LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. et Mme X... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Citya Lecourtois, la SCP Foucher-Leveque et Lanfranchi, la SCP De Geuser et Tonneau et M. et Mme Y... ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, constaté que M. et Mme X... avaient visité les lieux et fait état dans un courrier du 1er juillet 2002 au cabinet Binard d'une humidité très importante et d'une prolifération de champignons sur les boiseries des bibliothèques de la salle de séjour, que les causes du phénomène avaient été portées à leur connaissance au moyen du devis établi le 2 juillet 2002 par la société Lepine qui faisait clairement allusion à la présence de mérule, que dans un courrier du 9 juillet 2002, ils évoquaient la nécessité d'un traitement efficace exigeant la mise à nu des murs et un démontage des boiseries montrant la conscience qu'ils avaient à cette date de la gravité du désordre, et relevé qu'au moment où ils avaient consenti à la réitération de la vente par acte authentique, ils connaissaient la manifestation du phénomène et l'origine de celui-ci et que son extension n'avait été que la conséquence de leur propre carence ayant consisté à ne pas faire entreprendre les travaux nécessaires, la cour d'appel, qui a pu déduire de ces seuls motifs que M. et Mme X... ne pouvaient se prévaloir de la garantie des vices cachés et qui n'était pas tenue de rechercher si la société Séri Ouest avait la qualité de professionnelle dès lors que cela était sans incidence sur la mise en oeuvre de la garantie, a légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que les époux X... ne pouvaient qu'être conscients de la nécessité de réaliser des travaux urgents et d'importance sur la pièce atteinte de mérules compte tenu de son état visible très dégradé et du risque de propagation, qu'ils ne rapportaient pas la preuve de la teneur précise de la commande et de l'étendue de la mission dévolue à la société Lépine, que l'extension du phénomène d'infestation par la mérule jusqu'à l'été 2003 ne pouvait être la conséquence des insuffisances de traitement relevées dans le devis de 2002 de la société Lépine puisque les époux X... avaient attendu juillet 2003 pour lui demander d'intervenir et lui avaient demandé très rapidement de cesser son intervention et que les seules fautes mises en évidence par l'expert à l'encontre de la société Lépine n'étaient pas à l'origine du préjudice invoqué, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendait inopérante et a pu en déduire que les demandes dirigées contre la société Lépine devaient être rejetées, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. et Mme X... à payer la somme de 2 000 euros à la société Séri Ouest et la somme de 2 000 euros à la société Entreprise Lépine ; rejette la demande de M. et Mme X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Boutet, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement du Tribunal de Grande Instance du HAVRE du 14 avril 2011 ayant débouté Monsieur et Madame X... de l'intégralité de leurs demandes dirigées à l'encontre de la société SERI OUEST et, en conséquence, D'AVOIR débouté les époux X... de leur demande tendant à faire déclarer la société SERI OUEST responsable de leurs préjudices subis en raison du vice caché affectant le bien vendu et de leur demande en paiement de diverses sommes à titre d'indemnisation ;
AUX MOTIFS QU'en vertu de l'article 1642 du Code civil, le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même ; que cette disposition fait obstacle à la possibilité pour les époux X... de se prévaloir de la garantie des vices cachés à l'encontre de la société venderesse ; qu'en effet, si les acheteurs, lors de la visite des lieux faite par eux le 1er juillet 2002 ont pu faire des constatations sans connaître alors les véritables causes du phénomène relevé, celles-ci ont été portées à leur connaissance au moyen du devis établi le 2 juillet 2002 par la société LEPINE ; que comme déjà exposé, ce devis fait clairement allusion à la présence de mérule ; qu'à trois reprises, ce document en fait mention, soit en visant la « présence de mérule dite cari sèche », soit en évoquant par deux fois, le « traitement de la mérule » ; que la télécopie par laquelle le cabinet Binard leur a transmis, le 23 août 2002, le devis de la société LEPINE est lui-même assorti de la précision selon laquelle leur est communiqué le document « concernant le traitement de la mérule » ; qu'ainsi donc, au moment où ils ont consenti à la réitération de la vente par acte authentique opérant transfert de propriété, les époux X... connaissaient non seulement la manifestation du phénomène mais encore l'origine de celui-ci ; que s'ils soutiennent en avoir ignoré l'ampleur, ils se fondent en réalité sur les constatations qui ont été faites postérieurement à la vente et spécialement durant l'été 2003 puis par l'expert judiciaire ; que cependant, cette analyse ne peut être retenue puisque l'extension du phénomène n'a été que la conséquence de leur propre carence ayant consisté à ne pas faire entreprendre les travaux nécessaires ; que c'est en conséquence à juste titre que les premiers juges ont estimé que les appelants ne pouvaient se prévaloir de la garantie des vices cachés à l'encontre de la société SERI OUEST ;
ET AUX MOTIFS DU TRIBUNAL QU'aux termes de l'article 1641 du Code civil, le vice caché est un défaut de la chose qui la rend impropre à l'usage auquel on la destine, ou diminue tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix ; qu'ainsi, sur le fondement de ce texte, il faut donc que les époux X... établissent, tout d'abord, que le vice qu'ils invoquent, inhérent à la chose vendue, ait préexisté à la vente, ait eu un caractère caché et de gravité suffisante pour rendre la chose impropre à l'usage auquel elle était destinée ou à en diminuer tellement cet usage qu'ils ne l'auraient pas acquise ou n'en auraient donné qu'un moindre prix s'ils l'avaient connu, mais il est nécessaire qu'ils démontrent que la société venderesse avait nécessairement eu connaissance des défauts cachés et que, partant elle serait de mauvaise foi ; qu'en tout état de cause en application des dispositions de l'article 1642 du Code civil suivant lesquelles un vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même, il est de principe que le vendeur n'est pas tenu à garantie lorsque l'acheteur a eu connaissance, au moment de la vente, du vice dont la chose vendeur était affectée ; qu'en l'espèce, il est constant au vu des éléments du dossier et des conclusions du rapport d'expertise établi par Monsieur Z... que l'immeuble acquis par les époux X... est atteint par la présence de mérule et que cette atteinte qui préexistait à la vente en affecte la solidité ; que toutefois, il est avéré que les époux X... étaient informés au moment de la vente de la présence de champignons lignivores dans l'immeuble, faisant eux-mêmes état dans un courrier qu'ils ont envoyé le 1er juillet 2002 au Cabinet BINARD d'une humidité très importante et d'une prolifération de champignons sur les boiseries des bibliothèques de la salle de séjour et sollicitant une expertise de ce désordre ; que le courrier du 9 juillet 2002 des époux X... dans lequel ces derniers évoquent la nécessité d'un traitement efficace exigeant la mise à nu des murs et un démontage des boiseries montre la conscience qu'ils avaient à cette date de la gravité du désordre et de la nécessité d'éradiquer ce dernier ; que les époux X... soutiennent que c'est l'ampleur des atteintes de la mérule sur l'ensemble de l'immeuble, souligné par l'expert, et le coût des réparations qu'elle requiert, qui se sont révélés après la vente et qui selon eux leur aurait été caché ; que s'il ne peut être contesté que les époux X... n'avaient pas connaissance avant la conclusion de la vente d'une infestation de la mérule à un stade avancé dans d'autres pièces de l'immeuble, ils ne pouvaient qu'être conscients, bien qu'acquéreurs profanes, de la nécessité de réaliser des travaux urgents et d'importance sur la pièce atteinte de mérule compte tenu de son état visible très dégradé et du risque de propagation ; qu'à l'évidence, au moment de la vente, l'humidité et la présence de champignons sur les boiseries dans l'immeuble étaient déjà un problème majeur, décelable par tout acquéreur accomplissant les diligences normales d'un bon père de famille ; qu'or, les époux X... ont pris la décision de poursuivre le processus d'acquisition de l'immeuble avant que la dépose des éléments de décor prévus dans le cadre du devis établi par l'entreprise LEPINE n'ait permis un diagnostic plus complet des dégâts occasionnés et ce en acceptant le versement d'une indemnité par le vendeur correspondant au montant des travaux du devis LEPINE, gardant la liberté d'exécuter ou non les travaux préconisés et attendant plus d'un an avant de commencer ces derniers, ce qui a indéniablement, comme l'a souligné l'expert, contribué à aggraver les désordres existants ; que par ailleurs les époux X... n'établissent nullement que la société SERI OUEST ayant acquis l'immeuble en octobre 2001 et informée également du devis de la société LEPINE, ait eu connaissance d'autres informations concernant les atteintes de mérules dont ils n'auraient pas été destinataires et leur aurait dissimulé celles-ci ; que dans ces conditions, les époux X... ne peuvent se prévaloir de la garantie des vices cachés à l'encontre de la société SERI OUEST et seront déboutés de leur demande indemnitaire présentée à ce titre ;
ALORS D'UNE PART QUE le caractère apparent ou caché du vice pour l'acheteur s'apprécie au jour de la vente ; qu'en se plaçant au moment de la réitération de la vente par acte authentique opérant transfert de propriété (30 septembre 2002) pour apprécier le caractère apparent du vice pour les acheteurs sans rechercher, comme elle y était expressément invitée (concl. p. 27-28), si la vente n'était pas déjà parfaite à la date du compromis du 19 avril 2002, ce qui résultait d'une de ses stipulations (acte p. 8, § « réalisation »), ce dont il résultait que le vice était nécessairement caché pour les époux X... à cette date, la constatation de la découverte de l'existence du champignon étant postérieure, la Cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1642 du Code civil ;
ALORS D'AUTRE PART QUE, en toute hypothèse, à supposer que la Cour d'appel ait pu se placer au moment de la réitération de la vente par acte authentique (30 septembre 2002) opérant transfert de propriété pour apprécier le caractère caché du vice, celle-ci a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1642 du Code civil en se bornant à relever de manière inopérante pour écarter le moyen tiré du caractère caché du vice en raison de son ampleur, que « l'extension du phénomène n'a été que la conséquence de leur propre carence ayant consisté à ne pas faire entreprendre les travaux nécessaires », quand il s'agissait d'apprécier la connaissance des acheteurs de l'ampleur et des conséquences de l'état de l'infestation par la mérule de l'immeuble au jour de la réitération de la vente au regard des informations qui avaient été portées à leur connaissance à cette date ;
ALORS ENCORE QUE en toute hypothèse, que la Cour d'appel ne pouvait, sans priver derechef son arrêt de base légale au regard de l'article 1642 du Code civil, reprocher aux acheteurs de n'avoir pas entrepris les travaux nécessaires et être ainsi à l'origine de l'extension du phénomène, sans rechercher, comme il lui était demandé (not. p. 37, al. 1-2 ; p. 39, dernier al., p. 41) si leur attention n'avait pas été spécialement attirée sur la nécessité de faire effectuer en urgence les travaux préconisés par l'entreprise LEPINE dont elle constatait par ailleurs qu'ils n'étaient pas susceptibles d'être efficaces ;
ALORS ENFIN QUE le vendeur professionnel étant censé connaître les vices de la chose, prive sa décision de base légale au regard de l'article 1641 du Code civil, la Cour d'appel qui se détermine par motifs adoptés en retenant que les acheteurs devaient démontrer que la société venderesse avait eu connaissance des défauts cachés et d'informations concernant les atteintes de mérules dont les acheteurs n'auraient pas été destinataires et qui leur auraient été cachées, sans rechercher, comme elle y était expressément invitée (concl. p. 26-27), si la société SERI OUEST, vendeur, n'était pas un professionnel.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement du Tribunal de Grande Instance du HAVRE du 14 avril 2011 ayant débouté Monsieur et Madame X... de l'intégralité de leurs demandes dirigées à l'encontre de la société LEPINE et, en conséquence, D'AVOIR débouté les époux X... de leur demande tendant à faire condamner l'entreprise LEPINE en raison des fautes commises à l'occasion de l'établissement de l'expertise sollicitée par l'agence BINARD (aujourd'hui LECOURTOIS) qui ont conduit Monsieur et Madame X... à acquérir le bien alors qu'il était affecté d'un vice caché ;
AUX MOTIFS QU'il a été exposé précédemment que l'expert judiciaire a relevé deux insuffisances dans ce devis en ce que rien n'était prévu pour remplacer les quelques menuiseries suspectes ou au moins pour les rendre étanches et en ce que n'était pas non plus prévu le brûlage des parois ; qu'il y a donc là une faute au sens de l'article 1382 du Code civil ; qu'encore faut-il que, pour que soit retenue la responsabilité délictuelle, un lien de causalité existe entre cette faute et le préjudice allégué ; qu'or si les appelants se plaignent de l'extension du phénomène d'infestation par la mérule jusqu'à l'été 2003, il ne peut être la conséquence des insuffisances de traitement relevées dans le devis de 2002 puisqu'il est constant que les époux X... ont attendu juillet 2003 pour demander à la société LEPINE d'intervenir et qu'ils ont demandé à celle-ci très rapidement de cesser son intervention ; que les seules fautes mises en évidence par l'expert à l'encontre de cette société ne sont pas à l'origine du préjudice invoqué et ni l'expertise ni aucun autre élément du dossier ne font apparaître d'autres manquements qui pourraient être retenus contre elle et qui présenteraient, de surcroît, un lien de causalité avec ce dommage ; que dans ces conditions, le Tribunal a justement considéré que les demandes dirigées contre la société LEPINE ne pouvaient aboutir ;
ALORS QUE prive son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, la Cour d'appel qui ne recherche pas si la société LEPINE, tenue d'une obligation d'information et de conseil à l'occasion de l'établissement d'un devis de traitement d'un immeuble contre la mérule, n'avait pas manqué à cette obligation en n'attirant pas l'attention sur la nécessité d'une expertise plus approfondie et d'un traitement rapide de l'immeuble contre les ravages de ce champignon, ce qui aurait été de nature à alerter les époux X..., néophytes, sur l'urgence à entreprendre les travaux qu'ils ne pouvaient soupçonner en l'état de la seule remise lors de la vente du devis établi par l'entreprise LEPINE ne comportant qu'une simple description des travaux à entreprendre.