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18/03/2014 | FRANCE | N°13-11258

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 mars 2014, 13-11258


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu la loi des 16-24 août 1790, ensemble le principe de la séparation des pouvoirs et l'article L. 2411-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que MM. X..., Y..., Z... et A... ont été recrutés par la société Seath ; que leur contrat de travail a été transféré à compter du 1er novembre 2008 à la société Erctec études, devenue la société Eti environnement, avec laquelle la société Seath a conclu un contrat de location-gérance d'une partie de son fonds de com

merce ; que les salariés ont été élus délégués du personnel ; que la société Eti en...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu la loi des 16-24 août 1790, ensemble le principe de la séparation des pouvoirs et l'article L. 2411-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que MM. X..., Y..., Z... et A... ont été recrutés par la société Seath ; que leur contrat de travail a été transféré à compter du 1er novembre 2008 à la société Erctec études, devenue la société Eti environnement, avec laquelle la société Seath a conclu un contrat de location-gérance d'une partie de son fonds de commerce ; que les salariés ont été élus délégués du personnel ; que la société Eti environnement ayant mis fin par anticipation au contrat de location gérance, les contrats de travail des intéressés ont été transférés à la société Seath à compter du 1er août 2009 ; que celle-ci a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce le 18 septembre 2009, sa liquidation judiciaire étant ensuite prononcée par jugement du 16 octobre 2009 ; que le licenciement pour motif économique des quatre salariés a été autorisé le 19 novembre 2009 par l'inspecteur du travail ; que, sur recours hiérarchique, les décisions de celui-ci ont été annulées le 28 mai 2010 par le ministre chargé du travail, lequel a accordé au mandataire liquidateur les autorisations de licenciement ; que les salariés ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de leur contrat de travail ainsi que des demandes de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur et transfert illégal ;
Attendu que pour débouter les salariés de leur demande en paiement de dommages-intérêts en raison du caractère illicite du transfert de leur contrat de travail intervenu au 1er août 2009, l'arrêt retient, d'une part, que les licenciements ont été autorisés par l'autorité administrative et, d'autre part, que, dans ses décisions, l'inspecteur du travail a évoqué explicitement leur « transfert illégal » dans la société en liquidation et que ce manquement allégué a donc été pris en considération par l'autorité administrative dans le cadre de la procédure d'autorisation, la décision du ministre chargé du travail étant intervenue sur recours hiérarchiques formés contre ces décisions et s'inscrivant dans le cadre de la même procédure ;
Attendu cependant que si, lorsqu'un licenciement a été notifié à la suite d'une autorisation administrative de licenciement, le juge judiciaire ne peut sans violer le principe de la séparation des pouvoirs se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire antérieure formée par le salarié, il reste compétent pour allouer des dommages-intérêts au salarié au titre des fautes commises par l'employeur pendant la période antérieure au licenciement, sous réserve que les manquements invoqués par le salarié n'aient pas été contrôlés par l'autorité administrative dans le cadre de la procédure de licenciement ;
Qu'en se déterminant comme elle l'a fait alors que l'annulation par l'autorité hiérarchique des décisions de l'inspecteur du travail ne laissait rien subsister de celles-ci et que le ministre avait indiqué dans ses décisions autorisant les licenciement des salariés qu'il n'appartenait pas aux autorités administratives de requalifier la relation contractuelle entre les salariés et leur employeur, ce dont il se déduisait que l'autorité administrative n'avait pas contrôlé le bien fondé des allégations quant au caractère illicite du transfert des contrats de travail, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute MM. X..., Y..., Z... et A... de leur demande en paiement de dommages-intérêts pour transfert illégal de leur contrat de travail, l'arrêt rendu le 27 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne M. B..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à MM. X..., Y..., Z... et A..., chacun, la somme de 600 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour MM. X..., Y..., Z... et A....
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les salariés de leurs demandes de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur et à raison du transfert illicite de leur contrat de travail;
AUX MOTIFS QUE en droit, lorsqu'un licenciement a été notifié à la suite d'une autorisation administrative de licenciement accordée à l'employeur, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire formée par le salarié même si sa saisine était antérieure à la rupture ; que s'il reste compétent pour allouer des dommages et intérêts au salarié au titre des fautes commises par l'employeur pendant la période antérieure au licenciement, il ne peut pas faire droit à une telle demande lorsque les manquements invoqués par le salarié ont nécessairement été pris en considération par l'autorité administrative dans le cadre de la procédure d'autorisation ; qu'en l'espèce, le licenciement des salariés appelants a été autorisé par le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique le 28 mai 2010, cette décision étant définitive ; que pour prétendre voir déclarer recevable leur action en résiliation judiciaire, ils invoquent des manquements graves de la société ETI ENVIRONNEMENT, qui n'est pas la personne morale ayant procédé au licenciement et qui ne serait donc pas directement concernée par l'autorisation administrative de licenciement ; que cet argument se heurte au fait que leur licenciement a été, en tout état de cause, validé par l'autorité administrative et que les juridictions judiciaires ne pourraient, en vertu du principe énoncé ci-avant, prononcer la résiliation des contrats concernés sans enfreindre la séparation des pouvoirs ; QUE s'agissant des dommages et intérêts sollicités pour transfert illicite, l'examen de la décision de l'inspectrice du travail du 19 novembre 2009 révèle qu'y est évoqué explicitement le « transfert illégal » de MM. Y..., X..., Z... et A... dans la société en liquidation, à savoir la société SEATH ; que ce manquement allégué a donc été pris en considération par l'autorité administrative dans le cadre de la procédure d'autorisation ; que la décision du ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique est intervenue sur recours hiérarchiques formés contre cette décision, et s'inscrit donc dans le cadre de la même procédure ; que dès lors, les salariés appelants seront déboutés de l'ensemble de leurs demandes, étant précisé que celles-ci ne sont pas pour autant irrecevables ; que la décision déférée sera confirmée en ce que les premiers juges ont dit que le statut protecteur de MM. Y..., X..., Z... et A... n'a pas été violé, mais réformée en ce que leur licenciement a été déclaré sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS éventuellement ADOPTES QUE sur la violation du statut protecteur, les demandeurs, par décision de l'Inspection du Travail du 19 novembre 2009, se sont vus autorisé leur licenciement pour motif économique ; qu'après recours le 18 janvier 2010, le Ministère du Travail annulait les motifs de l'Inspection du Travail, mais autorisait les licenciements au motif qu'il n'existait pas de lien entre la demande d'autorisation de licenciement et les mandats exercés par Messieurs X..., Y..., Z... et A... ; qu'en conséquence, le Conseil ne pourra octroyer d'indemnisation pour violation du statut protecteur, il ne leur sera pas accordé de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur ;
ALORS QUE lorsqu'un licenciement a été notifié à la suite d'une autorisation administrative de licenciement accordée à l'employeur, si le juge judiciaire ne peut apprécier ces fautes lorsque les manquements invoqués par le salarié ont été contrôlés par l'autorité administrative dans le cadre de la procédure de licenciement, il reste compétent pour allouer des dommages-intérêts au salarié au titre des fautes commises par l'employeur pendant la période antérieure au licenciement ; qu'en estimant, pour débouter les salariés de l'ensemble de leurs demandes, que les décisions de l'inspectrice du travail du 19 novembre 2009 évoquent explicitement le transfert illégal de Messieurs Y..., X..., Z... et A... dans la société SEATH en liquidation, et que ce manquement allégué a donc été pris en considération par l'autorité administrative dans le cadre de la procédure d'autorisation puisque la décision du ministre du travail est intervenue sur recours hiérarchiques formés contre cette décision, alors pourtant que par les décisions du 28 mai 2010, le ministre du travail a annulé les décisions de l'inspectrice du travail et a accordé l'autorisation de licencier les salariés en estimant qu'il n'appartenait pas aux autorités administratives de requalifier la relation contractuelle entre les salariés et leur employeur et que la procédure collective concernant l'ensemble des salariés de la société SEATH, il ne pouvait être établi de lien entre la demande d'autorisation de licenciement et les mandats exercés par les salariés, ce dont il s'évinçait que l'autorité administrative n'avait pas apprécié les manquements des sociétés ETI ENVIRONNEMENT et SEATH à l'occasion du transfert des salariés opéré le 1er août 2009 invoqués par les salariés au soutien de l'ensemble de leurs demandes de dommages et intérêts ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le principe de la séparation des pouvoirs par fausse application, ensemble les articles L 2414-1 du code du travail et 1147 du code civil ;
ALORS ENCORE QU'en examinant la violation du statut protecteur des salariés protégés au regard des seuls licenciements opérés en novembre 2009 par le mandataire liquidateur de la société SEATH alors qu'il était allégué une violation du statut protecteur commise en août 2009 à l'occasion du transfert des salariés protégés de la société ETI ENVIRONNEMENT vers la société SEATH sans leur accord et sans l'autorisation de l'inspection du travail, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L 2414-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-11258
Date de la décision : 18/03/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 27 novembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 mar. 2014, pourvoi n°13-11258


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.11258
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