La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/03/2014 | FRANCE | N°13-23945

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 mars 2014, 13-23945


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 32 et 122 du code de procédure civile ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que M. X... a été désigné en qualité de délégué syndical au sein de l'unité économique et sociale constituée de la société Technique de matériel Huiban, de la société Grues levages et investissements et de la société Réunionnaise de transport et de levage 2, par la Fédération CGTR du bâtiment et des travaux publics ; que ces trois sociétés ont saisi

le 15 mai 2013 le tribunal d'instance d'une demande d'annulation de cette désignati...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 32 et 122 du code de procédure civile ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que M. X... a été désigné en qualité de délégué syndical au sein de l'unité économique et sociale constituée de la société Technique de matériel Huiban, de la société Grues levages et investissements et de la société Réunionnaise de transport et de levage 2, par la Fédération CGTR du bâtiment et des travaux publics ; que ces trois sociétés ont saisi le 15 mai 2013 le tribunal d'instance d'une demande d'annulation de cette désignation formée à l'encontre de la Confédération générale du travail de la Réunion (CGTR) ;
Attendu que, pour écarter la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité de la CGTR, le tribunal retient que les statuts déposés le 19 octobre 2005 rappellent clairement que la CGTR regroupe l'ensemble des fédérations, qu'il n'apparaît aucunement que la fédération BTP soit autonome et non affiliée à la CGTR, que les seuls statuts pouvant légitimer une telle thèse et conférer la personnalité morale utile à la mise en cause de la CGTR BTP datent du 21 janvier 2011 (pour la CGTR) et du 7 mars 2010 (pour la fédération CGT BTP), soit postérieurement à la désignation de M. X..., que les requérants ont légitimement fait citer la CGTR qui est la seule entité concernée au moment de la désignation litigieuse et qui aurait pu au cours de la présente instance faire intervenir de manière volontaire ou forcée la CGTR BTP afin que cette dernière démontre l'existence d'une autonomie et d'une personnalité morale au moment de la désignation ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait des pièces de la procédure et de la requête des sociétés composant l'unité économique et sociale que M. X... avait été désigné en qualité de délégué syndical et représentant syndical au comité d'entreprise par la fédération CGTR du bâtiment et des travaux publics et non par la confédération, le tribunal a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 19 juillet 2013, entre les parties, par le tribunal d'instance de Saint-Denis ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Saint-Pierre ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum, la société Technique de matériel Huiban, la société Grues levages et investissements et la société Réunionnaise de transport et de levage 2 à payer au syndicat CGTR et à M. X..., la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mars deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour le syndicat CGTR et M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité de la CGTR.
AUX MOTIFS QUE « selon les requérants, la fédération CGTR BTP aurait dû être appelée à la présente procédure. Or, il apparaît que les statuts produits au soutien de ce moyen invalident une telle allégation. En effet, les statuts déposés le 19 octobre 2005 rappellent clairement que la CGTR regroupe l'ensemble des fédérations. A ce moment, il n'apparaît aucunement que la fédération BTP soit autonome et non affiliée à la CGTR. Les seuls statuts pouvant légitimer une telle thèse et conférer la personnalité morale utile à la mise en cause de la CGTR BTP datent du 21 janvier 2011 (pour la CGTR) et du 7 mars 2010 (pour la fédération CGT BPP), soit postérieurement à la désignation de monsieur X.... Aussi, les requérants ont légitimement fait citer la CGTR qui est la seule entité concernée au moment de la désignation litigieuse et qui aurait pu au cours de la présente instance faire intervenir de manière volontaire ou forcée la CGTR BTP afin que cette dernière démontre l'existence d'une autonomie et d'une personnalité morale au moment de la désignation. La fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité de la CGTR sera donc rejetée. »
1) ALORS QU'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir ; que l'action en contestation de la désignation d'un délégué syndical ou d'un représentant syndical au comité d'entreprise doit être dirigée contre le salarié concerné et l'auteur de la désignation ; qu'en écartant la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité de la CGTR quand il résultait des pièces de la procédure, et notamment de la requête des sociétés composant l'unité économique et sociale, que monsieur X... avait été désigné en qualité de délégué syndical et représentant syndical au comité d'entreprise non pas par la CGTR mais par la fédération CGTR du BTP, le tribunal a violé les articles 32 et 122 du code de procédure civile ;
2) ALORS QU'aux termes de l'article 47- B des statuts de la CGTR déposés le 19 octobre 2005 et le 21 janvier 2011, « chaque organisation confédérée décide de ses statuts dans le respect des présents statuts et de sa dénomination ; elle a, en fonction des règles légales en vigueur, sa personnalité juridique propre » ; qu'en retenant dès lors, pour dire que les sociétés requérantes avaient légitimement fait citer la CGTR seule entité concernée au moment de la désignation litigieuse, que les statuts déposés le 19 octobre 2005 rappellent clairement que la CGTR regroupe l'ensemble des fédérations et qu'il n'apparait aucunement que la fédération BTP soit autonome et non affiliée à la CGTR, le tribunal a dénaturé les termes clairs et précis de ces statuts, en violation de l'article 1134 du code civil ;
3) ALORS QU'un syndicat a une existence légale dès le dépôt de ses statuts en mairie ; que pour dire que la CGTR BTP n'avait pas à être appelée à la procédure, le tribunal a énoncé que les seuls statuts pouvant conférer la personnalité morale utile à sa mise en cause datant du 20 janvier 2011 pour la CGTR et du 7 mars 2010 pour la CGTR BTP, soit postérieurement à la désignation de monsieur X... ; qu'en se déterminant ainsi quand les statuts déposés les 20 janvier 2011 et 7 mars 2010 étaient des statuts modificatifs, ce qui impliquait que la CGTR BTP avait avant cette date la personnalité morale, le tribunal a dénaturé ces écrits et violé l'article 1134 du code civil ;
4) ALORS QUE le tribunal d'instance doit convoquer à l'audience toutes les parties intéressées à la contestation de la désignation d'un délégué syndical ou représentant syndical ; qu'est partie intéressée à l'instance le syndicat auteur de la désignation ; qu'en décidant dès lors que les sociétés requérantes n'avaient légitimement fait citer que la CGTR et que cette dernière aurait pu faire intervenir de manière volontaire ou forcée la CGTR BTP quand il lui appartenait de convoquer à l'audience ce syndicat auteur des désignations contestées, le tribunal a violé l'article R. 2324-25 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR annulé la désignation de monsieur Marcel X... en qualité de délégué syndical et de représentant syndical de la CGTR au comité d'entreprise de l'unité économique et sociale formée par la Sas Société Technique de Matériel Huiban (STEMH), la Sas Société Grues Levages et Investissements (GLI) et la Sas Société Réunionnaise de Transport et de Levage 2 (SRTL 2).

AUX MOTIFS QUE ¿ III-Sur la forclusion et la fraude ¿ selon les dispositions de l'article L. 2143-8 du code du travail, les contestations relatives à la désignation des délégués syndicaux doivent être portées devant le tribunal d'instance dans les quinze jours suivant la désignation, à peine d'irrecevabilité ; qu'il est néanmoins de jurisprudence constante que cette règle ne s'applique pas en matière de fraude dans la désignation d'un représentant de section syndicale qui a pour effet de reporter le point de départ du délai de forclusion prévu à l'article L. 2143-8 du code du travail au jour où l'employeur en a eu connaissance (notamment Cour de cassation, civile, chambre sociale, 27 février 2013, 11-28. 084 pour un exemple récent) ; qu'en l'espèce, l'employeur a, dans le cadre d'une affaire pendante devant la cour d'appel, fait diligenter divers actes pour vérifier si à l'époque de la désignation de monsieur X..., en qualité de délégué et de représentant syndical, la CGTR était représentative ; que suite à une sommation interpellative autorisée par décision du président du tribunal de grande instance en date du 8 avril 2013 et d'une injonction délivrée par la même juridiction le 12 avril 2013, un contrat d'huissier opéré le 30 avril 2013 de manière concomitante dans les locaux de la CGT et de la CGTR a permis de constater que la CGTR n'était aucunement affiliée à la CGT, syndicat reconnu comme représentatif au niveau national ; qu'or, la confusion opérée par la CGTR, l'absence de réponse à la sommation interpellative et l'absence d'affiliation avec la CGT lui a ainsi permis, en connaissance de cause, de se présenter comme une entité représentant à la Réunion les intérêts du syndicat représentatif alors que seul des accords de coopération, l'utilisation de logos communs ou de déclarations communes sont insuffisants pour faire état d'une affiliation dont la CGT réfute toute existence ; qu'ainsi, il y a lieu de considérer qu'une telle confusion entretenue pendant des années (depuis la fin des années 60 ou le début des années 70 selon la CGT), en toute connaissance de cause et permettant à la CGTR et à ses fédérations, dont celle du BTP, de se présenter comme un syndicat affilié à une entité syndicale représentative et ainsi pouvoir désigner des délégués ou représentants syndicaux apparaît comme frauduleuse ; que l'intérêt personnel du salarié n'a à ce titre pas à être caractérisé dès lors que la fraude corrompt tout et que celle-ci se trouve au coeur de la désignation dudit salarié ; qu'enfin, il y aura lieu d'observer que la suspicion de fraude a pu être légitimement entretenue dès lors que la secrétaire syndicale d'une fédération de la CGTR a statué en qualité de président conseiller prud'homal le 19 avril 2012 au profit de monsieur X... et s'est ensuite présentée à ses côtés au cours de la présente instance ; qu'or, le présent litige est susceptible d'avoir une incidence sur la décision actuellement pendante devant la cour d'appel devant statuer sur le jugement auquel a participé ladite conseillère prud'homale et ce, en dépit de l'obligation d'impartialité objective s'appliquant à tout juge professionnel ou non professionnel ; IVSur l'annulation de la désignation ¿ La fraude évoquée précédemment et combinée avec les dispositions applicables avant la loi du 20 août 2008, permet largement de considérer que la désignation de monsieur X... en qualité de délégué syndical et en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise doit être annulée dès lors qu'aucun élément probant ne permet de considérer que la CGTR non affiliée à la CGT était représentative ; qu'au-delà de l'obligation de preuve pesant à ce titre sur les défendeurs, l'application du principe selon lequel la fraude corrompt tout est aussi suffisante pour invalider ladite désignation ; qu'il y aura donc lieu d'annuler celle-ci ;
1) ALORS QUE la fraude susceptible de reporter le point de départ du délai de forclusion de l'article L. 2143-8 du code du travail s'entend de toute désignation inspirée non par l'intérêt de la collectivité mais par l'intérêt strictement personnel du salarié ; qu'en retenant dès lors, pour déclarer recevable l'action intentée le 15 mai 2013 en annulation de la désignation du 3 mars 2008, que la confusion opérée par la CGTR et l'absence d'affiliation à la CGT lui ayant permis de se présenter comme une entité représentant à la Réunion les intérêts du syndicat représentatif caractérisait une fraude, peu important l'intérêt personnel du salarié, le tribunal a violé l'article L. 2143-8 du code du travail ;
2) ALORS QU'il appartient à celui qui allègue le caractère frauduleux de la désignation d'un délégué syndical par un syndicat représentatif d'en rapporter la preuve ; qu'en retenant une « suspicion de fraude » tirée de ce que la secrétaire syndicale de la Fédération de la CGTR qui avait statué en qualité de président conseiller prud'homal dans une autre instance au profit de monsieur X... s'était ensuite « présentée à ses côtés au cours de la présente instance », le tribunal a derechef violé l'article L. 2143-8 du code du travail, ensemble l'article 1315 du code civil ;
3) ALORS QUE la simple référence à un autre litige ne constitue pas l'énoncé de motifs propres à justifier la décision ; que pour dire qu'à l'époque de la désignation de monsieur X..., la CGTR n'était pas affiliée à la CGT et donc non représentative, le tribunal s'est référé aux diligences effectuées par l'employeur dans le cadre d'une autre instance pendante devant la cour d'appel ; qu'en statuant ainsi, le tribunal a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4) ALORS QUE (subsidiairement) tout jugement doit être motivé ; que le juge doit analyser les éléments soumis à son appréciation ; qu'en se bornant à affirmer que « suite à une sommation interpellative autorisée par décision du président du tribunal de grande instance en date du 8 avril 2013 et d'une injonction délivrée par la même juridiction le 12 avril 2013, un constat d'huissier opéré le 30 avril 2013 de manière concomitante dans les locaux de la CGT et de la CGTR a permis de constater que la CGTR n'était aucunement affiliée à la CGT, syndicat reconnu comme représentatif au niveau national », sans préciser le contenu de ces documents, le tribunal a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5) ALORS QU'en refusant de prendre en considération les accords de coopération, l'utilisation de logos communs et les déclarations communes de la CGT et de la CGTR, le tribunal a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-23945
Date de la décision : 26/03/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Saint-Denis de la Réunion, 19 juillet 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 mar. 2014, pourvoi n°13-23945


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.23945
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award