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19/03/2014 | FRANCE | N°13-10832

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 mars 2014, 13-10832


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, tel que reproduit en annexe :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 21 novembre 2012), que Mme X..., engagée le 10 septembre 1996 par l'Association d'éducation populaire de l'école Sainte-Marie en qualité de professeur à temps partiel, a été licenciée le 1er avril 2009 pour faute grave ; que la salariée fait grief à l'arrêt de dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
Mais attendu que la cour d'appel qui, effectuant la recherche prétendument omise, a relevé

que le refus de la salariée de signer l'avenant à son contrat de travail é...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, tel que reproduit en annexe :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 21 novembre 2012), que Mme X..., engagée le 10 septembre 1996 par l'Association d'éducation populaire de l'école Sainte-Marie en qualité de professeur à temps partiel, a été licenciée le 1er avril 2009 pour faute grave ; que la salariée fait grief à l'arrêt de dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
Mais attendu que la cour d'appel qui, effectuant la recherche prétendument omise, a relevé que le refus de la salariée de signer l'avenant à son contrat de travail était dénué de fondement et que les accusations contenues dans sa lettre du 17 mars 2009 adressée au directeur de l'établissement, faisant état de méthodes malhonnêtes, de pressions, d'intimidations et de menaces, non démontrées, caractérisaient un abus par la salariée de sa liberté d'expression, a pu en déduire que ces comportements étaient fautifs ; qu'exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, elle a décidé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé et signé par Mme Terrier-Mareuil, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément à l'article 456 du code de procédure civile, en l'audience publique du dix-neuf mars deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme Sylvie X... de sa demande tendant à ce qu'il soit jugé que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et de l'avoir déboutée de ses demandes indemnitaires présentées à ce titre ;
AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement dont les motifs fixent les limites du litige est rédigée en ces termes : « A la suite de l'entretien que nous avons eu le vendredi 27 mars 2009 et au cours duquel un conseiller du salarié vous a assisté, je me vois contraint de vous licencier pour faute grave, sans préavis ni indemnités de rupture, votre contrat prenant fin dès la première présentation de ce courrier à votre domicile. Depuis quelques temps votre comportement s'est dégradé pour arriver à l'inacceptable. Les observations qui ont été faites sont restées sans effet et l'entretien préalable n'a apporté aucun élément nouveau si ce n'est que vous êtes butée, sans autre raison que de créer des conflits artificiels et entretenir une relation dégradée. Les motifs qui m'amènent à rompre votre contrat tiennent aux faits suivants : 1°) Je vous ai indiqué, avec beaucoup de patience, vous expliquant et ré-expliquant, usant de dialogue, ne négligeant pas non plus les réunions, que : d'une part, nous devions appliquer les dispositions d'une convention collective et que, d'autre part, nous devions sortir d'une situation illégale consistant à avoir des contrats de travail à temps partiel verbaux pour une mise en conformité en rédigeant des contrats écrits. Je vous l'ai proposé et remis. Vous refusez de le signer, nous laissant dans l'illégalité et ouvrant le risque d'une requalification en contrat à temps plein par delà des sanctions pénales. Je vous ai demandé pourquoi ? aucune réponse et ce, depuis toujours. En quoi votre statut a changé et en quoi changerait-il ? Là non plus, vous ne fournissez aucune réponse. Quant à votre conseiller du salarié, ou il n'a rien compris ou vous ne lui avez rien dit. Il ne s'agit pas, comme il l'a prétendu lors de l'entretien, de revenir à un contrat de 9 heures ! Nous avons simplement voulu mettre à jour votre contrat et, depuis 2003 jusqu'à ce jour, vous vous y êtes toujours refusée. Vous êtes manifestement de mauvaise foi, ce qui me conduit au deuxième motif de rupture. 2°) Votre refus n'est motivé strictement par rien, si ce n'est par l'esprit de conflit que vous entendez maintenir. Il n'est plus possible, dans ces conditions, de travailler ensemble, même durant la durée d'un préavis. Vous commettez des écrits indignes, inacceptables et attentatoires à ma dignité et à mon honneur :- Le 6 mars dernier, vous co-signez avec vos collègues un courrier, vous plaignant de ce que vos fiches de paie contiennent de « nombreuses anomalies » et me promettez un courrier « ultérieur ». Je vous ai demandé lors de l'entretien de me préciser lesdites « anomalies ». Silence aussi bien de vous que de votre conseiller ;- Comme effectivement vous ne trouvez rien alors pour créer un nouveau conflit, le 17 mars, je reçois un courrier à nouveau co-signé dans lequel vous dites « dénoncer l'illégalité et la malhonnêteté de vos méthodes (pressions instantes, intimidations et menaces) dont vous faites preuve ». Cela n'est ni acceptable, ni tolérable et si le salarié dispose d'un droit d'expression, celui-ci ne peut en aucun cas dégénérer en abus, ce que vous faites. En écrivant cela, vous m'insultez car je ne pratique pas ce « genre de méthodes » et vous ne pouvez le prétendre à aucun titre. Ces correspondances sont d'ailleurs contradictoires avec votre courrier du 9 mars dernier. Pour finir, je soulignerai que, lors du malaise que vous avez eu le matin du 5 mars, vous m'avez dit le jour même que vous vous étiez déjà évanouie à l'Ecole Sainte-Marie, et vous souffriez d'hypertension. Malgré mon invitation à vous reposer, vous avez tenu à faire la classe. Le lendemain, vous avez tenu à me dire que je n'étais pas en cause dans votre malaise, malgré ce qu'en avait dit M. Y...à M. l'Abbé A.... Quant à M. Z..., il m'a tenu les propos suivants le 27 mars : « Suite à vos pressions, Mme X... s'est évanouie ; elle m'a dit avant d'aller en classe qu'elle avait perdu le sommeil, qu'elle avait beaucoup de pressions, beaucoup de tensions ». Dans ces contradictions, qui dois-je croire ? Je fais établir votre certificat de travail, documents sociaux et solde de tout compte. De la même façon vous voudrez bien me restituer les clefs de l'Ecole et les livres qui appartiendraient à l'établissement » ; qu'il est établi que les rapports entre la salariée et l'employeur se sont dégradés au fil du temps et se sont cristallisés notamment sur les incidences de l'accord de branche du 3 avril 2001 (arrêté d'extension du 27 juillet 2002 et accord applicable au 1er janvier 2003) et de la convention collective de l'enseignement privé hors contrat du 27 novembre 2007 ayant fait l'objet d'un arrêté d'extension du 21 août 2008 et rendue applicable au 1er septembre 2008 ; que Mme X... a ainsi refusé de conclure un avenant à son contrat de travail au motif que l'employeur entendait lui imposer des conditions remettant en cause des avantages acquis ; que s'il est établi que l'avenant proposé le 31 janvier 2003 fixait un horaire annuel de cours de 540 heures, soit en moyenne 15 heures hebdomadaires sur 36 semaine, et que l'avenant proposé le 1er janvier 2009 instaurait un horaire de travail annuel de 1150 heures, comprenant 648 heures de cours par an, soit 18 heures par semaine de cours en moyenne (impliquant par là-même une possibilité de répartition de l'emploi du temps sur 36 semaines par an), Mme X... n'était pas fondée à refuser de les signer ; qu'en effet, l'horaire proposé correspondait à celui qu'elle effectuait réellement à chaque époque considérée, et elle ne disposait d'aucun droit acquis inscrit dans son contrat de travail à une répartition de l'horaire de cours sur 34 semaines par an ; que si telle était la pratique auparavant, l'accord de branche de 2001 puis la convention collective qui s'imposaient à l'association d'éducation populaire de l'école Sainte Marie étaient susceptibles de la remettre en cause ; que de surcroît, dans ses divers courriers de protestation, Mme X... évoquait également de nombreux autres griefs qui s'avèrent infondés en l'état du dossier ; que l'abandon de l'indice de la fonction publique au profit d'un « taux horaire plus facile à établir » annoncé par l'employeur dans la lettre du 27 septembre 2001, est contesté par l'association d'éducation populaire de l'école Sainte Marie dans ses écritures pages 17 et 18 ; qu'il n'apparaît pas des pièces versées aux débats que les enseignants de l'école Sainte-Marie n'auraient plus été rémunérés sur la base de la valeur du point de la fonction publique, aucune démonstration n'étant faite sur ce point ; que les bulletins de paie à compter de 2003 portant trace de 45 puis de 54 heures par semaine, résultent effectivement de l'application du lissage annuel du nombre d'heures de cours par application de l'accord de branche étendu de 2001 ; qu'aucun grief ne peut être retenu à ce titre ; que Mme X... ne rapporte aucunement la preuve de l'usage qu'elle invoque (page 10 de ses écritures) selon lequel une heure de cours générait une heure de préparation, de sorte que le grief fait à l'employeur de n'avoir pris en compte qu'une partie des heures induites n'est pas fondé ; qu'alors qu'elle invoque encore la modification résultant d'un emploi du temps sur 36 semaines annuelles au lieu de 34 semaines, l'association d'éducation populaire de l'école Sainte Marie conteste le passage dans son établissement à 36 semaines de cours ; que les pièces du dossier ne révèlent pas la réalité d'un emploi du temps réparti sur 36 semaines annuelles, précision étant faite que la pièce 30-4 de la salariée est matériellement inexploitable pour établir la modification alléguée, de même que la lettre du directeur de l'école du 15 janvier 2009 ; qu'en effet, cette modification ne peut être déduite de la seule date de rentrée des classes fixée au 6 septembre 2009, en l'absence de l'emploi du temps pour l'année scolaire 2009, 2010, étant observé au surplus que la mention manuscrite fait à l'évidence par l'un des trois salariés parties au litige, en commentaire sur cette lettre du 15 janvier 2009, selon laquelle elle serait « la preuve qu'une 35ème semaine allait être imposée en vertu du contrat critiqué » suffit à retenir l'absence de répartition sur 36 semaines par an ; que la modification de l'évolution des points d'ancienneté ne résulte d'aucun élément alors que l'avenant proposé par l'employeur renvoyait au calcul des points d'ancienneté selon l'usage dans l'établissement ; qu'il en est de même des jours fériés chômés alors que l'avenant proposé reconnaissait le bénéfice de neuf jours fériés, quand bien même les pièces du dossier tendent à établir que le 1er mai 2009 a été effectivement travaillé, ce qui pouvait donner lieu le cas échéant à réclamation y compris en justice ; que les courriers échangés entre les parties versés aux débats établissent que les difficultés sont apparues lors de l'entrée en vigueur de l'accord de branche de 2001 et de la convention collective du 27 novembre 2007, alors que les conditions de travail (horaire de cours heures induites, répartition de ces horaires dans l'année ¿) étaient particulièrement imprécises ainsi que l'admet l'une des lettres de l'employeur ; qu'ils établissent aussi qu'à compter de 2007, l'association d'éducation populaire de l'école Sainte Marie a entendu répondre précisément par écrit aux difficultés qui apparaissent aux yeux de trois enseignants dont Mme X... ; qu'ils établissent encore que les lettres du 27 février par laquelle elle s'approprie les termes de la lettre de ses collègues du 13 février précédent, les lettres des 6 et 17 mars 2009, et celles envoyées par un syndicat au soutien de ses intérêts, ne contiennent aucune argumentation sur les anomalies ou irrégularités qu'elles dénoncent ; qu'ainsi, force est de constater que face à des explications écrites précises et détaillées de l'employeur (versées aux débats), Mme X... par ses courriers ou ceux envoyés pour la défense de ses intérêts, invoquant le caractère défavorable des avenants proposés et la remise en cause d'avantages acquis (sans autre précision) a manifesté une opposition frontale, sans prendre le soin d'analyser précisément ses points d'accord et de divergence et sans les argumenter précisément, contribuant ainsi largement à une situation de blocage ; qu'enfin, par lettre du 17 mars 2009, adressée au directeur de l'établissement, Mme X... a dénoncé le comportement de celui-ci en ces termes : « Nous attendons une réponse prochaine à nos récents courriers relatifs à nos fiches de paie arbitrairement modifiées ainsi qu'aux avenants inacceptables que vous avez cherché à nous imposer. Nous dénonçons avec peine l'illégalité et la malhonnêteté de vos méthodes, pressions instantes, intimidations et menaces dont vous faites preuve en contradiction totale avec l'esprit de la loi ayant été inspirée en faveur du salarié, la convention collective nationale de septembre 2008 et l'accord de branche d'avril 2001 » ; que l'accusation de méthodes malhonnêtes, et de surcroît de pressions, d'intimidations et de menaces dont la réalité ne résulte d'aucune des pièces versées aux débats, dépasse le droit d'expression reconnu à tout salarié, dès lors que comme en l'espèce, il dégénère en abus ; que de telles accusations écrites constituent assurément une faute, alors qu'en présence d'un contrat à temps partiel l'employeur était en position délicate faute de contrat écrit précisant la durée et la répartition du temps de travail ; que ces griefs qui pour l'un a perduré jusqu'au déclenchement de la procédure disciplinaire le 19 mars 2009 et pour l'autre qui a été commis le 17 mars 2009 ne sont pas prescrits ; qu'au vu du caractère récurrent du comportement dénoncé, longuement toléré par l'employeur ainsi que celui-ci le reconnaît, les faits n'étaient pas de nature à interdire la présence de la salariée dans l'entreprise même pour la durée limitée du préavis ;
ALORS, D'UNE PART, QUE seuls des propos diffamatoires, injurieux ou excessifs sont susceptibles de justifier le licenciement du salarié qui les a tenus ; qu'en considérant que le licenciement se trouvait justifié par la faute commise par Mme X..., consistant à avoir reproché par écrit à l'employeur des « méthodes malhonnêtes », ainsi que les « pressions, intimidations et menaces » dont elle était l'objet pour l'inciter à signer un nouveau contrat, au motif que « de telles accusations écrites constituent assurément une faute, alors qu'en présence d'un contrat à temps partiel l'employeur était en position délicate faute de contrat écrit précisant la durée et la répartition du temps de travail » (arrêt attaqué, p. 8, alinéas 4 et 5), cependant que l'association d'éducation populaire de l'école Sainte Marie était seule responsable de la « position délicate » évoquée par l'arrêt attaqué, qui ne pouvait dès lors être retenue comme une circonstance à la charge de la salariée, la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-1 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE les juges du fond doivent tenir compte du contexte dans lequel les propos litigieux ont été tenus par le salarié ; qu'en estimant que le licenciement de Mme X... se trouvait justifié par la faute commise par celle-ci ayant consisté à « dépasser le droit d'expression reconnu à tout salarié » (arrêt attaqué, p. 8, alinéa 4), tout en relevant que l'échange de courriers litigieux s'inscrivait dans le cadre d'un climat de confiance dégradé entre la salariée et l'employeur (arrêt attaqué, p. 6, alinéa 2) et en reproduisant les termes de la lettre de licenciement desquels il s'évinçait que l'employeur n'hésitait pas à stigmatiser la « mauvaise foi » de Mme X... et à lui reprocher d'être « butée » (arrêt attaqué, p. 5, alinéas 2 et 5), ce dont il résultait que l'employeur était également dans l'excès, la cour d'appel, qui n'a en définitive pas recherché si les propos tenus par Mme X... ne se trouvaient pas excusés par le ton employé par le directeur de l'association, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-10832
Date de la décision : 19/03/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 21 novembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 mar. 2014, pourvoi n°13-10832


Composition du Tribunal
Président : Mme Terrier-Mareuil (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, Me Le Prado

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.10832
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