposant soutenait pour la première fois, au vu de l'ordonnance du juge des libertés du 27 mars 2012, que l'audition de l'exposant avait excédé la limite des quatre heures invoquée par l'article 62 du code de procédure pénale, que l'ordonnance d'appel attaquée en disant que les moyens étaient absolument identiques à ceux développés en première instance n'a pas répondu aux conclusions, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS 3°) QU'en ne recherchant pas, en application de l'article L. 552-13 du CESEDA si le dépassement du délai de 4 heures imposé par l'article 62 du code de procédure pénale constaté par l'ordonnance de première instance avait « eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger » condition préalable à l'éventuelle mainlevée du placement en rétention, l'ordonnance attaquée manque de base légale au regard du texte susvisé ;
ALORS 4°) QUE l'article L. 551-2 du CESEDA prévoit que le procureur de la République doit être informé immédiatement de la décision de placement en rétention ; qu'en l'espèce, le procureur de la République n'ayant été informé qu'à 21 h 10 du placement en rétention notifié à 20 h 30, comme le soutenait l'exposant dans ses conclusions d'appel, l'ordonnance attaquée aurait dû rechercher si ce délai de 40 minutes était excessif au vu de l'article L. 551-2 qui exige une notification « immédiate » et si au vu de l'article L. 552-13 il y avait eu « atteinte aux droits » ; que ne l'ayant pas fait, l'ordonnance attaquée manque de base légale au regard de ces deux textes ;
ALORS 5°) QUE l'ordonnance attaquée relève que le procureur de la République avait été informé qu'une décision de placement en rétention allait être prise à l'encontre de l'exposant et en a déduit que tout autre avis était inutile ; qu'un tel motif s'avère triplement erroné et viole les articles L. 552-1 du CESEDA et 62-2 du code de procédure pénale dès lors que l'information due au procureur de la République n'a pas été donnée ; qu'en l'espèce, il n'y a pas eu de garde à vue et donc pas de mainlevée de garde à vue et enfin qu'en toute hypothèse une mainlevée de garde à vue ne saurait avoir pour « conséquence » nécessaire un placement en rétention.